M. René Teulade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, « L’ampleur persistante des déficits fait du retour rapide à l’équilibre des comptes sociaux une priorité absolue. [...] L’essentiel du chemin pour y parvenir reste à faire ». C’est par ces mots que s’ouvre le dernier rapport de la Cour des comptes sur l’application des lois de financement de la sécurité sociale.

Autrement dit, le redressement des comptes sociaux est plus que jamais un objectif impérieux qui, compte tenu de sa complexité, a trop souvent été délaissé ou marginalisé par les gouvernements précédents.

Sans vouloir donner une leçon d’histoire, je veux quand même rappeler que, en 1993, alors que nous exercions les responsabilités, nous avions fait voter une loi qui avait réuni l’accord de toutes les professions de santé et de tous les acteurs. Or cette loi n’a jamais été mise en œuvre, pour la bonne raison que les gouvernements qui ont succédé au nôtre n’ont jamais pris de décrets d’application.

Si l’effet de la crise économique est indéniable, comme en atteste la progression, entre 2007 et 2010, de dix points en termes nominaux des dépenses de protection sociale dans l’Union européenne, d’après les statistiques publiées avant-hier par Eurostat, les choix opérés par la majorité présidentielle précédente traduisent une prise de conscience tardive quant à la gravité de la situation de nos comptes sociaux, qui confine parfois à un certain laxisme. Les déficits records de 2010 – 29,6 milliards d’euros – et de 2011 – 22,6 milliards d’euros – en sont une parfaite illustration.

Face à ce lourd tribut, qui aurait pu avoir des conséquences désastreuses, une attitude responsable interdit la dérobade. L’objectivité conduit à le dire, le Gouvernement actuel a ainsi pris la mesure des efforts à réaliser aussi bien dans le cadre de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale que dans celui de la loi de finances rectificative de cet été. Rappelons, d’ailleurs, que ce dernier texte doit apporter 1,5 milliard d’euros de recettes nouvelles à la sécurité sociale, évitant par là même un nouveau dérapage des comptes du régime général pour cette année.

Ainsi, sans la loi de finances rectificative et les mesures contenues au sein du projet de loi de financement de la sécurité sociale, le solde cumulé du régime général et du Fonds de solidarité vieillesse serait négatif à hauteur de 25 milliards d’euros pour 2013 ; grâce à ces deux lois qui sont courageuses – reconnaissons-le objectivement –, il s’élèvera à 14 milliards d’euros, soit un écart de plus de 10 milliards d’euros. Par conséquent, la volonté infaillible du Gouvernement de redresser les comptes de la sécurité sociale et de garantir ainsi la pérennité de notre système de protection sociale, loin d’être un mythe, est, quoi qu’on en dise, une réalité.

Pour autant, l’assainissement des comptes sociaux et, de manière plus générale, des comptes publics, ne doit pas être synonyme de rigueur aveugle, comme cela a pu être le cas, malheureusement, ces dernières années.

Aujourd’hui, même les institutions les plus libérales, telles que le Fonds monétaire international ou l’Institut de la finance internationale, rejoignent les fervents pourfendeurs de l’austérité, comme Paul Krugman ou Joseph Stiglitz, tous deux prix Nobel d’économie, et se font les chantres de l’assouplissement des politiques de consolidation budgétaire menées dans les États européens, notamment en Grèce.

À cet égard, comment rester insensible à la récession qui frappe sévèrement ce pays depuis six ans et qui affecte aussi d’autres États du vieux continent ? Derrière ce terme économique se cache un drame humain que l’indifférence ne peut qu’accentuer ; le doublement du nombre de suicides et de tentatives de suicides en terre hellène doit alerter tous les gouvernements qui pratiquent l’austérité à la chaîne, en négligeant l’impact de ces mesures sur les citoyens. Ici, j’en arrive à poser une question simple : quand une politique économique conduit de nombreuses personnes à abandonner la vie, comment peut-on encore la juger efficace ?

Le bon sens abhorre l’excès ; or une austérité excessive peut se révéler « digne de la sagesse d’un asile d’aliénés », pour reprendre l’expression utilisée par John Maynard Keynes en vue de dénoncer la politique économique du gouvernement britannique de 1931.

La réduction des déficits des comptes sociaux doit donc répondre aux principes qui ont permis l’alternance en mai dernier. La justice, l’équité et la solidarité, en particulier envers les plus vulnérables, ne peuvent être écartées au motif d’un quelconque pragmatisme économique qui commanderait de mettre en œuvre un budget si contraint qu’il sacrifierait la population et pénaliserait in fine la reprise de l’activité.

Malgré un contexte économico-social morne, le Gouvernement s’est attaché à ne pas tomber dans ce travers ; et malgré l’extrême difficulté d’élaborer un budget de la sécurité sociale qui allie réduction des déficits et protection des individus, il est manifestement parvenu à trouver un juste équilibre. À une politique qui sanctionnait les patients – franchises sur les médicaments, déremboursements et baisses des taux de remboursement des médicaments, majoration du ticket modérateur en cas de non-respect du parcours de soins –, le pouvoir exécutif a substitué une politique qui se veut à leur service, guidée par un principe de justice.

Pour preuve, le taux de croissance de l’objectif national de dépenses de l’assurance maladie, l’ONDAM, s’il demeure maîtrisé, est porté de 2,5 % à 2,7 % afin de mieux assurer la protection sociale des Français ; à cela correspond une enveloppe supplémentaire de 4 milliards d’euros, répartie équitablement entre les deux principaux sous-objectifs de l’ONDAM, les soins de ville et les soins hospitaliers. Cette progression des dépenses des soins de ville témoigne d'ailleurs de l’engagement pris par le Gouvernement de développer les soins de proximité et, ainsi, d’améliorer l’accès aux soins.

Entre notamment dans cette logique l’article 39, qui vise à valoriser la coordination et la continuité des soins, en particulier à un niveau pluriprofessionnel. Des équipes de professionnels de proximité garantiront aux patients de nouveaux services, à l’instar de l’éducation à la santé, de la prévention et du dépistage.

Quant à l’article 40, il s’attaque à un fléau qui ronge de plus en plus nos territoires : la désertification médicale. Si la fracture était auparavant principalement économique et sociale, elle est aussi, désormais, sanitaire. Il s’agit d’un net recul par rapport à l’après-guerre, période à laquelle avait abouti la lutte contre l’inégalité devant la santé et la souffrance, probablement la plus meurtrière et la plus insupportable des inégalités. Ledit article, qui a pour objet de permettre l’installation de deux cents médecins généralistes par an dans des zones où l’offre médicale est insuffisante ou l’accès aux soins difficile, est donc de nature à enrayer ce dramatique problème, important facteur d’exclusion sociale.

En outre, au regard de l’explosion des coûts médicaux qui, combinée à une dégradation de la situation économique de nombreux Français, a abouti à ce que près d’un tiers d’entre ces derniers renonce à se soigner, l’amélioration de l’accès aux soins passe nécessairement par une réduction des coûts afférents à la santé.

Afin de les diminuer, le Gouvernement a lancé plusieurs réformes, dont certaines sont actées par des dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Dans cette perspective, il est probant de citer l’article 42, qui abroge le secteur optionnel introduit par la précédente majorité dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, et l’article 47, qui met un terme au processus de convergence tarifaire et réaffirme la singularité ainsi que le rôle indispensable du service public hospitalier.

De surcroît, l’augmentation, parfois exponentielle, des dépassements d’honoraires requérait une réponse rapide, ferme mais concertée. En vertu de l’avenant à la convention médicale signé il y a quelques semaines, et contesté, les médecins du secteur 2 devront pratiquer les tarifs opposables envers les bénéficiaires de l’aide à l’acquisition d’une complémentaire santé, soit environ 4 millions de personnes.

Par conséquent, l’ensemble de ces dispositions favorisent objectivement l’accès aux soins à travers deux leviers majeurs : la réorganisation des soins, qui passe par le développement des soins de proximité et permet de lutter contre la désertification médicale, et la diminution des coûts pour les patients.

Parallèlement, je tiens à rappeler, sans prétendre à l’exhaustivité ni céder à la logorrhée, que des mesures de justice sont actées, en particulier en faveur des plus vulnérables.

Je pense ainsi à l’article 51, qui modernise la prise en charge des soins destinés aux personnes détenues, alors que le droit en vigueur date de 1994. En septembre dernier, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté s’était alarmé, à juste raison, de l’accès aux soins de ces personnes.

Dans le cadre de la branche accidents du travail et maladies professionnelles, la réforme de la prise en charge de la tierce personne pour les victimes du travail ayant besoin d’une aide pour les actes de la vie quotidienne doit être saluée.

De manière analogue, le rétablissement automatique des droits aux allocations de logement à caractère familial et social, dès lors qu’un dossier de surendettement a été déclaré recevable par la commission en charge de l’examen, est une disposition qui agira comme un filet de sécurité.

Enfin, dans le cadre de l’assurance vieillesse, de nouvelles mesures d’équité sont intégrées au sein de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Les droits à retraite des exploitants agricoles et des agents des collectivités locales – pour ne citer qu’eux ! –, qui ont longtemps été négligés, se trouvent ainsi renforcés.

Par ailleurs, je souhaiterais insister sur la dynamique dans laquelle s’inscrit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale et mettre en exergue son aspect prospectif. Ce serait commettre une grave erreur que de le considérer indépendamment de la politique globale pilotée par le Gouvernement pour pérenniser notre modèle de protection sociale, souvent vilipendé ces dernières années, alors même qu’il a prouvé toute son efficacité et son utilité au plus fort de la crise économique.

Pour ce faire, je prendrai appui sur plusieurs réformes qui verront le jour au cours de ce quinquennat.

En premier lieu, la partie portant sur l’assurance vieillesse ne peut s’examiner qu’en tenant compte du décret du 2 juillet 2012, qui a élargi aux personnes ayant commencé à travailler avant l’âge de 20 ans la possibilité de partir en retraite à 60 ans lorsqu’elles ont cotisé une carrière complète. Aussi, elle ne préjuge pas des décisions qui seront prises à l’issue de la concertation prévue au premier semestre de 2013, et qui devraient aborder plus en détail les enjeux de pénibilité et d’inégalité entre les hommes et les femmes devant la retraite.

Plus structurellement, se pose de manière aiguë la problématique de l’employabilité des seniors, dont la situation s’est encore dégradée cette année. Pensée trop brutalement, la réforme des retraites de 2010 a poussé les seniors dans l’abîme mortifère qu’est le chômage.

Dans ce contexte, le vote de l’amendement de mon collègue Bourquin visant à rétablir l’allocation équivalent retraite, supprimée par la majorité précédente, est une mesure qui permettrait de lutter contre l’extrême précarité et la pauvreté des demandeurs d’emploi les plus âgés arrivant en fin de droits. J’espère sincèrement qu’elle trouvera une traduction dans le projet de loi de finances.

En deuxième lieu, le projet de loi de financement de la sécurité sociale n’est pas seulement un exercice financier, dénué de toute orientation sociétale. Au contraire, il permet des avancées remarquables et peut être source de progrès.

En l’occurrence, le texte présentement étudié, par la transformation du congé de paternité en un congé de paternité et d’accueil de l’enfant ouvert à la personne vivant avec la mère, est une reconnaissance pour les couples homosexuels féminins et consacre le rôle de la partenaire de la mère dans l’éducation de l’enfant.

Au moment où les objections passionnées autour du mariage pour tous les couples résonnent autour de toutes les tribunes, prenant prétexte de la défense de l’intérêt de l’enfant, la préconisation de la Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l’égalité, la HALDE, datant de 2007, surgit comme un écho apaisant : « Il serait utile de substituer à la notion de congé de paternité, fondée exclusivement sur le lien de filiation, un congé d’accueil du jeune enfant ouvert au partenaire du parent, contribuant à l’éducation de l’enfant ». Qu’on se le dise : l’intérêt de l’enfant n’est pas contradictoire avec la volonté des couples homosexuels d’en avoir un.

De même, le remboursement à 100 % des interruptions volontaires de grossesse et la contraception pour les mineures, complétés au niveau réglementaire par une revalorisation des tarifs de l’IVG, sont une réelle éclaircie, à l’heure où dans de nombreux pays, notamment en Espagne ou aux États-Unis, la remise en cause de l’avortement, droit pourtant essentiel, est de plus en plus criante.

Enfin, la réflexion sur le vieillissement de la population, phénomène sociétal qui nécessite une réponse des pouvoirs publics à travers la mise en œuvre d’une réforme sur la perte d’autonomie, est amorcée dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Outre l’article 16, qui a pour objectif de mobiliser les ressources servant au financement de cette réforme, l’article 41 prévoit une expérimentation innovante, qui répond également à la problématique de l’accessibilité aux soins. En effet, le parcours de santé des personnes âgées en risque de perte d’autonomie est aujourd’hui sibyllin et – nous le savons tous, que nous soyons ou non élus des territoires ruraux ! – pèse lourdement sur les familles. La mise en place des projets pilotes prévus par cet article assurera la continuité des soins et sera donc de nature à faciliter le suivi médical des personnes âgées.

La tentation est grande, notamment pour l’opposition, de jeter l’anathème sur ce projet de loi de financement de la sécurité sociale qui engage le redressement des comptes de la sécurité sociale. Cependant, derrière cet objectif impérieux, qui peut paraître austère, trônent les valeurs de justice, d’équité et la vision d’une société française libertaire et harmonieuse.

Le Gouvernement est confronté aux défis économiques, sociaux et sociétaux les plus éminents que la société française ait dû affronter depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. (Marques d’impatience sur les travées de l'UMP.)

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. René Teulade. Dans une période de repli sur soi et d’ultralibéralisme où même la santé apparaît comme une charge, alors qu’elle est un investissement et la condition première de l’existence humaine, il est primordial de se souvenir de l’esprit du Conseil national de la Résistance et de réaffirmer, haut et fort, l’importance du principe de solidarité qui fonde notre modèle de protection sociale.

Ce projet de loi de financement de la sécurité sociale s’inscrit dans la dynamique des nécessaires réformes du système éducatif, de la politique de l’emploi, de la formation professionnelle et du système fiscal.

Le renforcement de la cohésion sociale passe par le retour de la confiance des jeunes et de leurs familles dans leur avenir. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary.

M. René-Paul Savary. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, permettez-moi de citer le préambule du chapitre consacré, dans la présentation du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, au secteur médico-social et intitulé : « L’effort en faveur des personnes âgées et des personnes handicapées : un choix de solidarité envers nos concitoyens les plus vulnérables ».

« En 2013, 18,2 milliards d’euros seront consacrés aux établissements et services médico-sociaux pour personnes âgées et personnes handicapées, ce qui représente 650 millions d’euros de mesures nouvelles. L’ONDAM médico-social progresse de 4 %, au sein d’un ONDAM global en progression de 2,7 %, traduisant ainsi la volonté du Gouvernement d’agir en faveur de nos concitoyens les plus vulnérables, malgré un contexte financier extrêmement difficile. »

S’il n’a échappé à personne que le contexte était difficile, ce préambule n’en mérite pas moins analyse.

Les établissements médico-sociaux sont soumis à une forte contrainte en matière de fonctionnement. Les charges de personnel représentent, avec 70 % en moyenne, le poste le plus élevé. Quant aux pensionnaires, qui payent l’hébergement par le prix de journée, ils n’ont pas des moyens extensibles.

La contrainte de la maîtrise du prix de journée va donc à l’encontre de l’amélioration du service. Toute action néfaste pour le pouvoir d’achat de nos concitoyens a aussitôt des répercussions insupportables pour les personnes les plus fragiles, qu’elles soient âgées ou handicapées.

Prenons un exemple d’actualité, celui des emplois d’avenir, puisque M. le ministre du travail invite vivement les collectivités à activer leur mise en œuvre par le biais, notamment, des établissements médico-sociaux : il s’agira de personnes peu qualifiées, qu’il faudra accompagner et former. Cela représentera un coût supplémentaire, qui, là encore, sera porté par le prix de journée.

Le vieillissement de la population est aussi un facteur à prendre en compte. D’ici à 2025, le nombre de personnes de plus de 75 ans va en effet doubler. La longévité va ainsi représenter pour notre pays un enjeu non seulement social, bien sûr, mais aussi économique.

Dès à présent, le constat est clair : la société a du mal à supporter le coût de l’hébergement, de la dépendance et de la médicalisation.

Ce sera par un impôt national qu’il faudra financer la solidarité nationale. Aussi, quel dommage de ponctionner autant, comme vous le faites dès cette année, à la fois les ménages, à qui vont être prélevés plus de 10 milliards d’euros, et les entreprises, pour plus de 10 milliards d’euros également, ce qui obère très gravement l’avenir.

L’augmentation de l’ONDAM médico-social paraît dès lors bien faible au regard de cet enjeu de société ! De plus, les crédits ne sont pas affectés à leur destination première, point sur lequel je veux insister.

La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie est devenue un réservoir pour combler le déficit de la sécurité sociale par un jeu de vases communicants budgétaire des crédits forcement sous-consommés vu leur imputation.

L’exemple le plus flagrant est la médicalisation des établissements pour personnes âgées.

En 2012, la sous-consommation dans la section « personnes âgées » de l’objectif de gestion délégué de la CNSA devrait atteindre 200 millions d’euros. Malgré cela, dans le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, comme vous l’aviez annoncé lors de la présentation de ce texte en première lecture, madame la ministre, sont prévus 160 millions d’euros pour poursuivre le programme de médicalisation des établissements hébergeant des personnes âgées dépendantes, dans le cadre de la généralisation de ce qu’il est convenu d’appeler la « pathossification ».

Les départements ne peuvent que se réjouir de ce renforcement des moyens réservés à la médicalisation des EHPAD, mais les 140 millions d’euros prévus initialement ne seront même pas consommés ou ne le seront que partiellement par d’autres dispositifs. Il risque bien sûr d’en aller de même pour les crédits de 2013.

Aussi, il conviendrait de mettre fin à une situation que l’on peut qualifier sans exagération d’absurde. En effet, si l’État peut librement décider d’améliorer la médicalisation des EHPAD et dégager les financements nécessaires dans la loi de financement de la sécurité sociale, il ne peut exiger par circulaires que les départements accompagnent cette médicalisation obligatoirement et mécaniquement en la complétant à hauteur de 30 % sur l’allocation personnalisée d’autonomie en établissement.

Dans le contexte financier actuel, les départements ne peuvent pas prendre en compte cette charge incluse sur l’APA en établissement, ce qui a pour effet d’accroître le ticket modérateur de l’APA des résidents, donc le « reste à charge », qu’il est pourtant indispensable de réduire.

Il faut souligner ce paradoxe où l’État, d’un côté, impose une dépense supplémentaire au titre de la dépendance et, de l’autre, refuse la compensation des dépenses afférentes à la dépendance à 50 %, en accusant parfois même les départements de ne pas maîtriser leurs dépenses en la matière et, surtout, en ne donnant pas suite aux propositions légitimes formulées lors de l’examen des recettes en première lecture, notamment à l’article 16.

Les départements refusant de cofinancer cette médicalisation, les crédits de l’assurance maladie ne seront pas, une fois encore, consommés. Il est temps, madame la ministre, de mettre fin à ce cercle vicieux.

S’agissant maintenant des personnes en situation de handicap, près de 9 milliards d’euros seront consacrés aux établissements et services médico-sociaux, soit 3,3 % de plus qu’en 2012.

Là aussi, la situation évolue plus vite que les crédits. Je ne reviendrai pas sur la mise aux normes des bâtiments publics, qui nécessiterait des moyens accrus pour respecter l’échéance de 2015, non plus que sur la montée en charge progressive de la loi de 2005, sur le vieillissement des personnes handicapées ou encore sur l’augmentation du poids de l’AAH. Je veux en effet plutôt insister sur la faiblesse des crédits de fonctionnement alloués aux maisons départementales des personnes handicapées, les MDPH.

Même si ces crédits sont en augmentation, la contribution de la CNSA ne suffira pas, cette année encore, à la prise en charge de ces structures.

Les conseils généraux sont, là encore, mis à contribution. Ils deviennent même le principal financeur des MDPH. Ce n’est plus acceptable !

En conclusion, pour ce qui concerne l’ensemble du secteur médico-social, il n’y a rien d’innovant. Le Gouvernement prétend mener une politique ambitieuse sans se donner les moyens de le faire. À y regarder de plus près, on constate vite que les points positifs, valorisés, ne relèvent que de l’affichage budgétaire. Les collectivités locales, qui n’en peuvent déjà plus, sont toujours mises davantage à contribution.

L’avenir est sombre lorsque l’on n’a pas les moyens de sa politique ! Il faudra bien annoncer la couleur à nos concitoyens un jour ou l’autre. Le matraquage fiscal de cette année et l’absence de volonté de diminuer la dépense publique à la même hauteur nous handicaperons tôt ou tard.

Toutes les pistes devront être examinées sans a priori, qu’il s’agisse des journées de solidarité, du temps de travail, de la CSG, du recours sur succession ou du système assurantiel.

Quelles que soient les solutions retenues, les collectivités locales seront en première ligne. Le Sénat sera donc naturellement le lieu d’échanges contradictoires pour définir certains axes.

Certains amendements concrets auraient d’ailleurs mérité un débat plus approfondi et auraient été susceptibles de préparer l’avenir si la majorité avait été capable de s’ouvrir ou de se reconstituer pour nous permettre d’examiner les dépenses prévues dans ce projet de loi de financement de la sécurité sociale.

L’absence de compensation aux conseils généraux des prestations de solidarité pour la dépendance, que ce soit pour l’APA ou pour la PCH, l’insuffisance des crédits de fonctionnement des MDPH, comme la perfidie du système d’affectation des crédits de médicalisation sont ainsi des problèmes auxquels le texte en nouvelle lecture n’apporte pas de solution.

En conséquence, notre groupe n’est pas favorable au projet de loi de financement de la sécurité sociale sur ce chapitre. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme la ministre.

Mme Marisol Touraine, ministre. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, je serai brève, car ce débat s’inscrit dans le prolongement très exact des échanges que nous avons pu avoir en première lecture.

Je veux dire tout d’abord aux représentants de l’opposition, en particulier à MM. Jean-Noël Cardoux, Jean-Marie Vanlerenberghe et Gilbert Barbier, que, contrairement à ce qu’ils indiquent, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne repose pas uniquement sur des mesures de recettes et engage des mesures d’économie, que j’ai d’ailleurs rappelées.

Puisque l’on m’exhorte à proposer des dépenses en matière de médicaments, je veux rappeler que des économies d’un milliard d’euros sont prévues dans ce domaine.

Par ailleurs, je le répète, les prélèvements prévus peuvent difficilement apparaître comme des mesures injustes, en particulier pour les artisans. On ne fera croire à personne qu’en mettant à contribution de façon plus juste au regard de leurs revenus les artisans qui gagnent plus de 180 000 euros par an on pénalise les classes moyennes ! C’est bien de redistribution et de justice qu’il s’agit puisque, à l’inverse, près de 500 000 artisans dont les revenus sont inférieurs à 14 500 euros par an verront, eux, leur contribution forfaitaire diminuer.

J’indique à René-Paul Savary que la préoccupation du Gouvernement est bien de faire en sorte que les politiques médico-sociales, en direction, en particulier, des personnes âgées, mais aussi des personnes handicapées, soient consolidées, ce que traduit un budget volontariste en la matière.

Comme nous avons déjà eu l’occasion d’en débattre, le Gouvernement poursuivra les discussions engagées avec les collectivités territoriales, en particulier les conseils généraux, pour déterminer un mode de financement pérenne des allocations universelles qui devraient rester à la charge des départements, dont l’allocation personnalisée d’autonomie, mode de financement pérenne qui n’a pas été trouvé par la majorité que soutenait M. Savary…

Je remercie les membres de la majorité gouvernementale qui ont apporté leur soutien à ce projet de loi de financement de la sécurité sociale, au premier rang desquels, bien sûr, M. le rapporteur général.

Je partage avec lui des regrets quant à l’incapacité dans laquelle nous allons nous trouver de nouveau d’examiner les mesures de dépenses, qui, évidemment, sont celles qui portent de manière plus marquée les réorientations sur le fond de notre politique.

Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur général, chacun assumera ses responsabilités. Vous avez lancé un appel pour que des compromis puissent se dégager ; à l’évidence, ce temps semble déjà derrière nous.

Je remercie René Teulade de la fresque qu’il a dressée de la politique gouvernementale qui a été engagée. C’est bien d’une réorientation générale de la politique qu’il s’agit et qui, bien sûr, appelle d’autres mesures. Vous avez notamment évoqué, monsieur Teulade, la question de l’AER, qui engage notre pays sur la voie d’une justice retrouvée.

Madame Archimbaud, j’entends vos préoccupations en matière de santé environnementale et votre volonté de faire en sorte que ces enjeux soient toujours mieux pris en considération dans nos politiques.

Le Gouvernement partage cette volonté : pas plus tard qu’hier, dans le prolongement de ce qui avait été fait au Sénat, l’Assemblée nationale a adopté la proposition de loi visant à la suspension de la fabrication, de l’importation, de l’exportation et de la mise sur le marché de tout conditionnement à vocation alimentaire contenant du bisphénol A. L’interdiction de la présence de ce composé chimique dans les contenants alimentaires a encore été étendue au regard du texte initial, ce qui témoigne bien de l’importance accordée à ces questions par le Gouvernement.

Nous avons les moyens d’aller fermement de l’avant en nous appuyant sur d’autres leviers que la seule fiscalité, qui ne recouvre qu’un des aspects des politiques publiques qu’il nous faut mettre en place.

Je terminerai mon intervention en disant à M. Dominique Watrin que j’ai entendu les propos qu’il a tenus au nom de son groupe. La question du mode de financement de notre protection sociale fait aujourd’hui l’objet d’études dans le cadre du Haut Conseil pour le financement de la protection sociale. Je la répète, ce financement reste très majoritairement assis sur des cotisations sociales, et non sur la fiscalité. Pour le reste, je ne m’étendrai pas davantage. Je prends acte des distances qu’il a exprimées au nom de son groupe. C’est sa responsabilité. Il appartiendra aux Français d’en juger. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

Nous passons à la discussion de la motion tendant à opposer la question préalable.

Question préalable

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale de financement de la sécurité sociale pour 2013
Première partie

M. le président. Je suis saisi, par M. Milon, Mmes Bouchart et Bruguière, M. Cardoux, Mme Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Lorrain et Pinton, Mme Procaccia, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, apparentés et rattachés, d'une motion n°16.

Cette motion est ainsi rédigée :

En application de l’article 44, alinéa 3, du règlement, le Sénat décide qu’il n’y a pas lieu de poursuivre la délibération sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, adopté par l'Assemblée nationale en nouvelle lecture (n° 162, 2012-2013).

Je rappelle que, en application de l’article 44, alinéa 8, du règlement du Sénat, ont seuls droit à la parole sur cette motion l’auteur de l’initiative ou son représentant, pour quinze minutes, un orateur d’opinion contraire, pour quinze minutes également, le président ou le rapporteur de la commission saisie au fond et le Gouvernement.

En outre, la parole peut être accordée pour explication de vote, pour une durée n’excédant pas cinq minutes, à un représentant de chaque groupe.

La parole est à M. Alain Milon, pour la motion.

M. Alain Milon. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, faute de majorité au Sénat, le Gouvernement a dû programmer cette nouvelle lecture du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013.

Lors de la première lecture, nous avions dénoncé l’avalanche de taxes proposée par le Gouvernement et défendu de nombreux amendements sur les articles concernés.

Je pense tout d’abord à l’article 11, qui prévoit une hausse de 1,3 milliard d’euros des cotisations sociales des professions indépendantes, commerçants, artisans et professions libérales. Or les entreprises de l’artisanat et du commerce de proximité créent et développent des emplois non délocalisables. Le groupe UMP a rappelé que l’ensemble de ces professions avait déjà beaucoup contribué à l’effort de croissance en faveur du maintien d’une économie de proximité et de la préservation des emplois salariés.

Je pense ensuite à l’article 15, qui supprime la déclaration au forfait pour les emplois à domicile. Cette question a déjà été évoquée lors de la discussion générale. Nous avons souligné combien cette mesure allait entraîner un alourdissement de la masse salariale et provoquer, soit des licenciements, soit une baisse des heures déclarées, au détriment des salariés.

Il est par ailleurs regrettable qu’aucune étude d’impact n’ait été réalisée sur une mesure si importante pour les personnes âgées, les familles nombreuses et les familles modestes, qui participent à l’emploi de milliers de personnes.

Madame la ministre, cette mesure brutale, prise en l’absence de toute concertation avec les entreprises mandataires, les associations de particuliers employeurs ou les salariés de particuliers employeurs, met en danger un grand nombre d’emplois. Le modèle économique actuel n’est certes pas parfait, mais il permet à des centaines de milliers de personnes de vivre.

L’argument du Gouvernement selon lequel l’article 15 offrirait aux salariés une couverture plus juste, n’est pas recevable : que leur direz-vous quand ils perdront la plus grande partie de leurs revenus ? Nous avions eu gain de cause quand le Sénat avait adopté notre amendement de suppression de l’article, mais, comme nous nous y attendions, l’Assemblée nationale l’a réintégré.

Par ailleurs, l’article 20 relève, à hauteur de 20 %, la fiscalité relative aux indemnités de rupture conventionnelle. Le Gouvernement prétend que certains employeurs ont recours à ce dispositif pour échapper aux règles encadrant le licenciement. Ce type de dérive n’a pourtant jamais été démontré. Une nouvelle fois, cette mesure va pénaliser le salarié en diminuant d’autant son indemnité.

Je pense enfin à l’article 24 ter, qui étend l’assiette de la taxe sur les dépenses de promotion des médicaments aux dépenses engagées pour les congrès et la communication institutionnelle. Nous réaffirmons que cette mesure va entraîner la disparition des congrès et qu’elle aura donc un impact négatif sur le rayonnement scientifique de la recherche et de la médecine françaises.

En outre, cette mesure surtaxation, ajoutée aux autres dispositions allant à l’encontre des industries du médicament, rend ces prélèvements littéralement confiscatoires, aux dépens de la compétitivité de la recherche française. C’est pourquoi nous avions demandé que toutes ces dispositions soient retirées du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2013, afin qu’une réflexion plus globale sur le coût du travail soit engagée par le Haut Conseil pour le financement de la protection sociale.

S’agissant de la mise en place des taxes dites « comportementales », nous avons plaidé pour qu’une réflexion globale soit menée dans le cadre d’une loi de santé publique, et avons refusé l’instauration de tout nouveau prélèvement sans étude d’impact, notamment sur l’huile de palme et sur l’aspartame. L’association française des diabétiques a d’ailleurs attiré notre attention sur le rôle essentiel de cet édulcorant pour les 3 millions de Français atteints de cette maladie. Pour ces personnes, l’aspartame constitue non seulement un substitut efficace en termes de goût, mais aussi une aide thérapeutique dans la gestion de leur maladie, en leur permettant de limiter leur consommation de sucre.

Dans ce contexte, une disposition qui vise à instaurer une taxation spécifique de l’aspartame nous paraît poser un problème particulier aux diabétiques. Nous constatons avec satisfaction que l’Assemblée nationale a eu la sagesse de retirer ces deux taxes.

En ce qui concerne le volet dépenses, nombre de dispositions ne nous satisfont pas. Nous notons cependant, et nous nous en félicitons, le recul de l’Assemblée nationale sur deux mesures qu’elle avait insérées en première lecture.

Il s’agit, en premier lieu, du contrôle de la pratique privée à l’hôpital. Cette disposition avait été insérée sans aucune concertation avec les syndicats de médecins hospitaliers, et alors même que la ministre de la santé venait de confier à Mme Dominique Laurent une mission sur le secteur libéral à l’hôpital public.

Je rappelle que l’activité libérale est d’ores et déjà réglementée à l’hôpital, et qu’elle constitue un facteur important d’attractivité pour certaines disciplines, dans lesquelles la démographie médicale et la concurrence du secteur privé rendent les recrutements très difficiles. Je tiens à réaffirmer que la plupart des médecins appliquent les tarifs opposables, et que ceux qui pratiquent les dépassements d’honoraires le font avec tact et mesure. Seuls quelques-uns méritent d’être condamnés.

Il s’agit, en second lieu, de la modification des modes de facturation des actes de biologie médicale. Cette mesure était en contradiction avec l’esprit de l’ordonnance Ballereau, qui prévoit la création d’un dossier biologique unique sous la responsabilité du laboratoire de biologie médicale préleveur.

Par ailleurs, de nombreux dispositifs que nous désapprouvons sont maintenus.

Je pense notamment à la mise en place d’un praticien local de médecine générale, qui ne nous semble pas opportune : tout d’abord, parce qu’elle vise à faire glisser l’activité libérale vers l’activité salariale – nous ne partageons pas cette vision de la médecine –, ensuite, parce qu’il faudrait engager une réflexion globale sur les mesures à prendre contre les déserts médicaux avant de superposer des dispositifs visant à attirer les jeunes médecins dans les zones sous-dotées.

Je pense encore à l’encadrement de la publicité pour les produits de santé, qui va entraver l’essor de l’automédication en limitant l’usage de la publicité à destination du grand public, et aussi à la suppression de l’expérimentation de la visite médicale. Cette expérimentation n’est d’ailleurs pas encore terminée et elle n’a donc fait l’objet d’aucune évaluation sur les conditions dans lesquelles elle pourrait être généralisée.

Je pense enfin à l’abaissement du délai de facturation à un an pour les établissements pour personnes handicapées tarifés au prix de journée pour émettre et rectifier leurs factures auprès de l’assurance maladie.

En dernier lieu, nous avons pointé l’incohérence des choix du Gouvernement : en juillet dernier, il s’est précipité pour supprimer la TVA compétitivité et promettre de ne pas augmenter cette taxe ; six mois plus tard, il fait exactement l’inverse. Le groupe UMP souhaite que le Gouvernement reconnaisse la nécessité d’engager des changements fondamentaux pour résoudre le problème du financement de notre protection sociale et enrayer la perte de compétitivité de nos entreprises.

Pour notre groupe, la seule augmentation de nombreuses taxes et le démantèlement des dispositifs mis en place par le Gouvernement précédent ne constituent pas une stratégie viable en faveur de la sauvegarde de notre système de protection sociale.

Pour toutes ces raisons, le groupe UMP votera l’adoption de motion tendant à opposer la question préalable. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier, contre la motion.