M. Jacques Mézard. J’ai entendu un certain nombre de collègues affirmer que ce projet de loi n’était pas un « texte maximum », qu’il n’était pas suffisant, qu’il fallait aller davantage vers la parité et la proportionnelle. En réalité, ils espéraient obtenir un avantage électoral. Le reste, c’est de la littérature.

Pour ma part, je considère, je le dis sans ambages, qu’il s’agit d’un texte maximum. Nous avons évité – j’assume cette position au nom de mon groupe – la création de grands électeurs « fabriqués » par les conseils généraux et régionaux. C’est une bonne chose. (Mme Jacqueline Gourault et M. Jean-Jacques Hyest acquiescent.)

Un autre projet tendait à appliquer la proportionnelle aux départements comptant deux sénateurs. Cher François Patriat, il n’était pas raisonnable de le proposer.

M. François Patriat. C’est une bonne idée, une idée juste !

M. Jacques Mézard. Non, ce n’est pas juste, et vous le savez ! Je vous le dis en face, chacun ici défend ses intérêts, et vous le premier.

M. François Patriat. Je défends, comme vous, des principes !

M. Jacques Mézard. Ne parlez pas de principes, monsieur Patriat ! Quand vous affirmez qu’il faut appliquer la proportionnelle aux départements élisant deux sénateurs, vous ne défendez pas vos principes. Il est légitime et normal que vous défendiez vos intérêts ; c’est respectable. Mais ne faites pas de procès aux autres.

Je le dis très clairement, appliquer la proportionnelle aux départements comptant deux sénateurs, ce serait déraisonnable ! Cela donnerait une telle prime aux deux partis dominants qu’il n’y aurait plus de démocratie.

Au nom des radicaux de gauche, j’assume, en toute connaissance de cause, ce que je vais faire. (Applaudissements sur certaines travées du RDSE.M. le rapporteur et M. Jean-Pierre Caffet applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey, pour explication de vote.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je veux tout d'abord saluer les propos de François Patriat. Il a fait preuve de courage ; c’est d'ailleurs le seul sénateur du groupe socialiste dans ce cas. Il s’est exprimé avec beaucoup de gravité et de solennité, en utilisant des mots justes et émouvants. Je tiens donc à lui rendre hommage. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Marc Daunis. Un hommage sincère…

M. Hervé Maurey. Oui, mon hommage est tout à fait sincère.

J’ai écouté Jacques Mézard avec beaucoup d’attention. C’était l’inconnue de l’examen de ce projet de loi : qu’allait faire le RDSE, qui avait voté contre le texte en commission ? Notre collègue avait été extrêmement sévère pendant la discussion générale, à tel point que nous avions été nombreux à l’applaudir dans les rangs de l’opposition. Il n’y a plus de mystère, désormais : le RDSE votera ce projet de loi.

Si j’ai bien compris, son principal argument est le suivant : ce texte a certes un caractère électoraliste, mais ce n’est pas si grave dans la mesure où les majorités précédentes ont agi de la même manière. Ces propos m’étonnent venant d’un éminent juriste, car il me semble que, en droit, nul ne peut se prévaloir des turpitudes d’autrui. (Sourires.)

J’ose l’espérer, si Jacques Mézard a décidé de voter ce projet de loi, c’est parce qu’il a apprécié l’amendement que nous avons fait adopter cet après-midi. Il prévoit que le titulaire et le suppléant devront désormais être de sexes différents. L’idée d’avoir demain une suppléante réjouit tellement notre collègue qu’il vote avec enthousiasme un texte qu’il fustigeait il n’y a pas si longtemps. (Rires.)

Quant au groupe UDI-UC, il votera, par cohérence, contre ce projet de loi. Nous sommes défavorables – je le répète – à la modification du collège électoral, qui renforcera une fois de plus le fait urbain au détriment du fait rural. Nous sommes également hostiles à l’application de la proportionnelle aux départements comptant trois sénateurs, qui réduira la liberté de vote des grands électeurs, renforcera le poids des appareils au détriment des élus et modifiera la composition et, donc, le rôle de notre Haute Assemblée.

Nous l’avons, les uns et les autres, clairement montré au cours de notre débat : les arguments mis en avant – le renforcement de la parité et du pluralisme, notamment – sont des trompe-l’œil, de belles intentions dénuées de tout fondement et qui n’auront aucun effet ; nous le verrons en 2014, monsieur le ministre.

La réalité, M. Mézard l’a dit, ce sont les arrière-pensées électorales, c’est votre volonté de faire en sorte que le Sénat reste à gauche. Je vous donne rendez-vous en 2014, car ce n’est pas ce tripatouillage (M. le ministre exprime son irritation.) – cela vous gêne, mais c’est ainsi – qui permettra de canaliser la colère des élus locaux, de calmer leur profond mécontentement.

Pour la première fois de leur histoire, ils vont subir des baisses de dotations. (Exclamations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Manuel Valls, ministre. C’est faux !

M. Hervé Maurey. Si cela ne vous gêne pas, je peux vous dire que cela gêne, en revanche, les élus locaux ! Vous aviez fustigé le gel des dotations et laissé entendre qu’avec vous celles-ci seraient dégelées. En fait de dégel, elles fondent ! Ce n’est pas ce qui était attendu ! Vous aviez promis aux élus locaux qu’ils seraient respectés, mais la mise en place des nouveaux rythmes scolaires témoigne d’un profond mépris à leur égard et d’une complète méconnaissance de la réalité des communes.

Ce texte contribuera lui aussi à mécontenter les élus qui, comme je vous l’ai indiqué, sont très attachés à un mode de scrutin de liberté. Jour après jour, leur colère monte. Vous le verrez en 2014, monsieur le ministre. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. François Rebsamen. C’est insupportable d’entendre cela !

M. le président. Personne ne demande plus la parole ?...

Je mets aux voix l'ensemble du projet de loi.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Mes chers collègues, Mmes et MM. les secrétaires m’informent qu’il y a lieu de procéder au comptage des votes. À cette fin, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à minuit, est reprise à zéro heure vingt.)

M. le président. La séance est reprise.

Mes chers collègues, voici le résultat, après comptage, du scrutin n° 272 sur l’ensemble du projet de loi :

Nombre de votants 346
Nombre de suffrages exprimés 345
Pour l’adoption 175
Contre 170

Le Sénat a adopté. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Explications de vote sur l'ensemble (début)
Dossier législatif : projet de loi relatif à l'élection des sénateurs
 

10

Retrait de l’ordre du jour d’une proposition de loi

M. le président. Par lettre en date du 18 juin 2013, le Gouvernement a fait savoir à M. le président du Sénat qu’il demandait le retrait de la proposition de loi portant diverses dispositions relatives aux collectivités locales de l’ordre du jour de la présente séance.

Acte est donné de cette communication.

La parole est à M. le président de la commission.

M. Jean-Pierre Sueur, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je rappelle que M. Alain Vidalies, au cours de la conférence des présidents du Sénat, s’est engagé, devant de nombreux témoins, à ce que cette proposition de loi soit non seulement inscrite à l’ordre du jour de la session extraordinaire, mais encore discutée jusqu’à son terme, si tant est que le Parlement en décide ainsi.

Monsieur le ministre, compte tenu de la cohérence de l’action gouvernementale, cet engagement ne saurait être remis en cause. Aussi, dans la lettre du Gouvernement dont vient de faire état M. le président, par « retrait », il fallait entendre « report ».

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. M. le président de la commission a parfaitement traduit l’esprit de la lettre que le ministre délégué chargé des relations avec le Parlement a fait parvenir à la présidence du Sénat. La proposition de loi en question est retirée de l’ordre du jour de cette séance, son examen étant reporté à la session extraordinaire. Reste désormais à trouver une date, ce dont se chargeront tous ceux qui gèrent l’agenda du Parlement.

Par ailleurs, je tiens à féliciter l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés aujourd’hui de la qualité des débats. Je remercie la majorité du soutien qu’elle a apporté à cette réforme importante pour le Sénat. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

11

Ordre du jour

M. le président. Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, mercredi 19 juin 2013 :

À quatorze heures trente :

1. Projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relatif à l’enseignement supérieur et à la recherche (n° 614, 2012–2013) ;

Rapport de Mme Dominique Gillot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 659, 2012–2013) ;

Texte de la commission (n° 660, 2012–2013) ;

Avis de Mme Valérie Létard, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 663, 2012–2013) ;

Rapport d’information de Mme Françoise Laborde, fait au nom de la délégation aux droits des femmes (n° 655, 2012–2013).

À vingt heures trente :

2. Débat préalable à la réunion du Conseil européen des 27 et 28 juin 2013.

Personne ne demande la parole ?…

La séance est levée.

(La séance est levée le mercredi 19 juin 2013, à zéro heure vingt-cinq.)

Le Directeur du Compte rendu intégral

FRANÇOISE WIART