M. Raymond Vall. C’est vrai !

M. Pierre Moscovici, ministre. … c’est-à-dire d’être trop « pro entreprises » ou « pro activité ». Non ! Nous avons la volonté de faire en sorte que, dans notre pays, les PME puissent agir en liberté, dans la concurrence et avec efficacité. (M. Alain Bertrand acquiesce.) Dans cette perspective, le présent texte fixe des règles justes.

Je donne rendez-vous dans quelques années aux détracteurs de ce projet de loi : comme souvent, ils pourront constater, après coup, à quel point il s’agissait d’une réforme structurante et importante.

Mesdames, messieurs les sénateurs, au total, je suis persuadé que le projet de loi qui vous est aujourd’hui présenté est un texte marquant, un texte majeur du début de ce quinquennat.

Pour conclure en élargissant quelque peu la focale, je souligne qu’il ne s’agit pas seulement d’un projet de loi pour les consommateurs, d’un projet de loi destinée à lutter contre certaines rentes. Ce texte ne se résume pas à ses mesures phare – même si chacun songe évidemment à l’action de groupe ou au fichier positif. Non, ce projet de loi est bien au-delà un texte politique, un texte sur la liberté. Voilà pourquoi il mérite à la fois l’approbation de la majorité et l’attention de l’ensemble de la Haute Assemblée, qui, j’en suis sûr, contribuera, comme elle le fait toujours, à le perfectionner. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE et du groupe écologiste.) .)

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des affaires économiques, madame, messieurs les rapporteurs, mesdames, messieurs les sénateurs, dans le prolongement de l’intervention de Pierre Moscovici, je récapitulerai les grands axes du présent projet de loi.

M. le ministre de l’économie et moi-même avons eu l’honneur de présenter ce texte en conseil des ministres le 2 mai dernier, de le défendre ensemble devant l’Assemblée nationale en juillet, puis devant la commission des affaires économiques du Sénat, avant que nous ne prenions les uns et les autres quelques vacances.

À ce titre, le Gouvernement n’est pas parti de rien : il s’est fondé sur le travail considérable accompli par le mouvement consumériste lui-même, par bon nombre de fédérations professionnelles, qui se préoccupent aujourd’hui des conditions dans lesquelles il est possible de soutenir la demande et la consommation dans notre pays, mais aussi – et je commencerai par là – par la Haute Assemblée.

De fait, le Sénat nous avait laissé un texte, à savoir le projet de loi défendu par mon prédécesseur, Frédéric Lefebvre (Mme la rapporteur pour avis de la commission des lois acquiesce.), qu’il avait considérablement amendé. C’est sur cette base que nous avons travaillé.

Je le répète, nous ne partons pas de rien. Sur un certain nombre de points, nous prolongeons un travail parlementaire antérieur dont nous n’avons pas l’ambition de faire table rase. Certains sujets avaient été amplement défrichés par le précédent gouvernement, puis par les assemblées, dont le Sénat. C’est pourquoi je tiens à saluer le travail important effectué par votre collègue Richard Yung et par votre ancien collègue M. Laurent Béteille, même si des divergences existent sur certains points de procédure, en particulier au sujet de l’action de groupe. Leur rapport nous a largement inspirés au moment de construire la charpente de ce texte sur la consommation.

En plusieurs points, ce projet de loi prend la suite de combats anciens menés par certains d’entre vous. Je pense en particulier à Mme Valérie Létard, à propos du registre national du crédit aux particuliers, et à M. Martial Bourquin, concernant les délais de paiement ou les évolutions à venir en matière de relations entre les entreprises, rendues possibles par l’aménagement de la loi de modernisation de l’économie, la LME. Ce texte, à bien des égards, s’inspirait beaucoup de vos réflexions, avant même de vous être soumis.

Je voudrais saluer tout particulièrement l’excellent travail mené avec la commission des affaires économiques sous l’égide de son président, M. Daniel Raoul, ainsi que la très fructueuse collaboration avec les deux rapporteurs au fond, MM. Martial Bourquin et Alain Fauconnier et, bien entendu, les rapporteurs pour avis, Mmes Nicole Bonnefoy, pour la commission des lois, et Michèle André, pour la commission des finances, ainsi que M. Jean-Luc Fichet, pour la commission du développement durable, à qui j’adresse mes amitiés tout particulièrement.

On distingue dans ce texte quelques grands blocs ; je vais les reprendre devant vous.

Le premier d’entre eux marque la volonté du Gouvernement de lutter contre les rentes économiques. À cette fin, nous avons décidé de créer une procédure d’action de groupe, procédure dont on dit qu’elle est « à la française », comme il est bien normal, puisqu’elle sera votée par le législateur français et qu’elle s’inscrit dans notre droit et dans notre tradition, avec pour objectif de réparer les préjudices économiques qui touchent des centaines, des milliers, voire des dizaines de milliers de consommateurs. Il s’agira d’un instrument précieux de lutte contre la rente économique.

La même ambition nous conduit à autoriser, demain, le consommateur français à résilier plus facilement son contrat d’assurance, dès le terme de la première année. Cette disposition a suscité beaucoup de débats, mais, aujourd’hui, le marché est lui-même en train de répondre à cette préoccupation et, sans doute, de valider notre intuition.

La lutte contre la rente économique se traduit également dans les acquis de la discussion parlementaire à l’Assemblée nationale. Un service d’aide à la mobilité bancaire a ainsi été créé, et la réflexion a été engagée sur la question de la portabilité du numéro de compte, prolongement des acquis du mouvement consumériste concernant la portabilité du numéro de téléphone. J’espère que nous l’enrichirons ensemble.

Le deuxième bloc touche à l’information du consommateur. Dans les relations économiques entre le professionnel et le consommateur apparaît en effet une asymétrie d’information qui rend difficile, pour ce dernier, l’exercice effectif de ses droits, quand ils existent.

L’amélioration de l’information du consommateur trouve plusieurs traductions ici : la garantie légale, les indications géographiques protégées, ou IGP, le « fait maison », ainsi que l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés, qui sera probablement, grâce au rapporteur Alain Fauconnier, un des points forts de ce texte.

La volonté de renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique constitue le troisième bloc. Cela passe par une augmentation du quantum des peines, pour rendre les peines et les pénalités proportionnelles au montant des bénéfices indus réalisés par ceux qui, trichant délibérément, trompent le consommateur. Il s’agit également de travailler sur une distribution plus responsable du crédit, par la création du registre national du crédit, impliquant ainsi plus profondément la société de crédit et un peu moins le client, qui restera tout de même responsable.

Enfin, j’évoquerai rapidement, après Pierre Moscovici, les blocs consacrés au crédit et au rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises. Le passage d’un régime de sanctions pénales à un régime des sanctions administratives vise à améliorer l’effectivité de la loi, notamment en ce qui concerne les délais de paiement. Nous cherchons également à garantir les conditions, le cas échéant, d’une renégociation des prix lorsque le prix des matières premières a particulièrement augmenté.

Pour ce qui est du premier bloc, la lutte contre la rente économique, l’un des grands acquis de ce texte, si vous le votez, sera probablement la création d’une action de groupe en France.

Cette disposition est une Arlésienne du débat politique : on en discute depuis plus de vingt ans ! Nous devons incontestablement à l’activisme de quelques parlementaires que cette idée, qui figure dans tous les programmes présidentiels, celui de Jacques Chirac, celui de Nicolas Sarkozy, comme celui de François Hollande, voie enfin le jour et offre aux consommateurs français une voie de recours collectif pour les cas de préjudices économiques.

Nous avons souhaité une procédure simple, concentrée, à cette étape, sur les préjudices économiques. Dans ce projet de loi, elle ne sera pas ouverte aux champs de la santé et de l’environnement. Je rappelle toutefois que Mme la ministre de la santé et des affaires sociales a d’ores et déjà annoncé sa volonté de proposer, au début de l’année 2014, une procédure d’action de groupe dédiée aux questions de santé, à l’évidence différente de la procédure, plus simple, que nous allons créer ici. En effet, il s’agit d’obtenir réparation d’un préjudice économique dont on peut facilement déterminer le montant, ce qui, pour un préjudice corporel, suppose un travail plus lourd d’expertise individuelle des dommages corporels subis par telle ou telle personne ; on pense, par exemple, à la consommation de certains médicaments qui ont fait l’actualité récente.

Nous vous proposons aujourd’hui, en quelque sorte, le premier étage de la fusée, consacré aux préjudices économiques, c’est-à-dire aux conséquences de pratiques anticoncurrentielles. Je vous rappelle qu’en France, jusqu’à maintenant, ceux qui se rendaient coupables de pratiques anticoncurrentielles devaient payer une amende, à laquelle ils consentaient, mais n’indemnisaient jamais les victimes de leurs pratiques, quand bien même on estime à 20 %, pour les consommateurs, le surcoût engendré sur le marché par ces pratiques. Permettre, demain, que le consommateur soit indemnisé du préjudice économique qu’il a subi constitue ainsi une avancée considérable.

Il s’agit donc, selon nos vœux, d’une procédure simple. L’action sera introduite par l’une des seize associations de consommateurs, ce qui soulagera le consommateur, qui n’aura pas à engager les frais ni à dépenser l’énergie nécessaires pour obtenir réparation du préjudice qu’il aura subi. Il reviendra au juge de fixer le montant de la réparation, les modalités de la liquidation, donc de la réparation et, le cas échéant, les modalités de publicité de sa décision.

L’Assemblée nationale a souhaité améliorer encore ce texte, et a proposé d’accélérer cette procédure en permettant, notamment, l’exécution provisoire, dès la première instance, de l’action de groupe, dans le champ des pratiques anticoncurrentielles. Il s’agit d’une avancée importante, mais nous restons attachés à ce que l’action ne puisse être introduite qu’une fois la décision de l’Autorité de la concurrence devenue définitive. Nous entendons ainsi éviter le risque de créer une situation où, comme dans un cas sur dix quand une décision de l’Autorité de la concurrence est remise en cause, le consommateur ayant perçu une indemnisation devrait la rembourser, ce qui poserait d’importantes difficultés.

L’Assemblée nationale a également souhaité mettre en place une procédure de liquidation accélérée de l’action de groupe, notamment dans les nombreuses situations où l’on connaît à l’avance le fichier des clients concernés. Il est alors inutile de recourir à la publicité afin d’identifier ces derniers. Un simple courrier, ou un message électronique, leur permettra de se signaler et de s’agréger aux autres afin d’être indemnisés.

Je le répète, permettre à des consommateurs, qui ont parfois le sentiment d’être les dindons de la farce face à de grands groupes, d’obtenir réparation du préjudice économique qu’ils ont subi constitue un progrès démocratique extrêmement important. Ce préjudice peut ne représenter que quelques euros comme il peut se chiffrer en centaines, voire en milliers d’euros dans un certain nombre de contrats, qui seront détaillés durant le débat.

Cette mesure est capitale pour faire en sorte que, demain, le bouclier du droit français protège efficacement le consommateur français. J’espère que notre discussion sera riche et qu’elle trouvera son aboutissement, sur ce sujet, dans le soutien du Sénat.

Je voudrais revenir sur d’autres dispositions visant également à lutter contre la rente économique. La première concerne les assurances. Que n’ai-je entendu, quand nous avons voulu mettre en place le principe de la résiliation du contrat d’assurance au-delà d’un an, à la date souhaitée par le consommateur ! On nous a dit que cette procédure entraînerait des frais de gestion considérables, qui auraient comme conséquence de faire augmenter le prix des assurances.

Pourtant, dès maintenant, anticipant à bien des égards la mise en œuvre de cette loi, qui va introduire de la fluidité dans le marché, un certain nombre de grands assureurs mutualistes, que je salue, ont décidé de faire baisser le prix de l’assurance automobile et demain, j’espère, de l’assurance multirisque habitation.

Savez-vous que ces dépenses obligatoires atteignent 5 % des dépenses des ménages ? (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M.  Jean-François Husson. Et pour l’énergie, que proposez-vous ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Voilà le coût de la multirisque habitation, auxquels s’ajoute le coût de l’assurance automobile. Or il existe aujourd’hui des clientèles captives. Nous nous proposons donc de favoriser davantage la fluidité sur ces marchés. (Exclamations amusées sur les mêmes travées.)

M. Jean-François Husson. Vive le marché !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. En effet, la fluidité, et je suis heureux de l’apprendre à un certain nombre d’entre vous, renforce la concurrence sur ces marchés, et fait parfois baisser les prix ! (Exclamations renouvelées sur les travées de l'UMP.) Oui, c’est moi qui vous le dis, mesdames, messieurs les sénateurs, et je suis heureux de confirmer devant vous ce principe de l’économie moderne !

M. Jean-François Husson. C’est une révolution ! (Sourires.)

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Cela étant, les assureurs, soucieux de maintenir leurs revenus, n’ont pourtant pas souhaité nous soutenir dans cette voie. Ils se sont tous regroupés pour dire que les prix allaient augmenter, mais le fait que ceux-ci baissent en réalité indique d’ores et déjà que l’intuition du Gouvernement était sans doute juste.

Cette mesure, en tout cas, est soutenue par 90 % des Français interrogés à son sujet.

M. Roland Courteau. C’est évident !

Mme Catherine Procaccia. Demandez-leur aussi s’ils soutiennent l’augmentation de leurs impôts !

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Je vous engage donc à vous mettre au diapason de l’opinion publique française sur ce point !

La troisième mesure sur laquelle le Gouvernement engage le débat, dans le sillage de l’Assemblée nationale, est l’aide à la mobilité bancaire. Il s’agit de permettre à un consommateur qui le souhaite de changer plus facilement de banque. Dans la réalité, quand vous souhaitez changer de banque, vous êtes confrontés à la difficulté de devoir modifier tous vos virements et tous vos prélèvements, et la tâche ne vous est pas rendue très aisée par la banque que vous quittez, même si celle que vous lui avez préférée vous assiste peut-être un peu plus.

L’Assemblée nationale a permis la création d’un service gratuit d’aide à la mobilité bancaire, afin de faciliter la circulation du client d’une banque à une autre, de mieux faire jouer la concurrence et, ainsi, dans la ligne des dispositions de la loi bancaire visant à la réduction des frais, de permettre une nouvelle diminution des frais dus aujourd’hui par les détenteurs de compte en banque dans notre pays.

Nous avons voulu que cette mobilité bancaire s’accompagne d’une réflexion sur la portabilité du numéro de compte. On peut imaginer qu’en France, sous réserve, évidemment, d’une investigation technique, un numéro de compte soit attaché à une personne, de sorte que l’on puisse passer d’une banque à une autre en le conservant. Cela permettrait de circuler plus facilement entre les établissements et ainsi, là encore, d’améliorer la fluidité du marché, à l’avantage du consommateur.

La réflexion est en cours et nous avons souhaité qu’elle se prolonge. Nous voulions nous garder de légiférer trop tôt, parce que nous ne disposons pas aujourd’hui de l’expertise technique suffisante pour confirmer cette intuition, ou l’infirmer si nous devions conclure que ce qui a donné des résultats dans la téléphonie ne serait pas applicable à la banque.

Il s’agit, là encore, de lutter contre la rente, qu’il s’agisse de banque, d’assurances ou de pratiques anticoncurrentielles, avec pour objectif de favoriser la fluidité du marché.

Le deuxième bloc de propositions du Gouvernement tend à une meilleure information du consommateur. Nous avons ainsi décidé d’augmenter ce que l’on appelle la durée de la présomption d’antériorité de défaut : elle était de six mois ; le Gouvernement l’avait, dans son projet de loi initial, portée à un an, l’Assemblée nationale l’a fixée à dix-huit mois et je sais que des amendements ont été déposés qui envisagent de la prolonger jusqu’à deux ans, c’est-à-dire de l’aligner sur la durée des garanties légales. Nous sommes ouverts à ce débat.

J’insiste également sur une mesure importante de ce texte, à laquelle je suis très attaché, qui entend favoriser la réparation des biens au moment où l’on fait jouer la garantie légale.

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Quand un bien électroménager, par exemple, ne fonctionne plus, nous souhaitons encourager sa réparation plutôt que son échange et son remplacement. Cette pratique développera des emplois sur place, non délocalisables, et sera ainsi favorable à notre tissu d’entreprises, en même temps qu’elle sera beaucoup plus respectueuse de l’environnement et du développement durable. Cette orientation découle tout à la fois des engagements pris par le Gouvernement en matière de protection de l’environnement et du travail effectué par le groupe Europe écologie-Les Verts, dans le domaine de la lutte contre l’obsolescence programmée, que je salue.

Cette question a déjà été débattue en commission, ainsi qu’à l’Assemblée nationale ; elle fait actuellement l’objet de nombreuses réflexions. En ce qui nous concerne, nous avons voulu, non seulement ouvrir un débat, mais commencer à apporter des réponses.

Une autre mesure, qui sera portée par ma collègue Sylvia Pinel, consiste à créer des indications géographiques pour les produits manufacturés. À n’en pas douter, mesdames, messieurs les sénateurs, chacun d’entre vous peut avoir à l’esprit telle ou telle production qui, liée à son territoire, souffre de la concurrence, dans certains cas déloyale, d’acteurs parfois extérieurs à la France, voire à l’Union européenne : Quimper et ses faïences, Limoges et sa porcelaine, Laguiole et ses couteaux, et bien d’autres. (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.)

Le Gouvernement propose d’étendre aux produits manufacturés un dispositif qui fonctionne dans l’alimentation et l’agriculture, avec les AOC et les IGP. En distinguant ainsi la qualité du made in France, liée à des territoires, nous donnerons à nos PME et à nos artisans les moyens de lutter à armes égales contre des acteurs qui leur font une concurrence déloyale, et qui parfois envahissent nos marchés au détriment des productions locales. L’indication géographique protégée sera, pour nos entreprises, l’instrument de la reconquête de l’emploi et des marchés !

Par ailleurs, l’examen du projet de loi au Sénat marquera peut-être un progrès très important de la transparence en ce qui concerne la traçabilité des produits entrants dans la composition des plats préparés.

La semaine dernière, je me suis rendu à Bruxelles en compagnie des sénateurs Jean Bizet, Anne Emery-Dumas et Leila Aïchi, ainsi que de cinq députés. En effet, j’avais proposé au Sénat et à l’Assemblée nationale de constituer une délégation française composée de membres du Gouvernement, mais aussi du Parlement – chose assez rare, m’a-t-on dit à Bruxelles. Nous nous sommes entretenus avec M. Borg, commissaire chargé de la protection des consommateurs, des conséquences que, à nos yeux, l’Europe doit tirer de l’affaire dite « de la viande de cheval ».

L’objectif est, je crois, partagé sur la plupart des travées : que le consommateur dispose demain de la même information lorsqu’il achète un plat préparé contenant de la viande et lorsqu’il achète de la viande fraîche – en réalité, du bœuf, même si la législation européenne va étendre à la volaille, au porc et aux petits ruminants l’obligation d’indiquer, pour la viande fraîche, le lieu où l’animal est né, celui où il a été élevé et celui où il a été abattu.

Au cours de cet entretien, M. Borg nous a présenté l’état du droit européen ; incontestablement, il faut faire évoluer le règlement « INCO », en vertu duquel il n’est pas obligatoire que l’étiquetage des plats préparés comporte l’indication de l’origine de la viande. M. Borg nous a confirmé que le nombre des États et des parlements favorables à cette position augmentait et que la France, Parlement et exécutif réunis, avait joué un rôle important pour faire bouger les lignes.

Dans ces conditions, le Gouvernement se déclare prêt à examiner tout amendement tendant à inscrire d’ores et déjà dans la loi française, dans le respect des règles européennes à venir, le principe de l’étiquetage de l’origine de la viande dans les plats préparés – je sais que M. le rapporteur Alain Fauconnier a beaucoup travaillé sur ce sujet. La Françe serait ainsi le premier pays à inscrire dans sa loi ce progrès essentiel en matière d’information du consommateur.

Ce progrès fait suite à l’élévation par le Gouvernement du niveau des sanctions, afin de le proportionner à la tromperie commise. Je vous rappelle que nous avons également mis sous surveillance la filière « viande » et la filière « poisson », avec des tests particulièrement drastiques, pour éviter que ne se renouvellent les mauvaises surprises des mois passés.

Telles sont, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures du projet de loi qui touchent à l’information des consommateurs.

Le Gouvernement entend aussi renforcer le rôle de l’État comme garant de l’ordre public économique, notamment en ce qui concerne l’effectivité des règles.

Pour le dire rapidement, bon nombre de PME se plaignent du fait que, en raison du déséquilibre des forces dans la négociation avec la grande distribution, elles ne sont pas toujours en mesure de faire respecter leurs droits. Parce que nous voulons que ces droits soient parfaitement respectés, nous proposons de doter la DGCCRF, la direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, de pouvoirs accrus, notamment par la mise en place d’un régime de sanctions administratives qui lui permettra de poursuivre beaucoup plus facilement les contrevenants.

Nous proposons également de permettre aux agents de cette administration d’agir sous l’uniforme du « client mystère », c’est-à-dire d’aller au terme d’un acte d’achat, de manière à débusquer ceux qui cherchent à abuser des consommateurs vulnérables. Cette action est particulièrement nécessaire dans le domaine du commerce en ligne, car des pratiques tout à fait scandaleuses se développent sur l’Internet, contre lesquelles nous voulons lutter plus efficacement.

Je le répète : nous augmenterons le quantum des peines pour qu’elles soient mieux proportionnées au niveau des bénéfices indûment réalisés par les entreprises qui ne respectent pas le droit.

J’évoquerai, pour finir, les deux derniers blocs du projet de loi.

En premier lieu, nous souhaitons une distribution plus responsable du crédit pour lutter contre le surendettement. Mesdames, messieurs les sénateurs, songez que 200 000 dossiers de surendettement supplémentaires sont déposés chaque année ! Or nous avons constaté que, dans 87 % des cas, le crédit à la consommation est impliqué, tandis que seuls 4 % des dossiers sont liés uniquement au crédit immobilier.

C’est pourquoi nous voulons mettre en place un registre national des crédits aux particuliers, concentré sur la population qui recourt au crédit à la consommation et parfois bascule dans le surendettement après avoir acheté le crédit de trop, ce crédit qui sert non pas à acheter un bien, mais à payer un loyer, des factures, ou à préparer une rentrée scolaire. Or les crédits à la consommation ont été pensés pour soutenir la consommation des biens dans notre pays.

Le Gouvernement a travaillé avec le Conseil d’État, la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission nationale consultative des droits de l’homme, la CNCDH, mais aussi avec le Sénat et l’Assemblée nationale, pour concevoir un registre national du crédit qui soit proportionné à l’objectif qui est le nôtre : il s’agit non pas d’éliminer le surendettement, mais d’en finir avec la solvabilité factice de centaines de milliers de familles françaises, sur laquelle prospèrent un certain nombre d’établissements de crédit.

Aujourd’hui, il est juste que ces établissements soient davantage responsabilisés. Sans doute, tous n’en sont pas contents ; ils ont participé au débat avec vigueur, et je les en remercie. Reste que l’engagement pris par le Premier ministre à la suite de la conférence nationale de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale est, à mes yeux, un engagement fort, puisqu’il permettra de vérifier la solvabilité d’un client désireux d’acheter un crédit à la consommation, évitant ainsi à la personne le crédit de trop dont je parlais.

Dans le domaine du surendettement, d’autres mesures ont été adoptées par l’Assemblée nationale, comme la réduction de huit à cinq ans de la durée des plans de désendettement des ménages. Je sais que Mme la rapporteur pour avis de la commission des finances, Mme André, souhaite que le projet de loi soit amendé sur ce point ; nous aurons l’occasion d’en débattre.

L’Assemblée nationale a aussi réduit à un an, au lieu de deux, la durée d’inactivité au terme de laquelle un crédit renouvelable est automatiquement clos. Cette mesure permettra de supprimer environ 8 millions de crédits renouvelables. Mises à la disposition d’un certain nombre de familles, souvent associées à une carte de fidélité, ces réserves d’argent, en période de crise, peuvent susciter des tentations. Quand elles servent d’appoint dans une situation difficile, ou pour un investissement, c’est bien ; mais, en cas de difficultés durables, elles peuvent aussi enclencher la spirale du surendettement.

En second lieu, nous voulons un rééquilibrage des relations économiques et commerciales entre les entreprises – Pierre Moscovici a insisté sur cet aspect du projet de loi et je n’y reviens pas longuement.

En particulier, une clause de renégociation est prévue lorsque le prix des intrants, lui-même lié au prix des matières premières, évolue brutalement. Nous rappelons aussi que les conditions générales de vente doivent être la base de la négociation entre la grande distribution et les fournisseurs. En clair, les commandes doivent être passées au prix convenu et la négociation doit être transparente. Nous avons beaucoup travaillé avec Martial Bourquin pour que ces dispositions correspondent aux besoins des PME.

En fin de compte, mesdames, messieurs les sénateurs, il est incontestable que ce projet de loi contient des avancées. En tout cas, il rompt avec la prétendue liberté de la fameuse poule dans un poulailler où vagabonderait un renard libre ; nous ne croyons pas à ce mythe-là !

C’est pourquoi nous essayons de fixer des règles lorsqu’une asymétrie est manifeste entre les pouvoirs des entreprises et ceux des consommateurs. Il ne s’agit pas d’opposer les premières aux seconds, mais il ne faut pas être dupe de la façon dont ces relations se nouent, parfois clairement au détriment des consommateurs.

Mesdames, messieurs les sénateurs, le projet de loi comporte des mesures fortes, des avancées démocratiques considérables. Dans le cours du débat, je serai ouvert, disponible et concret, comme Pierre Moscovici et moi-même essayons de l’être pour tous les textes économiques. Je souhaite que le Sénat apporte sa contribution à l’élaboration de ce projet de loi, pour que, demain, le consommateur français soit encore mieux protégé ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)