M. le président. La parole est à Mme Jacqueline Alquier.

Mme Jacqueline Alquier. Monsieur le président, madame la rapporteur, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous le savons tous, le pouvoir d’achat des Français est aujourd’hui en berne. Certains collègues l’ont rappelé, un recul de 0,4 % a été observé en 2012, ce qui ne s’était plus produit depuis 1984.

Au même titre que l’emploi, le pouvoir d’achat est l’une des grandes causes nationales sur le plan économique. Depuis un an, le Gouvernement et la majorité parlementaire se mobilisent pour adopter les mesures nécessaires et encourager les entreprises de ce pays.

Plutôt que d’expliquer que ces mesures seraient insuffisantes et qu’elles ne feraient qu’illustrer le prétendu immobilisme du Gouvernement, laissons-leur le temps de produire leurs effets ! Les auteurs de ces critiques, sauf à penser qu’ils ne retournent jamais dans leur circonscription, savent pertinemment que des mesures ne sont jamais d’effet immédiat, que ce soit en termes d’emploi, de santé ou d’éducation.

Sur le sujet qui nous intéresse aujourd’hui, notre réaction, qui consiste à débloquer une partie de l’épargne salariale afin de l’orienter vers la consommation, principal moteur de la croissance dans notre modèle économique actuel, va permettre en effet de donner un coup de pouce au pouvoir d’achat des Français.

À cet égard, je voudrais d’ailleurs rappeler à l’opposition qu’elle ne peut sans cesse imputer à la gauche, après seulement un an d’action, les problèmes de pouvoir d’achat des Français. D’ailleurs, lorsqu’elle était aux responsabilités, le déblocage de l’épargne salariale adopté n’était assorti d’aucune condition et n’a donc eu aucun effet véritable sur la consommation. Il vaut donc mieux s’abstenir de toute prévision.

Je voudrais à ce titre souligner la présence d’esprit de nos collègues députés, qui ont demandé au Gouvernement le dépôt d’un rapport réalisant le bilan de la mesure dans le délai d’un an après son adoption.

Ce rapport nous permettra sans doute, et pour la première fois depuis vingt ans, de disposer dans les mois qui viennent de données fiables sur l’effet d’un tel déblocage.

À travers les précédentes interventions de nos collègues de la majorité, nous avons pu à nouveau revenir sur les objectifs de ce texte, qui aura des effets positifs au niveau tant microéconomique que macroéconomique.

Il est en effet salutaire de permettre aux Français de débloquer leur épargne salariale en temps de crise, sans pénalités fiscales. Par ce texte, nous comblons temporairement un manque de la loi. Celle-ci prévoit d’ores et déjà un déblocage anticipé en cas de coup dur, mais rien, en revanche, en cas de crise économique. Il fallait donc permettre ce déblocage afin d’orienter une partie de l’épargne salariale, aujourd’hui indisponible, vers la consommation. Le dispositif proposé est de nature à redonner quelques marges de manœuvre aux ménages pour des achats de biens durables ou d’équipement.

Une autre amélioration doit être relevée : dans ce texte, le déblocage exceptionnel porte aussi sur l’intéressement, ce qui n’est pas négligeable. Cela permettra de ne pas s’adresser uniquement aux salariés des grandes entreprises, mais aussi à ceux qui travaillent au sein de plus petites entreprises et qui ont le plus souvent accès à l’intéressement.

Notre action est simple, lisible et, espérons-le, efficace. Il est cependant important de rappeler que nous ne concevons pas, pour aujourd’hui ou demain, l’épargne salariale, l’intéressement ou la participation comme des substituts du salaire.

Ce qui nous préoccupe en premier lieu, dans notre action politique, c’est la hausse des salaires les plus bas et la juste répartition des richesses au sein de l’entreprise. Prenons garde de ne pas perdre de vue que l’outil de rémunération du travail, c’est le salaire. En cela, notre proposition de loi, même si elle est actuellement nécessaire, doit nous questionner aussi sur les déséquilibres dans le partage des richesses au sein de l’entreprise.

Il s’agit donc de parvenir à une juste répartition entre ce qui doit relever de la rémunération du travail, sous forme de salaire, et ce qui correspond à la participation ou à l’intéressement. Je tiens d’ailleurs à souligner la pertinence de la décision du Gouvernement lorsqu’il se prononce contre la mise en place d’un système de primes défiscalisées et désocialisées au sein des entreprises dans lesquelles n’existent pas de tels dispositifs.

En effet, lorsque les entreprises ont les moyens de procéder à des augmentations de salaires, elles doivent le faire : c’est à l’avantage du salarié et des régimes sociaux qui sont, du même coup, abondés par ces augmentations.

Je voudrais aussi saluer la vigilance des auteurs du texte. En effet, contrairement à ce qui s’est fait dans le passé, des exceptions concernant les PERCO, qui permettent de compléter une retraite, et l’épargne solidaire sont judicieusement prévues.

L’épargne réalisée sur le long terme ne doit pas être remise en cause, pas plus que celle qui permet des financements pérennes en direction des entreprises de l’économie sociale et solidaire, dont on connaît les besoins en fonds propres. M. le ministre y veille. Ce n’est pas le moment de déstabiliser un secteur qui fonctionne bien, qui a du sens et qui a créé, depuis dix ans, 23 % d’emplois nouveaux, quand le secteur privé traditionnel n’en créait que 7 %. Il doit d’ailleurs devenir un pan essentiel de notre politique de croissance.

Par ailleurs, nos collègues députés ont introduit un certain nombre d’amendements permettant de clarifier le dispositif.

Il fallait, bien sûr, préciser ses dates d’application, ce qui a été fait. Nous devions aussi garantir le fléchage des sommes débloquées au profit de la consommation, afin de ne pas voir cet argent partir vers des produits d’épargne plus rémunérateurs. Pour mémoire, 70 % des sommes débloquées en 2004 ont été immédiatement épargnées, sans même profiter à la consommation. Il était donc nécessaire de cibler un minimum les conditions du déblocage.

Veillons toutefois à ne pas introduire trop de conditions, au risque de rendre ce dispositif incompréhensible pour les salariés.

Certes, il est indispensable de limiter les effets d’aubaine. L’Assemblée nationale a prévu pour cela une procédure de contrôle allégée imposant au salarié bénéficiaire de la mesure de tenir à la disposition de l’administration les pièces justificatives attestant l’usage des sommes débloquées. Ce mécanisme a deux mérites : il évite de décourager, par un formalisme excessif, les salariés désireux de bénéficier du déblocage, tout en posant suffisamment de conditions pour décourager les abus.

Mais attention ! Nous n’avons pas demandé de contrepartie aux entreprises lors de la mise en place du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, et nous avons veillé à mettre en place un mécanisme simple. Il doit donc en être de même lorsque l’on s’adresse aux salariés qui, dans le cas contraire, ne comprendraient pas le sens de notre action.

Ce dispositif, limité dans le temps et correctement ciblé, sera ainsi pleinement efficace et ne portera pas atteinte à l’outil même de l’intéressement et de la participation.

Il faut d’ailleurs faire évoluer ce dispositif et l’élargir afin de réduire les inégalités entre salariés. Il n’est qu’à observer l’évolution de la participation, de l’intéressement et de l’épargne salariale pour constater que la répartition des primes est beaucoup trop inégalitaire : les montants versés entre les salariés d’une même entreprise ne sont pas identiques.

De plus, le nombre de bénéficiaires est encore trop faible dans les entreprises de moins de cinquante salariés, très nombreuses dans notre pays. Pour qu’elles puissent s’approprier cet outil, il faudrait le simplifier. Or les dix lois qui ont été adoptées depuis 2001 n’ont fait que complexifier le dispositif !

Les réflexions qui s’engageront prochainement seront peut-être l’occasion de se pencher sur la manière de développer les incitations pour les jeunes salariés et les plus modestes, ces deux catégories ayant un très faible taux d’épargne.

Comme nous l’avons fait avec les emplois d’avenir et les contrats de génération, nous devons maintenir notre attention sur les salariés les moins protégés. Sans opposer les uns et les autres, cessons de créer systématiquement de nouveaux droits pour ceux qui sont déjà les mieux protégés et poursuivons notre combat en faveur des plus fragiles. Le constat d’une société dans laquelle les inégalités de toutes natures se creusent doit nous pousser à agir dans le sens d’une politique de soutien en faveur des plus défavorisés.

Enfin, il sera sans doute nécessaire de réfléchir à une possible révision de la formule de calcul de la participation, et ce afin d’encourager les entreprises à partager plus équitablement les fruits de leur production.

Néanmoins, il convient pour le moment d’attendre que les négociations annoncées soient lancées par le ministre du travail, Michel Sapin, et de voir sur quel type de propositions elles déboucheront.

Pour le moment, le texte qui nous est soumis est une mesure d’urgence bien calibrée. Elle constitue un nouveau levier qu’il ne faut pas négliger. Elle s’inscrit dans la stratégie globale du Gouvernement en faveur de la consommation et du pouvoir d’achat et intervient à un moment crucial pour notre économie.

Pour toutes ces raisons, le groupe socialiste se prononcera bien évidemment en faveur de ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur les travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, à l’issue des différentes interventions et avant d’aborder la discussion des articles, j’apporterai quelques réponses et formulerai quelques commentaires.

Je commencerai par m’adresser aux membres du groupe CRC, en particulier à M. Watrin. Je comprends que des formations de la gauche expriment des nuances, voire des désaccords sur certains choix de politique économique du Gouvernement. Je conçois tout autant qu’elles émettent des regrets sur les questions salariales, en particulier les licenciements boursiers, et ce dans un contexte de crise. Tout cela, je l’accepte sans réserve.

Je rappelle cependant que le Gouvernement ne confond pas la question de la participation et celle du salaire. Comme l’a très bien expliqué Jean Desessard, la participation et l'intéressement sont des instruments permettant une répartition des profits et un intéressement des salariés aux résultats de l'entreprise, alors que le salaire rémunère un travail.

Certains à droite – je ne sais plus si c’est Mme Debré ou M. Marseille – ont souligné que le choix du Gouvernement d'augmenter le forfait social sur la participation et l'intéressement, à l'exception des SCOP, témoignait de son refus de voir l'épargne salariale se substituer aux salaires. C’est en effet un engagement que nous prenons.

En revanche, s’abstenir sur ce texte, comme l’a fait le groupe GRD à l'Assemblée nationale, c’est prendre le risque, ou la responsabilité, d’empêcher des millions de salariés de profiter de cette épargne salariale dont ils ont besoin aujourd’hui pour des dépenses qu'ils jugent indispensables et qui, de surcroît, iront alimenter l'activité, donc l'emploi, c'est-à-dire les salaires d'autres travailleurs en France.

Je le répète, je comprends ces désaccords ; ces discussions et ces débats existent à gauche. Pour autant, je ne comprends pas que cela vous conduise, monsieur Watrin, à vous abstenir et à ne pas voter une mesure qui reste favorable à un nombre important de salariés, même si, moi aussi, j’aurais préféré qu’elle bénéficie à tous. Notez que cette mesure sera utile non seulement aux salariés concernés, mais aussi, indirectement, à d'autres, grâce à l'utilisation qui sera faite de ces fonds.

Je m’adresse maintenant aux membres du groupe UC-UDI. On peut ne pas être d'accord avec les mesures que nous avons prises sur le CICE ; on peut vouloir une plus grande réduction de la dépense publique ; on peut réclamer une politique de réduction des impôts. On peut vouloir tout cela, mais, dans le même temps, nous savons tous, vous comme moi, qu’il va falloir arracher chaque demi-point, chaque dixième de point de croissance.

M. Roland Courteau. Exactement !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Or cette mesure-ci permettra d’injecter dans l’économie près de 3 milliards d'euros destinés à l'achat de biens ou de services.

Je comprends parfaitement la philosophie qui sous-tend la proposition de réduire le champ d'application de ce dispositif en fixant un plafond de 10 000 euros. Mais pourquoi s’interdire la possibilité que cette épargne salariale serve à l’acquisition, par exemple d’une voiture, alors qu’une Picasso coûte 20 000 euros, une Mégane, 18 000 euros ? On peut le regretter, mais il faut un peu plus que 10 000 euros pour s’acheter une voiture !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Pourquoi s'interdire d'acheter des biens fabriqués ici, alors que cette mesure aura un impact en termes de consommation et d'emploi ?

Si je comprends donc la philosophie qui vous anime, je ne partage pas pour autant la logique qui, au terme de ce raisonnement, vous conduit à vous prononcer contre cette mesure, alors même que vous reconnaissez avec nous sa nécessité en termes d'impact sur la consommation.

Mais, madame Debré, je veux pour conclure vous féliciter. (Mme Isabelle Debré s’étonne.) Cela étant, je ne suis pas sûr que vous appréciiez totalement le compliment ! (Sourires.)

Mme Isabelle Debré. Cela commence bien ! (Nouveaux sourires.)

M. Benoît Hamon, ministre délégué. C'est en effet la première fois depuis un an que j’entends un parlementaire dresser un inventaire négatif des mesures prises par Nicolas Sarkozy et, même, se faire applaudir par les sénateurs de l'UMP. C’est remarquable ! (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Isabelle Debré. C’est l’honnêteté !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En effet !

Pas de chance pour moi, et là je passe du compliment au reproche, votre honnêteté ne vous conduit pas pour autant à voter la mesure proposée par le gouvernement auquel j’appartiens ni à admettre que, si le pouvoir d'achat a baissé en 2012, c'est non seulement à cause de la modération salariale, qui fait que les gens ont moins de revenus, mais surtout en raison des augmentations d'impôts votées avant le mois de mai 2012. Je rappelle en effet que, sur les 20 milliards d'euros d’augmentations d’impôts prévus, 13 milliards d'euros l’ont été dans les lois de finances rectificatives adoptées avant le mois de mai 2012 ; seuls 7 milliards d'euros résultent des choix de notre gouvernement.

Mme Christiane Demontès. Absolument, ce n'est pas la gauche !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Par conséquent, si le pouvoir d'achat des Français a baissé, c'est au moins pour la moitié, voire plus, à cause des augmentations d'impôts que vous avez votées.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous invite à apprécier ce texte pour ce qu'il est : il s’agit d'arracher ce demi-point ou ces dixièmes de point de croissance dont la France a besoin.

Mme Isabelle Debré. Il y a d'autres façons !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cette mesure est utile, parce qu'elle favorise la consommation et que la consommation crée de l'activité. J'entends les arguments en faveur des politiques de l'offre, mais il nous faut à la fois une politique de l'offre et une politique de la demande. Au passage, tout le monde sait que l’investissement est aujourd'hui une composante de la demande et non de l'offre. Nous avons besoin des deux leviers, et même si, je le dis au nom du Gouvernement, le dispositif qui vous est soumis aujourd’hui ne résout pas tout – nous n’avons jamais prétendu le contraire -, il constitue une initiative utile et importante. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Personne ne demande plus la parole dans la discussion générale ?…

La discussion générale est close.

La commission n'ayant pas adopté de texte, nous passons à la discussion des articles de la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi portant déblocage exceptionnel de la participation et de l'intéressement
Article 1er bis (nouveau)

Article 1er

I. – Les droits au titre de la participation aux résultats de l’entreprise affectés, en application des articles L. 3323-2 et L. 3323-5 du code du travail, antérieurement au 1er janvier 2013, à l’exclusion de ceux affectés à des fonds investis dans des entreprises solidaires en application du premier alinéa de l’article L. 3332-17 du même code, sont négociables ou exigibles, pour leur valeur au jour du déblocage, avant l’expiration des délais prévus aux articles L. 3323-5 et L. 3324-10 dudit code, sur demande du salarié pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.

Les sommes attribuées au titre de l’intéressement affectées à un plan d’épargne salariale, en application de l’article L. 3315-2 du code du travail, antérieurement au 1er janvier 2013, à l’exclusion de celles affectées à des fonds investis dans des entreprises solidaires en application du premier alinéa de l’article L. 3332-17 du même code, sont négociables ou exigibles, pour leur valeur au jour du déblocage, avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 3332-25 dudit code, sur demande du salarié pour financer l’achat d’un ou plusieurs biens ou la fourniture d’une ou plusieurs prestations de services.

Lorsque, en application de l’accord de participation, la participation a été affectée à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise qui lui est liée au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 du code du travail, ou de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant des articles L. 214-40 et L. 214-41 du code monétaire et financier, ou placée dans un fonds que l’entreprise consacre à des investissements, en application du 2° de l’article L. 3323-2 du code du travail, le déblocage de ces titres, parts, actions ou sommes est subordonné à un accord conclu dans les conditions prévues aux articles L. 3322-6 et L. 3322-7 du même code. Cet accord peut prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits peut n’être effectué que pour une partie des avoirs en cause.

Lorsque, en application du règlement du plan d’épargne salariale, l’intéressement a été affecté à l’acquisition de titres de l’entreprise ou d’une entreprise qui lui est liée au sens du deuxième alinéa de l’article L. 3344-1 du code du travail, ou de parts ou d’actions d’organismes de placement collectif en valeurs mobilières relevant des articles L. 214-40 et L. 214-41 du code monétaire et financier, le déblocage de ces titres, parts ou actions est subordonné à un accord conclu dans les conditions prévues aux articles L. 3332-3 et L. 3333-2 du code du travail. Cet accord peut prévoir que le versement ou la délivrance de certaines catégories de droits peut n’être effectué que pour une partie des avoirs en cause. Lorsque le plan d’épargne salariale a été mis en place à l’initiative de l’entreprise dans les conditions prévues à l’article L. 3332-3 du même code, le déblocage susvisé des titres, parts ou actions, le cas échéant pour une partie des avoirs en cause, peut être réalisé dans les mêmes conditions.

II. – Le salarié peut demander le déblocage de tout ou partie des titres, parts, actions ou sommes mentionnés au I entre le 1er juillet et le 31 décembre 2013. Il est procédé à ce déblocage en une seule fois.

III. – Les sommes versées au salarié au titre du I ne peuvent excéder un plafond global de 20 000 €, net de prélèvements sociaux.

IV. – Les sommes mentionnées aux I et II du présent article bénéficient des exonérations prévues aux articles L. 3312-4 et L. 3315-2, ainsi qu’aux articles L. 3325-1 et L. 3325-2 du code du travail.

V. – Le présent article ne s’applique ni aux droits à participation, ni aux sommes attribuées au titre de l’intéressement affectés à un plan d’épargne pour la retraite collectif prévu à l’article L. 3334-2 du même code.

VI. – Dans un délai de deux mois à compter de la promulgation de la présente loi, l’employeur informe les salariés des droits dérogatoires créés en application du présent article.

VII. – L’employeur ou l’organisme gestionnaire déclare à l’administration fiscale le montant des sommes débloquées en application du présent article.

VIII (nouveau). – Le salarié tient à la disposition de l’administration fiscale les pièces justificatives attestant de l’usage des sommes débloquées conformément aux deux premiers alinéas du I.

M. le président. La parole est à M. Dominique Watrin, sur l'article.

M. Dominique Watrin. Le scepticisme que j’ai exprimé lors de la discussion générale sur l’effet de relance économique de cette proposition de loi se double d’une inquiétude forte sur la stratégie de croissance affichée par le Gouvernement. Voilà qui répondra peut-être à l'étonnement du ministre sur la décision du groupe CRC de s’abstenir sur ce texte.

Monsieur le ministre, vous vous êtes récemment rallié à la Commission européenne, laquelle préconisait « un rythme de consolidation budgétaire plus compatible avec les exigences de croissance dans la zone euro ». Nous ne partageons pas votre analyse et je regrette que vous vous satisfassiez de cette annonce, d'autant que le candidat François Hollande avait promis de renégocier le Traité européen avant de se contenter finalement d’afficher des crédits qui étaient en réalité déjà programmés.

De plus, en contrepartie de cette enveloppe financière, les États doivent engager des réformes structurelles, notamment concernant leur marché du travail, qui ne sont pas sans rappeler « la stratégie de Lisbonne » que vous condamniez alors, monsieur le ministre. Je rappelle d'ailleurs que l'un des anciens gouverneurs de la Banque centrale européenne expliquait en ces termes le but de cette stratégie : il s’agit d’« atténuer le diaphragme des protections qui, au cours du XXe siècle, ont progressivement éloigné l’individu du contact direct avec la dureté de la vie, avec les renversements de fortune, avec la sanction ou la récompense de ses défauts et qualités ».

Tout un programme, et un programme bien éloigné, vous en conviendrez, des fondements du programme du Conseil national de la Résistance, ce CNR dont nous fêtions le soixante-dixième anniversaire de la création hier.

C’est au nom de ces dogmes européens que le Gouvernement a, je pense, voulu la transposition de l’accord national interprofessionnel, qu’il a fait le choix de taxer les retraités et qu’il s’apprête demain à réformer les retraites en allongeant la durée de cotisation.

C'est toujours dans cette logique qu’à l’Assemblée nationale, et encore aujourd'hui au Sénat, vous avez affirmé que le second axe de votre politique reposait sur « la restauration des marges de l’entreprise », restauration dont chacun aura compris qu’elle se fera sur le dos des salaires et des salariés, notamment avec les réductions de cotisations patronales qui constituent, depuis 1945, un salaire socialisé permettant de financer notre système de santé, notre politique familiale ou encore notre système de retraite.

Au final, ce sont donc bien les salariés qui, une fois encore, seront les grands perdants d’une politique d’austérité.

Enfin, monsieur le ministre, permettez-moi de vous interroger sur les conséquences de cet article 1er sur les sociétés coopératives et, d’une manière plus globale, sur l’économie sociale et solidaire, à laquelle, je le sais, vous êtes particulièrement attaché.

Comme vous le savez, les SCOP obéissent à des principes particuliers de gouvernance, puisque les salariés sont étroitement associés et participent à la direction de l’entreprise. Leur financement est également singulier. En effet, la participation y est majoritairement réinvestie en interne et constitue un moyen essentiel de financement des actifs et des activités qui permet aux entreprises de se développer sans avoir recours au crédit. Ce mode de financement explique sans doute pourquoi les SCOP sont généralement très compétitives et savent répondre aux enjeux liés à la concurrence, y compris internationale, et à la modernisation des outils de production.

Or, comme en 2004 et en 2008, cette mesure inquiète un certain nombre d’acteurs de l’économie sociale et solidaire, qui craignent que le déblocage anticipé des fonds de la participation ne déséquilibre les bilans. Qui plus est, cette mesure pourrait être un mauvais coup porté à l’économie sociale et solidaire, puisque chaque plan d’épargne d’entreprise est légalement contraint d’investir entre 5 % et 10 % de ses encours dans un fonds de l’économie solidaire. Les encours étant de fait réduits, les investissements dans ce secteur le seront d’autant, et ce pour des effets sur la consommation des plus incertains. Pourtant, le secteur de l’économie sociale et solidaire pourrait être lui-même source de création d’emplois et de richesses.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous apporter plus de précisions à ce sujet ?

M. le président. L'amendement n° 4 rectifié, présenté par Mme Debré et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire, est ainsi libellé :

I. - Alinéas 1 et 2

Remplacer les mots :

dans des entreprises solidaires en application du premier alinéa de l'article L. 3332-17 du même code

par les mots :

en tout ou partie en actions

II. - Alinéas 3 et 4

Supprimer ces alinéas.

III. - Alinéa 5

Remplacer les mots :

titres, parts, actions ou sommes

par le mot :

avoirs

La parole est à Mme Isabelle Debré.

Mme Isabelle Debré. Cet amendement concerne le champ d’application de la mesure de déblocage.

Comme je l'ai souligné au cours de la discussion générale, pour éviter que les entreprises ne voient leur capacité d’investissement se contracter faute de pouvoir disposer de financements, nous proposons que le déblocage ne soit possible que pour les avoirs détenus par les salariés qui sont placés dans les fonds monétaires et non pour ceux qui sont investis en actions.

Les fonds investis principalement en actions représentent 50 milliards d’euros sur un encours total de 94,6 milliards d’euros. Il semble essentiel de sanctuariser les fonds « actions », qui concourent de manière significative aux financements de l’économie par le biais des fonds propres des entreprises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Anne Emery-Dumas, rapporteur. Cet amendement vise à réduire considérablement le champ de la mesure prévue par le texte en limitant le déblocage aux sommes intégralement investies en actifs monétaires ou obligataires. Dans sa rédaction actuelle, il exclurait non seulement les fonds communs de placement et les SICAV d'actionnariat salarié, mais également la majeure partie des fonds diversifiés, puisque 63 % des encours se composent d'une part plus ou moins importante d'actions en fonction de la sensibilité aux risques.

Au total, l'amendement, s’il était adopté, diviserait par quatre l'encours de l'épargne salariale susceptible d’être débloquée, réduisant de ce fait drastiquement l'effet attendu de la mesure sur la consommation et le pouvoir d'achat.

J’ajoute que, en aboutissant à autoriser sans condition un déblocage des fonds que l’entreprise consacre à des investissements – le texte de la proposition de loi exige, lui, la signature d’un accord collectif –, cet amendement pourrait perturber considérablement les projets de l’entreprise concernée.

Je tiens enfin à vous rassurer quant à l’impact potentiel de la mesure sur le financement des entreprises françaises : la capitalisation des entreprises du CAC 40 représente près de 1 000 milliards d’euros, tandis que les fonds diversifiés investis totalement ou partiellement en actions représentent 32 milliards d’euros. En considérant que 10 % des sommes investies sur ces fonds diversifiés devraient être effectivement débloquées, et que ces fonds se composent d’un bouquet d’actions internationales et non pas seulement d’actions françaises, on voit que l’effet de la mesure sur le financement des entreprises nationales devrait être infinitésimal.

Pour l’ensemble de ces raisons, la commission a émis un avis défavorable sur cet amendement.