Mme Muguette Dini, rapporteur. Les deux voies doivent être développées !

Mme Françoise Cartron. … favoriser la réflexion sur une société de surconsommation présentée comme une source de bonheur et de réussite à tout prix.

Mais il est vrai que l’information fait cruellement défaut lorsque les premières difficultés financières apparaissent, au moment du « malendettement ». J’ai souvent pu le constater lorsque j’étais maire. Aussi un travail de détection et d’accompagnement modulé en fonction de l’importance des difficultés doit-il être envisagé.

En cas de « redépôt » – qui traduit au final l’échec de la procédure initiale –, la nomination d’un référent social est souhaitable, à la fois pour que le débiteur ait une connaissance plus fine de la procédure dans laquelle il est engagé et pour que soit assuré un suivi budgétaire, afin de parvenir à une maîtrise des dépenses engagées compatible avec le projet de vie.

En conclusion, quelles mesures correctives ou complémentaires entendez-vous mettre en œuvre, monsieur le ministre, afin, d’une part, de prévenir la souscription de crédits dangereux, et, d’autre part, d’améliorer sensiblement le suivi social des débiteurs impliqués dans des procédures lourdes, l’objectif devant bien entendu être de permettre aux ménages concernés de rebondir le plus rapidement et le plus durablement possible ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je m’attacherai à répondre aux interrogations des intervenants et à évoquer les préconisations du rapport de Mme Dini et de Mme Escoffier, devenue ma collègue au Gouvernement, quant à un meilleur encadrement du crédit à la consommation et au traitement des situations de surendettement des particuliers.

En préambule, je tiens à souligner, monsieur Assouline, le rôle particulièrement utile joué par la commission pour le contrôle de l'application des lois que vous présidez : elle permet à la Haute Assemblée d'évaluer le bien-fondé des choix politiques qui ont été faits dans le passé et de vérifier que les lois sont mises en œuvre conformément aux intentions du législateur. Son travail permet en outre de mettre en évidence que, à l'occasion d'une alternance, il est préférable, pour le nouveau gouvernement, de tirer le meilleur de ce qui a pu être mis en place auparavant, plutôt que d’en faire table rase.

En l'occurrence, je m’inspirerai, pour élaborer le texte que je vous soumettrai l’année prochaine, du travail considérable accompli par le Sénat, en matière d’encadrement du crédit à la consommation et du crédit renouvelable et, plus largement, de droit de la consommation, lorsqu’il a amendé, sur de nombreux points, le projet de loi relatif à la consommation préparé par mon prédécesseur.

Mme Archimbaud et M. Le Cam, en particulier, ont évoqué la Banque de France. L’objectif, aujourd'hui, n'est pas de « réduire la voilure » en matière de prise en charge et d'accueil des personnes surendettées, même si les contraintes nouvelles liées au respect de la trajectoire de réduction de nos déficits publics concernent aussi la Banque de France. Les efforts engagés en vue de la dématérialisation des procédures ne doivent pas faire oublier que l'accueil des personnes surendettées reste une priorité, mise en œuvre selon des critères simples : dès lors qu’il y a plus de 1 000 dossiers déposés par an, un guichet doit être maintenu pour recevoir les personnes surendettées. La modernisation des modalités d'action de la Banque de France ne se fera pas au détriment de cette mission fondamentale d'accueil et son périmètre d’intervention demeurera inchangé ; j'aurai l'occasion de revenir sur ce point.

Je veux vous rassurer, monsieur Le Cam, concernant les moyens de la DGCCRF, qui ont été considérablement amoindris par la mise en œuvre de la RGPP, combinée à la réorganisation des services sur le terrain. Nous constatons aujourd'hui que, dans près de 30 % des départements, les services de la DGCCRF comptent moins de neuf agents, et moins de douze dans la moitié d’entre eux. Au regard des missions nouvelles attribuées à la DGCCRF, liées notamment à la transposition d'un certain nombre de textes européens, la polyvalence a objectivement ses limites. Si nous ne voulons pas nous retrouver demain confrontés à de sérieux problèmes en matière de santé publique, qui découleraient directement de la réduction du nombre d’agents sur le terrain et des moyens de cette administration, il convient de ne pas mettre davantage celle-ci à contribution ! C'est pourquoi les effectifs de la DGCCRF seront strictement maintenus dans le projet de loi de finances pour 2013 : il n'y aura pas une seule suppression d'emploi en équivalent temps plein. Le Gouvernement entend ainsi préserver les capacités opérationnelles sur le terrain, conformément aux demandes tant des organisations syndicales que de la direction de cette administration éminente, chargée d’une mission de service public extrêmement importante. On ne peut pas à la fois vouloir accroître la protection des droits des consommateurs et réduire les effectifs de la DGCCRF.

M. Guerriau m'a invité à m’exprimer sur la question des actions de groupe, les class actions « à la française », ce qualificatif marquant une volonté de prendre ses distances avec le modèle américain, qui a surtout enrichi les cabinets d'avocats, sans pour autant se révéler particulièrement efficace en matière de réparation des préjudices subis par les consommateurs.

Lors du conseil des ministres de la semaine dernière, j’ai présenté avec le ministre de l'économie et des finances une communication sur l'ordre public économique, traduisant notre volonté de protéger, dans les relations contractuelles, la partie la plus faible, à savoir le consommateur. Nous estimons qu’il manque, dans le droit français, un instrument de recours susceptible de permettre aux consommateurs, lorsqu'ils subissent un préjudice économique, de mutualiser leurs plaintes, de se rassembler pour obtenir réparation : c’est l'action de groupe à la française. Les présidents Jacques Chirac et Nicolas Sarkozy avaient souhaité mettre en œuvre un tel dispositif, mais n’avaient pu le faire. Nous avons décidé de l’inscrire dans le projet de loi relatif à la consommation que je vous présenterai au premier semestre de 2013 : il en sera l’un des éléments essentiels et permettra de mieux protéger les consommateurs en comblant le « trou dans la raquette » que constitue l’absence, dans notre droit, de voie de recours collectif ex post. Trop souvent, pour l’heure, les consommateurs renoncent à demander réparation pour de petits préjudices, faute d’avoir la possibilité de se regrouper pour intenter une action en justice contre de grandes entreprises.

Mme Taubira, garde des sceaux, M. Moscovici, ministre de l'économie et des finances, et moi-même entendons limiter le champ d'application de ce dispositif à la réparation des préjudices économiques et matériels. En matière de procédure, retiendra-t-on le principe de l’opt in, fondé sur une démarche d’adhésion de chaque consommateur lésé, ou celui de l’opt out, tout consommateur concerné par le préjudice étant automatiquement associé à la procédure, sauf volonté contraire de sa part ? Le champ d'application doit-il être limité aux préjudices économiques, option qui, je ne vous le cache pas, a ma préférence, ou être étendu aux domaines de la santé et de l'environnement ? Faut-il prévoir l’intervention systématique d’associations de consommateurs agréées ? Faut-il, comme je le crois souhaitable, prévoir le filtre du juge ?

Ces points, parmi d’autres, seront débattus avec le Parlement. J'ai d'ores et déjà engagé une concertation avec le Conseil national de la consommation, le CNC, sur cette question de l'action de groupe à la française, qui, au-delà, devra être abordée avec l'ensemble du mouvement consumériste et avec les organisations professionnelles. J'ai signifié à l’Association française des entreprises privées, l’AFEP, au MEDEF et à la CGPME notre volonté d'avancer sur ce dossier. Je connais les résistances et les inquiétudes : nous essayerons de vaincre les premières autant que faire se peut et d’apaiser les secondes. Je souhaite que, en lien avec le mouvement consumériste, nous puissions mettre en place un instrument nouveau de protection des consommateurs, l’objectif étant, bien entendu, non pas de pénaliser l'activité, mais de redistribuer la rente économique quand elle procède de pratiques anticoncurrentielles. Dans une période de tension sur le pouvoir d'achat, cela ne peut qu’avoir un effet positif sur la demande et, partant, l'activité économique.

Voilà où en est notre réflexion sur l'action de groupe. Le projet de loi relatif à la consommation traitera, en outre, des moyens de sanction administrative que nous proposerons de donner à la DGCCRF pour que la répression des infractions ne passe pas forcément par le juge. Il faut élargir la palette des outils à la disposition de cette administration. Nous souhaitons comme vous, madame la rapporteur, que ses agents puissent à l’avenir intervenir en tant que clients « mystères », sans être obligés de notifier leur qualité lorsqu'ils viennent vérifier la bonne mise en œuvre de la loi. Le projet de loi abordera aussi la question des indications géographiques pour les produits manufacturés, à la suite de l’affaire des couteaux Laguiole, et comportera nombre d’autres dispositions, relatives en particulier aux clauses abusives dans les contrats.

En tout état de cause, ce texte s’inspirera, pour l'essentiel de son contenu, des travaux que vous avez menés ces dernières années. Concernant l'action de groupe, je souhaite qu’un consensus puisse se dégager : sur ce sujet, il est à mes yeux essentiel d’avancer en bonne intelligence avec les représentants des entreprises et ceux des consommateurs.

Je coprésiderai avec le ministre de l'économie et des finances, dans le cadre de la Conférence nationale contre la pauvreté et pour l'inclusion sociale, une table ronde sur l’inclusion bancaire et la lutte contre le surendettement. Un groupe de travail présidé par François Soulage, le président du Secours catholique, prépare d'ores et déjà cette table ronde. Ces travaux, tout comme votre rapport, madame Dini, nourrissent ma réflexion et celle de Pierre Moscovici, qui déposera prochainement un projet de loi bancaire reprenant un certain nombre de vos propositions en matière de lutte contre le surendettement.

Le crédit à la consommation n’est évidemment pas un produit marginal, comme l’a notamment rappelé M. Fouché, puisqu’il concerne plus de 8 millions de ménages, soit un ménage sur trois, et représente 150 milliards d'euros d'encours. Il joue un rôle important dans l'économie française, puisqu'il permet à bon nombre de ménages de s'équiper et de réaliser certaines dépenses en temps opportun. Incontestablement, il soutient la consommation à un moment où les trois moteurs de la croissance sont sérieusement grippés, voire éteints.

Le premier de ces moteurs est celui des exportations : il est inutile de revenir sur la situation de déficit de la balance commerciale de notre pays.

Le deuxième, celui des investissements, est affecté, en particulier, par la restriction des marges des entreprises en période de crise.

Le troisième, enfin, celui de la consommation, connaît un coup de froid depuis le dernier trimestre de 2011, confirmé au cours de l'année 2012. Nous avons notamment pu constater une contraction du revenu arbitral disponible des ménages, c'est-à-dire de leur capacité à consommer une fois acquittées les factures incompressibles. Cette contraction du revenu arbitral implique une diminution du pouvoir d'achat des ménages.

Cela dit, si l’intérêt économique du crédit à la consommation n’est pas contestable, sa problématique ne se résume à sa dimension macroéconomique, car elle recouvre une autre réalité, celle du surendettement. En effet, plusieurs d’entre vous l’ont rappelé, dans les dossiers de surendettement, on trouve toujours plusieurs crédits à la consommation, et souvent plusieurs crédits renouvelables.

Comment faire en sorte que la loi Lagarde soit mieux appliquée ? Comment encadrer de manière beaucoup plus efficace le crédit revolving ? Comment lutter plus efficacement contre le drame du surendettement, qui précipite parfois des familles entières dans des situations sociales inextricables et, dans les cas les plus tragiques, peut pousser au suicide ?

Notre responsabilité est donc à la fois économique et sociale : nous devons lutter contre le surendettement, parce qu’il conduit à des drames humains et sociaux, et, dans le même temps, préserver la capacité de notre économie à garantir un niveau de consommation suffisant pour maintenir la croissance à un taux acceptable. C’est en fonction de cet équilibre que s’oriente le travail du Gouvernement pour apporter des réponses à la question de l’encadrement du crédit à la consommation et à celle de la lutte contre le surendettement des ménages.

Madame Dini, j’en viens maintenant plus précisément aux propositions que Mme Escoffier et vous-même avez formulées dans votre rapport.

Vous avez estimé que la loi de 2010 était une réforme ambitieuse mais inachevée. À bien des égards, le Gouvernement partage votre avis. Je n’oublie pas que le caractère ambitieux de cette réforme tient aussi au travail accompli par le Parlement, notamment le Sénat, qui a permis de « muscler » la rédaction initiale du texte.

Comme vous, nous pensons que l’interprétation restrictive que les professionnels font aujourd'hui de la loi n’a pas permis que la distribution du crédit à la consommation devienne aussi responsable qu’elle devrait l’être.

Néanmoins, la réforme a objectivement produit des effets positifs sur le terrain et permis d’atteindre un certain nombre d’objectifs.

Ainsi, le fait que le paiement au comptant soit désormais l’option par défaut a eu une incidence directe sur le nombre des transactions à crédit, qui a été divisé par plus de trois entre 2007 et 2012.

Par ailleurs, les prix du crédit baissent. Le taux d’intérêt moyen applicable a ainsi diminué de 15,41 % à 14,9 % pour le crédit renouvelable. Cette évolution peut être jugée trop modeste, mais elle représente néanmoins un effet positif de la loi Lagarde.

Enfin, l’application de la nouvelle règle de l’amortissement minimum a eu une incidence immédiate, l’accélération du remboursement des crédits renouvelables en réduisant automatiquement le coût pour les consommateurs.

Toutefois, toutes les pratiques ne sont pas encore totalement responsables, et j’ai constaté comme vous que certains professionnels font de la loi une interprétation restrictive.

Tout d’abord, l’alternative entre crédit amortissable et crédit renouvelable n’est pas toujours effectivement présentée, ce qui explique que les consommateurs souscrivent des crédits renouvelables dans neuf cas sur dix. Les conditions d’information des consommateurs sur l’alternative entre crédit amortissable et crédit renouvelable doivent donc sans aucun doute être revues.

En outre, les contrats sont devenus tellement volumineux qu’ils manquent souvent de lisibilité. Si l’allongement considérable de la durée des entretiens commerciaux – à hauteur de 60 % en magasin – est, dans l’absolu, a priori positif, il peut cependant s’avérer lourd et fastidieux, sans que le consommateur soit pour autant forcément mieux informé qu’il ne l’était auparavant.

Enfin, la fiche de dialogue qui recense les ressources et les charges du consommateur avant l’octroi du prêt est largement déclarative. Or un certain nombre de consommateurs mentent et contractent de ce fait le crédit « de trop ». Pour notre part, nous estimons que la responsabilité de la souscription de ce dernier doit incomber davantage au professionnel qu’au consommateur. Il y a des progrès à faire dans ce domaine, et nous réfléchissons à la mise en œuvre d’un registre national du crédit, ce fameux fichier positif qui, s’il ne fait nulle part l’unanimité, a des partisans partout ! Nous essaierons donc de construire la réponse la plus vertueuse possible, dans l’intérêt du consommateur, sans pour autant oublier celui des établissements de crédit, de manière à prévenir l’apparition de ces situations de surendettement qui minent des dizaines de milliers de familles françaises.

La réforme produit également certains effets structurels, qui se traduisent par un repositionnement du crédit renouvelable, conformément à l’un des principaux objectifs de la loi Lagarde.

Ainsi, à la fin de mars 2012, les encours de crédit à la consommation étaient en baisse de 1,3 % sur un an : ceux des prêts personnels connaissant parallèlement une hausse, cela signifie que cette baisse repose largement sur un recul du crédit renouvelable, ce qui est un point positif.

Le crédit renouvelable se recentre sur les prêts de faible montant, conformément à sa vocation. En outre, les durées de remboursement diminuent, les taux baissent, fût-ce modestement, et le nombre de clôtures de contrat a fortement augmenté.

Ces effets poussent les établissements spécialisés dans le crédit à la consommation à revoir leur modèle économique. Leurs représentants, que j’ai reçus, ont invoqué les menaces que ferait peser sur eux un encadrement trop strict du crédit renouvelable. Je n’ignore pas que les établissements de crédit qui proposent des produits de crédit renouvelable ont pour objectif de gagner de l’argent, mais je souhaite qu’ils en gagnent moins au détriment de consommateurs mal informés, éventuellement mal avisés, mais aussi parfois quelque peu abusés par des pratiques de démarchage assez agressives, entretenant délibérément une confusion entre cartes de fidélité et crédit renouvelable, par exemple, et par une information ne leur permettant pas forcément de faire le choix le plus approprié.

Nous devrons donc travailler ensemble à améliorer l’encadrement du crédit renouvelable au bénéfice des consommateurs, sans provoquer un tarissement du crédit à la consommation ni fragiliser ce secteur économique.

Le Sénat estime que la loi a été interprétée de façon trop restrictive et qu’il est donc nécessaire d’aller aujourd'hui plus loin que ne l’avait initialement souhaité le législateur, afin de renforcer encore la protection du consommateur.

Du rapport sénatorial, je retiens trois propositions principales : le découplage des cartes de paiement et de fidélité, d’ores et déjà pratiqué par les établissements de crédit et plusieurs grandes enseignes ; l’interdiction du démarchage commercial pour le crédit renouvelable ; la possibilité, pour les agents de la DGCCRF, d’effectuer des contrôles « mystères » auprès des forces de vente des établissements de crédit, sans avoir à notifier leur qualité.

Le rapport de la commission pour le contrôle de l’application des lois contient également des propositions complémentaires.

S’agissant des justificatifs permettant d’évaluer la solvabilité de l’emprunteur, prévoir la remise des trois derniers relevés de compte bancaire me semble quelque peu excessif. De surcroît, l’établissement de crédit se verrait ainsi transmettre des informations très étendues sur les dépenses de son client. Il serait à mon avis préférable d’instaurer un registre national du crédit, afin d’éviter une telle « mise à nu » du consommateur ; nous aurons l’occasion d’en débattre.

En ce qui concerne l’interdiction de la rémunération des vendeurs liée au placement d’un crédit ou l’interdiction des rabais liés à l’acceptation d’une offre de crédit, il s’agit là, me semble-t-il, de propositions intéressantes.

Les constats posés par le Comité consultatif du secteur financier dans l’étude d’impact qu’il a publiée à l’occasion du premier anniversaire de l’entrée en vigueur de la loi rejoignent en partie ceux du Sénat.

Cette étude met l’accent sur trois points.

En premier lieu, elle évoque la possibilité ou l’obligation, pour le prêteur, de proposer un crédit amortissable à la place du crédit renouvelable pour un montant supérieur à un seuil qui a été fixé par décret à 1 000 euros.

En deuxième lieu, elle souligne que la nature juridique des formules dites « N fois sans frais », notamment des formules « gratuites », dont les frais sont pris en charge par le prêteur lors de la première utilisation, mais pas lors des utilisations suivantes, n’apparaît pas clairement dans les dépliants disponibles, ce qui peut être source de confusion pour le consommateur.

En troisième lieu, le Comité consultatif du secteur financier propose que soit engagée une réflexion sur les cartes de fidélité et de crédit, en particulier sur la définition de la notion de fidélité, qui ne figure pas dans la loi et peut recouvrir des réalités différentes d’une enseigne à une autre, en particulier en ouvrant droit à des avantages non pécuniaires. La loi de 2010 avait déjà délié l’octroi d’avantages commerciaux du mode de paiement – comptant ou à crédit –, mais il faudra sans doute progresser encore sur ce point.

Il convient aujourd’hui de considérer tous les instruments à la disposition du Gouvernement pour renforcer la protection du consommateur dans ce domaine et, surtout, d’étudier le moyen le plus efficace en vue de parvenir à concilier l’utilisation du crédit à la consommation, qui se justifie sur le plan économique, et la nécessaire prévention du surendettement, afin de protéger les publics les plus vulnérables.

Concernant le volet relatif au surendettement de la loi Lagarde, celle-ci a rendu la procédure plus fluide, sans atteindre, selon vous, l’objectif de prévention visé.

Comme vous le soulignez, la loi a amélioré la fluidité des procédures, notamment en permettant aux commissions de surendettement d’imposer des mesures, par exemple en matière de rééchelonnement du paiement des dettes, sans intervention du juge.

Surtout, la loi Lagarde a créé la procédure de rétablissement personnel sans liquidation judiciaire, qui débouche sur l’effacement des dettes du débiteur.

Enfin, elle a renforcé la protection des débiteurs sur plusieurs aspects. Ainsi, les voies d’exécution sont automatiquement suspendues dès que la recevabilité du dossier de surendettement a été reconnue, ce qui est très important. La commission peut saisir le juge pour prononcer la suspension des procédures d’expulsion du logement. En outre, afin de favoriser le rebond des personnes surendettées, la durée maximale des plans et des mesures de surendettement a été réduite de dix à huit ans et celle de l’inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers a été limitée à cinq ans.

Cependant, la loi n’a malheureusement pas réussi à infléchir la tendance à l’augmentation du nombre des dépôts de dossiers de surendettement : 232 493 dossiers ont ainsi été déposés en 2011. Le stock de dossiers en attente est par ailleurs extrêmement important et l’inflexion à la baisse enregistrée l’année dernière doit encore se confirmer sur les derniers mois. En tout état de cause, cette situation reflète la période de crise que nous traversons : les ménages ont davantage recouru au crédit à la consommation quand leurs revenus ne leur permettaient plus de couvrir des dépenses incompressibles, le cas le plus préoccupant étant celui des emprunteurs qui souscrivent un crédit à la consommation pour en rembourser un autre… Une telle course à la trésorerie marque l’entrée dans la spirale du surendettement. Nous voulons lutter contre de telles dérives.

Toutefois, comme il est souligné dans votre rapport, madame Dini, l’augmentation du nombre de dossiers n’est pas due à l’échec de l’application de la loi en termes de prévention, les dossiers déposés aujourd’hui ne contenant que peu de crédits à la consommation contractés après l’entrée en vigueur de celle-ci. Cela ne doit cependant pas nous empêcher de réfléchir à la manière d’améliorer les moyens de la lutte contre le surendettement.

Le Sénat propose trois axes de réforme : des aménagements de la procédure, une amélioration de l’articulation avec les procédures en matière de logement, l’engagement d’un effort en matière d’accompagnement des personnes surendettées et de prévention du surendettement. Je soutiens ces propositions.

Ainsi, en ce qui concerne l’aménagement de la procédure, je suis favorable à l’avancement de la date d’arrêté définitif du passif au moment de la décision de recevabilité, le mécanisme actuel étant lourd à gérer et défavorable aux personnes surendettées.

Permettre aux commissions de se dispenser d’élaborer un plan amiable quand la recherche d’un accord est vouée à l’échec, afin d’accélérer la procédure, me semble également positif.

Je suis en revanche plus réservé sur d’autres préconisations du Sénat, notamment l’allongement à dix-huit mois de la durée maximale de suspension des procédures d’exécution après la déclaration de recevabilité. Compte tenu de la durée de certaines procédures, il peut effectivement s’écouler plus d’un an entre la déclaration de recevabilité et la mise en place des mesures de traitement. Il me semble préférable de prévoir que les procédures d’exécution soient suspendues jusqu’à cette dernière.

Je suis également réservé quant à l’alignement de la durée d’inscription au fichier national des incidents de remboursement des crédits aux particuliers sur la durée des mesures de traitement, soit huit ans. Je pense que la radiation anticipée du FICP au bout de cinq ans, prévue par la loi Lagarde afin de faciliter le rebond des personnes surendettées, n’entraîne pas automatiquement la possibilité de souscrire un nouveau crédit, une telle souscription demeurant conditionnée à l’autorisation de la commission pendant toute la durée des mesures de traitement. Revenir sur cette possibilité de radiation anticipée serait à mon sens défavorable aux personnes surendettées.

Une meilleure articulation de la procédure de traitement du surendettement avec les procédures en matière de logement est nécessaire. Il s’agit là d’une vraie difficulté, qui n’avait pas été anticipée jusqu’alors.

Enfin, la mise en place de véritables mesures de prévention du surendettement et d’accompagnement social des personnes surendettées est une priorité retenue par le Gouvernement.

Je conclurai mon intervention en abordant la question du fichier positif, le registre national des crédits.

Comme vous le savez, un comité de préfiguration d’un tel répertoire a été mis en œuvre à la suite du vote de la loi Lagarde. Du rapport qu’il a remis le 2 août 2011, comme d’ailleurs des différentes consultations auxquelles j’ai procédé, je retiens plusieurs choses.

Tout d’abord, comme vous l’avez souligné, un tel répertoire serait une source supplémentaire de renseignements sur la solvabilité des emprunteurs. En ce sens, il constituerait pour le consommateur une protection de plus contre la souscription du crédit « de trop ».

À cet égard, comme l’a rappelé François Hollande lors de sa campagne pour l’élection présidentielle, il importe « de responsabiliser le banquier pour qu’il n’accorde pas les crédits alors que la personne ne pourra plus les rembourser et aussi de maîtriser la situation de la personne endettée pour intervenir au bon moment ». Cet équilibre est essentiel car, comme vous le savez, 78 % des ménages surendettés ont contracté plus de huit crédits différents, et 52 % plus de dix !

Enfin, la création d’un tel répertoire constituerait un pas vers une plus grande responsabilisation des prêteurs. Je rappelle que ce registre existe dans une très grande majorité de pays développés.

Pour autant, il convient d’approfondir la réflexion. C’est la raison pour laquelle j’ai souhaité que la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, soit saisie de toute mesure qui pourrait, dans le cadre de la mise en œuvre d’un tel registre, attenter aux libertés fondamentales, la CNIL tranchant en dernier ressort.

La question du coût sera évidemment importante. Les évaluations méritent d’être précisées, car elles varient fortement, entre 40 millions et 500 millions d’euros. Les hypothèses apparaissent suffisamment élastiques pour que l’on puisse espérer trouver un juste milieu, en deçà de 500 millions d’euros.

La question du choix technique de l’identifiant, entre le numéro NIR d’inscription au répertoire des personnes physiques et celui du fichier des comptes bancaires, se pose également. Elle n’est pas neutre, je le sais bien ! Il nous reste du travail à accomplir ensemble, en liaison avec le mouvement consumériste et les professionnels. Les consultations auront lieu d’ici à la fin de l’année, de façon que le Gouvernement puisse être prêt à proposer, le cas échéant, que le registre national du crédit soit retenu parmi les instruments de lutte contre le surendettement.

Sur toutes ces questions, le Gouvernement vous fera des propositions au travers du projet de loi bancaire que vous présentera Pierre Moscovici et du projet de loi relatif à la consommation que je vous soumettrai.

Quoi qu’il en soit, je puis vous assurer que le travail que vous avez accompli sera extrêmement utile au Gouvernement pour améliorer la protection des consommateurs et concevoir un ordre public économique qui leur soit plus favorable. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)