Mme la présidente. La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le thème retenu par la conférence des présidents pour cette séance de question orale avec débat est particulièrement important, et nous pouvons remercier Aline Archimbaud de l’avoir proposé.

Aujourd'hui, force est de constater que les détenus ne sont pas seulement privés de leur liberté de mouvement. Ils sont également privés de la pleine application des droits sanitaires et sociaux qui, inhérents à la personne humaine, ne peuvent théoriquement faire l'objet d'aucun aménagement ni d’aucune restriction dans notre République. Je pense particulièrement au droit à la santé, au sens où l'entend l'Organisation mondiale de la santé.

Déjà, en 2010, la Cour des comptes rendait public un rapport dans lequel elle soulignait la gravité de la situation en ces termes : « La santé est un secteur très défaillant en prison », précisant par ailleurs que l'environnement pénitentiaire était inadapté pour les détenus atteints des pathologies les plus lourdes, telles que le VIH, et pour ceux qui se trouvent en fin de vie ou en situation de dépendance.

Cette situation s’explique notamment par le nombre insuffisant des médecins intervenant dans les prisons. Toutefois, elle est aussi inhérente aux conditions mêmes d’incarcération des détenus. La surpopulation provoque naturellement des maladies, tout comme l'état des structures.

Comment ne pas faire le lien entre des conditions de détention extrêmement difficiles, qui ressemblent parfois aux conditions de vie en situation d'extrême pauvreté, et une prévalence de la tuberculose dix fois plus élevée en milieu carcéral qu'à l'extérieur ? Je pense ici à un article du Monde concernant la prison des Baumettes, qui a défrayé la chronique en décembre dernier. Assez effrayant, il laisse perplexe quant à la situation sanitaire des détenus.

Depuis lors, la situation ne s'est pas améliorée ; elle s'est même considérablement détériorée si l'on considère la santé mentale des détenus. Selon les sources de l'administration pénitentiaire elle-même, en 2011, 80 % des détenus souffraient de troubles psychiatriques ; 7°% des détenus souffriraient ainsi de schizophrénie, quand seulement 1 % de la population totale est concernée en France. La proportion est strictement identique pour les détenus atteints de paranoïa. Cette surreprésentation des maladies mentales en milieu carcéral doit nous inviter à trouver de meilleures réponses pour l’accompagnement des détenus, ainsi qu'à réviser notre législation pénale.

Pour notre part, nous insistons sur la nécessité de réintroduire un mécanisme permettant de réduire réellement la sanction pénale pour les personnes qui sont reconnues pénalement responsables d'une infraction mais qui présentent une altération du discernement en raison d'une pathologie mentale. Cette mesure appellerait à son tour une réforme, sans doute tout aussi ambitieuse, de l'offre de soins psychiatriques en ville. Elle devrait reposer sur une approche bienveillante et non sécuritaire, ainsi que sur une politique de secteurs renforcée et modernisée.

En outre, au regard du nombre de détenus souffrant d’addictions aux drogues ou à l'alcool, je ne puis, dans la continuité du rapport remis par ma collègue Laurence Cohen en qualité de rapporteur pour avis sur la Mission interministérielle de lutte contre la drogue et la toxicomanie, que regretter l'insuffisance, pour ne pas dire l'indigence, des politiques préventives de traitement et de réduction des risques en prison.

Cette absence de politique volontariste n'est pas sans conséquence pendant et après la détention. En prison, le risque infectieux est bien plus élevé qu'à l'extérieur : celui d’une contamination par l'hépatite C est multiplié par dix et celui de l'hépatite B, par quatre.

Si certains efforts ont été accomplis pour permettre l'accès des détenus à des traitements de substitution, il faut faire preuve de plus de détermination et d'imagination. Faisons confiances aux professionnels de santé et aux associations. Donnons-leur la parole pour qu’ils puissent formuler des propositions qui répondent à l'urgence sanitaire que représentent les détenus souffrant d'addictions.

Si le milieu carcéral présente d'importantes déficiences pour l'accès à la santé, il apparaît comme une véritable zone de non-droit au regard des droits sociaux. La prison, qui devrait être un temps de réinsertion sociale et professionnelle, ne remplit pas, loin s'en faut, sa mission.

L'article 27 de la loi pénitentiaire n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 prévoit tout de même que « toute personne condamnée est tenue d'exercer au moins l'une des activités qui lui est proposée [...] dès lors qu'elle a pour finalité la réinsertion de l'intéressé et est adaptée à son âge, à ses capacités, à son handicap et à sa personnalité ».

Pourtant, dans les faits, seuls 39,1 % des personnes détenues exercent un emploi ou suivent une formation professionnelle. Et lorsqu'ils travaillent, les détenus ne sont pas protégés par les règles de droit commun qui s’appliquent aux salariés. Ils ne disposent pas d'un contrat de travail, mais d'un contrat d'engagement. Les exigences contractuelles imposées aux employeurs sont quasi-inexistantes en prison, et certains contrats ne précisent ni les tâches qu'auront à effectuer les détenus ni le nombre d'heures travaillées.

Cette situation, particulièrement l'absence de contrat, produisait encore, il y a peu, un effet surprenant : les conflits liés à l'exercice d'une activité professionnelle en prison ne relevaient pas des conseils de prud’hommes, dans la mesure où cette juridiction n’était compétente que pour les conflits nés à l'occasion d'un contrat de travail.

Très récemment, comme vient de le rappeler Aline Archimbaud, le conseil des prud'hommes de Paris s’est déclaré compétent, considérant que la fin de la collaboration d’un détenu avec une entreprise, sur l'initiative de cette dernière, devait s'analyser comme un licenciement ouvrant droit au bénéfice de toutes les protections et dispositions prévues dans le code du travail.

Cette décision doit nous inciter collectivement à élaborer un dispositif qui puisse être enfin sécurisant pour les détenus. Nous ne pouvons accepter que le respect de leurs droits dépende de décisions de justice rendues au cas par cas et qui soufrent, par définition, d'une certaine instabilité.

Aussi, monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer la position du Gouvernement, ainsi que les mesures qu'il entend prendre dans le sens d'un renforcement réel des droits des détenus en prison, mais aussi après leur détention, notamment en matière de droits à la retraite ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, la question des droits sociaux et sanitaires des détenus est fondamentale, sur un plan à la fois éthique et pratique. C’est pourquoi je remercie notre collègue Aline Archimbaud de l'avoir inscrite à l'agenda de la Haute Assemblée.

D'un point de vue éthique, cette question renvoie à celle de la nature même de la société que nous voulons. L'état d'un système carcéral en dit long sur le cadre politique et social qui l'a engendré. Autrement dit, montez-moi vos prisons, et je vous dirai qui vous êtes : une société de droit, de cohésion et d'inclusion ou bien une société qui tolère en son sein le non-droit et l'exclusion.

En France, au XXIsiècle, une telle alternative n’a pas lieu de perdurer, car le choix s’impose. Les prisons n'ont pas vocation à être des sanctuaires, ou plutôt des oubliettes, où les détenus seraient privés non seulement de la liberté, mais également de tout le reste. De par leur nature même, elles ont pourtant tendance à le devenir depuis de trop nombreuses années, ce qui compromet jusqu'à leur utilité.

En effet, l'enjeu n'est pas seulement éthique, il est aussi pratique et concret. C'est toute la question de l'efficacité de la peine qui est posée. Sauf exceptions, l'incarcération est une sanction ponctuelle, qui doit préparer la réinsertion. L'une n'a aucun sens sans l'autre. Or plus les conditions d'incarcération sont mauvaises, plus les chances de réinsertion s'amenuisent. Et, force est de le constater, la situation de notre pays est très préoccupante de ce point de vue.

Le problème n'est pas nouveau. Aline Archimbaud l'a rappelé, la France a semblé le découvrir ou le redécouvrir en 2000 avec le rapport de nos collègues Jean-Jacques Hyest et Guy-Pierre Cabanel, au titre si éloquent, Prisons : une humiliation pour la République.

Toutefois, pour parvenir, en 2000, à un tel constat, il aura fallu que la situation se dégrade depuis bien longtemps. Et il faudra attendre encore neuf ans pour que ce rapport trouve une traduction législative digne de ce nom, avec la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009.

Ce texte a incontestablement représenté un progrès, dans la mesure où il a doté la France d'une loi fondamentale du service public pénitentiaire. Auparavant, les normes régissant les droits et obligations des détenus étaient principalement issues de dispositions réglementaires, de circulaires et de notes administratives. La loi de 2009 a instauré un droit à un minimum de revenus, un droit au travail et à l'insertion par l'activité économique, notamment avec l'acte d'engagement professionnel, un droit à la vie familiale, etc.

Pour autant, les choses ont-elles fondamentalement changé sur le terrain ? Non, ou du moins insuffisamment, si l'on en croit le rapport d'information de nos collègues Jean-René Lecerf et Nicole Borvo Cohen-Seat du 4 juillet dernier, qui en dresse le bilan. La loi de 2009 serait insuffisamment appliquée et par trop incantatoire. Cette situation est pour le moins insatisfaisante, mais elle n'a, hélas, rien d'étonnant.

En effet, de quoi parle-t-on lorsque l'on évoque les droits sanitaires et sociaux des détenus ? Le champ de la question est extrêmement large : il couvre les deux grands domaines que sont la garantie et le respect des droits et libertés fondamentales en prison et l'accès des détenus à une réinsertion socioprofessionnelle.

À lui seul, le premier de ces domaines est vaste. Il va du droit au respect de la vie privée au droit à la santé et à la sécurité, en passant par le droit à la famille, à la culture, à l'information et au culte.

Le second est moins vaste, mais tout aussi décisif : il s'agit du droit pour tout détenu à une formation et à un exercice professionnel au cours de sa détention.

Puisque l'on ne peut parler de tout en un temps si contraint, je me focaliserai sur ce second point. Il est déterminant, car si les détenus ne peuvent accéder dans de bonnes conditions à une formation et travailler durant leur détention, leur réinsertion sur le marché du travail sera particulièrement problématique à leur sortie.

Or, aujourd'hui, l'accès des détenus à une réinsertion socioprofessionnelle demeure malheureusement l’une des grandes faiblesses de l’institution pénitentiaire.

L'accès à la formation, c'est pour commencer la lutte contre l'illettrisme et l'analphabétisme. Un rapport de 2006 du Conseil économique et social – avant que celui-ci ne devienne aussi environnemental – remis par M. Donat Decisier, souligne l’étendue des besoins en la matière et les lacunes du système.

Il y a six ans, 18,3 % des détenus étaient en situation d'illettrisme et 13,9 % d’entre eux rencontraient des difficultés pour la lecture. Or, à cette époque, le repérage de l'illettrisme auprès de la population carcérale n'était pas systématique et la loi de 2009 n'a pas abordé cette question pourtant majeure. Par conséquent, monsieur le ministre, où en sommes-nous aujourd'hui ?

Par ailleurs, les efforts déployés pour développer l'activité professionnelle en prison sont encore insuffisants. Alors que l'obligation d'activité constituait l'un des grands axes de la loi pénitentiaire, d'ailleurs introduit par le Sénat, son bilan est décevant : l'emploi et la formation ne concernent encore qu'une minorité de personnes détenues. Le taux d'activité global s'élève – le chiffre vient d’être cité – à 39,1 %. Encore n'est-il qu'un trompe-l'œil au regard de l'objectif final de la réinsertion socioprofessionnelle, puisque la notion d'activité est ici très largement définie.

Parmi ces activités, combien sont suffisamment qualifiantes pour aider l’ancien détenu à réintégrer le marché du travail une fois sa peine purgée ? Environ la moitié seulement des 39 % des détenus occupés exerceraient de telles activités. Ainsi, 80 % des détenus ne bénéficient pas aujourd'hui d’une formation ou d'une activité professionnelle susceptible de favoriser leur réinsertion socioprofessionnelle.

Les limites du système sont connues et très bien analysées par le rapport Lecerf-Borvo. Elles sont tout d’abord juridiques : la notion d'activité est trop largement définie, l'acte d'engagement n'est pas encore mis en œuvre, la rémunération à un taux horaire préfixé demeure problématique. Néanmoins, elles sont aussi financières : à l'heure où les marges de manœuvre sont partout contraintes, bien sûr, une telle politique réclame des moyens.

Monsieur le ministre, le développement d'une véritable formation professionnelle des détenus constituera-t-il un axe prioritaire de l’action du Gouvernement ? La question est d'autant moins anodine que, plus généralement, la formation professionnelle est sans doute le plus important des chantiers qu'il nous faut lancer de façon urgente en matière d'emploi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. François Fortassin.

M. François Fortassin. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, ce débat intervient alors que la Cour de cassation a décidé de transmettre au Conseil constitutionnel une question prioritaire de constitutionnalité sur le droit du travail applicable aux détenus.

Le code de procédure pénale prévoit que « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l'objet d'un contrat de travail ». Toute la question est de savoir si cette disposition porte atteinte, ou non, aux droits et libertés garantis par la Constitution.

La question du droit du travail en prison n'est pas nouvelle. En 2000, la commission d'enquête sur la situation dans les prisons françaises, présidée par M. Louis Mermaz, relevait que « l'absence de respect du droit du travail ruine la conception même du travail pénal comme outil d'insertion ».

Lors de la loi pénitentiaire de 2009, l’ancienne majorité n’est pas allée jusqu’à l’institution d’un contrat de travail en détention, estimant que l’application du droit commun – congés payés, rémunération au moins égale au SMIC, indemnisation en cas de rupture du contrat – dissuaderait les entreprises privées d’employer des personnes détenues.

Elle a prévu la conclusion d’un acte d’engagement entre l’administration et la personne détenue énonçant « les droits et obligations professionnels de celle-ci, ainsi que ses conditions de travail et sa rémunération. » Cette disposition semble aujourd'hui inappliquée ; l’accès au travail reste encore soumis à l’arbitraire de l’administration pénitentiaire, le déclassement ne constituant qu’une simple mesure disciplinaire.

Dans son rapport de 2011, le Contrôleur général des lieux de privation de liberté déplorait cette situation. Surtout, il relevait que les détenus exerçant une activité rémunérée pour le « service général » ou pour des entreprises extérieures étaient traités et payés de manière injuste, voire dérisoire. La loi impose des minimas de 45 % du SMIC pour la production et de 33 % pour le service général, mais les payes sont souvent inférieures, si bien que ces chiffres deviennent en réalité des plafonds.

Ajoutons à cela que les détenus travaillent dans des conditions bien éloignées des règles d’hygiène et de sécurité du code du travail qui s’imposent en détention : espaces pas ou peu aérés, fréquemment exigus, machines ayant quelquefois plus de trente ans d’âge ou étant d’un maniement dangereux, etc.

L’inspection du travail n’a même pas le droit de se rendre inopinément en prison ; elle doit y être invitée par l’administration. Le moins que l’on puisse dire, étant donné que l’on a affaire à des gens bien organisés, c’est que, ce jour-là, les choses se passent plutôt bien…

En février dernier, le conseil des prud’hommes de Paris a donné gain de cause à une détenue qui demandait notamment que soit reconnue comme licenciement la fin de sa collaboration avec l’entreprise venue sous-traiter dans l’établissement pénitentiaire.

Contrairement à cette décision, qui ne concerne que les relations établies entre un détenu et une entreprise, mais qui pourrait néanmoins faire jurisprudence, la question prioritaire de constitutionnalité, ou QPC, touche au code de procédure pénale. Les conséquences qui en découleraient s’appliqueraient donc à tous les détenus exerçant une activité professionnelle.

Le droit du travail semble entrer peu à peu dans la prison et la décision du Conseil constitutionnel pourrait nous pousser à nous emparer rapidement de cette question. Monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement sur ce point ?

D’autres aspects font l’objet d’un rappel à l’ordre continu de la part du Contrôleur général. Dans son rapport de 2012, celui-ci a notamment insisté sur le fait que les personnes privées de liberté méconnaissent leurs droits ; il a rappelé l’exigence de leur donner une information effective, tant cette dernière reste aujourd’hui fréquemment parcellaire. Sur ce point, je voudrais saluer Mme la garde des sceaux, qui a souhaité faciliter la diffusion au sein des établissements pénitentiaires de la dernière édition du Guide du prisonnier, rédigé par l’Observatoire international des prisons.

S’agissant des droits sanitaires, le Contrôleur général note qu’en raison des difficultés d’accès aux hôpitaux et des conditions de détention inadaptées, certains détenus ne peuvent pas se soigner dans des conditions dignes en prison. Bien que la suspension de peine pour raison médicale existe, celle-ci reste selon lui trop restrictive. La prise en charge effective des urgences en milieu carcéral demeure disparate en raison, notamment, de l’éloignement géographique de certaines structures pénitentiaires.

Dans leur rapport sur l’application de la loi pénitentiaire de 2009, Jean-René Lecerf et Nicole Borvo Cohen-Seat soulignent que l’accès aux soins, quels qu’ils soient, souffre de fortes inégalités d’une région à l’autre, avec un taux de médecins pour 1 000 détenus variant d’un à quatre pour les généralistes et d’un à sept pour les psychiatres.

Il semble aussi que beaucoup reste à faire pour prendre en compte la situation des personnes âgées ou très malades en détention.

On le voit bien, les droits sanitaires et sociaux ne sont malheureusement pas toujours effectifs en prison. Beaucoup l’ont dit, la privation de liberté ne signifie pas la privation des droits. Les détenus restent des citoyens, des personnes humaines à part entière, et la meilleure chance de réussir leur insertion, c’est précisément de reconnaître leurs droits fondamentaux.

Nos prisons sont, encore aujourd’hui, des lieux où trop de femmes et d’hommes demeurent soumis à des conditions de vie dégradantes et humiliantes.

Le groupe RDSE auquel j’appartiens est depuis longtemps très attentif à cette question du respect des droits et de la dignité des détenus. Faut-il rappeler le rapport de 2000 de Guy-Pierre Cabanel, ancien président de notre groupe, et de Jean-Jacques Hyest intitulé Prisons : une humiliation pour la République, qui fait encore autorité, ou encore l’excellente discussion qui s’est déroulée ici-même, le 11 mai 2006, à l’occasion de la question orale avec débat du regretté président Jacques Pelletier sur le respect effectif des droits de l’homme en France ?

Monsieur le ministre, nous savons que Mme la garde des sceaux et vous-même préparez avec beaucoup d’engagement personnel une grande loi pénitentiaire, tant attendue à la fois par les détenus et les fonctionnaires de l’administration. Nous l’attendons et, d’ici là, nous approfondirons encore la question le 25 avril prochain, puisque le Sénat, à la demande du groupe RDSE, mènera ce jour-là un débat plus large sur la politique pénitentiaire en France. (Applaudissements.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, la question des droits sanitaires et sociaux est une question majeure pour les détenus et leurs familles, mais aussi pour toutes celles et tous ceux qui travaillent en détention, ainsi que pour notre démocratie. Je remercie notre collègue Aline Archimbaud de l’avoir posée.

L’excellent rapport de nos collègues Jean-René Lecerf et Nicole Borvo Cohen-Seat, qu’il convient de saluer à nouveau, intitulé Loi pénitentiaire : de la loi à la réalité de la vie carcérale, posait un diagnostic implacable et lucide.

En démocratie, les droits de l’homme ne s’arrêtent pas aux portes des prisons, au contraire, et nous voudrions insister sur quelques points, dont certains furent déjà mentionnés.

Le premier point d’importance est le droit à l’intimité en prison, qui devrait être reconnu plus explicitement. Du fait de la promiscuité, ce droit est souvent dénié. C’est ici la question de la surpopulation carcérale qui se pose à nous, mais également celle de l’architecture de nos prisons et de la conception de la surveillance au sein de celles-ci.

Le deuxième point concerne le droit à l’hygiène la plus élémentaire, qui fait parfois défaut. À cet égard, j’invite chaque parlementaire à visiter une prison deux jours consécutifs, afin d’en mesurer toute la réalité. Le cas de Marseille, même s’il est particulièrement emblématique, n’est pas isolé ; je vous conseille également une visite à la prison d’Angers.

Le droit à l’accès aux soins adaptés et proportionnés reste un sujet majeur. Dans de très nombreuses prisons, 50 % des détenus sont littéralement assommés par de véritables camisoles chimiques qui, si elles permettent parfois – et encore, pas toujours – le sommeil, ne favorisent ni la vie sociale ni le sevrage d’autres dépendances ni la construction d’un projet après la prison.

L’accès à l’exercice physique et au sport reste extrêmement dérisoire par rapport aux attentes et aux besoins. Enfin, on fume beaucoup en prison, ce qui pose des problèmes de cohabitation dans les cellules entre fumeurs et non fumeurs. Il s'agit également d’une préoccupation sanitaire majeure.

L’accès aux soins, les bonnes conditions d’hospitalisation posent un problème récurrent, Aline Archimbaud l’a souligné, avec des détenus malades placés dans des conditions extrêmement difficiles, parfois inhumaines. A contrario, de nombreuses personnes souffrant de troubles psychiques très graves surpeuplent nos prisons faute de structures de soins adaptées pour les accueillir à temps. La prison n’est alors souvent qu’une ultime étape dans un parcours très difficile.

Je voudrais également aborder un autre point, plus délicat, plus complexe et qui ne fera pas l’unanimité ici : en théorie, il n’y a pas de sexualité ni de vie sexuelle en détention. Or cela pourrait se discuter, certains pays ayant fait d’autres choix.

Pour autant, même avec les règles telles qu’elles sont appliquées dans notre pays, il nous semble qu’un libre accès aux préservatifs, loin d’être une « invitation à… », serait un élément extrêmement important en matière de prévention du sida. Il s’agit d’un problème de santé publique pour les détenus, leurs familles, leurs conjoints, mais aussi pour tous, en démocratie.

Enfin, je voudrais soulever la question compliquée de la connaissance, ou plutôt de la méconnaissance, de leurs droits par les détenus, qui a un impact très important sur les droits sanitaires et sociaux. À l’arrivée en détention, les règles sont souvent très vite ou trop vite expliquées. La connaissance des droits qu’ont les détenus est extrêmement lacunaire, nous avons pu le constater à la prison d’Angers. Nous devons encore progresser concernant cette information des personnes sur leurs droits, et pas seulement sur leurs devoirs.

Aussi, nous demandons qu’il soit donné à chaque détenu un règlement intérieur complet et clair des règles appliquées à la prison. Cela nous semble constituer un impératif majeur.

Nous attendons toujours, sauf erreur de notre part, la publication du décret en Conseil d’État relatif à la loi pénitentiaire de 2009 sur les règlements intérieurs type par catégorie d’établissement pénitentiaire, qui sont essentiels à l’exercice par les détenus des droits et libertés que la loi leur reconnaît par ailleurs et qui permettraient, selon nous, un meilleur exercice des droits sanitaires et sociaux.

Même si les femmes représentent proportionnellement une infime minorité de la population carcérale en France, j’aimerais rappeler ici les difficultés particulières que rencontrent les détenues.

En détention se posent un certain nombre de problèmes spécifiques, par exemple pour les femmes enceintes ou les mères de jeunes enfants. Vous le savez comme moi, mes chers collègues, seuls vingt-cinq établissements sont équipés pour recevoir les mères et leurs jeunes enfants, qu’elles peuvent garder auprès d’elles jusqu’à l’âge de dix-huit mois.

Une soixantaine d’établissements pénitentiaires sur 191 accueille des femmes et cinq établissements seulement reçoivent les femmes condamnées à des peines moyennes ou longues. Cela signifie que le nombre de kilomètres à parcourir par les proches est beaucoup plus important pour les femmes incarcérées que pour les hommes détenus.

Par ailleurs, les centres de détention longue sont plutôt situés au nord de l’Hexagone, ce qui pose un véritable problème de visite, notamment pour les femmes du sud. Toutes les statistiques le montrent, les femmes reçoivent moins de visites en prison que les hommes ; les chaînes de solidarité sont rompues plus rapidement. Il conviendrait selon nous de prendre en compte ce problème spécifique.

La privation de liberté est la peine, rien que la peine, dans une démocratie qui se veut toujours en matière de droits humains une référence, prompte à donner des leçons à nos voisins proches ou éloignés. Les conditions difficiles de détention, telles qu’elles existent en France, n’ont, selon nous, aucune vertu éducative, n’aident pas à la construction d’un projet de sortie et sont une honte pour une démocratie qui se respecte.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, de concert avec Mme la garde des sceaux, pour remédier à cette situation ? Nous vous remercions de votre réponse. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-René Lecerf.

M. Jean-René Lecerf. Madame la présidente, monsieur le ministre, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, en introduction à mon intervention, après avoir remercié Aline Archimbaud de son initiative, je souhaiterais rappeler un certain nombre de points sur lesquels nous pourrions sans doute tomber d’accord – ce serait en quelque sorte notre propre conférence de consensus – et qui nous permettraient, je crois, d’avancer enfin dans notre appréhension de la prison, au bénéfice des personnes détenues comme des victimes, du personnel pénitentiaire comme de la société tout entière.

Tout d’abord, notre diagnostic est unanime, des commissions d’enquêtes parlementaires de 2000 – chacun se souvient du titre du rapport sénatorial Prisons : une humiliation pour la République – jusqu’aux déclarations du Président de la République devant le congrès en juin 2009.

Je le cite : « Comment accepter […] que la situation dans nos prisons soit aussi contraire à nos valeurs de respect de la personne humaine ? La détention est une épreuve dure, elle ne doit pas être dégradante. Comment espérer réinsérer dans la société ceux qu’on aura privés pendant des années de toute dignité ?

« L’état de nos prisons, nous le savons tous, concluait Nicolas Sarkozy, est une honte pour notre République, quel que soit, par ailleurs, le dévouement du personnel pénitentiaire ».

Ensuite, notre attachement à l’application volontariste de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 est très partagé, comme nous nous en sommes rendu compte, Nicole Borvo Cohen-Seat et moi-même, en rédigeant, au nom de la commission des lois et de la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois, notre rapport d’information sur l’application de la loi pénitentiaire. Néanmoins, plus de trois ans après son entrée en vigueur, des décrets d’application manquent encore à l’appel et bon nombre de ses dispositions, du régime des fouilles à l’expression collective des personnes détenues, de leur droit à l’image à l’obligation d’activité, ne font l’objet que d’une mise en œuvre évanescente.

Enfin, je suis convaincu qu’il est aujourd’hui indispensable de sanctuariser l’univers carcéral, ainsi, sans doute, que de larges aspects de notre politique pénale, afin de les prémunir de toute tentation politico-électoraliste.

Selon Pierre-Victor Tournier, dont je cite ici le titre du dernier ouvrage, la prison est « une nécessité pour la République », quelle que soit la majorité du moment. En ce qui me concerne, partageant cette réflexion attribuée à Albert Camus selon laquelle « une société se juge à l’état de ses prisons », j’aimerais, mes chers collègues, que nous puissions léguer, en ce domaine, une appréciation moins calamiteuse que celle que nous méritons depuis trop longtemps.

J’en viens maintenant au thème de notre question orale avec débat, à savoir les droits sanitaires des personnes détenues.

Comment ne pas évoquer une première évidence, dont il n’est cependant guère question ni dans la loi pénitentiaire ni dans les réflexions récentes sur la lutte contre la récidive, à savoir l’envahissement de nos prisons par la maladie mentale ?

Je rappelle que le Sénat a introduit dans la loi pénitentiaire un article sur le sens de la peine : « Le régime d’exécution de la peine de privation de liberté concilie la protection de la société, la sanction du condamné et les intérêts de la victime avec la nécessité de préparer l’insertion ou la réinsertion de la personne détenue, afin de lui permettre de mener une vie responsable et de prévenir la commission de nouvelles infractions. »

Or, dans un rapport d’information que Gilbert Barbier, Christiane Demontès, Jean-Pierre Michel et moi-même avions réalisé au nom de la commission des lois et de la commission des affaires sociales, nous avions à la fois repris les estimations des pouvoirs publics, selon lesquelles il y aurait près de 25 % de personnes atteintes de troubles mentaux en prison, et surtout estimé, à la lumière de travaux récents et de constats plus empiriques, à 10 % de la population pénale la proportion des personnes atteintes des troubles mentaux les plus graves – schizophrénie et autres formes de psychoses – et pour lesquelles la peine n’a aucun sens. Pourtant, ces personnes ont été jugées responsables. On a considéré que leur discernement avait simplement été altéré et non aboli.

Il va de soi que le mouvement de désinstitutionalisation de la psychiatrie et la forte diminution des capacités d’hospitalisation sont passés par là.

Pis encore, les personnes dont le discernement a été pour le moins diminué sont plus sévèrement sanctionnées que celles dont on considère qu’elles étaient pleinement conscientes de la portée de leurs actes.

Dès lors, comment s’étonner des drames que connaissent nos prisons, à l’instar de celui qui est survenu à Rouen, où un détenu a assassiné son codétenu avant de commencer à dévorer ses entrailles ? Comment ne pas comprendre la peur des uns et des autres dans la situation de surpopulation carcérale dont nous souffrons, comme la détresse des personnels pénitentiaires ?

Gilbert Barbier, Christiane Demontès et moi-même avons déposé une proposition de loi relative à l’atténuation de responsabilité pénale applicable aux personnes atteintes d’un trouble mental ayant altéré leur discernement au moment des faits. Elle prévoit notamment de réduire d’un tiers la peine encourue tout en renforçant les obligations de soins.

Cette proposition de loi, qui eut Jean-Pierre Michel pour rapporteur, fut adoptée à la quasi-unanimité par le Sénat, malgré l’opposition du gouvernement de l’époque. Toutefois, elle attend toujours son inscription à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale.

Parallèlement, comment la société est-elle protégée lorsque l’abolition du discernement est une évidence, ou dans le cas des personnes dont l’extrême dangerosité est connue mais qui ne sont pas, ou pas encore, passées à l’acte ? Je pense au témoignage de ce père qui me racontait le drame de sa vie, la maladie mentale de son fils, de la multiplication des alertes à l’égorgement de l’animal de compagnie dans la baignoire, de l’appel au secours de la famille aux autorités jusqu’au meurtre gratuit d’une voisine et à l’enfermement carcéral.

Lorsqu’une délégation de la commission des lois, dont je faisais partie, ainsi que Robert Badinter, s’est rendue à Tournai, en Belgique, pour y visiter un établissement de défense sociale, elle a été impressionnée par le respect de la dignité des personnes dans un univers médical fermé. Même si ce système ne présente pas que des avantages au regard des libertés, il nous avait semblé que la réflexion sur les liens entre justice et santé méritait d’être largement approfondie.

Même les UHSA, les unités hospitalières spécialement aménagées, qui marquent pourtant un progrès dans le traitement des situations de crise des détenus atteints de troubles mentaux, ne risquent-elles pas de nous conduire à laisser incarcérer, sans avoir trop mauvaise conscience, des personnes pour qui la peine n’a aucun sens, et à prendre acte de la place de la folie dans nos prisons ?

Entendons-nous bien : il ne s’agit pas de contester les progrès accomplis dans les soins aux personnes détenues depuis la fin de la médecine pénitentiaire. En matière de soins somatiques, beaucoup a été fait, même si dans son dernier rapport le Contrôleur général des lieux de privation de liberté recense encore de nombreuses insuffisances. En matière de soins psychiatriques, beaucoup reste à faire, sachant, en outre, qu’il est difficile de trouver des psychiatres dans les déserts médicaux, où nombre d’établissements pénitentiaires ont été construits.

J’en viens au second volet de notre réflexion de ce soir : l’exercice d’une activité en détention. La loi pénitentiaire a mis en place, non sans mal, une obligation d’activité, sur l’initiative de la commission des lois du Sénat. Si, dans un premier temps, on nous a reproché de vouloir rétablir les travaux forcés ou de ne pas respecter traités et conventions internationales, ces critiques n’ont pas duré. L’obligation d’activité traduit la volonté de faire du séjour en prison un temps utile et de la réinsertion un objectif volontariste et déterminé.

En effet, l’obligation d’activité ne pèse pas uniquement sur la personne détenue, loin s’en faut. Elle incombe aussi à l’administration pénitentiaire et, au-delà, à la société tout entière. Or le bilan en matière d’emploi carcéral et de formation est largement insuffisant. Des efforts importants restent à accomplir. À cet égard, monsieur le ministre, permettez-moi de tracer quelques pistes.

Où en est l’instauration d’une priorité pour les productions des établissements pénitentiaires dans le cadre des marchés publics, promise par nombre d’anciens gardes des sceaux, dont Mme Dati et Mme Alliot-Marie ? Elle nécessiterait une modification du code des marchés publics, qui relève de la compétence réglementaire, comme en son temps cette préférence fut accordée pour les SCOP, les sociétés coopératives ouvrières de production.

Ne peut-on cesser de compartimenter les compétences pour rechercher le travail carcéral ? Ainsi, même dans les établissements à gestion privée, les démarches des directeurs d’établissement auprès des chambres de commerce et d’industrie, des chambres de métiers et de l’artisanat et des associations d’employeurs sont irremplaçables.

Les nouveaux établissements doivent comprendre des locaux, des ateliers adaptés au développement d’activités. C’est souvent le cas, mais pas toujours. Ainsi, le centre pénitentiaire du Havre, qui est pourtant récent, n’est pas exemplaire sur ce point.

L’administration pénitentiaire ne peut-elle mieux tirer parti des initiatives efficaces qui ont parfois été prises et les multiplier ? Ainsi, dans mon département, le Nord, une plateforme de formation au tri sélectif des déchets avait été mise en place à la prison de Loos-lez-Lille, puis reconstruite à la maison d’arrêt de Douai.

Les personnes détenues bénéficiaient à leur sortie d’un contrat de travail avec une société d’économie mixte partenaire de Lille Métropole Communauté Urbaine. Les résultats se sont révélés particulièrement encourageants. Or toute prison produit des déchets, les métiers du tri sont recherchés et offrent des débouchés quasiment assurés partout. Aussi, pourquoi ne pas encourager de telles initiatives ?

La formation professionnelle des personnes détenues gagnerait à être confiée aux régions. Or l’expérimentation prévue dans la loi pénitentiaire s’est heurtée au cahier des charges avec les partenaires privés et à l’obligation de limiter la compétence des régions aux établissements à gestion publique. Il importe, me semble-t-il, de corriger cet obstacle imprévu.

J’exprimerai enfin quelques craintes.

L’ensemble des interlocuteurs sur le travail carcéral attirent l’attention sur les risques liés au passage à la rémunération horaire prévue par l’article 32 de la loi pénitentiaire, au lieu d’une rémunération à la pièce. Ce dispositif ne doit absolument pas conduire à évincer d’un poste de travail les personnes détenues les plus fragiles afin de répondre aux objectifs de rentabilité des entreprises concessionnaires.

De même, on en a parlé, le Conseil constitutionnel se prononcera prochainement, dans le cadre d’une question prioritaire de constitutionnalité, sur la compatibilité avec les droits garantis par la Constitution des dispositions de l’article 717-3 du code de procédure pénale, aux termes duquel « les relations de travail des personnes incarcérées ne font pas l’objet d’un contrat de travail ».

Je rappellerai que l’urgence aujourd’hui est de fournir du travail aux personnes détenues, que nous sommes loin d’y parvenir dans des conditions satisfaisantes, que, contrairement à ce que l’on entend parfois, les entreprises qui fournissent aujourd'hui de l’activité aux personnes détenues sont des entreprises citoyennes et non des exploiteurs de la misère.

L’enfer peut être pavé de bonnes intentions. L’octroi d’un contrat de travail et de l’ensemble des droits qui y sont liés aux personnes détenues entraînerait inéluctablement l’effondrement de l’offre de travail et serait finalement un obstacle à la réinsertion. Il faudra procéder dans ce domaine par des progrès successifs, mais limités, afin de ne pas risquer de très sévères déconvenues.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, je conclurai en vous rappelant une date, celle du 24 novembre 2014, laquelle marque la fin du moratoire prévu, une fois de plus, dans la loi pénitentiaire et permettant de déroger à la règle de l’encellulement individuel.

C’est essentiellement grâce au Sénat que cette règle a été sauvegardée en 2009, bien que des dérogations indispensables aient été maintenues, notamment pour préserver certaines personnes détenues fragiles. Même s’ils ont sauvé le principe de l’encellulement individuel, les sénateurs n’en sont pas pour autant devenus des ayatollahs : ils considèrent qu’un taux de 30 % de cellules doubles, ce qui correspond au dernier programme 13 200, ne serait pas choquant.

Pour le reste, la surpopulation reste le principal facteur de dégradation des conditions de détention : elle nourrit les tensions et les violences, entraîne des suicides, rend insoluble les problèmes d’optimisation du travail et de formation professionnelle pour tous en milieu carcéral et pèse sur les conditions de travail du personnel pénitentiaire.

Il fut un temps où il fallait construire des places de prison. Les programmes Chalandon, Méhaignerie et Perben, notamment, furent les bienvenus. Aujourd'hui, la priorité est la réussite des aménagements de peine et des alternatives à l’incarcération. Toutefois, de même qu’une politique pénitentiaire ne saurait se réduire à l’évolution des capacités de détention, une politique d’aménagement des peines ne saurait se résumer à l’augmentation du nombre de bracelets électroniques.

Dans l’étude d’impact de la loi pénitentiaire, il était précisé que le recrutement de 1 000 conseillers d’insertion et de probation était un préalable à la réussite d’une telle politique. Nous en sommes loin.

La limitation des constructions de nouvelles places de prison doit permettre de résoudre le problème de tous ceux, personnels d’insertion et de probation et réseaux associatifs, qui permettront de conjuguer aménagement et réinsertion, retour des prisons de la République dans un État de droit intransigeant et progrès de la lutte contre la récidive, et cela pour la sécurité de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du groupe écologiste. – Mme Isabelle Pasquet applaudit également.)

(M. Thierry Foucaud remplace Mme Bariza Khiari au fauteuil de la présidence.)