M. Bruno Sido. Il n’y a pas de bonne solution !

M. Éric Doligé. Nul système n’est parfait.

M. Gérard Le Cam. C’est la mort du pluralisme !

M. Michel Delebarre, rapporteur. L’une des questions les plus sensibles de ce projet de loi est assurément le remodelage de la carte cantonale, qui est aujourd’hui rendu nécessaire par les disparités démographiques importantes entre les cantons dans certains départements. Quelques exemples ont été donnés. Ces disparités mettent à mal le principe constitutionnel d’égalité des suffrages.

Cette redéfinition de la carte cantonale résulte aussi nécessairement du principe du binôme et de votre volonté, monsieur le ministre, de conserver l’effectif actuel des conseils généraux. Ainsi, les articles 3 et 23, que nous avons adoptés sous réserve de précisions et d’améliorations rédactionnelles, prévoient les règles qui guideront le pouvoir réglementaire dans cette tâche.

Nous ne pouvons que nous féliciter que ces principes reprennent ceux qui ont été dégagés par les jurisprudences concordantes du Conseil constitutionnel et du Conseil d’État. Toutefois, force est de constater que de nombreuses craintes s’expriment, notamment la peur de cantons trop vastes ou trop peuplés,…

M. Bruno Sido. Eh oui !

M. Michel Delebarre, rapporteur. … qui remettraient en cause le lien de proximité, que nous devons conserver, avec les conseillers départementaux.

M. Christophe Béchu. C’est vrai.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Pour répondre à ces inquiétudes, le projet de loi prévoit, à l’article 23, des dérogations de portée limitée, qui seraient justifiées par des considérations d’intérêt général ou d’ordre géographique. Les territoires montagneux viennent immédiatement à l’esprit. Ces exceptions devraient principalement s’appliquer également aux territoires à faible densité de population ou aux cantons comptant un nombre très important de communes, dans l’objectif de délimiter des cantons à taille humaine et de respecter le principe constitutionnel d’égalité des citoyens devant le suffrage.

M. Christophe Béchu. Cela ne suffira pas.

M. Michel Delebarre, rapporteur. La commission des lois n’a pas souhaité modifier ces règles, car elles permettent non seulement de respecter la jurisprudence, mais également, par leur souplesse, de prendre en compte les spécificités de nos territoires.

La commission a enfin adopté le report des prochaines élections départementales et régionales en mars 2015 : la loi du 16 février 2010 les avait fixées l’année précédente en abrégeant les mandats généraux et régionaux pour mettre en place le conseiller territorial. Pour la commission des lois, la concomitance de ces deux élections est le moyen de favoriser la participation électorale. Ce report d’une année atténue aussi les effets de la loi de 2010 sur la durée normale de ces mandats.

Enfin, par coordination, les premières élections prévues, à l’article 22, pour la mise en place de la collectivité unique en Guyane et en Martinique, en lieu et place des conseils généraux et des conseils régionaux, sont également reportées à mars 2015. La commission, sur l’initiative de notre collègue Christian Cointat, avait calé les élections des conseillers aux assemblées de Guyane et de Martinique sur les élections régionales.

La commission des lois a adopté l’économie générale du cadre proposé pour amender le régime électoral communal, lequel résulte aujourd’hui des lois du 19 novembre 1982 et du 6 juin 2000, qui ont respectivement introduit dans les communes les plus peuplées la représentation proportionnelle, assortie d’une prime majoritaire, et la parité de candidature.

La commission a cependant complété le dispositif pour en préserver la cohérence. Elle s’en est tenue au seuil proposé par le Gouvernement pour élargir l’application du scrutin proportionnel : 1 000 habitants lui semblent constituer un étiage raisonnable au regard des particularismes communaux. D’une part, ce seuil autorise pleinement l’application de la proportionnelle et, partant, de la parité dans des conseils municipaux comptant au moins quinze membres ; d’autre part, la population des communes considérées doit permettre, sans grande difficulté, la constitution des listes de candidats.

Parallèlement, la réduction du champ d’application du scrutin majoritaire aux communes de moins de 1 000 habitants permet d’unifier les modalités de vote en vigueur dans ce régime : y seront autorisées les candidatures isolées, les listes incomplètes et le panachage pour faciliter l’élection des conseillers municipaux et la constitution des assemblées.

C’est pourquoi la commission a adopté l’article 16 sans modification et ses corollaires, les articles 17 et 18, en prévoyant cependant, pour le premier tour de scrutin, une déclaration de candidature obligatoire dans les communes régies par le scrutin majoritaire, pour favoriser la constitution de majorités municipales cohérentes.

Par ailleurs, la commission a inversé le principe d’attribution du siège en cas d’égalité des suffrages en retenant le critère du plus jeune.

Pour faciliter l’élection des conseillers municipaux dans les plus petites communes, elle a réduit de deux le nombre des membres de leurs assemblées délibérantes. Certaines d’entre elles peinent parfois à se constituer pleinement. Ainsi l’effectif du conseil municipal serait-il abaissé de neuf à sept dans les communes de moins de 100 habitants et de onze à neuf dans celles de moins de 499 habitants.

La commission a retenu l’article 19 modifiant la répartition des conseillers de Paris entre les secteurs dans le texte proposé par le Gouvernement : le nouveau tableau demeure fondé sur les principes adoptés par le Parlement en 1982. Les modifications qui y sont portées découlent mécaniquement de l’examen de l’évolution démographique de chacun des vingt arrondissements de Paris.

Par coordination, la commission des lois a aligné, dans le projet de loi organique, le mandat municipal pris en compte au titre de la limitation du cumul des mandats : aujourd’hui, le conseiller municipal y figure pour les communes d’au moins 3 500 habitants, par référence au critère objectif du seuil du changement de mode de scrutin.

Il convenait donc d’harmoniser cette disposition avec le choix de l’abaissement du seuil à 1 000 habitants, condition nécessaire pour conforter juridiquement son fondement.

Tout en adoptant le principe de mise en œuvre du fléchage pour l’élection au suffrage universel direct des délégués communautaires, la commission des lois en a assoupli les modalités afin de permettre aux différentes listes de mieux répartir entre leurs candidats les responsabilités au sein du conseil municipal et de l’organe communautaire.

La commission a donc supprimé du dispositif gouvernemental le « blocage » en tête de liste des candidats fléchés pour le conseil de l’intercommunalité. Votre rapporteur a d’ailleurs constaté au cours des auditions des représentants des collectivités qu’il a rencontrés que ce fléchage figé suscitait une réserve quasi unanime.

Cela étant, le texte débattu en commission des lois s’efforce de concilier, d’une part, la liberté du choix des candidatures fléchées, selon des modalités clairement déterminées et, d’autre part, la sincérité du scrutin. Vous l’avez dit, monsieur le ministre, nous avons abouti à une proposition se caractérisant en premier lieu par sa complexité. Cela ne simplifie pas les choses.

Toutefois, ces points font encore l’objet de nombreuses discussions. Beaucoup d’autres possibilités ont été évoquées et le seront de nouveau au cours de notre débat. Le dispositif examiné par la commission des lois est sûrement perfectible. Je n’entrerai pas dans le détail : l’examen des articles nous permettra peut-être d’avancer de manière intelligente.

Enfin, la commission des lois a adopté le principe de la participation des citoyens des États membres de l’Union européenne autres que la France à l’élection des délégués intercommunaux, posé par le projet de loi organique : son article 1er tire logiquement les conséquences de leur élection au suffrage universel direct dans le cadre de l’élection municipale, décidée en 2010. Ils seront à l’avenir désignés par le corps électoral des conseillers municipaux qui, depuis 1998, inclut les ressortissants communautaires.

La réforme qui nous est soumise constitue, sans nul doute, une évolution importante pour la démocratie locale. Elle bouleversera, par certains de ses volets, les conditions d’exercice des mandats locaux et les habitudes des électeurs.

Simultanément, elle renforcera la légitimité des élus : dorénavant, les conseillers intercommunaux qui gèrent des secteurs importants de la gestion municipale seront désignés au suffrage universel direct. Les femmes seront mieux représentées à tous les niveaux de collectivités. La gestion départementale devrait en sortir renforcée et modernisée, grâce à une plus grande représentativité.

En conséquence, la commission des lois soumet à la délibération du Sénat les textes qu’elle a établis pour le projet de loi organique et pour le projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme la présidente de la délégation aux droits des femmes.

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes et à l’égalité des chances entre les hommes et les femmes. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives – la parité politique –, a toujours été au cœur des préoccupations de la délégation aux droits des femmes. Je me réjouis donc que la conférence des présidents lui ait accordé un temps de parole dans la discussion générale de ces deux textes,…

M. Bruno Sido. C’est normal !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. … qui tendent à une meilleure prise en compte de l’objectif constitutionnel de parité dans l’élection des conseillers départementaux, de certains conseillers municipaux et des délégués communautaires.

Notre délégation a déjà consacré plusieurs rapports à la parité politique. Le dernier en date, publié en juin 2010 dans le cadre de la discussion de la réforme territoriale et des modes de scrutin pour l’élection des conseillers territoriaux, avait dressé un bilan de l’application des lois relatives à la parité.

Le constat qu’elle avait établi était clair : la loi du 6 juin 2000 et les lois qui l’ont complétée ont permis au principe d’égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et aux fonctions électives de devenir une réalité effective dans les assemblées élues au scrutin de liste proportionnel. C’est le cas des conseils municipaux des communes de plus de 3 500 habitants, qui, à l’issue du dernier scrutin de 2008, comptent 48,5 % de femmes. C’est aussi le cas des conseils régionaux qui, avec 48 % de femmes élues en 2010, donnent l’exemple d’une parité presque parfaite.

En revanche, la parité n’a que peu progressé dans les élections au scrutin uninominal majoritaire, et les dispositifs instaurés pour compenser cet état de fait – pénalités financières, règle du suppléant de sexe opposé – se sont révélés peu efficaces et décevants.

Les dispositions législatives qui nous sont aujourd’hui proposées abordent quatre des sujets sur lesquels notre délégation avait pointé les insuffisances de la parité : l’élection des conseils généraux, la composition de leurs exécutifs, l’élection des conseils municipaux des communes de moins de 3 500 habitants, et la composition des organes délibérants des établissements publics de coopération intercommunale à fiscalité propre.

Notre délégation s’est réunie le 10 janvier pour procéder à un échange de vues sur ces dispositions qui se veulent favorables à la parité, mais qui ont suscité des débats et des réserves.

Le mode de scrutin proposé pour l’élection des futurs conseillers départementaux – le scrutin majoritaire binominal – est le dispositif qui a suscité les appréciations les plus variées, du fait de son caractère inédit et du redécoupage des cantons qu’il imposera.

Actuellement, les conseillers généraux sont élus au scrutin majoritaire uninominal à deux tours, dans le cadre des cantons. Si on reconnaît traditionnellement à ce mode de scrutin le mérite de faciliter la proximité et l’ancrage territorial de l’élu,…

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. … nous savons aussi qu’il ne favorise pas la parité et n’offre aucun levier pour déconstruire les stéréotypes de genre.

Actuellement – ce sont les chiffres publiés par l’Observatoire de la parité –, les femmes ne représentent que 14 % de l’effectif des conseils généraux et, M. le ministre l’a rappelé, trois départements sont dirigés par un conseil exclusivement masculin.

Pour y remédier, le Gouvernement propose, à l’article 2 du projet de loi, de faire élire dans chaque canton deux candidats de sexe différent, qui se présenteraient en binôme et seraient solidairement élus ou battus.

Cependant, pour maintenir inchangé l’effectif actuel des conseils généraux, l’article 3 du projet de loi prévoit de diviser par deux le nombre actuel de cantons.

Au cours de sa réunion, notre délégation a formulé trois remarques sur ces deux dispositions, qui sont évidemment indissociables et doivent donc être examinées en regard.

Conçu, comme l’a rappelé au sein de la délégation notre collègue Bernadette Bourzai, pour faire aboutir l’objectif de parité inscrit dans la Constitution, ce dispositif devrait garantir une parité quasi mathématique, dans la mesure où il débouchera, dans chaque canton, sur l’élection de deux candidats de sexe différent. Toutefois, son caractère nouveau n’est pas sans soulever des interrogations.

Il est sans précédent en droit français. Il n’existe de mode de scrutin comparable dans aucun autre pays, pas même au Chili, dont le scrutin législatif est parfois évoqué à titre de comparaison.

Le caractère nouveau de ce mode de scrutin réside non pas dans l’élection de deux élus, mais dans leur solidarité devant l’élection.

La solidarité entre les deux membres du binôme est entière quant à l’issue du scrutin et pendant toute la durée des opérations électorales. Néanmoins, une fois élus, les deux conseillers départementaux deviendront indépendants l’un de l’autre.

Quelles en seront les conséquences dans l’exercice de leurs mandats ?

Nous nous sommes demandés, au sein de mon groupe politique en particulier, si les deux membres du binôme ne feraient pas alors l’objet d’un traitement différent, les femmes se retrouvant à nouveau cantonnées dans leurs secteurs traditionnels d’intervention – les questions sociales, l’éducation et la santé –, les hommes continuant de s’arroger le monopole des questions économiques. (Protestations sur les travées du groupe socialiste et de l’UMP.)

M. Bruno Sido. C’est un procès d’intention !

Mme Éliane Assassi. C’est la réalité !

M. Alain Bertrand. Mieux vaut entendre cela que d’être sourd !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Au cours de la réunion de notre délégation, nous nous sommes interrogés sur les conséquences du redécoupage systématique de la carte cantonale qu’il imposera.

Certes, les évolutions démographiques intervenues depuis le découpage initial ont entraîné des écarts de représentation de la population, en particulier entre zones urbaines et zones rurales au sein d’un même département, que l’on ne peut accepter.

Néanmoins, la conjonction du critère démographique interdisant que la population d’un canton soit supérieure ou inférieure de 20 % à la population moyenne d’un département et de la réduction de moitié du nombre des cantons ne risque-t-elle pas d’être défavorable à la ruralité et à la proximité de l’élu avec les citoyens ?

M. Gérard Bailly. C’est sûr !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Ne risque-t-elle pas d’accélérer la disparition, déjà bien avancée, des services publics ?

Mme Cécile Cukierman. Certainement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est une préoccupation qui a été exprimée par plusieurs d’entre nous, qui ont insisté sur le rôle spécifique joué par l’élu du département dans les zones rurales.

M. Éric Doligé. C’est vrai ! Il n’y en aura plus !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Autre interrogation : les deux candidats d’un binôme seront-ils nécessairement de la même sensibilité politique, ou la mise en place des binômes donnera-t-elle lieu, au contraire, à des alliances politiques avant le premier tour du scrutin ?

M. Bruno Sido. Bien sûr ! On pourra ratisser plus large !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Seule l’expérience le dira, mais on peut légitimement craindre que ce système ne permette pas de préserver la représentativité pluraliste des actuels conseils généraux et accentue plutôt le bipartisme.

Dans ces conditions, certains d’entre nous, et j’en fais partie, ont souligné que l’objectif de parité aurait été aussi valablement garanti par le recours au scrutin proportionnel, dont le fonctionnement positif est connu et favorable à la parité.

M. Bruno Sido. Et vous seriez encore plus tranquilles !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Il est vrai que le scrutin binominal s’inspire d’une recommandation adoptée en juin 2010 par la délégation, et figurant dans le rapport de Michèle André sur le projet de réforme des collectivités territoriales.

La délégation s’était alors demandé si le Conseil constitutionnel censurerait le mode de scrutin proposé pour l’élection des conseillers territoriaux, dans la mesure où il était très défavorable à l’objectif constitutionnel de parité. Les constitutionnalistes interrogés avaient estimé que c’était peu probable, car le juge constitutionnel avait toujours reconnu au législateur une grande latitude dans les modes de scrutin.

M. Bruno Sido. Heureusement !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Dans une attitude constructive, la délégation avait alors recherché des mécanismes susceptibles de « neutraliser les effets négatifs » du scrutin majoritaire sur la parité. Elle avait alors proposé celui du scrutin binominal.

Il s’agissait donc d’une tentative pour remédier aux inconvénients du scrutin uninominal.

Je serai plus rapide sur le second dispositif, qui introduit la parité dans l’élection des membres de la commission permanente et des vice-présidents des futurs conseils départementaux.

Il transpose dans les départements les dispositions de la loi du 31 janvier 2007, qui ont permis d’assurer une quasi-parité au sein des exécutifs régionaux. Il s’agit donc d’un dispositif connu, qui a fait ses preuves et que nous ne pouvons qu’approuver sans réserve.

M. Bruno Sido. C’est une régression de la démocratie !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. Troisième dispositif : le projet de loi propose de ramener de 3 500 à 1 000 habitants le seuil au-delà duquel les conseillers municipaux seront élus au scrutin de liste, assorti de contraintes paritaires.

L’étude d’impact évalue à 16 000 le nombre de femmes conseillères municipales supplémentaires dont ce changement de seuil devrait permettre l’élection.

M. Michel Delebarre, rapporteur. Très bien !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin, présidente de la délégation aux droits des femmes. C’est donc une mesure positive pour la parité, et nous y sommes favorables dans l’ensemble, même si les débats sur la fixation du seuil ont trouvé un écho au sein de notre délégation.

Le quatrième dispositif consiste à élire par un système de fléchage les conseillers communautaires de façon concomitante à celle des conseillers municipaux.

Ce dispositif permettra notamment de ne pas laisser les organes dirigeants des EPCI à fiscalité propre en dehors de toute logique paritaire. Cette intention est, a priori, louable, car ces instances ont un véritable pouvoir de décision et les femmes en sont trop souvent exclues. Nos débats au sein de la délégation ont cependant insisté sur un point : ce système de fléchage ne peut être pertinent que dans les communes d’une certaine importance.

La délégation s’est inquiétée, par ailleurs, de la complexité du dispositif proposé par la commission des lois pour assouplir les modalités de ce fléchage et éviter que les premiers de liste ne se retrouvent à la fois dans les exécutifs municipaux et dans les instances communautaires.

Par ailleurs, à titre personnel, j’ai dit mon inquiétude de voir, avec cette mesure, l’intercommunalité glisser vers une autorité de plein droit au détriment de la commune.

Telles sont, mes chers collègues, les principales remarques que je souhaitais formuler au nom de notre délégation. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC. – Mmes Hélène Lipietz et Françoise Laborde applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d’administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, je tiens à remercier M. le ministre de présenter ce texte au Sénat, car il constitue une étape essentielle dans cette révolution tranquille de l’intercommunalité que notre pays connaît depuis une vingtaine d’années.

Il y a vingt ans, justement, j’ai eu l’honneur de présenter devant le Sénat le projet de loi qui deviendrait la loi de 1992 sur les communautés de communes, marchant ainsi dans les pas de mon prédécesseur dans la fonction, Jean-Michel Baylet.

À cette époque, je me souviens qu’il y avait quelque scepticisme en la matière.

M. Bruno Sido. Il y en a toujours, et même beaucoup !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Quelques communautés de communes ont d’abord été créées, puis beaucoup d’autres.

Chemin faisant, nous avons pu remarquer que la liberté était féconde. Avoir écrit dans la loi, d’une part, que les communautés ne portaient pas atteinte aux communes, mais étaient bien plutôt à leur service, et, d'autre part, que les élus, et non pas le représentant de l’État, décidaient librement du périmètre de l’intercommunalité, a permis de créer de nombreuses communautés de communes, puis de communautés d’agglomération, grâce à la loi présentée par Jean-Pierre Chevènement en 1999.

Un mouvement considérable a eu lieu. Monsieur Sido, vous avez indiqué que la création des communautés de communes n’était pas allée sans entraîner quelque scepticisme. Vous me permettrez pourtant de vous faire observer que c’est grâce au concours d’une loi, que vous avez votée, qu’il y a aujourd’hui des communautés de communes, d’agglomération ou urbaines partout en France !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce modèle qui fut tant décrié et suscita tant de scepticisme est aujourd’hui généralisé !

Mme Éliane Assassi. À marche forcée !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Chacun peut en convenir : un assez large accord a prévalu entre nous sur ce point.

La question aujourd’hui posée est celle de la démocratie. Nous sommes les héritiers de la Révolution française. C’est bien elle qui a fixé la règle selon laquelle, pour pouvoir lever l’impôt…

M. François Grosdidier. C’était déjà le cas avec les États généraux sous l’Ancien régime !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … et décider de l’affectation de l’argent public, il fallait être élu au suffrage universel direct.

M. Roland Courteau. C’est bien de le rappeler !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Or la réalité c’est que des communautés d’agglomération ou des communautés urbaines ont aujourd'hui des budgets qui représentent 60 % ou 70 % de la dépense publique, quand celui de la commune-centre est bien inférieur. Il devient donc impossible de maintenir un système dans lequel les élus intercommunaux n’émanent pas du suffrage universel direct.

Il fallait donc trouver une formule qui permette une élection démocratique tout en garantissant le respect de l’institution communale, car, et cela a été rappelé à juste titre, les structures intercommunales sont au service des communes.

Nous arrivons au point où la véritable révolution que constitue l’intercommunalité aura un support démocratique.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Qui pourrait s’y opposer ?

M. Gérard Le Cam. Est-ce une raison pour tuer les communes ?

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Qui ici refuserait que les électeurs puissent désigner les élus chargés de gérer l’essentiel ou, du moins, une part importante des crédits prélevés ou affectés sur un territoire ?

M. François Grosdidier. Ce n’est pas vous qui avez inventé ce système, c’est nous !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Ce projet de loi marque donc une étape très importante. Je suis fier, monsieur le Premier ministre,… Pardon, monsieur le ministre… (Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Pierre Hérisson. Quel beau lapsus !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. J’anticipe peut-être !

Je disais donc que j’étais fier, monsieur le Premier ministre,… Pardon, monsieur le ministre… (Mêmes mouvements.)

M. Bruno Sido. Encore une fois !

M. Pierre Hérisson. Jamais deux sans trois !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Je suis fier d’appartenir à une majorité qui aura voté une telle avancée.

Bien entendu, on peut se demander comment cela se manifestera concrètement. À cet égard, M. le rapporteur Michel Delebarre, auquel je tiens à rendre hommage,…

M. Bruno Sido. Il le mérite.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. … a bien voulu vous faire part des débats que nous avons eus sur le sujet. Il faut travailler encore pour clarifier le dispositif, afin de répondre aux exigences du Conseil constitutionnel en matière d’intelligibilité de la loi.

M. Manuel Valls, ministre. Absolument !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Plusieurs systèmes sont possibles. Certains ont même imaginé des numérotations, voire des doubles numérotations.

Il existe aussi une autre méthode : présenter une liste de candidats pour la commune en indiquant ceux qui, parmi ces candidats, iront siéger au sein de l’intercommunalité.

Mme Jacqueline Gourault. Bravo ! Très bonne idée !

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois. Nous devons donc continuer à travailler pour rendre le dispositif lisible et compréhensible. Divers subterfuges typographiques sont possibles ; le plus simple, c’est de dire les choses clairement.

J’en viens à la question du département, qui va beaucoup nous occuper, mes chers collègues.

Nous avons déjà entendu beaucoup d’éléments sur le sujet, et nous voyons bien le débat qui s’amorce. Certains vont affirmer qu’il y a des difficultés particulières en milieu rural.