M. le président. La parole est à M. Christian Namy.

M. Christian Namy. Madame la ministre, je vous remercie de vos propos. Je note que, le ministre de la défense ne pouvant être parmi nous, vous l’avez représenté, mais j’observe aussi qu’il ne répond même pas aux courriers que, élus nationaux de toutes sensibilités politiques, nous lui adressons.

Je ne peux pas non plus dire que je suis pleinement satisfait de votre réponse.

En ce moment même, le maire – socialiste – de Commercy manifeste devant l’Élysée avec l’ensemble des élus locaux pour faire savoir à quel point il est insatisfait des mesures qui sont prises actuellement.

En fait, tout le monde reconnaît l’effort accompli par le Gouvernement, par les gouvernements successifs. Je rappelle toutefois, et c’est là le vrai sujet de contentieux entre nous et l’État actuellement, que le précédent président de la République – et je considère que, en République, quand un président prend une décision le président suivant doit la tenir – s’était engagé à ce que la disparition du 8e RA n’intervienne que dès lors que les emplois seraient effectivement créés sur place. Or, actuellement, il ne s’agit que de propositions de créations d’emploi.

Certes, l’implantation de l’usine Safran représente un formidable investissement, auquel mon département contribue d'ailleurs largement, avec l’aide de la région Lorraine, mais la décision prise par le ministre de fermer purement et simplement le 8e RA n’en est pas moins incompatible avec les engagements pris antérieurement.

Je vous demande donc simplement, madame la ministre, d’insister auprès de M. le ministre de la défense et de lui dire qu’il y a peut-être d’autres solutions.

D’une part, puisque nous sommes en train d’établir le Livre blanc, nous aurions peut-être pu attendre que celui-ci soit achevé pour savoir quelles étaient les conséquences effectives sur le terrain.

D’autre part, vous avez parlé, avec raison, du contrat de développement économique, mais, et c’est là la difficulté, ce contrat s’applique dans des conditions strictes et draconiennes et il n’a pas l’ampleur que nous souhaitions.

difficulté d'application du décret du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d'attribution de l'allocation aux adultes handicapés

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou, en remplacement de M. Rachel Mazuir, auteur de la question n° 44, transmise à Mme la ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion.

M. Jacques Berthou. Madame la ministre, permettez-moi tout d’abord de vous présenter les excuses de mon collègue Rachel Mazuir, qui est retenu dans l’Ain.

Il a souhaité interroger le Gouvernement sur les difficultés d’application du décret du 16 août 2011 relatif aux nouvelles règles d’attribution de l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH. Ce texte précise – enfin – les conditions d’attribution de l’AAH : le demandeur doit être atteint d’un taux d’incapacité permanent d’au moins 80 % ou compris entre 50 % et 79 % et « avoir une restriction substantielle et durable d’accès à un emploi, compte tenu du handicap ».

Or cette définition de la notion de « restriction substantielle et durable d’accès à l’emploi » est trop restreinte.

Auparavant, en effet, chaque MDPH, ou maison départementale des personnes handicapées, disposait d’une certaine marge de manœuvre pour apprécier cette notion chez les personnes présentant un taux d’incapacité compris entre 50 % et 79 %.

Désormais, seul le handicap, sous son aspect médical, sera pris en compte.

En outre, ce décret modifie la durée d’attribution de l’AAH. Jusqu’à présent, elle était accordée pour une période d’un à cinq ans, quel que soit le taux d’incapacité du bénéficiaire. Or, dans certaines situations, principalement pour les personnes handicapées qui travaillent et ont été orientées en établissements et services d’aide par le travail, la restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi est définitive.

Le fait que l’AAH ne puisse être accordée que pour deux ans maximum alors que l’orientation médicosociale en ESAT est acquise pour cinq ans provoquera une augmentation très sensible du nombre de dossiers à traiter pour les MDPH : les personnes concernées devront en effet constituer régulièrement un nouveau dossier pour pouvoir continuer de prétendre à l’AAH.

Cette situation augmente les risques de rupture des droits pour les usagers, qui seront donc relancés par les MDPH six mois avant l’expiration du délai des deux ans, ce qui entraînera une surcharge de travail et des frais supplémentaires importants.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il serait souhaitable que le Gouvernement puisse revenir sur les dispositions arrêtées dans ce décret et porter de nouveau à cinq ans la durée d’attribution de l’AAH.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, ne doutant pas que vous me remplacerez avantageusement, je vous charge de transmettre mes propos à votre collègue Rachel Mazuir.

En 2010 et 2011, la Direction générale de la cohésion sociale a développé une importante concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées. Cette concertation a débouché, en août 2011, sur la publication d’un décret précisant les critères permettant de reconnaître une « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », notion introduite par la loi de finances pour 2007.

Le décret précise la notion de « restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi », condition nécessaire, vous l’avez rappelé, de l’attribution de l’allocation aux adultes handicapés pour les demandeurs dont le taux d’incapacité reconnu par la MDPH est égal ou supérieur à 50 % mais inférieur à 80 %.

Ce texte rappelle que la restriction substantielle et durable peut être évolutive en fonction de nombreux facteurs, propres à la situation du demandeur, médicaux notamment, ou extérieurs à celle-ci, comme les moyens de compensation du handicap.

Par ailleurs, la circulaire qui l’accompagne a permis de diffuser un outil concret d’aide à la décision, qui est aujourd’hui partagé et reconnu par l’ensemble des membres des CDAPH, les commissions des droits et de l’autonomie des personnes handicapées, de nombreuses MDPH.

Vous regrettez que cette définition limite les marges de manœuvre des MDPH. Cependant, la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et plusieurs institutions de contrôle, comme l’Inspection générale des affaires sociales ou la Cour des comptes, ont pu constater des disparités territoriales en matière d’attribution de l’AAH par les CDAPH. À ce propos, la CNSA, dans un rapport de juillet 2009, a conclu que, une fois gommées les différences socioéconomiques et démographiques entre départements, environ un tiers des écarts demeurent inexpliqués.

On peut donc conclure, en effet, à des différences de pratiques d’instruction ou d’interprétation des textes selon les territoires. Les écarts d’attribution peuvent ainsi varier d’un à quatre en ce qui concerne les taux d’accord par rapport aux demandes d’AAH déposées.

La plus grande fréquence d’examen des situations individuelles doit permettre de réduire ces écarts, donc d’améliorer l’égalité de traitement devant une prestation décisive pour la qualité de vie des personnes concernées.

Vous rappelez en outre que le décret d’août 2011 fixe une durée d’attribution de l’AAH comprise entre un et deux ans, contre cinq ans auparavant. Cette modification normative a pu entraîner localement une augmentation de la charge de travail des MDPH, mais elle est la conséquence directe des constats effectués par les maisons départementales elles-mêmes.

Il faut en effet rappeler que, selon les chiffres de la CNSA publiés en 2012, les demandes d’AAH ne représentaient que 16,5 % des demandes formulées par des adultes en situation de handicap, étant entendu qu’un nombre important de demandes reçues en MDPH concerne des enfants. En outre, on a constaté dans un nombre important de départements que la durée moyenne d’attribution de l’AHH au titre de l’article L. 821-2 du code de la sécurité sociale avant la réforme était seulement très légèrement supérieure à deux ans.

D’une manière générale, l’intérêt de la réforme réside dans la possibilité laissée aux CDAPH d’évaluer beaucoup plus fréquemment la situation de la personne. Cela permet d’adapter en conséquence les mesures d’accompagnement socioprofessionnel prises par la commission et par ses partenaires du service public de l’emploi de manière à éviter tout risque d’exclusion durable du monde du travail. Le principe d’une évaluation plus fréquente de l’employabilité des personnes handicapées est donc en soi bénéfique, y compris pour les bénéficiaires de l’AAH orientés en ESAT.

Enfin, la durée d’orientation en ESAT, de cinq ans maximum, n’est pas conditionnée par l’octroi de l’AHH, les deux décisions étant de nature différente.

Les services déconcentrés de la cohésion sociale et les équipes pluridisciplinaires des MDPH ont été formés parallèlement par la Direction générale de la cohésion sociale et par la CNSA, entre octobre 2011 et mars 2012, sur les conséquences de l’évolution normative de l’AAH, en particulier sur la notion de restriction substantielle et durable pour l’accès à l’emploi.

À ce jour, le bilan est positif et des échanges fructueux ont pu s’établir entre les services de l’État et les MDPH afin de parvenir à une connaissance partagée et une approche commune de la restriction substantielle et durable dans une très grande majorité de départements.

Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement n’entend donc pas revenir sur les dispositions du décret du 16 août 2011, qui avaient fait l’objet, bien sûr, de nombreuses contestations, mais aussi d’une véritable concertation avec l’ensemble des associations de personnes handicapées.

Naturellement, le Gouvernement reste attentif aux éventuelles difficultés que pourrait poser son application, et je serai moi-même particulièrement vigilante.

M. le président. La parole est à M. Jacques Berthou.

M. Jacques Berthou. Madame la ministre, je vous remercie de ces nombreuses précisions. En effet, l’interprétation de ces dispositions par les MDPH pouvait aboutir à des inégalités selon les départements. Nous sommes assurés aujourd’hui de votre vigilance à faire en sorte qu’il y ait moins d’interprétations différentes et que les décrets soient plus précis.

Vous le savez, les conseils généraux rencontrent beaucoup de difficultés et toute entrave supplémentaire ne fait qu’accroître la charge de travail quotidienne. Or les MDPH ont de moins en moins de moyens pour assurer leurs missions. Les outils mis à leur disposition sont limités.

Dans l’Ain, par exemple, la MDPH a perdu le dispositif Appui projet, mis en place par l’Association de gestion du fonds pour l’insertion professionnelle des personnes handicapées, l’AGEFIPH, afin d’examiner les capacités de travail et la mise en situation professionnelle. Désormais, seuls les services de Pôle emploi, Cap emploi ou les missions locales pourront les mobiliser, alors même que ces services sont très limités et souvent surchargés.

Les personnes handicapées à la recherche d’un travail seront encore plus touchées et ne pourront plus bénéficier d’un suivi rapproché de leurs demandes d’emploi. Il s’agit pourtant des principales victimes du chômage, celles qui auraient justement besoin de plus de soutien dans leurs démarches.

Il faut donc faire en sorte, madame la ministre, que tous les moyens nécessaires soient accordés afin de faciliter la tâche des MDPH et des conseils généraux.

devenir des anciens bénéficiaires de l'allocation équivalent retraite

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin, auteur de la question n° 119, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Martial Bourquin. Madame la ministre, en 2007 et en 2008, des milliers de personnes ont quitté leur emploi en pleine tourmente économique, pensant ainsi sauver leur entreprise et laisser leur place à de plus jeunes.

Elles sont parties parce qu’elles avaient la certitude de toucher l’allocation équivalent retraite, l’AER, en relais de leur allocation chômage, dans l’attente de la retraite.

Elles ont été trompées par leur entreprise et par les administrations, qui ont validé les plans de départ dits « volontaires » en ne leur indiquant pas que l’AER allait être supprimée par le gouvernement Fillon, le 1er janvier 2009.

Ces personnes étaient environ 60 000 ; elles sont aujourd’hui beaucoup moins nombreuses. Certaines d’entre elles sont nées en 1952, mais la majeure partie est née en 1953, et elles n’ont jamais perçu l’AER. Les plus chanceuses continuent de bénéficier de l’allocation spécifique de solidarité, l’ASS, mais les autres ne perçoivent aucun subside.

Aujourd’hui, madame la ministre, rien n’est prévu pour ces personnes qui ont travaillé toute leur vie, souvent plus de quarante ans, dans des conditions pénibles et en suivant des parcours hachés. Elles se trouvent en dehors de tout dispositif de solidarité nationale : elles ne sont concernées ni par le décret créant l’allocation transitoire de solidarité, l’ATS, parce qu’elles n’ont pas 60 ans, ni par le décret de la retraite à 60 ans de juillet 2012. Elles ne sont concernées que par la retraite à 62 ans – c’est-à-dire pas tout de suite –, par le chômage massif des seniors, par la précarisation et surtout par une détresse angoissante.

Ces personnes ont été précipitées par l’ancien gouvernement dans la pauvreté. Il n’est pas possible d’attendre la réforme des retraites pour agir en leur faveur, car en 2013 et en 2014 la question ne se posera plus : elles seront enfin à la retraite.

Nous proposons, madame la ministre, une solution immédiate : l’élargissement des conditions d’accès à l’ATS en faisant sauter le verrou des 60 ans. Nous vous invitons à tenir rapidement une réunion interministérielle afin d’envisager les modalités de cet élargissement.

Madame la ministre, je propose que, ensemble, nous rendions à ces personnes la dignité dont elles ont été privées. Leur situation nous bouleverse, mes collègues et moi-même, au plus haut point. Nous devons préparer le budget de la Nation en prenant en compte leur détresse et en essayant de les sortir de la situation angoissante dans laquelle elles ont été mises bien malgré elles.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, je me permets de vous répondre au nom de Mme la ministre de la santé et je salue votre intervention à la fois émouvante et politiquement forte.

La question des fins de carrière et de la transition entre l’emploi et la retraite est au cœur des préoccupations du Gouvernement.

Dès le 2 juillet dernier, le décret abaissant l’âge de départ à la retraite à 60 ans, pour les personnes ayant commencé à travailler tôt et ayant la durée de cotisation requise, est venu réparer la principale injustice de la réforme de 2010. Les premiers départs au titre de cette mesure ont lieu depuis le début de ce mois ; en année pleine, plus de 100 000 personnes pourront en bénéficier.

L’accord sur le contrat de génération, qui vient d’être conclu par les partenaires sociaux, a notamment pour objectif de favoriser le maintien dans l’emploi ainsi que l’embauche des seniors. Il prévoit que l’accès au contrat de génération soit possible à 55 ans en cas d’embauche, au lieu de 57 ans. Le projet de loi sera présenté en conseil des ministres le 12 décembre prochain et fera l’objet d’une inscription très rapide à l’ordre du jour du Parlement, afin d’entrer en vigueur au début de 2013.

Dans le cadre de la « feuille de route sociale », une réforme globale du système de retraite sera mise en chantier en 2013 pour assurer la pérennité et l’équité de celui-ci. C’est alors que devra être abordée la question de la transition entre emploi et retraite, ainsi que celle des conditions de départ à la retraite.

Dans le contexte budgétaire qui est le nôtre, le Gouvernement a fait le choix d’agir avec détermination pour l’emploi. Priorité a été donnée aux politiques d’insertion professionnelle durable des jeunes et de soutien actif à l’emploi des seniors. Ainsi, face à l’urgence, il a été décidé de mobiliser 40 000 contrats aidés supplémentaires d’ici la fin de l’année, en sus des 80 000 déjà annoncés en juillet dernier, et de renforcer le service public de l’emploi avec la signature de 2 000 CDI supplémentaires.

En 2013, l’enveloppe de contrats aidés sera stabilisée – hors emplois d’avenir – à son niveau de 2012, ce qui permettra aux seniors demandeurs d’emploi, notamment de très longue durée, d’en bénéficier, puisque les jeunes seront orientés en priorité vers les emplois d’avenir.

Aménager un nouveau dispositif de ce type conduirait à retrancher environ 120 millions d’euros du budget de l’emploi pour une dizaine de milliers de bénéficiaires.

La solution aux difficultés rencontrées par les travailleurs seniors à se maintenir dans l’emploi ou à retrouver un emploi ne passe pas par le retour à des politiques de préretraites qui ont montré leurs limites. Elle relève avant tout de la mobilisation d’un ensemble de moyens visant à faciliter les fins de carrière et les transitions entre emploi et retraite.

L’ensemble de ces questions, notamment celle des anciens bénéficiaires de l’AER, ont vocation à être abordées dans le cadre de la réflexion globale sur les retraites prévue en 2013. Elle nous permettra de définir, avec les partenaires sociaux, des réponses à la fois justes et financièrement responsables pour faire évoluer notre système de retraite.

Contrairement à l’approche purement financière retenue par les gouvernements de droite, une réforme des retraites de gauche doit placer au cœur de ses préoccupations les questions d’équité, notamment en matière d’emploi des seniors, sans lesquelles aucune réforme des retraites ne peut réussir.

M. le président. La parole est à M. Martial Bourquin.

M. Martial Bourquin. Madame la ministre, j’ai bien pris note de l’ensemble des mesures gouvernementales en faveur de l’emploi et de la retraite et je ne peux que les approuver.

Cependant, vous n’avez pas répondu à ma question sur la situation de ces 20 000 à 30 000 personnes qui ont quitté leur entreprise en ayant la certitude de toucher l’allocation équivalent retraite.

Je pourrais vous lire des dizaines de lettres. Je connais une dame qui vit dans une caravane parce qu’elle ne veut pas vendre son appartement : elle le loue pour pouvoir en payer les traites. On ne peut rester insensible devant une telle situation.

Le Gouvernement doit élargir son dispositif et faire sauter le verrou des 60 ans de l’ATS. Il ne s’agit pas d’une mesure qui aurait un coût considérable. De plus, ce ne serait que justice envers ces personnes qui ont tant travaillé et qui ont permis à notre société d’être ce qu’elle est aujourd’hui. Il aurait été heureux que le décret sur les retraites prenne en charge la question de ces allocataires de l’AER. Tel n’a malheureusement pas été le cas.

Il nous faut aujourd’hui rectifier le tir et intégrer au panel des mesures que vous nous avez proposées l’élargissement de l’ATS pour les anciens allocataires de l’AER ou pour ceux qui ne l’ont encore pas perçue parce qu’ils étaient au chômage économique.

Il s’agit d’une question de justice sociale. Je vous ai parlé tout à l’heure de situations bouleversantes. Nous devons justice à ces femmes et à ces hommes qui ont travaillé avec leurs mains, avec leur tête, et qui sont fiers du travail qu’ils ont accompli.

fusions entre établissements publics de santé

M. le président. La parole est à M. Yves Chastan, auteur de la question n° 162, adressée à Mme la ministre des affaires sociales et de la santé.

M. Yves Chastan. Madame la ministre, en tant que président du conseil de surveillance d’un établissement public hospitalier, celui de Privas, je suis confronté à la problématique de sa fusion avec un autre établissement, situé à Vernoux-en-Vivarais, dans le centre de l’Ardèche, alors même qu’une première fusion avait déjà intégré un établissement médico-social de La Voulte-sur-Rhône au centre hospitalier de Privas.

M’appuyant sur cette expérience, ainsi que sur un rapport de l’IGAS, l’Inspection générale des affaires sociales, de mars 2012, intitulé Fusions et regroupements hospitaliers. Quel bilan pour les quinze dernières années ?, je veux aborder plus généralement la question des fusions entre établissements publics de santé.

Tout d'abord, une opération de fusion n’est jamais anodine. Le processus suppose notamment d’harmoniser et de négocier la politique sociale suivie par les établissements, de revoir les systèmes d’information pour les rendre compatibles, de reprendre la comptabilité, de retravailler les budgets, de modifier la gouvernance... Bref, de subtils équilibres nouveaux sont à trouver.

Il est donc essentiel d’expliquer les raisons pour lesquelles des établissements doivent fusionner. Le rapport de l’IGAS incite à préciser et assumer les raisons qui poussent à de telles opérations, quand bien même ces « restructurations ne se justifient que pour des raisons de rationalité économique ». Car, à l’inverse, il peut émerger de l’échange constructif que « des raisons d’intérêt général s’opposent à certaines opérations de rationalisation, au nom, par exemple, de la nécessité de préserver l’accès aux soins dans des zones isolées ».

Dans le projet de fusion précité, certains syndicats manifestent leur opposition pour diverses raisons – craintes de pertes d’emplois ou d’avantages divers –, mais avant tout, je crois, car ils n’en comprennent pas toujours la finalité. Pourtant, une direction commune, déjà créée en l’occurrence, disposant d’un projet médical commun, apparaît suffisante et pertinente pour adapter l’offre de santé sur le territoire concerné.

Sans un temps de concertation suffisant, sans une approche globale des conséquences, une fusion « au forceps » ne prend pas. D’ailleurs, les deux conseils de surveillance et les deux communes consultées pour avis, ont émis des avis défavorables sur la fusion, en tout cas sur une fusion « précipitée », telle qu’elle a été demandée par l’ARS courant 2012 pour aboutir le 1er janvier 2013.

Une concertation préalable impliquant toute la communauté hospitalière ainsi que les représentants des usagers me paraît donc indispensable, tout comme l’écoute des acteurs locaux. Si la loi prévoit bien une consultation des conseils de surveillance et des conseils municipaux concernés, ce qui est tout à fait positif, n’y aurait-il pas tout intérêt à réfléchir à une meilleure prise en compte des avis des acteurs locaux ainsi consultés et, en tout cas, à mener une concertation plus en amont des projets ?

Cet engagement pour plus de démocratie participative dans l’hôpital public s’inscrirait à rebours de la logique jacobine et libérale sous-tendant fortement la loi HPST, c'est-à-dire Hôpital, patients, santé et territoires, adoptée lors de la précédente législature. Je crois savoir d'ailleurs que c’est ce que vous souhaitez, madame la ministre.

Expliquer, écouter, mais aussi accompagner : il s’agit d’une des conclusions du rapport de l’IGAS. Il faut effectivement accompagner les acteurs de ces éventuelles fusions car « sur le plan des ressources humaines notamment, les acteurs locaux sont fréquemment confrontés à des problèmes qu’ils ne peuvent régler qu’en disposant de moyens juridiques et/ou financiers spécifiques ». Toute fusion étant « source de surcoûts ou de dysfonctionnements », l’IGAS recommande ainsi à la DGOS, la direction générale de l’offre de soins, de travailler avec les ARS et les établissements, en créant des outils supplémentaires d’appui aux acteurs de la démarche.

Madame la ministre, pouvez-vous nous indiquer quelles sont vos orientations quant à la politique des fusions promue par la loi HPST et à ses conséquences éventuelles sur le service public de santé et son maillage territorial ?

De plus, lorsque les fusions sont souhaitables – cela arrive ! – et acceptables par les partenaires et usagers des territoires de santé, que préconisez-vous pour une meilleure concertation et un réel accompagnement des établissements et de leurs responsables par les ARS ?

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Marie-Arlette Carlotti, ministre déléguée auprès de la ministre des affaires sociales et de la santé, chargée des personnes handicapées et de la lutte contre l'exclusion. Monsieur le sénateur, l’adaptation constante de l’offre de soins aux besoins de santé et au contexte économique peut nécessiter des recompositions de natures très diverses, telles que des fusions d’établissements publics de santé.

Leur opportunité est à apprécier au regard d’un diagnostic objectif à réaliser à l'échelle territoriale – déficit ou excédent d’offre, équilibre de la démographie des professionnels de santé, équilibres financiers des structures – ou de référentiels nationaux – régulation des activités de soins, régulation financière. Les agences régionales de santé, les ARS, ont en charge le pilotage et l’accompagnement des opérations de recomposition.

Dans le cadre des travaux qu’elle a lancés autour du pacte de confiance pour l’hôpital, la ministre des affaires sociales et de la santé a souhaité qu’un volet social figure dans les projets régionaux de santé des ARS. Il ne s’agit pas pour ces dernières de se substituer aux établissements dans le dialogue social local, mais de veiller à ce que la concertation soit assurée lorsque sont menés des projets concernant plusieurs établissements.

La ministre des affaires sociales et de la santé pense en effet, comme vous, qu’un des éléments clefs du succès des opérations de recomposition hospitalière est l’assurance que les personnels concernés sont informés et associés aux projets. Les ARS doivent jouer un rôle d’accompagnement auprès des élus, des communautés médicales et soignantes, des chefs d’établissement.

S’agissant de l’accompagnement social des restructurations, les agences régionales de santé disposent d’ores et déjà, à travers le fonds d’intervention régional, de la capacité d’accorder des aides financières individuelles aux agents concernés – aides à la mobilité, indemnités de départ volontaire, aides à la conversion professionnelle, remboursement du différentiel de rémunération – et peuvent également mettre en place des cellules locales d’accompagnement social et de modernisation.

En outre, dans le cadre de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie pour 2013, la ministre des affaires sociales et de la santé a identifié une enveloppe spécifique dédiée à l’accompagnement de ces opérations de réorganisation. Par ailleurs, elle aura l’occasion, sur la base des propositions des travaux de concertation engagés autour du pacte de confiance pour l’hôpital public, de formuler de nouvelles propositions dès le début de l’année 2013.

M. le président. La parole est à M. Yves Chastan.