M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est en effet une bonne question, qui mérite d’être posée !

M. Maurice Vincent. Telle est la proposition que je vous soumets.

Au-delà de ces observations et de cette proposition, le présent projet de loi de finances rectificative me semble évidemment indispensable à la poursuite du redressement de notre pays que j’évoquais en préambule. Il recueille donc, naturellement, tout mon assentiment. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur la plupart des travées du RDSE.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?...

La discussion générale est close.

Mes chers collègues, nous allons maintenant interrompre nos travaux ; nous les reprendrons à quatorze heures trente.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à douze heures trente, est reprise à quatorze heures trente, sous la présidence de M. Thierry Foucaud.)

PRÉSIDENCE DE M. Thierry Foucaud

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

Nous poursuivons la discussion du projet de loi de finances rectificative pour 2012, adopté par l’Assemblée nationale.

La parole est à M. le ministre délégué.

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Mesdames, messieurs les sénateurs, je vais naturellement – c’est l’usage et le débat le commande de surcroît – répondre aux différents orateurs, en m’adressant tout d’abord aux parlementaires de l’opposition.

Les critiques les plus nombreuses ont évidemment porté sur le crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi. Elles émanaient du président de la commission des finances, M. Philippe Marini, et de MM. Vincent Delahaye et Albéric de Montgolfier. Elles se résument en quelques mots : le volume serait insuffisant, le ciblage inadéquat, l’effet de seuil à deux fois et demie le SMIC mal négocié, la conditionnalité douteuse et le financement incertain. Quelques autres critiques d’importance moindre ont également été émises, j’y répondrai.

Le volume serait donc insuffisant. Certes, le rapport Gallois avait préconisé un effort d’une trentaine de milliards d’euros. Chacun sait bien, cependant, qu’une baisse des charges sociales a des répercussions sur l’impôt sur les sociétés et qu’il faut donc considérer l’ensemble des charges. La baisse de 30 milliards d’euros prévue par le rapport Gallois pour ce qui concerne les charges sociales, si l’on considère son effet sur les entreprises net de ses conséquences sur l’impôt sur les sociétés, correspond à l’effort que le Gouvernement se propose de réaliser.

Dès lors qu’il s’agit d’un crédit d'impôt, l’effort peut être évalué hors de toute autre considération. Le Gouvernement prétend – il est prêt à le démontrer si besoin est – que les 30 milliards d’euros évoqués dans le rapport Gallois se retrouvent bien dans les 20 milliards d’euros relatifs au crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi.

On pourrait d’ailleurs prolonger le raisonnement en faisant remarquer que le plan en faveur de la compétitivité qui fut adopté par la précédente majorité prévoyait une douzaine de milliards d’euros de baisse de charges sociales. Cette somme ne s’entendait pas nette de l’effet du dispositif sur l’impôt sur les sociétés. En vérité, l’effort était donc de moins d’une dizaine de milliards d’euros pour les entreprises, soit bien moins qu’annoncé.

Le Gouvernement l’affirme très sereinement, le plan qu’il envisage est d’un volume au moins deux fois supérieur à celui qui fut envisagé par la majorité précédente. Quand les orateurs de celle-ci, membres de l’opposition d’aujourd’hui, critiquent le volume insuffisant de ce plan, il est tout à fait légitime de leur objecter qu’il représente plus du double de celui qu’ils avaient envisagé.

M. Philippe Marini. Ce n’était qu’un début !

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. Ensuite, le ciblage serait inadéquat, ce que je ne crois pas, même si, chacun a pu le constater, l’industrie n’est pas seule directement concernée. Tous les législateurs ont rencontré ce type de difficulté, dès lors qu’il s’agit d’aider tel ou tel secteur de l’activité économique.

Sauf à tomber sous le coup d’une accusation d’aide d’État, irrégulière au regard des règlements ou directives de l’Union européenne, ces aides doivent embrasser la totalité ou quasi-totalité du secteur économique.

Pourtant, la manière dont les choses ont été envisagées fait que plus de 20 % de l’effort aboutira à aider l’industrie, qui ne représente que 12,5 % de la valeur ajoutée des entreprises dans notre pays. L’industrie est donc surreprésentée si l’on considère le volume d’aides prévu par le plan gouvernemental qui lui est affecté. De plus, compte n’est pas tenu ici de l’aide apportée à toutes les activités que l’industrie a pu externaliser, comme, parmi d’autres exemples, l’informatique.

Je crois donc que l’aide à l’industrie est nettement plus importante que ce que l’on veut bien dire. Même ceux qui critiquent un dispositif insuffisamment ciblé savent parfaitement qu’il est très difficile, voire impossible, de cibler mieux que ce qui a été fait en préparant cette réforme.

L’effet de seuil induit par l’extinction du dispositif d’allégement de charges sociales pour les salaires supérieurs à deux fois et demie le SMIC donnera lieu, je le devine sans peine, à des débats intéressants. Nous avions en effet plusieurs options possibles, notamment une annulation progressive, en biseau, de ces aides, et non pas une extinction nette, comme nous le proposons.

Ce choix a été fait dans un souci de simplification, de manière à éviter la mise en place de mécanismes d’optimisation et nous garder d’une complexité probablement préjudiciable à l’efficacité du dispositif. Dans cet esprit, nous avons prévu un arrêt net des aides pour les salaires supérieurs à deux fois et demie le SMIC. Je ne crois pas que l’on puisse parler, à ce niveau de rémunération, de la création d’une trappe à bas salaires. Deux fois et demie le SMIC ne représente pas un salaire mirobolant, mais quand on sait ce qu’est le revenu médian, cela peut difficilement être jugé comme un niveau susceptible de constituer une trappe à bas salaires.

La conditionnalité du dispositif a donné lieu à des débats intéressants à l’Assemblée nationale ; j’imagine que tel sera également le cas au Sénat. Le Gouvernement n’a pas souhaité introduire, je le dis très clairement, des clauses de conditionnalité, car il a jugé qu’elles compliqueraient à l’excès un dispositif dont la simplicité est un gage de réussite.

En revanche, l’Assemblée nationale a imaginé un certain nombre de critères dont les partenaires sociaux devront s’emparer, et je suis sûr qu’ils le feront. De cette manière, lorsque le bilan sera fait après quelques mois, il pourra se fonder sur des critères que le législateur aura choisi de privilégier.

En la matière, chacun sait ce que serait une utilisation véritablement illégitime de ces montants d’argent public : l’augmentation de dirigeants ou la distribution de dividendes. L’on sait également que d’autres utilisations sont parfaitement légitimes, et d’ailleurs souhaitables : l’investissement, la formation et l’embauche, conformément à l’esprit du pacte pour la compétitivité et l’emploi que les pouvoirs publics veulent nouer avec les entreprises de notre pays.

Le financement de la mesure a fait l’objet, là encore, de critiques attendues, auxquelles j’opposerai des arguments qui ne le seront pas moins. Il se fera pour moitié par des économies, dont je veux bien reconnaître qu’elles restent à déterminer.

Le coût de ce financement devra être assumé progressivement à partir de 2014, complètement ensuite. Il est donc judicieux de se donner le temps, c'est-à-dire l’année 2013, pour définir comment doivent se faire ces économies. Il faudra alors décider des réformes structurelles à engager, afin de dégager le volume nécessaire au financement du crédit d'impôt pour la compétitivité et l’emploi.

La seconde moitié du financement est issue d’une modulation des taux de TVA. Le taux réduit est abaissé ; le taux intermédiaire est augmenté ; et le taux normal l’est également, mais dans des proportions moindres. La stratégie du Gouvernement consiste clairement, par les amendements qu’il propose, à définir le volume budgétaire attendu de cette hausse de la TVA, sans trancher définitivement la définition des taux s’appliquant à telle activité, tel bien ou tel service.

Ces éléments seront précisés durant l’année 2013. Chaque assemblée, toutes commissions confondues, travaillera en concertation avec les professionnels. Au terme de ce travail parlementaire, nous parviendrons à une affectation des différents taux de TVA aux biens et services produits et délivrés dans notre pays. Elle rencontrera certainement quelques oppositions, peut-être quelques critiques, car tous les secteurs ne pourront être satisfaits, mais elle pourra s’appuyer sur le travail sérieux mené conjointement par le Parlement et le pouvoir exécutif.

M. Philippe Marini. Et la fiscalité écologique ?

M. Jérôme Cahuzac, ministre délégué. M. Vincent Delahaye a prétendu que les entreprises en difficulté ne bénéficieraient pas du dispositif. Il s’agit, me semble-t-il, d’une erreur de compréhension. Les entreprises déficitaires acquerront ce crédit d'impôt autant que les entreprises bénéficiaires. Les PME pourront d’ailleurs obtenir le remboursement de leurs créances en année n+1.

Enfin, la comptabilisation en 2013 a semblé poser quelques difficultés. Je voudrais lever les ambiguïtés, si elles existent. Le crédit d'impôt sera naturellement inscrit dans les différentes comptabilités prévues par la loi organique. Le dispositif sera ainsi retracé, d’une part, en comptabilité budgétaire, dans une logique d’encaissement et de décaissement, et, d’autre part, en comptabilité générale, dans une logique de droits constatés.

Pour ce qui concerne les projets immobiliers, MM. Vincent Delahaye et Albéric de Montgolfier se sont inquiétés des autorisations d’engagement présentes dans le texte. Il s’agit notamment des 542 millions d’euros inscrits pour le déménagement du ministère de l’écologie, du développement durable et de l’énergie à La Défense. Ces autorisations d’engagement ne correspondent pas à un investissement de ce montant, et ne s’accompagnent d’ailleurs d’aucune demande de crédits de paiement. Il s’agit simplement de la somme des loyers et charges payés au propriétaire bailleur de la Tour Esplanade sur la durée du bail.

Plus sérieuse a été, me semble-t-il, la critique de M. le président de la commission des finances concernant le dérapage de 600 millions d’euros au titre des dépenses salariales, qui illustrerait, selon les contempteurs de l’action gouvernementale, une incapacité à tenir les dépenses de l’État.

Je voudrais là encore mettre les choses au point et indiquer que ces 600 millions d’euros sont dus, pour l’essentiel, sinon dans leur totalité, à deux ministères, l’éducation nationale et la défense.

S’agissant du ministère de la défense, la situation tient tout simplement aux primes relatives aux opérations extérieures. Il serait bien audacieux d’affirmer que ce dérapage est constaté cette année pour la première fois ! Chaque année, hélas, et pour des raisons légitimes que chacun connaît, ces coûts sont sous-budgétés. Cela n’est pas dû à une déloyauté de la part des gouvernements, en l’espèce le gouvernement de M. Fillon, à l’égard du Parlement, mais simplement à l’incapacité de tout pouvoir exécutif de prévoir de manière exacte et judicieuse le coût des opérations extérieures que notre pays décide de mener.

Bien malin qui pourrait dire aujourd’hui ce que sera exactement l’action de nos forces hors de nos frontières en 2013. Nous tentons, année après année, d’approcher aussi sincèrement que possible ce coût, mais ce poste a, depuis toujours, été sous-budgété.

Quant au dérapage relatif à l’éducation nationale, il a deux origines, dont l’une est totalement imputable à la majorité précédente, c'est-à-dire au gouvernement Fillon, la responsabilité de l’autre se partageant pour moitié entre les gouvernements de MM. Fillon et Ayrault, qui ont présidé aux destinées du pays en 2012.

Première raison, en début d’année, le schéma d’emplois n’a pas été respecté par l’administration, contrairement, peut-être, aux arbitrages qui avaient été rendus. Le tort en incombe exclusivement au gouvernement précédent, tant il est vrai que ce n’est pas au mois de juillet que ces schémas peuvent être révisés pour l’année en cours. Prétendre le contraire dénoterait soit une parfaite mauvaise foi, soit une méconnaissance totale de la matière budgétaire, et je suis bien certain de n’avoir à affronter ici, mesdames, messieurs les sénateurs, ni l’une ni l’autre.

La seconde raison tient à une politique catégorielle, qui aurait vraisemblablement dû être plus rigoureuse, en début comme en fin d’année, à torts partagés.

Si nous convenions que les explications que j’ai données sont sincères et loyales à l’égard du Sénat, peut-être pourrions-nous éviter des polémiques inutiles.

Je le dis très fermement, nous avions constaté la sous-budgétisation des ministères de la défense et de l’éducation nationale lors de la préparation du projet de loi de finances initiale. Nous en avons tenu compte et l’avons corrigée dans le projet de loi de finances pour 2013. Il n’y a donc pas lieu de dégager 600 millions d’euros supplémentaires pour assumer la masse salariale de l’État l’an prochain. C’est là l’essentiel, me semble-t-il, et le Parlement était en droit de demander au Gouvernement des explications sur ce point.

On a critiqué le « bricolage » que constituerait la ponction de 10 milliards d’euros sur les entreprises au regard du projet de loi de finances, d’un côté, et du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, de l’autre.

D’un point de vue macroéconomique, on constate effectivement qu’il est envisagé, d’une part, d’augmenter la fiscalité pour les entreprises à hauteur de quelque 10 milliards d’euros, et, d’autre part, de « rendre » les sommes concernées aux entreprises, sinon en 2013, tout au moins en 2014.

Cependant, même si, sur le plan macroéconomique, ce sont bien les entreprises qui sont concernées, il n’en demeure pas moins, à regarder les choses d’un peu plus près, que ce ne sont vraisemblablement pas les mêmes qui seront sollicitées et qui bénéficieront à plein du crédit d’impôt.

Là encore, l’argument qui nous est opposé, selon lequel on rendrait aux entreprises ce qu’on leur a pris, n’est pas pleinement satisfaisant.

À cet égard, oserai-je rappeler le précédent – malheureux ! – que fut, pour l’ancienne majorité, la taxe carbone. D’un point de vue macroéconomique, il s’agissait de rendre aux ménages les sommes qui avaient été prélevées. J’ai le souvenir que, à l’époque, les parlementaires de la majorité UMP, notamment au Sénat, avaient expliqué les effets d’une telle politique : s’il s’agissait bel et bien d’un jeu à somme nulle, mais, à la vérité, les foyers concernés n’étaient pas les mêmes. Toutefois, le Conseil constitutionnel, dont je n’ai pas à apprécier les décisions, en a jugé différemment.

Monsieur Dupont, vous avez souligné l’importance de la filière équine en termes d’emploi et d’aménagement du territoire.

Hier, j’ai eu une discussion avec le commissaire européen chargé de la fiscalité, M. Šemeta, qui m’a indiqué que la Commission européenne était extrêmement attachée à ce que la France se mette en conformité sur ce sujet ; lui-même m’a fait part de sa volonté de voir notre pays respecter scrupuleusement les traités.

À cet égard, je rappelle que nous avons déjà été condamnés par la Cour de justice de l’Union européenne pour n’avoir pas mis nos taux de TVA en conformité avec ce que la Commission estime être l’esprit et la lettre de la directive TVA.

C’est pourquoi il vous est proposé, mesdames, messieurs les sénateurs, de modifier les taux de TVA pour répondre à la demande non seulement de la Commission européenne, mais également de la Cour de justice de l’Union européenne, sauf pour les centres équestres.

En effet, nous estimons que la France est juridiquement dans son bon droit en maintenant un taux de TVA réduit pour ces derniers. Dans l’hypothèse où elle serait condamnée pour manquement sur manquement, le renvoi à un décret, prévu par le projet de loi de finances rectificative, nous permettrait une mise en conformité immédiate et nous éviterait, le cas échéant, de payer l’astreinte journalière de 250 000 euros par jour de non-mise en conformité. En revanche, si la Cour de justice de l’Union européenne nous condamne de nouveau, nous devrons payer une amende. Nous prenons ce risque pour donner à ce secteur d’activité toutes ses chances, car nous savons très bien que l’application d’un taux de TVA normal pourrait en compromettre la vitalité économique.

Les sénateurs de la majorité ont naturellement exposé un point de vue quelque peu différent sur tous ces sujets.

J’ai pu écouter, monsieur le rapporteur général, votre intervention avant de partir à l'Assemblée nationale – permettez-moi d’ailleurs de renouveler mes excuses au Sénat à cet égard –, et je vous remercie d’avoir dressé un bilan assez complet et précis de notre situation budgétaire. Je vous en donne bien volontiers acte, le projet de loi de finances rectificative pour 2012 est « bien plus qu’un traditionnel collectif de fin d’année ».

Vous avez eu des mots très justes sur la nécessité de préserver une industrie et de ne pas s’en remettre exclusivement à une économie tertiarisée. Là encore, je suis mille fois d’accord.

Des propositions alternatives sophistiquées ont constitué une contribution tout à fait intéressante au débat relatif aux outils susceptibles de favoriser le redressement de la compétitivité, mais nous en reparlerons ultérieurement.

La question de la répartition de la CVAE, la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, est un sujet difficile à propos duquel des attentes fortes et légitimes ont été exprimées en vue d’assurer aux territoires d’implantation des activités économiques un retour fiscal adapté, cohérent et – oserai-je le dire ? – légitime.

Plutôt que de légiférer dans l’impréparation, il convient de rechercher une solution efficace après avoir procédé à une évaluation précise des impacts. Ce travail devrait être conduit dans le cadre du Comité des finances locales ; des propositions seront faites en 2013, monsieur le rapporteur général.

Je sais également votre attachement à la révision des valeurs locatives d’habitation, et le Gouvernement partage votre préoccupation en la matière. Nous parlons de cette réforme depuis quelques mois maintenant. Il s’agit d’un chantier essentiel, que le Gouvernement va ouvrir, pour assurer une équité entre les contribuables et les collectivités et, indirectement, l’autonomie de ces dernières. Pour ce faire, il déposera un amendement en réponse à celui que vous défendrez sur le sujet.

L’expérience l’a prouvé, la concertation et l’expérimentation sont, me semble-t-il, indispensables pour qui souhaite sincèrement voir ces discussions déboucher sur des propositions concrètes. D’ailleurs, je me souviens qu’Alain Richard a plaidé avec force pour une démarche progressive et pragmatique, qui, sans être suffisante pour assurer le succès de cette réforme en est, à coup sûr, l’une des conditions nécessaires.

Vous avez souligné, monsieur Collin, la densité de ce projet de loi de finances rectificative, parlant même de « lourdeur ». Pour voir les choses sous un autre angle, sachez que nous ne convoquons pas le Parlement pour discuter de choses anodines.

Je vous remercie d’avoir indiqué les points de convergence sur le fond : mesures anti-abus, lutte contre la fraude, notamment contre les carrousels à la TVA pour ce qui concerne les véhicules d’occasion, auxquels il faut mettre fin d’urgence, prise en compte des difficultés des collectivités – 170 millions d’euros seront accordés aux départements en tension budgétaire –, et réforme de la CFE, la cotisation foncière des entreprises.

Cette réforme, émanant d’une initiative sénatoriale, s’est conclue à l'Assemblée nationale pour des raisons dont chacun pourra reconnaître qu’elles tiennent non pas à la volonté du Gouvernement, mais à l’acceptation par ce dernier du vote souverain de la Haute Assemblée. La version adoptée par les députés devrait vous satisfaire, à quelques corrections près.

Je vous remercie de votre soutien affirmé au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi. Vous avez, cependant, regretté que le ciblage ne porte pas suffisamment sur l’industrie.

Je l’ai déjà dit, mais je le répète de nouveau, le volume consacré à l’industrie est tout de même près de deux fois supérieur à la part de la valeur ajoutée de celle-ci dans le PIB ou au nombre d’entreprises industrielles.

Je vous remercie, monsieur Gattolin, d’avoir soutenu avec force les mesures anti-fraude et anti-abus.

Concernant la réforme très importante relative au CICE, vous regrettez le flou qui entourerait le financement de cette mesure. S’il peut y avoir des imprécisions concernant les économies, les modalités de financement sont précises. Il faudra bien faire 10 milliards d’euros d’économies : elles nécessiteront des réformes structurelles, dont nous débattrons ensemble au cours de l’année 2013.

Pour le reste, il convient de travailler précisément sur la question de la fiscalité écologique. Vous le savez, il faudra dégager, à ce titre, entre 3 et 4 milliards d’euros.

Par ailleurs, la modulation des taux de TVA, destinée à financer le CICE, rapportera 6 milliards d’euros. Elle devra se faire à enveloppe garantie, en partenariat étroit avec l’ensemble du Parlement, toutes commissions confondues dès lors que les parlementaires en décideraient ainsi.

Il ne s’agit en aucun cas de donner un chèque en blanc aux entreprises. Même s’il n’existe pas de conditionnalité, eu égard au fait que la simplicité du dispositif est, je le répète, un gage de son succès, des principes forts ont été posés et déclinés dans les amendements déposés par la majorité gouvernementale à l’Assemblée nationale. Il y aura une appréciation ex post au regard des critères fixés par le Parlement et sous le contrôle des partenaires sociaux.

Nous osons faire le pari de la responsabilisation des entreprises, de celles et de ceux qui les dirigent, pour faire en sorte que l’argent public, car les sommes seront importantes, ne soit pas galvaudé par des utilisations qui choqueraient légitimement nos compatriotes.

En dépit des critiques que vous avez émises, vous avez annoncé votre intention de voter le projet de loi de finances rectificative pour 2012, et je vous remercie d’avoir témoigné de votre appartenance à la majorité gouvernementale.

En effet, c’est lors de l’examen des projets de loi de finances initiale et rectificative, ainsi que des projets de loi de financement de la sécurité sociale, qu’une majorité parlementaire se noue, se forme, et se consolide. Il n’y a pas à être choqué de ce grand principe de notre vie démocratique, qu’il s’agisse du budget de l’État ou de celui des collectivités locales, chacun étant naturellement libre de s’inscrire ou non dans la majorité gouvernementale ou dans l’opposition ; on sait ce qu’il en est au sein de la Haute Assemblée.

Madame Beaufils, je partage votre inquiétude quant à la financiarisation de l’économie. C’est pourquoi le Gouvernement mène une réforme bancaire et a doublé la taxe sur les transactions financières.

Peut-être estimez-vous que c’est insuffisant, mais on peut difficilement affirmer que notre politique ne s’inscrit pas dans une tentative, assumée par le Gouvernement, de lutter contre la financiarisation de l’économie, qui se fait au détriment des richesses élémentaires que notre pays peut produire.

C’est également dans cette perspective que nous avons instauré – peut-être vous en souvenez-vous – une taxe de 3 % sur les distributions de dividendes, afin de favoriser le réinvestissement plutôt que la distribution, c'est-à-dire la rémunération de ce que certains pourraient qualifier de « rente ».

Je souscris également à vos propos quant au niveau trop faible de la taxation des grandes entreprises par rapport aux PME. On sait ce qu’il en est, le taux implicite de l’impôt sur les sociétés pesant sur les grandes entreprises, lequel indique la somme réellement acquittée par celles-ci, est deux fois moindre que le taux qui s’applique réellement aux PME. Au travers des différentes mesures adoptées dans le cadre de la loi de finances rectificative, avec, me semble-t-il, l’accord du groupe CRC, nous avons tenté de remédier à cette situation, qui n’était bien évidemment pas acceptable.

Je tiens également à vous rassurer, madame la sénatrice, le Gouvernement n’oublie pas le rôle de la dépense publique. D’ailleurs, ceux-là mêmes qui se plaignent de son poids la réclament dans d’autres cénacles pour soutenir l’activité. Le Gouvernement tente de suivre un chemin de crête, afin de permettre un ajustement de nos finances publiques, sans pour autant que la commande publique en souffre trop. On sait le rôle que celle-ci peut avoir, notamment dans les territoires.

Vous avez eu raison de le rappeler, madame André, le projet de loi de finances rectificative ne se limite pas au crédit impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Ce texte illustre la gestion aussi exemplaire que possible de l’exercice 2012. Je l’ai rappelé à la tribune dans mon propos liminaire, nous tiendrons l’objectif de réduction du déficit public à 4,5 % du PIB, et, d’exécution à exécution, les pouvoirs publics s’apprêtent à constater une économie en valeur absolue de 200 millions d’euros dans le budget de l’État, contre une dérive du solde budgétaire de l’ordre de 5 à 6 milliards d’euros les années précédentes. Aussi je vous remercie, madame la sénatrice, d’avoir souligné l’effort considérable réalisé cette année.

Vous avez également relevé la cohérence de l’action gouvernementale, avec la création de la Banque publique d’investissement, la réforme bancaire et le renforcement du dialogue social. C’est bien une politique économique et budgétaire d’ensemble que nous proposons, dont la cohérence doit être mise en évidence, ce que vous venez de faire ; j’y suis particulièrement sensible.

Je vous remercie, monsieur Germain, d’avoir rappelé le calendrier du redressement, particulièrement adapté à la conjoncture : amorcer dès maintenant le désendettement, agir sans attendre en faveur de l’emploi et de la croissance, et protéger la consommation en 2013 pour espérer retrouver un peu de croissance.

En adoptant dès aujourd’hui le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, les entreprises bénéficieront, par un mécanisme d’anticipation bien connu que les agents économiques acceptent en règle générale, quels que soient les pays – c’est le cas en France –, de cette mesure dès 2013, alors même que son coût n’apparaîtra dans le budget qu’à partir de 2014.

Vous avez fort justement fait remarquer que l’outil de financement que constitue la TVA doit être apprécié au regard de la justice du système fiscal dans son ensemble : les pays nordiques ont des taux de TVA très élevés, mais l’imposition des personnes est fortement progressive, ce qui assure l’équité du système dans son ensemble.

Certes, nous modulons les taux de TVA, mais, chacun l’aura remarqué, nous réformons également, dans le cadre de la réforme fiscale portée par le projet de loi de finances initiale, la fiscalité des personnes, en renforçant de manière indéniable la progressivité de l’impôt sur le revenu, notamment avec la création d’une tranche supplémentaire et l’inclusion, dans l’assiette à laquelle ce barème s’applique, des revenus du capital ; je parle des intérêts et des dividendes et, bien évidemment, des plus-values.

Enfin, M. Vincent a centré son propos sur la CFE, la cotisation foncière des entreprises, le soutien aux collectivités touchées par les emprunts toxiques et Dexia.

Concernant la CFE, je l’ai déjà dit, l'Assemblée nationale a adopté une disposition dont l’inspiration était incontestablement sénatoriale.

Quant à Dexia, vous le savez, un fonds de 50 millions d’euros a été créé, afin d’aider les collectivités abusées au moment de la souscription de prêts qu’elles n’auraient évidemment jamais dû accepter. Mais nous aurons l’occasion de débattre ultérieurement de cette mesure.

À cet égard, permettez-moi de rappeler que le dossier Dexia est un très lourd héritage laissé par tous les gouvernements qui se sont succédé depuis vingt-cinq à trente ans, certains ayant eu un rôle plus important que d’autres.

Dans ce dossier complexe, un processus de résolution ordonnée est nécessaire pour stabiliser le groupe Dexia d’une manière aussi rassurante, efficace et pérenne qu’il est possible.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les réponses que je souhaitais apporter, au nom du Gouvernement, aux orateurs qui se sont exprimés dans la discussion générale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)