M. Stéphane Mazars, rapporteur. L’objectif de ce texte est simple : répondre de manière concrète et efficace à une problématique de plus en plus prégnante sur nos territoires, à savoir l’articulation entre la présence et la nécessaire protection du loup et l’activité agropastorale.

Cet objectif répond à un constat : face à des attaques de plus en plus nombreuses, les éleveurs ne disposent pas aujourd’hui de moyens suffisants pour protéger ce qui constitue leur outil de travail.

La commission du développement durable s’est saisie du texte de notre collègue et l’a examiné le 23 janvier dernier.

Avant de vous présenter les conclusions de son travail, je rappellerai tout d’abord quelques éléments de contexte, concernant tout d’abord la présence du loup sur notre territoire.

Historiquement, jusqu’à la fin du xviiisiècle, les loups étaient présents sur 90 % du territoire français, et ce malgré des tentatives de destruction, destinées à lutter contre les dégâts que cette espèce infligeait aux troupeaux domestiques et contre les peurs qu’elle suscitait dans les campagnes.

C’est pourquoi, dès le début du xixe siècle, l’espèce a systématiquement été détruite par l’homme, ce qui conduit à sa disparition totale du territoire dans les années trente.

Le loup est finalement revenu dans le massif du Mercantour, avec un premier repérage en 1992, probablement en provenance de la chaîne des Apennins, en Italie. Peu à peu, il a colonisé toutes les Alpes françaises et, comme l’a rappelé notre collègue Alain Bertrand, le nombre de spécimens présents sur le territoire n’a alors cessé d’augmenter.

Du fait de son pouvoir de dispersion, le loup a traversé le Rhône et a progressivement gagné d’autres régions et départements : le Massif central, les Pyrénées, l’Aude, la Lozère, le Jura ou encore l’Ain.

Comme pour toutes les espèces animales, les techniques de comptage sont imprécises, mais les services du ministère de l’écologie, que j’ai auditionnés, estiment qu’il y a aujourd’hui environ 250 loups sur le territoire national.

M. Gérard Le Cam. C’est trop ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Cette proposition de loi dite « loup » s’inscrit dans le cadre des dérogations possibles à la protection de l’espèce par le droit international et le droit français. En effet, le droit international et le droit européen encadrent strictement la protection du loup.

Ainsi, la convention de Berne du 19 septembre 1979 relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe classe le loup dans la liste des espèces de faune sauvage protégées : toute forme de capture, de détention ou de mise à mort intentionnelle du loup est interdite.

Sur le plan européen, ces engagements ont été retranscrits dans la directive du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats, faune, flore » ou encore directive « Habitats ».

L’objectif de cette directive est de garantir le maintien de la diversité biologique ainsi que le maintien, dans un état de conservation favorable, des habitats naturels et des espèces de faune et de flore sauvages d’intérêt communautaire. Le loup figure bien évidemment dans ses annexes.

En droit interne, la directive a été transposée aux articles L. 411–1 et suivants du code de l’environnement et l’arrêté ministériel du 23 avril 2007 a fixé la liste des mammifères terrestres protégés sur l’ensemble du territoire national et les modalités de leur protection. Le loup y est inscrit à l’article 2.

Le loup est donc aujourd’hui strictement protégé en droit interne, comme en droit international.

Enfin, la politique nationale relative au loup s’inscrit dans le cadre d’un plan quadriennal, négocié avec les parties prenantes au dossier, le fameux « plan loup ». Le prochain plan est actuellement en cours de négociation, et ses conclusions devraient être présentées dans quelques jours par le Gouvernement.

La question de l’articulation entre la présente proposition de loi et le plan loup en cours d’élaboration a fait l’objet de débats au sein de notre commission – comme elle fera certainement débat ici même.

Je rappelle que cette proposition de loi a été déposée voilà plusieurs mois. Nous ne sommes donc pas à l’origine du télescopage de calendrier.

D’aucuns pensent qu’il aurait été opportun de disposer des conclusions du groupe de travail national sur le loup pour alimenter nos débats. Cependant, j’estime qu’il est nécessaire que la Haute Assemblée, qui assure la représentation des collectivités territoriales, et donc des départements, délivre dès à présent un message clair. En outre, si nous votons cette proposition de loi, elle sera ensuite examinée par l’Assemblée nationale, avant de nous revenir en deuxième lecture.

M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Stéphane Mazars, rapporteur. Entre-temps, nous aurons pu nourrir notre réflexion des conclusions qui ont été rendues par le groupe de travail.

Des dérogations à la protection du loup sont donc possibles aujourd’hui : en droit international, la convention de Berne, comme la directive « Habitats, faune, flore », prévoit que, pour ce faire, trois conditions doivent être réunies.

Il est important de les rappeler, car la question se posera de savoir si les dispositions contenues dans la présente proposition de loi sont conformes aux règles internationales et à la directive européenne.

Une dérogation est possible quand, premièrement, il n’existe pas d’autre solution satisfaisante – notamment quand les moyens de prévention mis en place se révèlent inefficaces sur le terrain – ; quand, deuxièmement, la dérogation ainsi mise en œuvre ne nuit pas à la survie de l’espèce sur le territoire ; et quand, troisièmement, sont constatés sur ledit territoire des dommages importants aux cultures ou à l’élevage.

La protection du loup n’est donc pas absolue, et le droit international lui-même offre une certaine souplesse dans le cadre d’une politique de gestion globale de l’espèce.

En droit français, l’article L. 411–2 du code de l’environnement retranscrit cette possibilité de dérogations. Un arrêté du 9 mai 2011 fixe les conditions dans lesquelles des dérogations aux interdictions de destruction de loups sont accordées et prévoit qu’un arrêté ministériel fixe chaque année un plafond de tirs de prélèvement au niveau national.

L’éleveur ou le berger peut donc être autorisé à procéder à un effarouchement, puis, si besoin, à un tir de défense à proximité immédiate du troupeau et, si c’est insuffisant, le préfet peut ordonner la réalisation d’un tir de prélèvement du loup.

Ces possibilités de dérogation ne sont malheureusement pas satisfaisantes. Ce constat est dressé tant par nous que par le ministère de l’écologie et le ministère de l’agriculture.

Dès lors, la proposition de loi d’Alain Bertrand répond à cette situation d’échec et, partant, à la nécessité de protéger le loup.

Ainsi, comme l’a souligné notre collègue, 1 415 attaques ont été constatées en 2011, faisant 4 920 victimes, lesquelles ont donné lieu à indemnisation au profit des éleveurs ou des agriculteurs.

Le nombre des attaques sur troupeaux indemnisées en 2011 est très supérieur à celui de 2010, avec une hausse de près de 30 % environ, la plus forte augmentation étant constatée dans la région Provence–Alpes–Côte d’Azur. C’est pourquoi le plan loup a accordé onze prélèvements en 2012 au titre des dérogations destinées à réguler la population des loups et à protéger l’activité agropastorale.

Force est néanmoins de constater que, au 31 décembre 2012, seuls cinq loups ont pu être prélevés sur le territoire national, et, dans ce décompte, il faut relever que deux d’entre eux avaient été abattus dans le cadre du braconnage.

Ne nous méprenons pas, ces onze prélèvements constituent un plafond, et non un objectif, comme nous l’ont rappelé les services du ministère. Il s’agit donc non pas d’un moyen de régulation à proprement parler, mais bien d’une réponse très ponctuelle et, je le répète, insuffisante.

En outre, la présence des loups représente un coût croissant pour l’État, qui indemnise systématiquement les dégâts des grands prédateurs, qu’il s’agisse des loups, des ours ou encore des lynx.

Le système d’indemnisation des dégâts dus au loup, qui a été mis en place dès 1993, est financé par le ministère de l’écologie. Ainsi, après chaque attaque, un constat est dressé par un agent assermenté, dans un délai de quarante-huit heures, le doute profitant à l’éleveur. Sont ainsi indemnisées toutes les victimes de prédations pour lesquelles la responsabilité du loup n’est pas exclue. Les pertes directes et indirectes sont prises en compte.

En 2011, le montant des indemnisations des sinistres s’est élevé au total à 1 548 052 euros, contre 494 255 euros en 2004, ce qui représente plus du triple !

Par ailleurs, les aides à la protection des troupeaux, financées par le ministère de l’agriculture, ont représenté 8 millions d’euros en 2012. D’après les estimations qui m’ont été transmises lors des auditions, les projections sont à la hausse pour les années à venir, s’agissant tant des dépenses en amont que des indemnisations en aval.

Cette proposition de loi vise tout simplement à protéger, dans un cadre équilibré, l’agropastoralisme.

Comme l’a souligné notre collègue, l’agropastoralisme regroupe l’ensemble des activités d’élevage qui valorisent, par un pâturage extensif, les ressources fourragères des espaces naturels, pour assurer tout ou partie de l’alimentation des animaux. Cette activité pratiquée depuis des siècles sur nos territoires l’est de moins en moins aujourd’hui, pour des raisons économiques, certes, mais aussi du fait même de la prédation des loups. Or le maintien d’une activité pastorale permet l’entretien des paysages, contribue à l’attrait touristique des régions et à la conservation d’emplois locaux dans des zones, vous en conviendrez, mes chers collègues, peu industrialisées.

Il existe plusieurs types de pratiques agropastorales, et les mesures de protection contre les loups sont plus ou moins efficaces selon ces pratiques.

Ainsi, le système de protection des troupeaux face au loup a surtout montré son inefficacité dans les estives de moyenne montagne, qui accueillent des troupeaux diffus pour une longue durée. Dès lors, les protections telles que les clôtures, les regroupements de troupeaux, les chiens patous ou encore le recours au gardiennage sont soit impossibles à mettre en œuvre, soit inefficaces.

J’en viens au dispositif juridique de la proposition de loi.

C’est dans cet esprit et dans un contexte marqué par le désarroi profond de nos éleveurs, que notre collègue Alain Bertrand a rédigé sa proposition de loi. Ce texte vise à créer des zones dans lesquelles le prélèvement de loups serait autorisé dans la limite de seuils déterminés spécifiquement pour chaque zone, indépendamment du prélèvement existant déjà au niveau national.

Soyons clairs : il ne s’agit pas d’abattre tous les loups présents sur ladite zone !

Trois critères doivent être cumulés pour faire partie d’une zone d’exclusion pour les loups : le constat de dommages importants aux activités pastorales ; l’inefficacité des mesures de protection des troupeaux – en d’autres termes, l’absence de solutions satisfaisantes pour assurer cette protection – ; et le maintien de l’espèce dans un état de conservation favorable.

Ce sont les trois critères prévus tant par la convention de Berne que par la directive européenne « Habitats, faune, flore » et par le code de l’environnement pour accorder des dérogations à l’interdiction d’abattre des loups.

Les modalités d’application de l’article unique ne relevant pas du domaine législatif, elles sont renvoyées à un décret en Conseil d’État.

Ainsi que je l’ai dit au début de mon intervention, la commission du développement durable a examiné ce texte le 23 janvier dernier. Dans sa majorité, celle-ci a constaté la réalité du problème de l’articulation entre les activités d’élevage et la nécessaire préservation du loup, ainsi que l’insuffisance des solutions existantes et la nécessité d’apporter une réponse urgente.

Ce texte nous est apparu comme une proposition pragmatique, marquant la volonté de rétablir l’équilibre au profit des activités économiques et sociales, face à la détresse de nombre d’éleveurs dans les régions de haute et moyenne montagne. Il s’agit d’une proposition équilibrée, dont il conviendra en temps utile d’étudier l’articulation avec le plan loup en cours de négociation.

La commission du développement durable a adopté deux amendements visant à clarifier le contenu du texte, sans pour autant remettre en cause son économie générale.

Par amendement, elle a modifié l’intitulé de la proposition de loi, en remplaçant l’expression « zones d’exclusion pour les loups » par les termes « zones de protection renforcée contre le loup ».

Soyons, encore une fois, très clairs : il s’agit non pas d’abattre tous les loups dans une zone donnée, mais bien de permettre une protection renforcée et des prélèvements plus nombreux dans certaines zones, sous la supervision du préfet. C’est la territorialisation, la départementalisation de la problématique.

Par un autre amendement, la commission a précisé que les zones de protection renforcée seront délimitées par arrêté préfectoral. C’est le niveau le plus pertinent pour tracer les contours précis de ces zones et pour les redéfinir année après année en fonction de l’évolution des prédations.

Ainsi, la commission réaffirme fortement la nécessité de préserver la présence du loup en France, en reprenant la formulation utilisée dans la directive « Habitats, faune, flore » de 1992 : les zones de protection renforcée ne pourront « nuire au maintien, dans un état de conservation favorable, de cette espèce ».

Avant de conclure, je tiens à remercier M. Vall, président de la commission du développement durable, de m’avoir, en mon absence, commis d’office aux fonctions de rapporteur de cette proposition de loi. (Sourires.)

Après avoir cru, dans un premier temps, qu’il s’agissait d’une forme de bizutage réservée au dernier parlementaire arrivé à la commission, je me suis pris de passion pour ce dossier. Je me suis efforcé d’apporter une réponse pragmatique, une « réponse de bon sens », pour reprendre l’expression d’Alain Bertrand, aux questions qui nous étaient posées. Il convenait de trouver un juste équilibre entre la nécessité de protéger le loup – comment faire autrement, d’ailleurs, d’un point de vue juridique ? – et la nécessité, non moins impérieuse, de sauvegarder les activités agropastorales. Je pense que le travail réalisé en commission a atteint cet objectif.

Le parlementaire pragmatique, responsable, que j’essaie de devenir, n’a pas trahi l’enfant que j’ai été, et qui, bien souvent, quittait son Aveyron natal pour aller en Lozère admirer les loups du parc du Gévaudan, créé par un grand monsieur de la cause animale et de la cause des loups, Gérard Ménatory.

En conclusion, cette proposition de loi est un texte de protection. Madame le ministre, il est des propos que l’on ne doit plus entendre dans nos territoires. Je pense notamment à la déclaration suivante : « Il faut savoir : veut-on qu’il y ait encore des paysans, des bergers ? […] Une fois, nous avons eu un loup sur le Larzac. Ça s’est terminé ainsi : on a retrouvé le squelette du loup sur un clapas. Personne ne sait ce qui s’est passé. C’est très bien comme ça. »

Ces propos ont été tenus par mon compatriote aveyronnais José Bové, député européen et éleveur sur le Larzac. (Applaudissements sur les travées du RDSE, du groupe socialiste, du groupe CRC, ainsi que sur plusieurs travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Henri de Raincourt. Éleveur ?...

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Delphine Batho, ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie. Madame la présidente, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, le loup, grand prédateur sauvage, fait partie de notre patrimoine naturel. Sa cohabitation avec l’homme est un défi.

Dès ma prise de fonctions, j’ai souhaité que ce sujet difficile soit traité avec méthode, constance et pragmatisme, en évitant les postures et les caricatures.

Dès le 22 juillet 2012, à Caille, dans les Alpes-Maritimes, à l’occasion de l’inauguration du parc naturel régional des Préalpes d’Azur, dont le sénateur Marc Daunis est le président, j’ai rencontré une délégation d’éleveurs confrontés à la récurrence des prédations, et j’ai bien mesuré leur détresse et leur exaspération.

Dans ce département où les attaques se concentrent, 2 302 victimes ont été recensées en 2012, soit près de 40 % du nombre total de victimes dénombrées en France. Ces chiffres sont en hausse de 65 % par rapport à 2011 !

Je l’ai dit à ces éleveurs, sans me dérober, mon devoir de ministre de l’écologie est d’assurer la protection de la biodiversité, dans une situation mondiale qui est celle d’une extinction rapide et massive des espèces du fait du développement humain ; il est aussi de veiller au respect par la France des engagements internationaux qu’elle a pris, le loup étant une espèce protégée.

Le loup est en effet une espèce « strictement protégée » par la convention de Berne relative à la conservation de la vie sauvage et du milieu naturel de l’Europe, ainsi que par la directive européenne du 21 mai 1992 concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages, dite directive « Habitats faune flore ».

Mais je leur ai aussi dit que, face à l’augmentation indiscutable du nombre des prédations, l’État ne les abandonnerait pas.

Mme Delphine Batho, ministre. Je leur ai dit que je me refusais à opposer l’élevage et l’écologie et que leur interpellation des pouvoirs publics exigeait des réponses et des solutions.

Nous voulons garder une montagne vivante. Personne ne peut donc être indifférent aux difficultés de l’agropastoralisme. Nous savons tous que les indemnisations ne remplacent pas, ne compensent pas, le préjudice et les dégâts subis lorsque l’on s’est investi avec passion et amour dans son métier.

Eux-mêmes m’ont dit – c’est un point important – qu’ils savaient très bien qu’il ne pouvait être question d’éradiquer le loup en France et que toute la question est l’organisation de la coexistence.

À la suite de cette rencontre, j’ai annoncé l’élaboration d’un nouveau plan loup pour la période 2013-2017.

J’ai d’abord souhaité disposer d’un état des lieux aussi exhaustif que possible de l’application du précédent plan et des résultats obtenus.

Le plan d’action couvrant la période 2008-2012 a donc fait l’objet d’une importante phase d’évaluation que j’ai tenu à renforcer, afin de disposer d’un examen approfondi de la situation. À la suite de cette évaluation, j’ai relancé le groupe national loup lors d’une réunion le 16 octobre dernier. Trois réunions nationales thématiques du groupe loup portant respectivement sur le suivi biologique, sur la gestion de l’espèce et sur la protection des troupeaux ont eu lieu.

J’ai commandé, en collaboration avec le ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt, M. Stéphane Le Foll, plusieurs rapports d’évaluation : un rapport portant sur l’accompagnement des filières d’élevage et les mesures de protection, rendu par Jean-Louis Joseph ; un rapport sur le suivi biologique de la population des loups, réalisé par un scientifique suédois, Olof Liberg ; un rapport sur la politique d’intervention sur les loups, commandé au Conseil général de l’environnement et du développement durable et au Conseil général de l’agriculture, de l’alimentation et des espaces ruraux ; enfin, un rapport sur les perspectives d’extension de la présence du loup, réalisé par l’Office national de la chasse et de la faune sauvage et par le Muséum national d’histoire naturelle.

L’évaluation du plan loup s’est aussi fondée sur des rapports internes, portant respectivement sur l’efficacité des mesures de protection – l’étude a été pilotée par le ministère de l’agriculture –, sur les mesures d’indemnisation, rapport élaboré par la direction de l’eau et de la biodiversité rattachée à mon ministère, et sur les effets des prélèvements sur les attaques, étude menée par la direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement de Rhône-Alpes.

M. Pierre-Yves Collombat. Que de rapports !

M. Rémy Pointereau. Tout cela ne sert à rien !

Mme Delphine Batho, ministre. Comme vous le savez, le loup est réapparu sur notre territoire il y a maintenant vingt ans.

L’État s’est progressivement doté d’outils destinés à concilier la présence et la protection de cette espèce avec le maintien d’activités humaines essentielles à la vitalité de nos territoires. Ces outils se sont déployés et adaptés en fonction de l’évolution des connaissances et des situations constatées.

Dès 1993, et pour une période de trois ans, il a été mis en place un « plan d’action » propre au parc national du Mercantour, où le loup est réapparu en 1992.

En application du droit communautaire, les plans d’action se sont développés au travers de deux programmes LIFE, financés par l’Union européenne entre 1997 et 2003, et étendus à l’ensemble des départements alpins. C’est en définitive au sein de plans d’action nationaux quadriennaux qu’ils sont consignés et régulièrement révisés depuis 2004.

Ces mesures reposent sur deux grands principes : l’organisation de la concertation, qui doit rassembler, à l’échelon local, toutes les parties concernées et un suivi rigoureux de l’évolution de l’espèce.

Chaque année, l’état de conservation de l’espèce est évalué afin de garantir le respect des critères définis à l’article 1er de la directive « Habitats », à savoir la viabilité à long terme de la population ainsi que le maintien ou l’accroissement de son aire de répartition naturelle.

On voit les limites de ce dispositif : 5 848 victimes ont été indemnisées en 2012, pour un coût total de l’ordre de 2 millions d’euros.

L’aire de répartition du loup augmente de 25 % par an et la population croît de façon régulière. Elle compte environ 250 spécimens sur notre territoire. Cette expansion concerne tous les pays européens où les loups se sont historiquement maintenus.

Les attaques des loups sont en constante augmentation, malgré les efforts de protection des troupeaux. En 2011, 4 913 victimes de prédation du loup ont été recensées, contre 2 680 en 2008. Leur nombre a encore augmenté cette année. On observe, en quatre ans, près d’un doublement des dégâts causés par le loup.

Dans certains territoires, ces attaques s’étalent quasiment toute l’année et posent la question des mesures de protection.

Les pouvoirs publics consacrent des moyens importants – 2 millions d’euros, je l’ai dit – à l’indemnisation, qui dépend du ministère de l’écologie, et à la protection, qui relève des attributions du ministère de l’agriculture, pour un budget avoisinant 7,5 millions d’euros.

Afin de protéger les troupeaux subissant ou étant susceptibles de subir des dommages, des mesures dérogatoires au statut de protection ont été instaurées. Leur mise en œuvre a un caractère progressif : tout d’abord, l’effarouchement, puis le tir de défense à proximité immédiate du troupeau et, enfin, le tir de prélèvement en cas de « dommages exceptionnels » ou en cas de « persistance de dommages importants » malgré la mise en œuvre de tirs de défense.

L’ensemble de ces opérations de défense et de prélèvement s’effectue dans la limite d’un plafond annuel, fixé à onze loups pour la période 2012-2013. En pratique, sur les onze tirs autorisés, trois d’entre eux ont été fructueux.

En ce qui concerne la pression de prédation, il faut également tenir compte des différences entre les territoires. Les caractéristiques du pastoralisme sont très différentes selon les massifs : les durées au pâturage, la nature des milieux, les conduites de troupeaux varient selon les territoires. Les modes de protection des troupeaux face à la prédation du loup doivent donc tenir compte précisément de ces éléments. Par exemple, les élevages transhumant l’été dans les Alpes sont regroupés et se prêtent à un gardiennage efficace, soutenu par la présence de chiens de protection et permettant la mise en place de parcs de regroupement du troupeau durant la nuit.

M. Rémy Pointereau. Qui va payer tout cela ?

Mme Delphine Batho, ministre. Les troupeaux qui résident une bonne partie de l’année dans des milieux naturels faiblement exploités, sur de longs parcours, avec un couvert forestier et arbustif morcelé sont plus exposés à la prédation du loup.

Il en est de même des exploitations conduisant les animaux en lots de taille moyenne, dispersés sur un territoire, rendant difficile la présence permanente de gardiens.

La prédation du loup s’exerce de manière différente en fonction de ces typologies d’élevage même si, dans chaque cas, des moyens de protection doivent être déployés dans l’intérêt des élevages.

Cette situation explique, par exemple, que certains massifs dans le sud des Alpes fassent l’objet de prédations plus importantes que dans les zones où les troupeaux sont transhumants l’été et gardés en bergerie le reste de l’année.

Le sujet est donc complexe, et le travail accompli ces derniers mois par les membres du groupe national loup montre l’ampleur de la tâche.

Face à cette situation, j’ai insisté, dans mon intervention lors de la relance du groupe national loup, le 16 octobre dernier, sur la nécessité de prévoir une gestion différenciée pour prévenir et limiter les prédations.

Les modalités d’intervention sur la population des loups doivent ainsi être adaptées au niveau des attaques et à la sensibilité particulière des systèmes d’élevage.

Des réponses adaptées à chaque type de situation, parallèlement à la protection physique des élevages, doivent être apportées afin, dans chaque cas, de réduire la prédation.

La baisse de la prédation relève nécessairement d’une gestion différenciée de la population de loups, alliée à l’impératif d’une protection physique sur la base des constats établis. C’est l’orientation principale sur laquelle travaille le groupe national loup.

Ainsi, dans les Alpes de Haute-Provence, dans la vallée de l’Ubaye, entre 2011 et 2012, la prédation a diminué de plus de 70 %,…

M. Claude Domeizel. Elle a augmenté ailleurs !

Mme Delphine Batho, ministre. … alors qu’elle a progressé de 40 % dans le Haut-Verdon et de 400 % dans la vallée de l’Asse. Voilà des exemples chiffrés des différences que nous rencontrons sur les territoires. Ne pas en tenir compte dans les réponses que nous devons apporter serait une erreur et, surtout, ce serait inefficace.

Le processus du nouveau plan loup 2013-2017 est en passe d’aboutir. Les conclusions du travail qui a été mené seront rendues le 5 février prochain, après plusieurs mois de concertation. Elles feront l’objet d’une consultation publique qui durera un mois, puis d’une consultation de la commission faune du Comité national de protection de la nature au début du mois d’avril.

Mon objectif est que le nouveau plan loup, qui entrera en vigueur avant l’estive, apporte une réponse comprise sur le terrain, afin de remédier aux situations les plus critiques.

Le groupe de travail élabore des solutions nouvelles avec tous les acteurs concernés. Deux parlementaires participent aux travaux, Christophe Castaner et Marc Daunis. Ce groupe est composé de représentants de la profession agricole, de la chasse, d’associations de protection de la nature, d’élus, de services de l’État et d’experts.

Face à un problème complexe, nous devons faire preuve d’intelligence collective, afin de préserver une ruralité et une montagne vivantes.

Je demande que l’on donne sa chance à cette méthode, à ce travail sérieux qui mise sur le dialogue, sur la confiance en tous les partenaires du groupe national loup.

Ce plan s’élabore depuis plusieurs mois, en tenant compte de toutes les expertises disponibles.

J’entends l’interpellation en provenance de nos territoires qu’exprime l’auteur de la présente proposition de loi. Pour autant, le Gouvernement ne peut que s’y opposer et y être défavorable. (Exclamations sur les travées du RDSE et de l'UMP, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)

Sur la forme, ce texte n’est pas respectueux du dialogue en cours, je l’ai dit, entre les parties prenantes au groupe national loup. (Exclamations sur les travées du RDSE et de l'UMP.) Or ce dialogue garantit la coexistence de l’espèce et le maintien de l’activité pastorale dans la durée.