M. Dominique Watrin. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la conférence des présidents a décidé que la Haute Assemblée consacrerait moins de quatre heures à la nouvelle lecture de ce PLFSS pour 2013. En effet, chacun peut faire le constat que le texte transmis par l’Assemblée nationale est peu modifié.

Ce PLFSS n’est pas de nature à conduire à un vote différent de celui que les différents groupes ont exprimé lors de son examen en première lecture. Les équilibres généraux sont les mêmes ; les dispositions pour lesquelles nous avons exprimé des doutes sont conservées ; celles qui nous opposent au Gouvernement et, singulièrement, l’article 16, qui instaure une taxe sur les retraites, sont maintenues ; un certain nombre de mesures qui nous paraissaient essentielles pour permettre le changement qu’attendent légitimement nos concitoyens depuis dix ans ne sont toujours pas prises.

Mes chers collègues, les constats, analyses et propositions que nous avons faits et les orientations retenues par le Gouvernement divergent.

Soyons clairs, madame la ministre, nous n’exigions pas du Gouvernement, sur chacun de nos points de désaccord, qu’il nous rejoigne sur nos positions, mais nous attendions au minimum l’amorce d’un changement.

Force est de constater que, loin d’être un PLFSS de protection, comme certains l’ont affirmé, et nonobstant quelques avancées, trop peu nombreuses et trop timides, ce texte ne remet pas en cause des mesures injustes que la gauche tout entière avait combattues.

La présidente de notre groupe, Éliane Assassi, les avait rappelées lors de son explication de vote sur la troisième partie du PLFSS, en évoquant le maintien du doublement de la taxe sur les mutuelles, dans l’attente d’une renégociation avec les organismes complémentaires, soit tout de même un coût de 2 milliards d’euros par an supporté par les assurés sociaux, ainsi que le maintien des franchises médicales que M. le rapporteur général avait d’ailleurs tenté de supprimer lors de l’examen du PLFSS pour 2012 et contre lesquelles notre opposition avait été, à gauche, unanime. Par ailleurs, nous ne constatons aucune remise en cause de l’instauration d’un délai de carence, de la fiscalisation des indemnités journalières, qui renvoie au projet de loi de finances, ou encore de la hausse des forfaits hospitaliers, des déremboursements imposés par le précédent gouvernement ou de la réduction de la prise en charge des malades atteints d’une affection de longue durée.

Nous regrettons également que le Gouvernement, attaché, je veux le croire, aux fondements même de la sécurité sociale, n’ait pas remis en cause la pluralité d’assureurs au sein de la Mutualité sociale agricole, la MSA. Dans le cadre de ce régime très particulier, adossé au régime général, des assurances privées commerciales participent à la gestion de la sécurité sociale, bénéficiant d’ailleurs de subventions publiques pour ce faire.

C’est le rêve de l’actuelle Commission européenne, dont mon collègue Guy Fischer dévoilait récemment, ici même, le projet ultralibéral, au travers d’un projet de directive qui veut soumettre la protection sociale obligatoire de base à appel d’offres, et ce afin de permettre aux opérateurs privés commerciaux d’emporter le marché. Ce qui est possible pour la MSA pourrait l’être, demain, pour toute la sécurité sociale, d’autant que le Gouvernement a aussi permis aux assurances privées commerciales de concurrencer la MSA sur le droit nouveau créé pour les exploitants agricoles de percevoir des indemnités journalières.

Nous déplorons également la faiblesse de l’ONDAM. Notre collègue Jacky Le Menn nous a rappelé, lors de son explication de vote en première lecture, que, grâce à l’évolution prévue dans ce PLFSS, les hôpitaux bénéficieraient d’une enveloppe supplémentaire de 1,9 milliard d’euros par rapport à l’année précédente. Il aurait pu aussi préciser que, dans le même temps, les économies exigées des hôpitaux en 2013 seront de 650 millions d’euros, soit le même montant que celles qui ont été requises par le précédent gouvernement.

L’ONDAM adopté pour 2012, soit 2,6 %, qui n’est guère inférieur à celui qui est arrêté dans ce PLFSS, a conduit à la suppression de 8 000 emplois publics. Selon la Fédération hospitalière de France, les dépenses réelles qu’auront à supporter les établissements publics de santé seront en augmentation d’au moins 3 %. Dès lors, nous voyons mal comment ceux-ci pourraient supporter financièrement cette différence, sans supprimer de nouveaux emplois, c’est-à-dire, au final, sans réduire la qualité d’accueil et des soins, qui fait leur réputation.

Je regrette enfin, à l’instar de notre collègue Jean-Pierre Caffet, lors de son explication de vote en première lecture, que notre assemblée ait été plus préoccupée par les déficits que par les recettes. Nous ne pouvons tout à la fois considérer que les déficits de la sécurité sociale mettent en danger son existence, ce avec quoi nous sommes d’accord, et refuser de s’attaquer dès aujourd’hui à sa principale faiblesse, c’est-à-dire au sous-financement chronique dont elle souffre. La réduction des déficits doit être non pas un objectif en soi, mais une étape destinée à augmenter le niveau de protection sociale offert à nos concitoyens.

Pour ce faire, il faut cesser de se focaliser sur la réduction des dépenses ou sur les économies à réaliser. Il importe de rompre avec la logique d’austérité, la règle d’or et l’objectif mathématique de réduction des dépenses, pour chercher enfin à répondre à la vraie question, au véritable enjeu, celui du financement de notre protection sociale.

Mes chers collègues, je tiens à le dire, ce n’est ni la taxation de l’huile de palme ni celle sur les bières ou encore celle sur le tabac qui nous permettront d’y parvenir. Nous devons commencer par mettre un terme aux 30 milliards d’euros d’exonérations de cotisations patronales consenties depuis des décennies par les gouvernements de gauche et de droite. Il convient, a minima, de refuser toutes les exonérations qui ne seraient pas compensées et d’imposer aux employeurs le respect des objectifs légaux et constitutionnels d’égalité salariale entre les femmes et les hommes.

Il importe aussi, comme nous l’avons proposé en première lecture, de moduler le niveau de cotisations patronales en fonction de la politique salariale des entreprises.

Par ailleurs, il faut clairement faire le choix d’un financement assuré par les cotisations sociales. En effet, la part patronale de ces sommes constitue du salaire socialisé, c’est-à-dire un prélèvement en direction du travail, opéré sur les richesses créées dans l’entreprise. Il s’agit d’une ponction à vocation sociale sur des sommes qui sont majoritairement destinées à la rémunération du capital, de leurs possédants et de la spéculation. Or je constate que les mesures de financement introduites dans ce PLFSS sont majoritairement de nature fiscale. La part des impôts et taxes affectés augmente considérablement, principalement pour ce qui est du financement de la branche famille.

Cette tendance nous fait craindre qu’au final, à l’instar de ce que préconisent déjà certains, le financement de la politique familiale puisse prochainement ne plus relever de la sécurité sociale.

Enfin, mes chers collègues, vous connaissez tous notre opposition à l’article 16, qui instaure une taxe sur les retraites, alors que, dans le même temps, les revenus financiers des entreprises ne sont, pour leur part, toujours pas soumis à contribution sociale. Pris par le temps, je ne peux développer ce point, mais nous y reviendrons lors de la discussion sur l’article.

Mes chers collègues, c’est avec responsabilité que nous avons rejeté, en première lecture, la partie consacrée aux recettes. Nous ferons de même à l’occasion de cette nouvelle lecture.

En dehors de tout calcul politique, il est en effet de notre responsabilité de dire au Gouvernement qu’il ne peut y avoir de changement qu’à la condition de rompre avec les logiques et les politiques d’austérité menées par la droite et le précédent gouvernement.

Il est de notre responsabilité, à gauche, de porter dans cet hémicycle la voix de celles et ceux qui refusent que l’on taxe les retraites, que l’on en rabatte sur des exigences attendues et parfois promises, quand on ne s’est attaqué ni à la spéculation financière, ni aux salaires exorbitants des cadres dirigeants, ni aux licenciements boursiers et aux délocalisations, qui plombent durablement les comptes de la sécurité sociale.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, c’est donc contraint, mais responsable, que le groupe CRC n’adoptera pas les recettes prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, qui sont, pour certaines d’entre elles, injustes et globalement insuffisantes non seulement pour parvenir à l’équilibre des comptes, mais aussi pour rétablir l’accès de tous à des soins de qualité et pour redonner à notre sécurité sociale son ambition fondatrice. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Marie Vanlerenberghe.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous voici de nouveau réunis pour l’examen en nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Or, depuis deux semaines, c’est-à-dire depuis que le Sénat a rejeté le volet recettes du présent texte, rien ne semble avoir changé. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nos débats ne devraient pas s’éterniser.

Ces causes, quelles sont-elles ? À nos yeux, la réponse est simple et tient en quelques mots : une absence de cap et de calendrier.

En première lecture, nous avons eu l’occasion de dire que, selon nous, tout n’était évidemment pas mauvais dans ce texte ; loin de là, même.

Depuis le déficit abyssal de 2008, les soldes sociaux s’améliorent d’année en année. Ce PLFSS s’inscrit, comme les précédents, dans cette dynamique. Pour la deuxième année successive, l’ONDAM sera respecté.

Par ailleurs, nous avons salué un certain nombre de mesures ponctuelles, relatives notamment à la permanence des soins, au transport des patients, au parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie, ou bien encore à la suppression de la convergence tarifaire intersectorielle, même si nous préférerions la suspension à la suppression,…

M. Gilbert Barbier. Ce serait mieux, en effet.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. … ce qui recueillait d’ailleurs l’avis unanime de la MECSS, la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale.

Madame la ministre, en l’absence de cap, quelles que soient les mesures prises, nous ne saurons jamais quel est votre plan pour atteindre l’objectif de réduction des déficits et celui de remboursement de la dette accumulée, l’un n’allant pas sans l’autre, compte tenu de l’ampleur de cette dernière.

Le Gouvernement a-t-il fixé un calendrier de retour à l’équilibre des comptes sociaux ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous n’avons toujours pas de réponse à cette question, qui est pourtant la seule vraiment essentielle.

M. Jean-Pierre Caffet. Ce n’est pas vrai, c’est inscrit dans la loi de programmation !

M. Jean-Marie Vanlerenberghe. Nous craignons qu’en réalité un tel plan n’existe pas encore pour l’instant et que vous n’ayez toujours pas choisi – d’autant que vous n’avez pas de majorité pour trancher – entre deux voies devenues inconciliables : la première étant visiblement celle du rafistolage d’un système qui n’est plus adapté, la seconde étant celle des réformes structurelles.

C’est cette absence de choix que reflète parfaitement le volet recettes de votre PLFSS.

Vous vous réjouissez, monsieur le rapporteur général, de la réduction des niches sociales. Nous ne nous opposons pas à un effort d’équité, à condition que le ciblage choisi soit juste.

Ainsi, nous sommes contre le déplafonnement brutal des cotisations maladie des travailleurs indépendants non agricoles, qui touchera de plein fouet les petits commerçants et artisans, lesquels ne sont pas, que je sache, les plus fortunés et, en tout cas, ne sont pas classés parmi les catégories les plus riches.

Nous sommes contre la hausse des cotisations de tous les auto-entrepreneurs, sans distinction de situation : il y a des chômeurs dans cette catégorie.

Nous sommes contre une nouvelle atteinte au dispositif des services à la personne, qui risque d’accroître le chômage et le travail au noir.

Nous sommes contre l’assujettissement au forfait social des petites indemnités de rupture conventionnelle.

Nous sommes contre l’élargissement de la taxe sur les salaires aux participations des employeurs, à la prévoyance et aux assurances complémentaires santé.

Nous ne pouvons donc que dénoncer la logique de financement à l’œuvre, qui pèse trop sur l’emploi et la compétitivité de nos entreprises sans régler la question de l’équité et de la justice, question qui semble pourtant au cœur de votre projet. Nous avons fait des propositions concrètes pour en sortir.

Ainsi, financer la santé et la famille pourrait se faire, au moins pour partie, par l’impôt et non plus par les revenus d’activité.

Nous avons également évoqué trois grands chantiers en dépenses : celui du médicament, celui des actes superflus et celui des retraites. Pour les deux premiers, la commission des affaires sociales et la MECSS ont clairement fait apparaître des gisements d’économies potentiels, sans remettre en cause la qualité des soins et des services. Par exemple, selon la MECSS, 28 % des actes médicaux seraient superflus, ce qui représente un coût de 12 milliards à 15 milliards d’euros.

En matière de retraite, nous reposons pour la énième fois la même question : à quand la réforme systémique et la retraite par points que nous appelons de nos vœux depuis si longtemps ?

Pour l’instant, sur tous ces thèmes, nous n’avons pas été entendus.

En première lecture, madame la ministre, un débat a cristallisé le hiatus existant entre les options du Gouvernement et celles que nous préconisons. Je veux parler du débat sur l’article 16, relatif à la création de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l’autonomie, sur lequel, chacun le sait, s’est joué le vote des recettes.

Le groupe CRC – M. Watrin l’a rappelé – ne veut pas en entendre parler. Moi-même et mes collègues du groupe UDI-UC sommes favorables à la CASA, mais à condition qu’elle soit affectée de manière pérenne à la compensation de l’APA au département et qu’elle ne soit pas elle-même compensée, à due concurrence, par une baisse de la part de CSG affectée à ce poste.

Autrement dit, il nous faut en priorité garantir le financement des dispositifs existants de prise en charge de la dépendance avant de nous interroger sur le financement de la future réforme attendue en la matière, dont on ne sait d’ailleurs rien pour l’instant.

En première lecture, nous sommes parvenus à faire adopter l’amendement faisant de la CASA une ressource nette pour le financement de l’APA. Cela correspondait très exactement au dispositif prévu dans la proposition de loi de notre collègue Gérard Roche, adoptée par le Sénat le 25 octobre dernier.

Naturellement, nous présenterons à nouveau cet amendement, ainsi d’ailleurs que tous ceux que nous avons défendus en première lecture. Si nous avons pu le faire adopter, c’est grâce au soutien du groupe RDSE et de l’UMP, malgré l’opposition du groupe socialiste et contre l’avis du Gouvernement. Dès lors, chacun sait qu’il n’aurait pas fait long feu.

Madame la ministre, vous aviez là une occasion d’évoluer et de donner un véritable gage de « changement de cap ». Vous ne l’avez pas saisie.

L’article 16 est à nos yeux emblématique de votre refus de choisir. Aujourd’hui, vous ne semblez pas plus prête à le faire qu’hier. Au final, le dispositif prévu pour la CASA ne peut satisfaire ni le groupe CRC ni le groupe UDI-UC.

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je l’ai dit au début de mon intervention, les mêmes causes produisent les mêmes effets : vous connaissez la suite ! (Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC et de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier.

M. Gilbert Barbier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, pour la deuxième année consécutive, le projet de loi de financement de la sécurité sociale nous revient en nouvelle lecture après l’échec de la commission mixte paritaire. Cette année, la situation est quelque peu inédite, puisque la gauche détient, du moins sur le papier, la majorité dans les deux assemblées.

Voilà le signe manifeste que ce projet de budget ne parvient à convaincre ni les uns ni les autres. Il n’y a rien d’étonnant à cela, car il témoigne plus d’un réflexe facile, celui d’augmenter encore et toujours les recettes, que d’une volonté réfléchie de mobiliser les assurés sociaux et les acteurs professionnels autour d’enjeux clairement formulés.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013 constitue, en effet, un florilège de nouvelles taxes, qui frappent l’ensemble des citoyens : les salariés, avec, hier, la refiscalisation des heures supplémentaires et, aujourd’hui, le forfait social sur les indemnités de rupture conventionnelle ; les retraités, au travers de l’instauration de la contribution de solidarité pour l’autonomie de 0,3 % sur leurs revenus ; les entrepreneurs indépendants, via notamment le déplafonnement des cotisations maladie et la fin de l’abattement pour frais professionnels ; les familles et les personnes âgées avec la suppression du forfait social sur les emplois à domicile ; enfin, les petites brasseries, par le biais d’une augmentation de la taxe de consommation de 160 %. Et comme si cela ne suffisait pas, les mêmes devront subir demain une hausse de la TVA !

À l’évidence, il ne suffit pas de dire que les efforts sont justes pour que ce soit vrai et qu’ils soient acceptés. Vos mesures touchent non seulement les riches, mais tous les ménages, les classes moyennes et même les plus modestes. Pis encore, à l’heure où notre pays connaît un fort taux de chômage, vous choisissez de taxer lourdement les travailleurs indépendants, c’est-à-dire ceux qui dirigent la très grande majorité des PME françaises, les plus pourvoyeuses d’emplois. C’est véritablement à décourager d’entreprendre !

Lors de la première lecture de ce texte au Sénat, j’avais défendu seul, avec le soutien des membres du groupe RDSE, un certain nombre d’amendements visant à corriger les excès du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013. Nous avions eu satisfaction sur quelques points.

Le Sénat avait ainsi exclu du champ d’application de la taxe sur les salaires les contributions des employeurs aux régimes de prévoyance complémentaire de leurs salariés, régimes qui, je le rappelle, apportent aux salariés et à leur famille une protection lors de la survenance d’un événement grave.

Nous avions également supprimé l’article 15, exemple type d’une fausse bonne idée et qui a suscité une inquiétude réelle parmi les acteurs des services à la personne. Nous souhaitons tous renforcer les droits sociaux des salariés concernés, mais la mise en œuvre de votre mesure, madame la ministre, aura l’effet inverse, par une recrudescence du travail au noir et d’importantes destructions d’emplois.

Grâce à la bonne volonté de M. le rapporteur général, nous avions évité un alourdissement excessif de la fiscalité sur la bière, propre à fragiliser ces petites brasseries qui contribuent à l’animation de nos territoires, à la valorisation de leur patrimoine et à la création d’emplois. Le compromis, adopté à l’unanimité du Sénat, limitait la hausse à 120 %, au lieu des 160 % voulus par le Gouvernement.

Enfin, pour répondre au défi de la pénurie médicale, nous avions décidé d’exonérer de cotisations vieillesse les médecins à la retraite acceptant de reprendre une activité dans les zones caractérisées par des difficultés d’accès aux soins.

Ces avancées devaient être soulignées, même si la première partie du PLFSS fut rejetée par notre assemblée. Je regrette qu’elles n’aient pas trouvé écho chez nos collègues députés, d’autant que, à l’exception de celles sur l’article 15, elles avaient été soutenues par la majorité du Sénat.

Le texte qui nous revient en nouvelle lecture est peu ou prou –  cela a déjà été signalé – le même qu’il y a quinze jours. Les mêmes causes produisant les mêmes effets, nous avons redéposé quelques amendements, en espérant la même issue. S’agissant de la première partie, la plupart des membres du groupe RDSE y apporteront leur soutien, comme en première lecture ; personnellement, je voterai contre.

En effet, vous demandez des efforts à des catégories entières de Français ; encore faut-il leur expliquer vers quels résultats ils tendent.

Or, je ne vois pas dans ce projet, comme cela vient d’être souligné, un cap bien défini ni une vision globale sur l’avenir de notre protection sociale. Le texte reste dépourvu de perspectives à long terme, que ce soit sur l’hôpital, sur la prise en charge des soins et des affections de longue durée, sur l’évolution de nos régimes de retraite face à l’allongement de la vie, sur l’accès aux soins des personnes les plus démunies et sur le poids du reste à charge pour les assurés sociaux.

Je veux bien le reconnaître, quelques mesures vont dans le bon sens. Il en est ainsi, par exemple, de l’expérimentation du parcours de santé des personnes âgées ou de la création du contrat de praticien territorial de médecine générale. Toutefois, celles-ci ne sauraient en dissimuler d’autres, plus contestables.

Vous portez en fait un coup d’arrêt aux réformes structurelles engagées par la précédente majorité, que ce soit la fin de la convergence tarifaire entre le public et le privé, le report de la T2A pour les ex-hôpitaux ou encore celui de la facturation individuelle. Mais que proposez-vous à la place ?

Au lieu de réactualiser la cotation de certains actes ou consultations, notamment en chirurgie, vous imaginez des rémunérations forfaitaires pour les médecins. N’est-ce pas une manière larvée de fonctionnariser progressivement la médecine ?

L’actualité récente a mis en lumière les inquiétudes des internes en médecine quant à leurs conditions de travail et, surtout, leurs perspectives d’avenir. Il faut les rassurer. Je note que vous avez renoncé, au moins pour l’instant, à la coercition ; je ne peux que m’en réjouir et vous encourager à continuer, madame la ministre, mais il y a bien d’autres choses à faire.

Pour conclure, vous l’aurez compris, je n’adhère pas à la logique du « tout fiscal » qui sous-tend ce budget. Vous ajustez les recettes aux dépenses au lieu de lancer les réformes structurelles pourtant depuis longtemps jugées indispensables pour réduire les déficits.

Je regrette que vous n’ayez pas donné suite aux préconisations du rapport Gallois dès la discussion de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Au lieu de reprendre la proposition de l’ancien rapporteur général de la commission des affaires sociales, qui préconisait d’augmenter la CSG, un impôt à très large assiette, vous préférez cibler les retraités ou taxer les buveurs de bière au prétexte de santé publique. Soit !

Toutefois, alors que vous pénalisez le pouvoir d’achat de certains de nos concitoyens et portez un coup à la compétitivité des entreprises, les recettes ne seront pas forcément au rendez-vous, hélas. Finalement, les perspectives de réduction du déficit de la sécurité sociale sont bien hasardeuses ! (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud.

Mme Aline Archimbaud. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la Constitution prévoit que le Parlement « vote la loi », « contrôle l’action du Gouvernement » et « évalue les politiques publiques ». J’ajouterai que le rôle des parlementaires, qu’ils fassent partie de la majorité ou de l’opposition, est d’alerter et de faire preuve d’initiative. C’est aussi notre responsabilité, et nous n’avons pas l’intention d’y renoncer.

Mes collègues du groupe écologiste et moi-même continuons donc à jouer notre rôle de parlementaires en affirmant aujourd’hui que nous voterons ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Comme nous l’avons expliqué lors de la première lecture, ce texte marque une véritable rupture en nous engageant vers la justice sociale et vers un début de rétablissement des comptes.

Néanmoins, nous n’en demeurons pas moins inquiets et un peu déçus, madame la ministre, de ne pas avoir été davantage entendus sur certains points pour lesquels nous attendions des avancées, y compris, à court terme.

On estime aujourd’hui que la qualité et l’accès aux soins représentent seulement 20 % des paramètres déterminant l’état de santé général des Français. Concernant ces premiers 20 %, le présent texte va absolument dans le bon sens, même si beaucoup reste à faire, notamment en termes de suppression des franchises médicales, de lutte contre les refus de soins, d’encadrement des dépassements d’honoraires, de sauvegarde de l’hôpital public et d’accès aux soins de proximité.

En revanche, l’insuffisance d’intérêt pour les 80 % de paramètres déterminant de l’état de santé des Français qui restent nous préoccupe fortement. Et il est de notre responsabilité de l’affirmer aujourd’hui, car la solidarité dont nous faisons preuve envers le Gouvernement ne doit pas exclure la franchise.

Ces déterminants relèvent donc non des soins en eux-mêmes, mais de la qualité de l’air, de l’eau, de notre environnement sonore, de notre alimentation, de nos conditions de travail, de notre rythme et de notre mode de vie, ou encore de notre exposition massive et ininterrompue aux perturbateurs endocriniens.

Des études sérieuses le montrent, qu’il faut cesser de nier ou de dénigrer ! Nous l’avions dit au cours du débat en première lecture, l’exposition aux particules fines résultant du recours massif au diesel, la consommation d’aspartame et la consommation massive et régulière d’huile de palme, présente dans des milliers de produits, sont extrêmement nocives. Elles pèsent et pèseront sur nos finances sociales, non à la marge, mais lourdement.

Ce ne sont que quelques exemples, parmi tant d’autres, mais ils ont une conséquence commune : ce sont les plus riches qui ont les moyens d’y échapper et les plus pauvres, les plus modestes, qui, massivement, les subissent. Il suffit d’examiner les statistiques de l’obésité pour se rendre compte que la prévalence de ce phénomène est quasiment proportionnelle au niveau de vie.

Le Sénat, dans sa grande sagesse, a adopté deux amendements, l’un sur l’aspartame, l’autre sur l’huile de palme. Il a réaffirmé cette position courageuse lundi au cours de l’examen de la partie « recettes » du projet de loi de finances. J’en profite pour remercier tous les collègues qui ont rendu cette avancée possible en donnant ce signal. J’espère que ce n’est qu’un début et que le Sénat continuera, dans les mois et les années à venir, à prendre ce genre de position d’intérêt général.

Comme lors de l’examen de la proposition de loi sur le bisphénol A, les lobbys de l’industrie agro-alimentaire ont été très réactifs sur ces questions. Je partage à cet égard l’indignation de M. le rapporteur général.

Chers collègues, vous avez, comme moi, reçu des mails, constaté les pleines pages de publicité dans la presse écrite et, surtout, lu la prétendue « étude » sur l’huile de palme financée par l’industrie agroalimentaire. Il faudra d'ailleurs clairement établir la distinction entre ce qui constitue une véritable étude et ce qui relève d’une promotion commerciale.

Que les intérêts privés tentent d’infléchir nos votes est logique. Que la décision publique puisse se prendre sous influence de ces mêmes intérêts est intolérable !

Donnons-nous les moyens d’éviter que ne se répètent les terribles drames vécus dans notre pays à propos de l’amiante ou du Mediator, par exemple. Il est aujourd’hui irresponsable de fermer les yeux sur de multiples études indépendantes qui nous alertent sur un certain nombre de produits. Comme la récente étude de M. Séralini sur les OGM dont vous avez forcément entendu parler, mes chers collègues, elles sont remises en cause et font l’objet de vastes campagnes de discrédit, alors qu’elles sont souvent tout aussi sérieuses, voire plus, parfois, que les études qui ont servi de caution à la légalisation de certains produits suspects.

Dois-je vous le rappeler, l’autorisation initiale de commercialisation de l’aspartame donnée aux États-Unis est, par exemple, clairement entachée de fraudes et de conflits d’intérêts manifestes, comme c’est malheureusement le cas pour d’autres produits ?

Cela dit, nous avons bien pris acte, madame la ministre, que nous serions amenés à examiner en 2013 une grande loi de santé publique. Sachez que nous nous en réjouissons et que nous attendons ce texte.

En première lecture, nous avons accepté de retirer plusieurs de nos amendements relatifs à la santé environnementale, contre l’assurance de votre part que ces sujets seraient traités très prochainement dans un cadre plus adapté.

Nous espérons réellement que ce texte sera à la hauteur des enjeux. Nous souhaitons qu’il soit transversal et prenne en compte des problématiques cruciales et variées. Parmi ces dernières, je citerai, tout d’abord, l’épidémie de maladies chroniques, dites « de civilisation », et le changement de paradigme que rend nécessaire la présence croissante des perturbateurs endocriniens dans notre environnement puisqu’ils ont souvent des effets plus forts à faible dose qu’à forte dose.

Je citerai, ensuite, le manque cruel de transparence auquel se heurtent les consommateurs. En effet, hormis les cas de certaines marques qui affichent la mention « sans parabène », « sans OGM », « sans bisphénol », ou plus récemment « sans huile de palme », il est très compliqué pour un citoyen de savoir exactement à quelle substance tel ou tel produit nous expose.

Je citerai, de plus, la nécessité de procéder, pour chaque décision publique, à une évaluation de l’impact sur la santé. En effet, de la construction d’une nouvelle infrastructure à la modification des rythmes scolaires, nombre des positions que nous prenons au sein de cet hémicycle ont des conséquences sanitaires. Une information préalable pourrait nous aider à voter de manière plus éclairée.

Je citerai, enfin, la nécessité urgente pour les pouvoirs publics de commander des études indépendantes et objectives sur les produits suspects ; c’était, d’ailleurs, l’objet du fonds de prévention que nous souhaitions mettre en place et qui aurait été alimenté par le produit de taxes. Il faut protéger, écouter les lanceurs d’alerte et soutenir les chercheurs indépendants.

Par ailleurs, je regrette, moi aussi, de ne pas avoir pu aborder les dispositions relatives aux dépenses alors que nos collègues avaient accompli un important travail de propositions au sein de la commission pour alimenter le débat. Je regrette de n’avoir pu débattre de dispositions aussi cruciales que la fin de la convergence tarifaire public-privé, l’avenir de l’hôpital public ou la formation des médecins. Toutefois, je le sais, nous aurons en 2013, d’autres occasions d’échanger sur la santé publique. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René Teulade.