M. Marc Daunis. C’est vrai !

Mme Nathalie Goulet. Quand un industriel français veut se rendre à l’étranger, il ne dispose même pas de la liste des personnes qui, dans son secteur d’activité, ont travaillé ou ont été formées en France, bien souvent d’ailleurs grâce à des bourses ou des programmes d’échanges. Les ambassades ne disposent pas non plus de ces listes. La valeur ajoutée créée par la France n’a ainsi aucun effet sur son économie.

Nos partenaires anglais et allemands parviennent, quant à eux, à rester en contact, via une adresse électronique, avec 70 % de leurs anciens stagiaires. Le taux de suivi, chez nous, est d’un peu moins de 10 %. Il est effectué sur la base du volontariat et par courrier postal. Je pense que, en la matière, la marge de progrès est relativement importante.

J’en viens à la coopération décentralisée. Sur ce sujet, de nombreuses régions devraient s’inspirer de l’Alsace ! (M. André Reichardt sourit.)

Au total, 4 754 collectivités territoriales françaises mènent près de 12 000 projets dans 139 pays. Je dirais qu’il s’agit, pour le moins, d’une légère dispersion de notre action ! La région Basse-Normandie a une coopération avec le Fujian, qui compte 38 millions d’habitants. Les responsables de cette région chinoise semblent avoir du mal à comprendre pourquoi la Haute-Normandie, elle, mène une coopération avec le Zhejiang, qui en compte 51 millions. Nous retrouvons à l’international les aberrations de notre système local. Il est vrai, cependant, que les régions sont pressenties pour être associées à part entière et de plein exercice au nouveau dispositif pour favoriser l’exportation. Un partenariat État-région allant en ce sens a d’ailleurs été signé le 18 septembre dernier. C’est une bonne nouvelle.

Je veux maintenant dire un mot de la diplomatie parlementaire, sujet qui m’est cher.

Contrairement à ce qui se passe au Royaume-Uni, en Allemagne, en Turquie et dans les pays de culture anglo-saxonne, les parlementaires ne sont pas assez utilisés pour appuyer et soutenir le développement à l’international de nos entreprises.

Les parlementaires en mission sont regardés par les administrations comme des touristes qui voyagent sur argent public. Une suspicion de principe prévaut. Bien entendu, les règles déontologiques doivent s’appliquer à eux. J’ai également conscience des risques de conflits d’intérêts que leur implication pourrait entraîner. Cependant, en tant que parlementaires, nous connaissons mieux que personne notre terrain industriel ou artisanal. Nous pouvons le défendre et assurer sa promotion dans des conditions claires et transparentes.

De ce point de vue, les annonces faites par Laurent Fabius, portant sur la diplomatie économique, font naître l’espoir de voir notre ambassadeur être le vrai chef d’orchestre du réseau France, assisté des parlementaires, des élus des collectivités locales, au premier rang desquelles les régions, des réseaux consulaires et des chambres de métiers.

Madame la ministre, je conclurai mon intervention par une dernière proposition, partant du principe que, finalement, on n’est jamais mieux servi que par soi-même ! Ainsi, je vous annonce que je suis candidate à toute mission que vous pourriez me confier, afin d’étudier dans quelles conditions les parlementaires peuvent venir à l’appui de nos entreprises dans les opérations internationales. (Marques d’amusement sur diverses travées.) Nous sommes quasiment entre nous ce soir, nous pouvons donc nous parler. (Sourires.)

Vous n’aurez pas trop de cinq ans, avec vos collègues du Gouvernement, dont notre ancienne collègue Nicole Bricq, dont chacun ici connaît les compétences, la volonté et l’expérience, pour mettre bon ordre dans ce secteur d’activité. Les premières mesures annoncées vont dans le bon sens. Néanmoins, le travail est important. Les mauvaises habitudes sont tenaces et le manque d’outils d’évaluation fiable, à ce jour, constitue un handicap qu’il faudra surmonter.

Nous sommes très nombreux sur ces travées – je pense que c’est le cas de la totalité des parlementaires présents ce soir – à souhaiter que l’équipe France gagne, dans l’intérêt de nos territoires, que nous sommes, au Sénat, bien décidés à défendre. Dans cette entreprise, vous pourrez compter sur mon entier soutien. (Applaudissements sur de nombreuses travées.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Pierre Plancade.

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur Reichardt, si le rapport que vous mentionnez a été de grande qualité, il me semble que c’est aussi parce que Martial Bourquin y a largement participé, et je tenais à lui rendre hommage. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. Daniel Raoul. Très bien !

M. Jean-Pierre Plancade. M. Chatillon, certes, y a travaillé, mais, parmi tous ses auteurs, vous ne citez que lui ! Cette façon d’agir ne correspond pas à ma conception de la démocratie et du débat parlementaire.

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx. Ce n’était pas volontaire !

M. Jean-Pierre Plancade. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous discutons aujourd’hui de la place des petites et moyennes entreprises dans notre économie. C’est un sujet important. Je suis, avec mes collègues du RDSE comme avec beaucoup d’autres, de ceux qui pensent que les PME doivent occuper une place centrale dans le développement économique de notre pays.

Le Gouvernement a d’ores et déjà engagé ou annoncé un certain nombre d’actions en faveur des PME. Je pense essentiellement à la Banque publique d’investissement, qui est en train de se mettre en place.

Outre le projet de loi portant création de la BPI, le Gouvernement a également présenté un pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi, dont la quasi-totalité des mesures concerne les PME. Certaines sont même spécialement ciblées sur ces entreprises. C’est une bonne chose. Nous sommes de ceux, au sein de la majorité, qui les approuvent. Nous vous invitons même, madame la ministre, à mettre rapidement en œuvre toutes ces mesures et à les compléter par d’autres. L’activité, vous le savez, est malheureusement au plus bas. Le moral des dirigeants d’entreprises, en particulier des plus petites, n’est pas florissant.

Il est urgent de relancer la croissance pour redonner confiance aux entrepreneurs et leur permettre d’investir, d’innover et d’exporter. Cela passera non seulement par une relance de la consommation intérieure, à travers une hausse du pouvoir d’achat des Français, mais aussi, nous le savons tous, par la capacité de nos entreprises à conquérir de nouveaux marchés à l’international. Il est donc urgent d’agir, et je sais, madame la ministre, que vous vous y évertuez.

Le Mittelstand allemand est souvent cité en exemple. Il est vrai que l’Allemagne a réussi, en dix ans, une incroyable relance de son économie, qui repose essentiellement sur son solide tissu de petites et moyennes entreprises. Certes, le succès des PME allemandes est en grande partie lié à des facteurs historiques et institutionnels et n’est donc pas entièrement transposable, mais les réformes courageuses conduites au cours de la dernière décennie, notamment celle du marché du travail, ont également joué un rôle important dans son rebond économique.

Le succès actuel de l’industrie allemande repose sur l’orientation fortement internationale de ses petites et moyennes entreprises, sur une structure industrielle adaptée aux besoins des marchés, notamment émergents, et sur le positionnement haut de gamme des produits. Le secteur automobile en est une bonne illustration.

L’excellent rapport remis au Premier ministre en novembre dernier par le commissaire général à l’investissement Louis Gallois soulignait le caractère indispensable de la « montée en gamme » de l’industrie française. C’est la clef du renforcement de notre compétitivité.

Contrairement à certaines idées reçues, l’envie d’entreprendre et la création d’entreprise se portent plutôt bien dans notre pays, et même mieux que chez certains de nos voisins. Depuis dix ans, la création d’entreprise a même fortement progressé : de 210 000 entreprises créées par an en 2000, nous sommes passés à 550 000 en 2011.

Même s’il existe un écart préoccupant entre les intentions de création d’entreprise et les entreprises effectivement créées, qui révèle la persistance de freins à la création, c’est surtout le développement des TPE et PME qui pose problème dans notre pays.

En Allemagne, 340 000 PME ayant un chiffre d’affaires inférieur à 50 millions d’euros réalisent 20 % du total des exportations allemandes. Les 4 400 « grandes PME », avec un chiffre d’affaires compris entre 50 millions d’euros et 3 milliards d’euros, exportent 40 % de leur fabrication. Elles sont souvent des leaders mondiaux sur ce qu’on appelle des marchés de niches. Mais elles exportent et gagnent de l’argent.

L’analyse des résultats des PME françaises en 2012 montre également que seules les entreprises fortement exportatrices tirent leur épingle du jeu ; ces dernières estiment en moyenne la hausse de leur chiffre d’affaires à 3,9 %, tandis que celles qui n’exportent pas constatent une baisse de 1 % de leur activité. Les résultats sont également plus florissants pour les PME les plus innovantes. Ce sont aussi ces entreprises qui créent des emplois.

Il est donc indispensable de favoriser l’innovation et de faciliter l’exportation. Pour cela, le rapport Gallois préconisait notamment de « créer un mécanisme d’orientation de la commande publique vers des innovations et des prototypes élaborés par des PME », avec pour objectif d’atteindre 2 % des achats courants de l’État. Il s’agit, à mon sens, d’une mesure nécessaire et simple à mettre en œuvre.

Une autre des difficultés françaises concerne les relations interentreprises, notamment entre grands groupes et PME. Une des propositions du rapport Gallois consistait à « conditionner les soutiens de l’État aux actions des grandes entreprises à leur capacité à y associer leurs fournisseurs et sous-traitants ». Il s’agit là d’une piste intéressante, qui mérite, me semble-t-il, d’être creusée.

Quoi qu’il en soit, nous devons agir d’urgence et faire de nos PME une priorité dans toutes nos politiques publiques. L’une des actions proposées par le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi est de mettre en place un test mesurant l’impact des réformes, y compris fiscales, sur les PME. C’est un outil qu’il est en effet urgent de mettre en place, tant l’inquiétude des chefs d’entreprise est grande à l’égard de nombre de mesures prises par le Gouvernement, en particulier dans les différentes lois de finances. Il faudra sûrement, madame la ministre, faire un effort de grande pédagogie et de proximité.

Ce climat d’anxiété, lié à l’instabilité réglementaire et législative, que nous percevons sur le terrain, est néfaste pour le développement des PME et donc pour la croissance française. Simplifier et stabiliser la réglementation et la fiscalité est donc un levier majeur pour que nos PME puissent se développer en toute tranquillité. Elles ont besoin de savoir où elles vont et ce qui les attend sur le plan fiscal. Dans ce domaine, un effort considérable reste à fournir.

La formation est également un enjeu essentiel. Là encore, l’exemple allemand le prouve : la formation professionnelle en alternance, centrée sur l’apprentissage, devrait être l’épine dorsale des PME et des TPE. C’est pourquoi nous soutenons avec force le pacte national pour la croissance, la compétitivité et l’emploi. Le Gouvernement s’est engagé à favoriser l’embauche des jeunes en apprentissage dans les PME, avec un objectif de 500 000 apprentis en 2017. Nous ferons tout pour qu’il y arrive. Sans une adaptation de la formation aux besoins de nos PME, le rôle moteur de celles-ci dans la croissance est impossible.

Enfin, l’accès au financement reste l’un des principaux problèmes rencontrés par nos PME. La BPI devrait, je l’espère, améliorer la situation. Les entreprises, en particulier les plus petites, rencontrent de grandes difficultés de trésorerie, liées au ralentissement de l’économie et à l’allongement des délais de paiement : 40 % des PME disent avoir rencontré des difficultés de trésorerie ces six derniers mois ; l’accès aux crédits de trésorerie a posé problème pour 23 % d’entre elles en 2012.

Dans le cadre de la discussion du projet de loi sur la création de la BPI, j’avais appelé l’attention de M. le ministre de l’économie sur la nécessité de trouver des solutions adaptées aux difficultés spécifiques des TPE et TPI. J’ai pris note de son engagement à agir sur ce point.

Grâce au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, mis en place dans le dernier collectif budgétaire pour 2012, les PME qui le demandent pourront bénéficier de la mesure sous forme d’avance de trésorerie, et ce dès 2013.

OSEO, filiale de la BPI, vient de lancer un dispositif de garantie de 500 millions d’euros pour soutenir la trésorerie des TPE et PME. Le ministre de l’économie a également confié à Jean-Michel Charpin, inspecteur général des finances, une mission sur cette question. J’espère que les conclusions de cette mission seront rapidement connues et mises en œuvre. En outre, des mesures pour réduire les délais de paiement sont également attendues.

Madame la ministre, mes chers collègues, vous l’avez compris, l’ensemble du groupe du RDSE, très sensible à l’inquiétude réelle des chefs d’entreprises, invite le Gouvernement à poursuivre et à accentuer ses efforts à destination des PME, pour qu’elles deviennent les véritables fers de lance de notre économie. Il vous assure aussi, madame la ministre, de son entier soutien. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE, ainsi que sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il faut prendre conscience du fait que le mythe du retour durable de la croissance, qui mettrait fin à la crise, est illusoire, voire dangereux. Ce mythe nous empêche en effet d’élaborer des solutions de sortie de crise permettant l’émergence d’une économie moins carbonée.

On évoque souvent l’« exemple allemand ». Certes, il y a des expériences intéressantes chez nos voisins, mais, globalement, l’Allemagne n’est pas forcément un modèle à imiter pour la France ; il suffit de comparer les taux de pauvreté dans les deux pays. Essayons plutôt de travailler à un nouveau modèle français, en prenant en compte notre potentiel et nos capacités.

Cela suppose, dans un premier temps, de s’accorder sur le constat que la crise est multiple pour, dans un second temps, y apporter des réponses, qui doivent de notre point de vue passer par une véritable transition durable de notre économie.

À ce titre, les petites et moyennes entreprises et industries, les PME et PMI, qui sont à la fois créatrices d’emplois, innovantes et ancrées dans leur territoire, sont les forces vives qui permettront la nécessaire transition de notre économie, tant pour multiplier les emplois d’avenir que pour proposer des transitions aux emplois aujourd’hui menacés. Nous devons saisir toutes les possibilités qu’offre cette mutation.

En effet, la crise que nous traversons actuellement est multiple : crise de la dérégulation financière, explosion des inégalités, qui en est le corollaire, et grave crise écologique.

Cette année encore, et cet état de fait va perdurer, la consommation est restée globalement faible, les ménages ayant plutôt adopté des stratégies d’accumulation d’une épargne de précaution. Par ailleurs, les exportations, notamment vers les pays émergents, étaient encore trop faibles pour tirer l’activité globale. Si nous devons avoir des objectifs en termes d’exportation, il faut aussi aborder la question de la consommation locale et y apporter des réponses. J’y reviendrai dans quelques instants.

Quant aux solutions keynésiennes classiques de relance, à supposer qu’elles puissent être mises en œuvre, elles se heurteraient aux défis environnementaux, en particulier la hausse du prix des matières et de l’énergie, à laquelle nous ne couperons pas.

Réindustrialiser nos territoires dans le respect de l’homme et de l’environnement, produire local et rapprocher le producteur du consommateur, soutenir les PME innovantes, investir dans la recherche pour développer les technologies vertes, voilà où réside une part de notre avenir.

Il faut aller vers une économie plus sobre et, en matière agricole et agroalimentaire, vers une agroécologie qui réoriente les modes de production.

Prenons l’exemple du désastre, car c’en est un, de la société Doux – j’évoque la Bretagne, puisque je suis moi-même élu de cette région –, qui a profité des aides européennes pour exporter du poulet bas de gamme alors que la France importe le tiers des poulets qu’elle consomme. Nous avons les outils de transformation et le savoir-faire ; essayons donc d’apporter des réponses en termes de consommation locale et nationale.

Il faut développer un aménagement du territoire qui se donne comme priorité une relocalisation de l’économie et une proximité des emplois, des services et des logements.

De même, nous devons développer des emplois verts non délocalisables dans des secteurs d’avenir. Je pense évidemment au bâtiment, aux énergies renouvelables, comme l’éolien ou le solaire, qu’il soit thermique ou photovoltaïque, aux transports et aux diverses nouvelles technologies.

Les PME et PMI peuvent être, je l’ai indiqué précédemment, les forces vives qui nous permettront d’organiser la nécessaire transition de notre économie vers une économie moins carbonée. Il est primordial de faciliter réellement l’émergence et le développement de celles qui, tout en innovant, respectent des impératifs sociaux et environnementaux.

Concrètement, les mesures à prendre sont, selon nous, multiples.

Premièrement : orienter les crédits de recherche vers les PME innovantes plutôt que vers les grands groupes, qui peuvent en profiter puis délocaliser.

Deuxièmement : favoriser l’accès à la commande publique pour les PME et PMI, qui souffrent, plutôt que pour ces mêmes grands groupes.

Troisièmement : alléger l’imposition des structures de l’économie sociale et solidaire.

Quatrièmement : investir sur la formation. C’est évidemment primordial. Outre la formation initiale, chacune et chacun devraient à terme pouvoir bénéficier d’un crédit d’un certain nombre d’années de formation tout au long de la vie.

M. le ministre du redressement productif a souligné à plusieurs reprises que nombre de nos PME et PMI étaient des pépites technologiques. Nous souscrivons à cette idée, et nous réaffirmons la nécessité de soutenir davantage celles qui innovent dans des secteurs d’avenir, créent des emplois non délocalisables et participent à l’aménagement et au développement de nos territoires.

J’ai eu quelques contacts avec des chefs d’entreprise dans le train. L’un d’eux, qui travaille dans le domaine de l’acier, m’a indiqué que tout son matériel provenait du Japon ; apparemment, ce pays est à la pointe en la matière, ce que j’ignorais. L’acier, nous en avons. Ne pourrions-nous pas nous aussi investir dans ce domaine ? Selon un autre, qui travaille dans la conception de bateaux, les pays nordiques sont beaucoup plus en avance que nous sur l’utilisation éolienne en complément de l’énergie des moteurs sur des bateaux de taille moyenne.

Cet après-midi, nous avons évoqué les travaux de la mission commune d’information sur les pesticides. Il est question de faire en sorte que ces produits ne soient plus utilisés sur les espaces publics communaux. Pour cela, nous avons besoin de matériel de désherbage mécanique. Or, aujourd'hui, en agriculture comme dans les espaces communaux, nous importons ce matériel d’Autriche. Pourtant, nous avons le savoir-faire. Nous devons pouvoir le mettre en œuvre et répondre aux demandes en termes de proximité.

Voilà quelques exemples sur lesquels je souhaitais appeler votre attention. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Darniche.

M. Philippe Darniche. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la vitalité de nos PME dans notre économie n’est plus à démontrer. La France compte 2 550 000 PME, qui représentent aujourd'hui 97,4 % des entreprises. Les PME emploient près de 7 millions de personnes, soit presque la moitié des salariés de notre pays. Elles réalisent 34 % du chiffre d’affaires et 42 % de la valeur ajoutée.

Permettez-moi d’évoquer les PME de Vendée, qui tiennent une place tout à fait unique. Sur les 53 000 entreprises vendéennes, dont 11 000 sont artisanales, 91 % d’entre elles comptent moins de neuf salariés, contre 84 % sur le plan national. Ancrées dans notre territoire, ce sont des entreprises qui réalisent leur chiffre d’affaires non pas sur du capitalisme financier, mais sur la vente de services et de leurs produits. Il y a un vrai maillage d’entreprises locales.

Les Vendéens travaillent souvent en famille. Cela donne une force toute spéciale à un travail, qui, parce que familial, sert aussi de lien entre les générations. Ainsi, les PME savent regarder à long terme en investissant dans ce qui ne produira peut-être pas de bénéfices à court terme, mais qui portera certainement ses fruits plus tard. Les PME vendéennes ont compris qu’elles devaient être dynamiques à l’exportation, mais pas seulement. Elles font montre d’une véritable stratégie locale. En Vendée, la proportion de sièges sociaux restés dans le département est, je le rappelle, deux fois supérieure à la moyenne nationale.

Je veux m’appuyer sur ces exemples pour tenter de vous démontrer que l’une des réponses à nos maux sociaux réside sûrement dans ce secteur, mes chers collègues.

Oui, le modèle de nos PME est une réponse à la crise ! Les structures familiales résistent mieux, car le facteur humain est essentiel. Les structures locales résistent mieux, car elles ne sont pas sujettes à la compétition mondiale effrénée. Les conditions de leur vitalité sont simples, mais il faut une fiscalité allégée qui ne plombe pas les trésoreries et un accès au financement de la part des établissements bancaires.

À l’heure où beaucoup de grands groupes industriels licencient, c’est sûrement vers les PME qu’il faut se tourner pour avoir les meilleures réponses au chômage. Mais encore faut-il que les objectifs du Gouvernement aillent en ce sens. Or, avec la hausse de la TVA, ce sont, je le crains, les PME que l’on pénalise : la baisse du taux réduit de 5,5 % à 5 % sur les produits de première nécessité ne compense pas les flambées de l’autre taux réduit, qui passera de 7 % à 10 %, et du taux normal, qui passera de 19,6 % à 20 %. Je pourrais évoquer le tourisme, la restauration, le bâtiment, tant de secteurs pour lesquels la hausse de la TVA est synonyme d’effets économiques contre-productifs. Cela portera un coup sévère à la capacité d’investissement et d’embauche de nos PME, sans compter les risques de destructions d’emplois.

Nous avons donc des réels motifs d’inquiétude si nous ne renforçons pas la compétitivité des PME, notamment en allégeant leurs charges sociales.

Mes chers collègues, pour reprendre la formule de Sully, je dirais que nos PME sont l’une des « mamelles de la France ». Nous devons axer nos efforts sur leur préservation et leur développement. Cœur de notre économie, elles sont un modèle fiable de créativité et d’ancrage territorial, qui doit être mieux soutenu. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Nathalie Goulet. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Natacha Bouchart.

Mme Natacha Bouchart. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la séance de ce soir a pour objet un débat sur l’avenir des PME en France. Permettez-moi d’introduire mon intervention par quelques observations sur l’intitulé de notre discussion. Elles seront de nature à éclairer la suite de mon propos.

L’avenir des PME en France, c’est tout simplement une part essentielle de l’avenir de la France. Dans un pays si prompt à se diviser au moindre sujet de controverse, il n’est pas inutile de pouvoir constater avec satisfaction que la place des petites et moyennes entreprises est considérée par tous comme capitale pour la prospérité et l’équilibre de notre société.

Cela a déjà été dit, non seulement aujourd’hui, mais à de nombreuses reprises par le passé, les PME sont le premier vivier d’emplois de notre économie. Cette dernière serait évidemment comme une ossature dépourvue de vitalité sans le tissu des PME à côté des grandes entreprises et des administrations. Du point de vue social, la PME, en plus d’être un lieu de travail, est un lieu de sociabilité professionnelle qui diffère avantageusement des standards parfois déshumanisés de certains grands groupes.

Je pourrais poursuivre longtemps ces éloges sur les PME. Surtout, nous pourrions les entendre sur toutes les travées de la Haute Assemblée. Il y a effectivement un vrai consensus national pour juger qu’il est primordial pour l’avenir de la France de se préoccuper de l’avenir des PME.

Devant une telle unanimité, comment expliquer que les PME se sentent les « mal-aimées » de la société française ? Cette question doit nous interpeller, nous, les politiques. Il faut croire que, si l’importance de l’avenir des PME ne fait pas débat, il y a des divergences sur les réponses à mettre en œuvre. Mais est-ce si certain ? Les bonnes réponses sont, pour la plupart, connues. Elles ne demandent souvent qu’à être appliquées.

Mme Nathalie Goulet. C’est vrai !

Mme Natacha Bouchart. La vérité, c’est que les choix qu’impose aux responsables politiques la mise en place des bonnes solutions doivent tout simplement être assumés. À défaut, le consensus sur les PME ne serait qu’une illusion, et notre débat de ce soir pourrait de nouveau se tenir dans des termes quasiment identiques dans cinq ou dix ans. Refuser ces choix serait une erreur économique et une faute à l’égard des créateurs des PME et de tous les salariés qui y travaillent.

Puisqu’il m’est impossible d’être exhaustive dans le temps qui m’est imparti, je voudrais avant tout faire part des points sur lesquels les PME ont besoin de gestes de confiance. Je me fonde sur les retours du terrain que j’ai pu avoir auprès des chefs d’entreprise en tant que vice-présidente à l’économie d’une communauté d’agglomération et présidente d’une agence de développement économique, où j’ai la chance de pouvoir côtoyer au plus près les petites et moyennes entreprises.

Parmi les réponses connues, mais qui restent encore à mettre en œuvre complètement, il y a la réduction des délais de paiement.

Le précédent gouvernement, sous l’impulsion de Nicolas Sarkozy et avec Mme la ministre Christine Lagarde, a permis, grâce à la loi de modernisation de l’économie, ou LME, de ramener les délais de paiement à quarante-cinq jours fin de mois.

Les PME, face aux banques et aux grandes entreprises, sont nettement plus sensibles aux problèmes de trésorerie, qui peuvent causer de graves difficultés. Il n’est malheureusement pas rare de voir des PME qui ont tout pour réussir mais qui ne peuvent répondre à un surcroît d’activité faute de trésorerie. Pour bien prendre conscience de ce phénomène, rappelons un seul chiffre : le crédit interentreprises représente globalement 500 milliards d’euros par an.

Pour les PME, être en attente de paiement, c’est devoir trouver des financements complémentaires pour répondre aux exigences du marché et maintenir leur rang, alors qu’elles ont besoin de se développer pour faire face à la concurrence internationale. La suite est logique : le chef d’entreprise prend rendez-vous auprès de son banquier pour obtenir un crédit de trésorerie, qui nuira à l’augmentation des fonds propres et au financement des investissements.

La mesure structurelle, qui doit permettre de changer la donne, a été prise sur l’initiative du gouvernement Fillon, mais il nous reste à garantir sa bonne application.

Le calcul des quarante-cinq jours fin de mois reste complexe : fin de mois à échéance de la facture ou à sa date d’émission ? Il nous faut, dans un premier temps, c’est d’ailleurs une revendication officielle des représentants des PME, clarifier cet aspect de la loi pour assurer un meilleur respect des délais de paiement.

Dans un second temps, notre objectif doit être tout simplement l’alignement sur les délais allemands, c'est-à-dire sur les paiements à trente jours. Pourquoi cette réforme, qui paraît de pur bon sens, nécessite-t-elle encore d’être finalisée ? Parce qu’elle nous demande, à nous responsables politiques, de passer outre les récriminations d’un certain nombre d’acteurs : certaines grandes entreprises qui sous-traitent, certaines sociétés de la grande distribution et certaines banques.

Je veux croire qu’il est possible de trouver les moyens d’avancer sur ce sujet, car les délais de paiement sont un enjeu important pour nos PME. Ne serait-il pas normal que ces dernières, comme n’importe quel salarié d’une entreprise, soient payées à trente jours ?

La question des délais de paiement est révélatrice, mais elle n’est qu’un pan de l’enjeu du financement des PME en France. Le dernier dispositif en date qui pourrait améliorer ce point est le nouveau crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi.

Il faut malheureusement constater que de nombreux patrons de PME se plaignent de la complexité du dispositif. Celui-ci étant calculé sur la base d’un pourcentage de la masse salariale jusqu’à 2,5 SMIC, son principe peut paraître transparent. Toutefois, en réalité, le croisement avec d’autres mesures antérieures, la prise en compte des heures supplémentaires, des temps partiels ou des arrêts momentanés d’activité font de ce crédit d’impôt une machinerie complexe.

Les grandes sociétés s’y retrouveront, puisqu’elles disposent des ressources juridiques et administratives pour ce faire, mais pas les PME. D’où les sondages révélant la perplexité de leurs dirigeants : 56 % des chefs d’entreprise indiquent ne pas avoir l’intention d’utiliser le nouveau crédit d’impôt.

En réalité, l’échec annoncé du système est la preuve que l’on ne pourra pas différer longtemps la question de l’allégement des charges. Une véritable initiative en faveur de la compétitivité des PME s’impose. Face à la concurrence internationale, et pour redresser notre commerce extérieur, la première réflexion devrait porter sur les moyens permettant d’aider prioritairement les PME exportatrices.

Dans un climat fiscal qui n’est pas fait pour encourager les créateurs de PME et qui n’est pas non plus de nature à doper leur moral – 88 % d’entre eux sont inquiets pour l’économie française –, il est temps d’aborder de front la question de la compétitivité des PME françaises à l’export.

En dehors des questions de compétitivité et de financement des PME, une autre réflexion mérite d’être menée, celle de la revalorisation des actifs. Face aux banques, pour asseoir la crédibilité des PME, une réévaluation des actifs de ces dernières pourrait être facilitée. Cette mesure se heurte malheureusement, on y revient, à l’obstacle de la fiscalité, qui nuit à la bonne prise en compte des actifs des PME françaises.

Avant d’en arriver à ma conclusion, je souhaite aborder un autre point, celui de la place des PME dans la commande publique. La nécessité d’un Small Business Act européen approfondi, sur le modèle de celui qu’avait proposé Nicolas Sarkozy pendant la campagne présidentielle de 2012,…