M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. En préambule, je tiens à saluer la démarche de M. le ministre, qui a souhaité associer à son déplacement à Bruxelles, le 6 septembre dernier, pour défendre devant la Commission européenne la position de la France en matière d’étiquetage de produits alimentaires, une délégation de parlementaires issus de l’ensemble des formations politiques.

J’ai toujours milité pour doter notre système judiciaire d’un mécanisme permettant aux citoyens lésés individuellement d’agir collectivement en justice, afin de rééquilibrer un rapport de force inégal.

Monsieur le ministre, votre projet de loi a le mérite d’introduire, par le biais de son chapitre Ier, ce formidable outil dans notre système juridique, comme le souhaitaient depuis longtemps les écologistes. C’était l’un des soixante engagements de la campagne présidentielle du candidat François Hollande.

Toutefois, le modèle d’action de groupe que vous proposez est bien en deçà des enjeux et de l’immense potentiel que son mécanisme devrait recéler.

Tout d’abord, il est regrettable que le champ d’application de ce projet de loi soit limité au droit de la consommation et exclue le droit des sociétés, le droit boursier et, surtout, les préjudices en matière de santé et d’environnement.

Qui plus est, ce texte ne prévoit qu’une indemnisation des préjudices matériels, à l’exclusion des dommages corporels, du préjudice écologique et du préjudice moral. L’action de groupe se trouve ainsi vidée d’une grande partie de sa substance.

Monsieur le ministre, est-il utile de rappeler que bien des affaires, comme celles du Mediator, des prothèses PIP ou de l’amiante, révèlent précisément des préjudices physiques et moraux ?

Mes chers collègues, prenons un exemple concret : si les victimes du Mediator formaient une action de groupe comme celle-ci semble se dessiner au travers du texte, elles seraient dédommagées du prix du médicament, alors que les multiples conséquences avérées sur leur santé, telles que les problèmes cardiovasculaires, voire les décès, seraient exclues en droit.

Une seconde critique tient au monopole accordé à quelques associations de protection des consommateurs, qui seraient seules habilitées à saisir la justice. Cette restriction du droit d’agir semble s’opposer au principe de libre et égal accès à la justice reconnu par la Convention européenne des droits de l’homme. Officiellement, il s’agit d’éviter les dérives des actions de groupe « à l’américaine ».

Mais j’attire votre attention, monsieur le ministre, sur les mécanismes suivants et sur certaines lacunes du texte qui nous est soumis.

Ainsi, aucun dispositif n’est prévu pour financer ces actions très lourdes.

Selon le texte du projet de loi, les consommateurs ne sont pas tenus d’adhérer à l’association qui engage l’action de groupe. Si l’association les représente, ils ne sont pas éligibles à l’aide juridictionnelle, et l’association non plus. Or, si une association agit au nom de tous, elle devra faire payer ceux qui lui donnent pouvoir, ou se faire financer par d’autres sources. Le risque est que des fonds de pension ou autres organismes « investissent » dans un procès ! En clair, un fonds de pension américain pourra gagner de l’argent grâce aux dommages-intérêts issus d’une action de groupe visant une entreprise française ! Et s’il est possible que les consommateurs bénéficient de l’aide juridictionnelle, en cas de sollicitation, un fonds de pension, par exemple, avancera l’argent et se paiera sur l’aide juridictionnelle, ce qui favorisera une forme de spéculation financière.

Ainsi conçue, on le comprend, l’action de groupe perd une large partie de sa raison d’être.

Certes, monsieur le ministre, nous avons bien pris acte de l’engagement du Gouvernement de créer ultérieurement deux actions de groupe spécifiques au domaine de la santé et à celui de l’environnement. Toutefois, cette perspective ne nous satisfait pas, car cela affaiblit l’efficacité de l’action de groupe que vous entendez mettre en place.

L’exécutif fait le choix de segmenter l’action de groupe et veut imposer le filtre des associations. Ne cède-t-il pas un peu vite aux industriels et au MEDEF, qui disent craindre les effets d’une action de groupe « à l’américaine », avec ses dérives ?

Il est facile d’objecter que les class actions les plus spectaculaires outre-Atlantique – je pense notamment à celles qui ont visé les industries du tabac ou des cas de pollution de l’eau – n’ont en rien affaibli les entreprises ; elles les auront rendues plus responsables !

J’attire votre attention, monsieur le ministre, sur le fait que les abus constatés outre-Atlantique sont induits par le système judiciaire américain, dont le mécanisme des « dommages-intérêts punitifs » expose les entreprises et fait de l’action de groupe un marché très lucratif, en particulier pour les cabinets d’avocats.

En France, il n’en va nullement de même. L’action de groupe en matière de santé ou d’environnement serait un processus gagnant-gagnant de co-construction, puisqu’il permettrait aux citoyens d’aider les acteurs économiques à améliorer la qualité de leur offre, et finalement à gagner en compétitivité.

Monsieur le ministre, pourquoi ne pas oser présenter un projet de loi ambitieux, au champ d’application étendu à tout type de préjudice, à tout type de juridiction, qui permettrait aux citoyens de se regrouper sans passer par l’intermédiaire d’une association agréée et serait profitable à l’ensemble des personnes lésées ?

Je terminerai en disant qu’il est essentiel que l’action de groupe soit un véritable outil juridique. Nous devons pouvoir soutenir un projet de loi solide, pérenne et universel, et travailler à élaborer des solutions pour le financement des procédures. Alors, et seulement alors, l’engagement pris par le Président de la République sera respecté.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà cinquante ans s’ouvrait le premier hypermarché de France, à Sainte-Geneviève-des-Bois, selon le concept novateur d’un centre commercial situé à la périphérie de la ville et accessible uniquement en voiture.

Il y a vingt et un mois, Frédéric Lefebvre essayait de faire voter au Sénat son projet de loi relatif à la consommation, succédant à la loi Chatel, qui a permis de réelles avancées en matière de téléphonie mobile. Aujourd’hui, monsieur le ministre, si vous nous présentez le troisième texte sur ce thème en cinq ans, c’est parce que nous demeurons toujours autant impliqués dans la défense des Français, de leur pouvoir d’achat, ainsi que dans le soutien aux entreprises, moteurs de l’économie et de l’emploi.

En moins de deux ans, les modes d’achat ont évolué presque autant que depuis l’apparition des premiers hypermarchés. Au cours du premier trimestre de cette année, plus de 5 millions de Français ont utilisé un smartphone pour réaliser des achats : ce « m-commerce » a progressé de plus de 10 % au deuxième trimestre. Choisir, commander et se faire livrer un bien, un service, souscrire un abonnement se fait de plus en plus sur internet, par un simple « clic ». Sur la Toile se réalisent les comparaisons et se développent des sites et applications qui ne sont malheureusement ni aussi informatifs ni aussi transparents qu’il serait souhaitable.

Avec l’explosion du e-commerce, en se plaignant, le consommateur peut devenir contributeur et, en quelques phrases assassines, ébranler l’e-réputation d’un produit. Le consommateur devient un « consom’acteur ».

Mais il n’en va pas toujours ainsi ! Les spams et les SMS, ces véhicules du porte-à-porte virtuel, poussent à des achats irréfléchis. Heureusement, il existe des délais de rétractation, mais il s’avère souvent plus difficile de se désister ou de résilier un contrat que d’acheter.

Force est de constater que les services clients ne sont pas exempts de critiques. Bientôt, c’est sur leur qualité que les marques seront jugées.

Nous avons tous, ministres, parlementaires, rapporteurs, associations, le même objectif : rendre plus harmonieux les rapports entre les consommateurs et les entreprises, protéger les premiers, mais en les rendant plus responsables. C’est dans cet esprit, en tout cas, que je me suis penchée sur certaines dispositions de ce texte.

Je ne conteste pas que certains professionnels recourent à des pratiques abusives, notamment en faisant appel presque systématiquement et immédiatement à des sociétés de recouvrement. Mais ne soyons pas manichéens : la malhonnêteté n’est pas dans un seul camp. (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.)

En matière d’assurances, les fausses déclarations et les fraudes font partie du quotidien ; leur coût a été chiffré à 2,5 milliards d’euros en 2011, ce qui équivaut à 5 % du montant des primes d’assurance. C’est la raison pour laquelle je trouve dangereuse l’une de vos propositions phares : permettre la résiliation infra-annuelle des polices d’assurance dès après la première année.

D’abord, vous partez du postulat que la concurrence va entraîner une baisse des prix de l’assurance ; non : la concurrence va alourdir les coûts d’acquisition des nouveaux clients, les frais de gestion et de publicité.

Vous affirmez ensuite que l’assuré va y gagner en pouvoir d’achat. Mais les assurances habitation, responsabilité civile ou automobile ne pèsent que 2,1 % dans le budget d’un ménage – et non pas 5 %, monsieur le ministre. Sincèrement, combien allons-nous gagner au petit jeu des résiliations permanentes ?

Vous allez surtout permettre une amélioration du chiffre d’affaires des comparateurs d’assurances, qui se rémunèrent au nombre de « clics » et aux affaires, et qui cherchent à se faire une place. Mais vous avez ouvert la porte de la bergerie au « grand méchant loup américain » (Exclamations ironiques sur les travées du groupe socialiste.), puisque Google vient de lancer son comparateur en France. Qui va y gagner ? Faisons les paris : sans doute pas l’assuré !

J’aurai l’occasion de présenter divers amendements sur ce thème. Je veux ici insister sur ce qui me paraît être préjudiciable au consommateur : la signification de la résiliation de son contrat par lettre simple. Comment pourra-t-il justifier de la réalité de l’envoi de celle-ci ? Un courrier peut être perdu par la poste, égaré dans les services, resté en poche ou dans le sac à main… Je rappelle que, dorénavant, les lettres recommandées peuvent aussi être envoyées par internet. Soyons sages plutôt qu’idéalistes : évitons de futures contestations et organisons mieux la sécurisation de l’assuré.

Cela étant, monsieur le ministre, pourquoi restreindre la résiliation annuelle des contrats à tacite reconduction aux seules assurances, si vous croyez tant en sa vertu ? Passons à la « maxi dose », et rendons applicable ce principe à tous les contrats de même type qui pèsent aussi lourd sur le budget des ménages.

Il y a deux ans, je citai le cas de Canal Plus : le coût de l’abonnement est de 400 euros par an au minimum… Mais que dire des contrats de fourniture de gaz en citerne ou des abonnements de dix-huit mois aux salles de sport, sans oublier les cartes d’abonnement au cinéma pour une durée de douze mois, qui coûtent entre 240 et 400 euros, soit davantage que les assurances obligatoires ?

Je suis confiante. Si votre intime conviction est que la modification des règles de résiliation sera un bienfait pour les Français, à défaut de l’être pour l’humanité, vous ne pourrez que donner un avis favorable à mon amendement visant à étendre le champ d’application de votre dispositif à tous les contrats à tacite reconduction. À défaut, cette focalisation sur les seules assurances pourrait paraître suspecte…

Sans me livrer à un inventaire à la Prévert des amendements que je défendrai, je citerai celui concernant les comparateurs d’assurances en ligne, qui ne peuvent naturellement pas tout comparer. En la matière, je proposerai de suivre l’avis du Comité consultatif du secteur financier du 10 mai 2012 les définissant comme des intermédiaires d’assurance et améliorant leur transparence et leur efficacité. Certains comparateurs français m’ont écrit qu’ils y étaient favorables, mais, naturellement, je n’ai reçu aucun courrier de la part de Google !

Concernant les achats immobiliers, je suggère que la célèbre loi de mon ami député Gilles Carrez ne soit plus bafouée sur les sites en ligne d’annonces immobilières, mais aussi, et surtout, que le libre choix de l’assurance emprunteur voulu par Christine Lagarde puisse enfin devenir effectif, au moyen de quelques précisions.

J’évoquerai aussi les modes d’emploi, car, dans ce domaine, la politique de préservation de l’environnement permet surtout aux fabricants de réduire leurs coûts d’impression. S’ils restent dans la légalité, ils laissent bon nombre de consommateurs sans accès à l’information indispensable à l’usage du bien.

Enfin, je souhaiterais que nous avancions sur l’encadrement du motif légitime de résiliation, qui, dans les faits, est la légitimation du refus du professionnel d’accepter la résiliation. Il s’agit en la matière d’un véritable « parcours du combattant », dont sont encore venus attester des courriers que j’ai reçus ce matin.

Chacun des précédents textes relatifs à la consommation a apporté – ou aurait pu apporter, si l’opposition de l’époque n’y avait pas fait obstruction –, son lot d’améliorations. C’est dans cet esprit d’ouverture que, pour ma part, j’ai travaillé sur ce projet de loi, et j’ose espérer que le Gouvernement acceptera les amendements de l’opposition, qui ont pour objet de rendre le texte plus utile et complet.

Je conclurai sur ce qui a constitué une avancée depuis l’adoption du dernier projet de loi sur la consommation : l’information des abonnés à Canal Plus en matière de résiliation. Partie seule, j’ai rallié soixante-dix cosignataires à ma proposition de loi, et le groupe Canal Plus a fini par mettre en place des pratiques conformes à l’article 136-1 du code de la consommation, et ce sans intervention d’une loi. Un député socialiste que je ne connais pas, M. Barbier, a même présenté les dispositions de ma proposition de loi sous forme d’amendements à l’Assemblée nationale… (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.) L’information préalable sur la possibilité de résilier, qui devrait devenir effective concernant le groupe Canal Plus, pourra s’appliquer aux autres professionnels. Cela montre que l’acharnement, avec le soutien des réseaux sociaux et des journalistes, peut déboucher sur des progrès, dans l’intérêt de tous. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, le texte que nous examinons, fidèle à l’engagement du Président de la République, est particulièrement attendu par nos concitoyens.

Ce projet de loi prévoit la mise en place ou l’amélioration de règles générales régissant le droit des consommateurs, sans toutefois négliger les intérêts de nos entreprises. Il concerne donc tous nos concitoyens et reflète une vision ambitieuse de nos relations économiques.

Dans le contexte actuel de stagnation de la croissance et de baisse de la consommation des ménages, les mesures proposées doivent justement permettre de relancer la consommation, et donc de stimuler notre économie nationale, la consommation demeurant l’une des composantes majeures de la croissance, puisqu’elle représente les deux tiers du PIB.

Toutefois, la défiance à l’égard des produits de consommation, qu’il s’agisse des biens ou des services, est générale et continue à s’amplifier. Ce regain de défiance des consommateurs va même croissant dans toute l’Europe et porte autant sur la protection de leurs droits que sur leur sécurité.

Le mécanisme de défiance se répercute sur les entreprises et les marques, qui ne sont plus des repères en matière de qualité. Les différents scandales alimentaires ou sanitaires qui ont suscité la polémique ces dernières années ont nourri les peurs, les angoisses, les égoïsmes et même le repli sur soi. Il y a quelques jours encore, l’association 60 millions de consommateurs a épinglé, dans son numéro de septembre, les cent produits les plus risqués pour notre santé, qui sont aussi les plus courants et en vente dans les grandes surfaces. Les révélations sur les ententes et le manque de transparence dans des secteurs tels que celui de la téléphonie alimentent également les inquiétudes.

Dans le même temps, il est demandé aux consommateurs d’être responsables. Pourtant, quel est le pouvoir de négociation d’un consommateur isolé ? Que peut-il faire, seul, face à un manquement du fabricant ou à un service après-vente insatisfaisant ? Lui fournir des informations pour lui permettre d’acheter en meilleure connaissance de cause, lui offrir un nouveau dispositif d’action collective en vue d’assurer sa protection et augmenter l’efficacité des contrôles, c’est assurément permettre de restaurer sa confiance. Tel est l’objectif du présent texte.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Delphine Bataille. Dans notre pays, les comportements des agents économiques ont également évolué face à la crise que nous connaissons depuis plusieurs années. Avec des salaires en baisse ou stagnants et une augmentation des dépenses contraintes, les consommateurs ont tendance à privilégier les prix bas et à rechercher les offres les moins chères. Cependant, ce choix du discount a des conséquences néfastes, en matière tant économique et sociale que de qualité de l’environnement. En effet, la plupart de nos entreprises se sont adaptées en conservant leurs rentes et leurs monopoles, au détriment, le plus souvent, des producteurs, des salariés et de la qualité des produits.

Les coûts de fabrication ont été tirés vers le bas, et la qualité des produits s’en ressent, de même que leur sécurité. Pour les produits bas de gamme, il n’est pas possible de rivaliser avec les pays à bas coût salarial, tant et si bien que l’on fabrique de moins en moins en France. Le phénomène se développe dans de nombreux secteurs de l’économie nationale, tels le transport aérien, l’automobile, l’alimentaire, l’habillement, l’ameublement, la téléphonie et bien d’autres encore. Force est de constater que la France perd de plus en plus en compétitivité et se positionne mal, en termes de ratio qualité-prix, face à ses voisins européens, même si certains secteurs restent performants à l’international, grâce à une vraie démarche qualité.

D’autres phénomènes viennent ajouter à ces difficultés : nos entreprises, sur le marché intérieur, ne sont guère performantes en termes de délais de livraison, de service après-vente ou, plus globalement, de réactivité. Il devenait donc urgent de les remobiliser autour de la qualité des produits et des services, gage de réussite en matière de compétitivité, sur le marché intérieur comme à l’international. Elles doivent se tourner vers la satisfaction du client et miser sur la qualité, dans un rapport gagnant-gagnant.

Une consommation responsable qui tire la qualité des produits vers le haut sera génératrice à la fois d’emplois et de meilleures performances commerciales et financières pour nos entreprises.

Ce projet de loi répond à ces enjeux en renforçant les moyens de lutte contre les mauvaises pratiques, en instituant plus de transparence et d’information entre les opérateurs et en rééquilibrant les relations interentreprises ou entre professionnels et consommateurs. Il vise à apporter des droits nouveaux aux citoyens et à influer de manière positive sur les dépenses contraintes des ménages.

Parmi les propositions contenues dans ce texte très complet, qui compte 130 articles, la création de l’action de groupe est, avec celle du registre national des crédits aux particuliers, l’une des mesures phares. Cela a déjà été dit, mais je veux le souligner de nouveau : si beaucoup l’avaient promis auparavant, c’est ce gouvernement, c’est vous, monsieur le ministre, qui, après trois décennies de débats, plusieurs textes et rapports, concrétisez l’engagement pris ! Les consommateurs apprécieront qu’il soit tenu, car, selon le Conseil d’analyse économique, plus de 80 % des Français se disent favorables à l’introduction de ce dispositif. Ils ont conscience que cet instrument permettra de mieux équilibrer les rapports de force entre professionnels et particuliers. Ils savent bien qu’il s’agit là d’une avancée considérable, contribuant à assainir notre économie.

Les consommateurs ayant subi le même type de préjudice pourront désormais se défendre collectivement en justice. Qu’il s’agisse de pratiques abusives ou frauduleuses, d’allégations mensongères ou de pratiques anticoncurrentielles, c’est un mode de recours efficace, qui permettra aussi de regrouper en une seule procédure les demandes de réparation, même pour de petits montants, d’un grand nombre d’individus qui ne pouvaient jusqu’alors qu’agir de manière isolée.

Les experts le reconnaissent, l’expérience de nombreux autres pays européens dans lesquels ce recours collectif est opérationnel depuis de nombreuses années, comme le Portugal, le Royaume-Uni, la Suède, l’Allemagne, les Pays-Bas ou encore l’Italie, témoigne d’un impact socioéconomique positif du dispositif.

De surcroît, ce mode de recours va probablement se généraliser dans toute l’Europe. En effet, le 11 juin dernier, la Commission européenne a émis une recommandation encourageant les États membres à se doter de mécanismes de recours collectif pour garantir à leurs justiciables un accès effectif à la justice. Ils sont invités à adopter les mesures appropriées dans un délai de deux ans. On peut, sur cet aspect, partager les propos de la vice-présidente de la Commission, Mme Viviane Reding, laquelle a déclaré que cette recommandation procède d’une démarche équilibrée, évitant la mise en place d’un système d’action de groupe inspiré du modèle américain, ainsi que le risque de demandes fantaisistes et de procédures judiciaires abusives.

La Commission européenne a aussi établi un certain nombre de principes à respecter. Ainsi, les États devront veiller à ce que les procédures soient objectives, équitables et rapides, sans que leur coût soit pour autant prohibitif. Les procédures devront également reposer sur le principe du consentement exprès. Enfin, la Commission recommande que les demandeurs potentiels soient informés et que le rôle pivot revienne au juge.

Il est à noter que le dispositif proposé par le Gouvernement correspond aux préconisations européennes. Encadré, équilibré, il évite les écueils des class actions à l’américaine. Seules les seize associations de défense des consommateurs agréées et représentatives au niveau national auront qualité pour agir devant un tribunal compétent.

Par ailleurs, le champ d’action de ce recours sera circonscrit à la réparation de préjudices individuels et matériels. Toutefois, comme vous avez eu l’occasion de le souligner à plusieurs reprises, monsieur le ministre, messieurs les rapporteurs, la procédure pourra être adaptée et étendue aux domaines de la santé et de l’environnement, sur la base du rapport prévu à l’article 2 du texte, qui permettra d’évaluer sa mise en œuvre.

Un autre volet de portée considérable de ce projet de loi est consacré à l’amélioration de l’information, au renforcement des droits contractuels du consommateur et à la promotion de la durabilité et de la réparabilité des produits. Moins médiatisées que la création de l’action de groupe et du registre national des crédits aux particuliers, les mesures contenues dans ce chapitre important, qui comporte 25 articles, devront également être relayées efficacement auprès de nos concitoyens. Outre la définition proposée de la notion de consommateur, qui vient combler une lacune de notre droit, ce chapitre contient de notables améliorations quant aux obligations générales d’information par les professionnels et renforce les garanties données aux consommateurs.

Ainsi, pour faire son choix, le client aura désormais une connaissance précise de la date jusqu’à laquelle il pourra disposer des pièces détachées nécessaires à l’utilisation de son bien et le fabricant sera dans l’obligation de fournir celles-ci jusqu’à la date annoncée. Cette mesure permettra de lutter contre l’obsolescence des biens de consommation courante et d’augmenter la durée de vie des produits. Toutefois, il vous sera proposé, mes chers collègues, de préciser la notion d’obsolescence programmée dans notre code de la consommation, afin de permettre des actions judiciaires contre cette pratique frauduleuse.

Dans ce même chapitre, l’article relatif à la restauration paraît également essentiel. Il s’agit de la création de la mention « fait maison », votée à l’Assemblée nationale. Ce nouveau label, prévu pour les plats proposés dans les restaurants, ne peut qu’améliorer la transparence, de plus en plus recherchée par les consommateurs, sur la qualité des produits qu’ils consomment. Il va dans le sens de ce que l’on peut qualifier de véritable prise de conscience de nos concitoyens, qui cherchent à mieux s’alimenter et veulent connaître le contenu de leurs assiettes.

Cependant, il existe, au sein de la profession de restaurateur, de grandes disparités. Peu d’établissements pratiquent encore une cuisine traditionnelle et proposent une carte de plats préparés entièrement sur place avec des produits frais. En dehors des restaurants étoilés ou recommandés, il leur est difficile de se faire connaître et de rentabiliser leur activité, qui demande de surcroît beaucoup de main-d’œuvre.

Cette restauration artisanale est aujourd’hui difficilement identifiable et ne peut valoriser son savoir-faire. C’est pourquoi nous vous proposerons, monsieur le ministre, la création du titre d’artisan-restaurateur, qui, à l’instar de celui de boulanger, conférera un statut permettant d’identifier et d’honorer ce métier. La cuisine traditionnelle française mérite cette promotion, qui permettra une mise en valeur des produits de nos terroirs.

Dans la même perspective, le dispositif prévu aux articles 23 et 24, tendant à étendre les indications géographiques protégées aux produits manufacturés, permettra de valoriser nos terroirs et nos savoir-faire locaux. Ces marques de reconnaissance permettront à nos producteurs de mieux se défendre contre la concurrence. Ce sont aussi des outils destinés à soutenir le développement économique et l’emploi dans nos territoires.

Le texte dont nous débattons contient encore de nombreuses autres avancées en termes de droit de la consommation et de rééquilibrage des relations commerciales. Je crois que nous pouvons tous nous féliciter de l’institution, dans les contrats entre fournisseurs et distributeurs, d’une clause de renégociation obligatoire en cas de variation des prix des matières premières agricoles et alimentaires.

On peut également se réjouir de la teneur du chapitre V du projet de loi, qui vise à moderniser les moyens de contrôle et les pouvoirs dévolus à l’État par le biais de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes, la DGCCRF, de la disposition visant à rendre possible la résiliation infra-annuelle des contrats d’assurance et des nombreuses mesures dont l’objet est de renforcer les moyens de contrôle et de lutte contre les abus en matière de crédit, dans le domaine du e-commerce et dans celui de la vente à distance.

Le projet de loi que vous nous présentez, monsieur le ministre, est particulièrement dense et représente une avancée considérable en matière de consommation. Il sera proposé, au cours de la discussion, de compléter ou de renforcer encore certaines mesures.

Ce texte politique, qui parle aux Français et concerne leur quotidien, est donc sous-tendu par une vision juste et ambitieuse pour notre société. Il prévoit de réelles avancées pour relancer notre économie dans un cadre plus équilibré. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)