M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 78 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. Jean Bizet. Ils n’ont pas de cœur !

M. le président. Je suis saisi de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 281 rectifié, présenté par MM. Placé, Labbé, Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

A. - Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de la consommation, il est inséré une section II bis ainsi rédigée :

« Section II bis

« Obsolescence programmée

« Art. L. 213-4-1. – I. – L’obsolescence programmée est l’ensemble des techniques par lesquelles un fabricant ou un importateur de biens vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement.

« II. Les faits mentionnés au I sont punis d’une amende de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros ou de l’une de ces deux peines. »

II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 213-5 du code de la consommation, après la référence : « L. 213-4, », est insérée la référence : « L. 213-4-1, ».

B. - En conséquence, chapitre II, intitulé

Après les mots :

consommateurs et

rédiger ainsi la fin de l'intitulé de ce chapitre :

lutter contre l'obsolescence programmée en soutenant la durabilité et la réparabilité des produits

C. - En conséquence, section 1 du chapitre II, intitulé

Après les mots :

du consommateur

insérer les mots :

et de l'obsolescence programmée

L'amendement n° 282 rectifié, présenté par MM. Placé, Labbé, Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

A. - Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

L'obsolescence programmée est définie comme l'ensemble des techniques par lesquelles un fabricant ou un importateur de biens vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d'utilisation potentielle de ce produit afin d'en augmenter le taux de remplacement.

B. - En conséquence, chapitre II, intitulé

Après les mots :

consommateurs et

rédiger ainsi la fin de l'intitulé de ce chapitre :

lutter contre l'obsolescence programmée en soutenant la durabilité et la réparabilité des produits

C. - En conséquence, section 1 du chapitre II, intitulé

Après les mots :

du consommateur

insérer les mots :

et de l'obsolescence programmée

L'amendement n° 283 rectifié, présenté par MM. Placé, Labbé, Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

A. - Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Après la section 2 du chapitre III du titre Ier du livre II du code de la consommation, il est inséré une section II bis ainsi rédigée :

« Section II bis

« Obsolescence programmée

« Art. L. 213-4-1 – I. L’obsolescence programmée est définie par l’ensemble des techniques par lesquelles un fabricant ou un importateur de biens vise, notamment par la conception du produit, à raccourcir délibérément la durée de vie ou d’utilisation potentielle de ce produit afin d’en augmenter le taux de remplacement. 

« Peut notamment constituer une technique d’obsolescence programmée :

« 1° le fait de sous-dimensionner un composant afin de créer un point de rupture technique ;

« 2° le fait d’entraver techniquement et délibérément la réparation des pièces essentielles à l’utilisation du bien, la rendant impossible ;

« 3° le fait d’imposer un prix abusif sans justification économique pour des pièces essentielles à la réparation du bien ;

« 4° le fait de concevoir une obsolescence logicielle, c’est-à-dire rendre incompatibles deux versions d’un même logiciel ou contraindre à une mise à jour du logiciel qui nécessite plus de ressources informatiques que la configuration minimale requise initialement.

« II. – Les faits mentionnés au I sont punis d’une amende de 300 000 euros. »

II. – Au deuxième alinéa de l’article L. 213-5 du code de la consommation, après la référence : « L. 213-4, », est insérée la référence : « L. 213-4-1, ».

B. - En conséquence, chapitre II, intitulé

Après les mots :

consommateurs et

rédiger ainsi la fin de l'intitulé de ce chapitre :

lutter contre l'obsolescence programmée en soutenant la durabilité et la réparabilité des produits

C. - En conséquence, section 1 du chapitre II, intitulé

Après les mots :

du consommateur

insérer les mots :

et de l'obsolescence programmée

La parole est à M. Jean-Vincent Placé, pour présenter ces trois amendements.

M. Jean-Vincent Placé. Il y a cinq mois, était organisé, à l’initiative du groupe écologique, un débat parlementaire sur l’obsolescence programmée, en votre présence, monsieur le ministre. En avril, vous vous étiez engagé pour lutter contre ce phénomène grâce à des mesures dans votre projet de loi « consommation » que vous nous présentez aujourd’hui.

Je tiens à rappeler à l’ensemble des collègues ce qu’est l’obsolescence programmée : on désigne par là l’ensemble des techniques visant à réduire délibérément la durée de vie ou d’utilisation d’un produit afin d’en augmenter le taux de remplacement.

Il existe plusieurs types d’obsolescence programmée à ne pas confondre pour éviter les amalgames dans le débat.

M. Alain Fouché. On le savait !

M. Jean-Vincent Placé. Tant mieux !

Tout d’abord, il y a l’obsolescence technologique : l’innovation rend les objets rapidement obsolètes, car apparaît un objet plus performant, plus sophistiqué, incompatible avec l’ancien matériel.

Il existe également une obsolescence psychologique, ou esthétique, résultant des phénomènes de mode.

Il y a, enfin, une obsolescence technique, liée au fait de concevoir un produit en anticipant sa fin de vie. Les fabricants rendent ainsi les produits irréparables : soit parce qu’on ne peut pas les désassembler, soit parce qu’il n’existe plus de pièces détachées ou qu’elles s’avèrent trop coûteuses. C’est contre ce dernier point précis que je souhaite que l’on avance, car, plus que jamais, le consommateur est impuissant face à ces stratagèmes industriels qui impactent son pouvoir d’achat.

J’ai, comme vous le savez, déposé une proposition de loi sur le sujet, car en plus d’« arnaquer » les consommateurs, l’obsolescence programmée est une catastrophe pour l’environnement. Notre planète dispose de ressources finies, or la fabrication de « produits faits pour être jetés » gaspille beaucoup trop de terres rares, c’est-à-dire des minerais et métaux difficiles à extraire, qui sont présents dans la plupart des produits électriques ou électroniques, et engendre une quantité astronomique de déchets non recyclés, contenant des matières toxiques.

Je vous propose, par cet amendement, de qualifier juridiquement l’obsolescence programmée pour plusieurs raisons.

Première raison : il faut que le terme apparaisse dans la loi, sans quoi nous ferions officiellement l’impasse sur ce sujet, qui préoccupe l’ensemble des consommateurs. Si le sujet est aussi médiatique et soulève autant de pétitions citoyennes, c’est bien qu’il s’agit d’un enjeu majeur très partagé dans la population.

Deuxième raison : il est essentiel de définir ce qu’est l’obsolescence programmée dans la loi afin de pallier un vide juridique inacceptable. Ce phénomène ne peut plus être tourné en dérision et être qualifié de mythe par certains industriels qui préféreraient que l’on arrête d’en parler. S’il s’agit d’un mythe et que cela n’existe pas, il n’y a pas de problème pour le qualifier puisque cela n’impacterait personne ! D’autres industriels, comme l’entreprise Malongo, ont décidé de proposer des produits éco-conçus de qualité. Mais lorsqu’ils souhaitent en faire un argument de vente, le CSA, pour leur publicité, pose des difficultés quant à l’utilisation du terme « obsolescence programmée ». Mon amendement vise aussi à protéger et à soutenir les industriels vertueux.

Enfin, troisième raison : il faut donner aux consommateurs les moyens de se défendre face à ce phénomène contre lequel ils sont aujourd’hui complètement impuissants. Si l’obsolescence programmée pouvait être punie par la « tromperie », nous pourrions constater une jurisprudence, or ce n’est pas le cas ! L’obsolescence programmée est une forme particulière qui se distingue de la tromperie, tel que le juge la conçoit. Actuellement le consommateur n’est pas protégé contre le fait de sous-dimensionner un composant afin de créer un point de rupture technique, ou encore le fait d’entraver techniquement et délibérément la réparation des pièces essentielles à l’utilisation du bien...

Il convient donc de définir ce terme dans la loi et de l’accompagner de sanctions, tout comme pour la tromperie.

M. le président. L'amendement n° 521 rectifié, présenté par Mme Bataille, MM. Vaugrenard et Mirassou, Mme Rossignol et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après la section II du chapitre III du titre I du livre deuxième du code de la consommation, il est introduit une section II bis ainsi rédigée :

« Section II bis : obsolescence programmée

« Art. L. 213-4-1. - I. - L’obsolescence programmée est l’ensemble des techniques qui visent à mettre sur le marché un produit dont la durée de vie ou l’utilisation potentielle est délibérément raccourcie, notamment par sa conception, afin d’en augmenter le taux de remplacement.

« II. - Ces techniques peuvent notamment inclure l’introduction volontaire d’une défectuosité, d’une fragilité, d’un arrêt programmé, d’une limitation technique, d’une impossibilité de réparer ou d’une non compatibilité.

« III. - Les faits mentionnés au I et au II sont punis d’une amende de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 37 500 euros ou de l’une de ces deux peines. »

La parole est à M. Jean-Jacques Mirassou.

M. Jean-Jacques Mirassou. J’ai déjà eu l’occasion de m’exprimer sur ce sujet hier, lors de la discussion générale. Je disais que notre société était actuellement sur une pente quasiment irréversible, qui la conduisait à pratiquer une forme de consumérisme aveugle, dépourvu de discernement. Or, dans le même temps, elle se voit contrainte d’envisager une consommation plus raisonnée et plus durable.

J’avais également formulé une réflexion de simple bon sens. Il se trouve en effet que les consommateurs qui vont acheter un produit électroménager acceptent comme une fatalité le fait que celui-ci sera obsolète trois ans plus tard, sans même penser une seule seconde qu’ils disposent d’un recours leur permettant de faire réparer cet appareil.

Sur le plan pratique, cela signifie, et notre collègue vient de l’évoquer, qu’il existe une course effrénée à la consommation, qui a pour conséquence une altération des ressources naturelles et qui pose le problème, de plus en plus important, de l’élimination des produits obsolètes.

Vous êtes sensible à ce problème, monsieur le ministre. En effet, évoquant les problèmes de garanties, vous avez indiqué que votre préférence allait, plutôt qu’au remplacement d’équipements qui ne fonctionnent plus, au recours à la réparation, pratique présentant le double avantage de garantir, voire de multiplier, les emplois dans un domaine bien précis, tout en préservant, au passage, un savoir-faire qui devient lui aussi, pour le coup, de plus en plus obsolète.

Mon intervention n’est pas de nature dogmatique, mais se veut un signal d’alarme. Je pense en effet, et je ne suis pas le seul à le penser, qu’il est grand temps d’une manière ou d’une autre, indépendamment de la teneur de l’amendement que nous présentons, d’inscrire cette question dans la loi. Il s’agit à mon sens, et cet avis est partagé par bon nombre de mes collèges, d’une problématique véritablement sociétale.

Afin de pouvoir « inverser la vapeur » dans les dix ou quinze prochaines années, nous estimons à tout le moins légitime de mettre en avant cette question aujourd’hui, quitte à ce que le présent amendement ne soit qu’un amendement d’appel. Nous tenons absolument, en effet, à ce que cette vision des choses puisse figurer dans le texte que nous examinons, afin que cette forme de fatalisme ou de fatalité que j’évoquais au début de mon propos puisse un jour laisser place à une alternative qui soit beaucoup plus vertueuse et positive. (Mme Laurence Rossignol et M. Jean-Louis Carrère applaudissent.)

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Alain Fauconnier, rapporteur. La question du rythme d’obsolescence des biens est un débat important. Fabriquer des biens durables est, à la fois, un enjeu écologique et économique, dans la mesure où nous savons tous que la montée en gamme de l’industrie nationale est la seule voie possible. Le législateur doit donc inciter le monde économique à s’orienter dans cette voie, tout en étant conscient que les réponses à apporter sont très complexes.

Dans un monde où le rythme du progrès technique est parfois très rapide et où les phénomènes de mode sont un puissant facteur d’accélération du temps économique, le cycle de vie des produits a tendance à se raccourcir sans que l’on puisse forcément imputer la responsabilité de ce raccourcissement à une volonté délibérée de programmer l’obsolescence.

Lors des débats en commission, j’ai proposé une mesure forte pour inciter à augmenter la durée de vie des produits : l’extension à dix-huit mois de la durée de la présomption d’antériorité des défauts de conformité.

Dans le même temps, dans un monde ouvert à la concurrence où les normes sont un facteur d’avantage ou de désavantage compétitif, modifier brutalement les normes et les durcir unilatéralement peut avoir un impact très négatif sur le modèle économique des entreprises. Notre but doit être de faire évoluer leur modèle économique, et non de faire disparaître nos entreprises. Tout est donc affaire de dosage et d’équilibre.

S’agissant de l’amendement n° 281 rectifié, l’existence d’une intention de réduire la durée de vie des produits fabriqués est indémontrable en pratique dans la grande majorité des cas. Prévoir une sanction contre des faits qu’on ne peut établir avec certitude me paraît donc illusoire. Au demeurant la sanction prévue est lourde – deux ans de prison ! – et me paraît disproportionnée par rapport à la faute. L’avis est donc défavorable.

L’amendement n° 282 rectifié est un amendement de repli par rapport au précédent. Il définit la notion d’obsolescence programmée, mais sans en faire un fait passible de sanction. Ce qui nous est proposé ici, c’est la définition d’une notion économique intéressante intellectuellement, mais sans portée normative. Or la loi est faite pour définir des normes juridiques, et non pour se substituer à l’analyse économique. Là encore, l’avis est défavorable.

L’amendement n° 283 rectifié tend à proposer une autre définition de la notion d’obsolescence programmée. Les remarques faites sur l’amendement n° 281 rectifié s’appliquent aussi à cet amendement. L’avis est donc défavorable.

L’amendement n° 521 rectifié est très semblable aux trois précédents et les arguments que je viens de développer s’y appliquent également. Sur cet amendement, que je considère comme un amendement d’appel, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Benoît Hamon, ministre délégué. Monsieur le président, vous me permettrez de consacrer quelques minutes à ce sujet de l’obsolescence programmée, afin de répondre aux interventions de MM. Placé et Mirassou.

Tout d’abord, je tiens à dire qu’il ne s’agit pas là d’un concept paranoïde ou d’un fantasme visant à établir l’existence d’une conspiration des grands industriels.

L’obsolescence programmée existe. Nous en avons connu un exemple avant la Seconde Guerre mondiale aux États-Unis, entre les années 1924 et 1939, avec le Cartel Phœbus dont les membres s’étaient entendus pour diminuer la durée de vie des lampes à incandescence, autrement dit les ampoules, et pour augmenter ainsi la fréquence de leur renouvellement. Le droit de la concurrence en vigueur à l’époque avait d’ailleurs permis de lutter contre cette pratique délibérée et de démanteler cette stratégie visant à créer une obsolescence programmée.

Outre ce cas, régulièrement évoqué par ceux qui se battent et luttent contre l’obsolescence programmée, on peut évoquer l’exemple des puces électroniques qui pourraient être introduites dans certains équipements pour programmer là encore, sans que le consommateur le sache, leur fin de vie et provoquer leur remplacement. En droit français, cette pratique tomberait sous le coup des dispositions relatives à la tromperie sur la qualité substantielle du bien.

Cela nous exonère-t-il d’une réflexion sur cette question de la durée de vie et de la fréquence de renouvellement, qui paraissent aujourd’hui incompatibles avec les exigences actuelles en matière de protection de l’environnement ? La réponse est évidemment non.

Cette réflexion sera d’ailleurs menée lors de la conférence environnementale des 20 et 21 septembre prochains, au cours de laquelle j’interviendrai, et qui réunira bon nombre d’acteurs qui se préoccupent de cette question.

Toutefois, il faut bien distinguer ce qui relève du stratagème industriel, fondé sur une volonté délibérée de tromperie, de ce qu’on pourrait appeler les cycles d’innovation. Cette distinction explique les désaccords qui persistent sur la définition de la notion d’obsolescence programmée.

Prenons la définition retenue par le groupe écologiste. Dès lors que l’on évoque la conception d’un produit qui vise à augmenter le taux de remplacement, tout ce qui relève de la mode et du design n’entre-t-il pas dans cette définition ? La question est posée et l’on voit combien il est difficile de s’entendre sur une définition de l’obsolescence programmée qui ne remette pas en cause des cycles d’innovation indispensables au soutien de la croissance et de l’emploi.

Sur ce sujet, je vous renvoie, mesdames, messieurs les sénateurs, à ce film britannique de 1951 que j’ai découvert à l’occasion de la préparation du présent débat, interprété par le célèbre Alec Guinness : L’homme au complet blanc. C’est l’histoire d’un chimiste qui invente une formule lui permettant de fabriquer un costume inusable et insalissable. Au début, cette formidable invention réjouit les salariés, et notamment les ouvriers qui n’ont plus à laver leur bleu de chauffe. Puis ils découvrent que, par la faute de ce costume « qui ne meurt jamais », l’industrie du textile et celle des machines à laver s’effondrent. « L’homme au complet blanc » fait alors l’objet de la vindicte des industriels, des salariés et des syndicats, car son invention remet en cause les cycles d’innovation.

Il s’agit là d’une question importante, qui doit être traitée avec sérieux. Je demande donc au groupe écologiste, en la personne de M. Placé, ainsi qu’à M. Mirassou de bien vouloir retirer leurs amendements, car il n’y a pas aujourd’hui, selon moi, de consensus sur l’obsolescence programmée, et de mettre à profit le calendrier de la conférence environnementale.

Je leur fais part, également, de l’engagement du Gouvernement en la matière, qui se concrétisera sous des formes qui ne sont pas encore arrêtées. Nous travaillerons, en lien avec les parlementaires, afin d’approfondir cette notion d’obsolescence programmée et d’aboutir à un consensus plus large sur sa définition et sur les instruments permettant de lutter contre cette pratique, qui s’ajouteront au dispositif juridique d’ores et déjà existant.

Nous veillerons à élargir ce consensus aux industriels et aux secteurs pour lesquels les cycles d’innovation revêtent une importance particulière, de façon à provoquer le début d’une prise de conscience quant à la nécessité d’augmenter la durée de vie des équipements. Ce point deviendra un élément d’arbitrage pour le consommateur, qui pourra choisir les produits ayant la plus longue espérance de vie.

Pour cette raison, le Gouvernement a voulu au travers de ce texte, je le rappelle, privilégier la réparation des biens électroménagers.

Nous nous inscrivons dans la suite du travail portant sur la présomption d’antériorité de défaut, qui était auparavant de six mois et qui a été portée dans le texte à un an, puis à dix-huit mois par les parlementaires et qui pourrait, le cas échéant, être alignée sur la garantie légale de conformité, d’une durée de deux ans. Telle est la démarche que nous suivons.

Pour ce qui concerne la définition de l’obsolescence programmée, je vous donne mon accord de principe, mais réaffirme mon désaccord quant aux rédactions que vous proposez. Cela étant dit, je crois que nous pourrons tous nous entendre sur une rédaction commune, une fois passé le temps de la réflexion nécessaire pour ciseler cette définition. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. Jean-Jacques Mirassou. Bonne réponse !

M. le président. Monsieur Placé, les amendements nos 281 rectifié, 282 rectifié et 283 rectifié sont-ils maintenus ?

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le ministre, je suis très content que vous soyez passionné par ce sujet, ainsi que vous me l’aviez déjà confié en privé. Je vous invite d’ailleurs à compléter votre réflexion grâce au documentaire intitulé Prêt à jeter, diffusé sur Arte. Vos convictions naissantes sur les méfaits de l’obsolescence programmée seront ainsi renforcées.

Je vous remercie de cette réponse très argumentée et réfléchie, mais je ne vous cache pas que j’entends régulièrement, depuis deux ans que je suis parlementaire, le même discours ministériel selon lequel devrait intervenir incessamment sous peu, probablement dans un avenir radieux, un texte dont les contours restent encore imprécis. J’ai en particulier acquis une certaine expérience à cet égard en matière budgétaire, puisque je siège à la commission des finances. Ainsi, en entendant l’actuel ministre de l’écologie prononcer, à l’occasion du débat sur la fiscalité écologique, les mêmes mots que Jérôme Cahuzac auparavant et que Bernard Cazeneuve, je me dis qu’il vaudrait mieux que j’essaie de tenir plutôt que de courir ! (Sourires.)

Nous sommes désormais des « amis de vingt et un ans », monsieur le ministre. (Nouveaux sourires.)

Je vais donc faire un effort dont je ne suis pas coutumier à l’égard d’un membre du Gouvernement : je vais vous faire confiance. À l’occasion de la conférence environnementale qui, comme vous l’avez rappelé, va bientôt se tenir, nous pourrons rapidement vérifier le niveau d’authenticité de la parole gouvernementale, que vous portez ce soir.

Eu égard à votre parole, j’accepte de retirer mes amendements.

M. le président. Pour l’amitié, cher collègue Placé, faites attention dans neuf ans ! (Sourires.)

Les amendements nos 281 rectifié, 282 rectifié et 283 rectifié sont retirés.

Monsieur Mirassou, l'amendement n° 521 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Jacques Mirassou. Je me réjouis que ce sujet ait pu faire irruption dans le débat. Monsieur le ministre, je partage vos remarques : il ne faut pas faire d’amalgame entre ce qui a trait aux technologies avant-gardistes, donc sans doute un peu moins fiable, et tout le reste. Mais je m’empresse de préciser que, actuellement, nous sommes loin du célèbre costume blanc inusable et insalissable s’agissant d’un comparatif que l’on pourrait faire avec un téléviseur.

En effet, quand un consommateur achète un téléviseur, on lui explique qu’il a fait le bon choix, même s’il paye un peu plus cher. Dans le même temps, on lui propose une garantie de deux ans et à peine a-t-il donné son accord qu’on lui suggère une extension de garantie de trois ans. C’est bien que la fiabilité de l’appareil sera moindre ensuite. De ce point de vue, il y a donc encore du chemin à parcourir.

Mais je conçois tout à fait que ce sujet puisse aussi trouver sa place lors de la conférence environnementale.

Forts du crédit que nous accordons à votre parole, monsieur le ministre, nous retirons cet amendement. Comme je l’ai signalé, il s’agit d’une démarche à long terme qui engagera aussi le consommateur. En effet, ce dernier, par le biais des dispositions présentes dans ce texte, réalisera sans doute ses achats de façon plus éclairée et un peu plus critique.

M. le président. L'amendement n° 521 rectifié est retiré.

L'amendement n° 303, présenté par MM. Placé, Labbé, Dantec et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’article 3

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À titre expérimental, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, les vendeurs de produits doivent pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage. Ce double prix porte sur un nombre de produits déterminés par décret. À l’issue de la phase d’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui en établit le bilan et qui dresse les perspectives de développement de l’économie de fonctionnalité.

Le prix d’usage désigne la valeur marchande associé à l’usage du service rendu par un bien meuble, et non à la propriété de ce bien.

La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Cet amendement vise à mettre en place une expérimentation. Pendant deux ans, du 1er janvier 2015 au 31 décembre 2017, les vendeurs de produits doivent pratiquer l’affichage d’un double prix pour un même bien : un prix de vente et un prix d’usage. Le prix d’usage désigne la valeur marchande associée à l’usage du service rendu par un bien meuble, et non à la propriété de ce bien. Cette définition est inscrite dans l’amendement, ce qui donne à celle-ci une valeur juridique. Tous les objets inclus dans l’expérimentation seront déterminés par décret, ce qui nous laisse le temps de travailler à la mise en œuvre de cette expérimentation avec les acteurs concernés.

À l’issue de la phase d’expérimentation, le Gouvernement remet au Parlement un rapport qui en établit le bilan et qui dresse les perspectives de développement de l’économie de fonctionnalité.

L’objet de cet amendement, adopté par la commission du développement durable à l’Assemblée nationale – monsieur le rapporteur, je vous vois opiner car, je le sais, vous suivez les choses de près –, est de mettre en œuvre à titre expérimental et volontaire ce double affichage.

L’économie de fonctionnalité, encore peu connue, constitue un levier majeur pour un modèle économique alternatif. La raréfaction des matières premières, la montée inéluctable des dépenses énergétiques et des enjeux socioécologiques nous exhortent à innover pour nous engager réellement dans la voie du développement soutenable.

De nombreuses entreprises ont déjà choisi l’économie de fonctionnalité : Michelin, Elis, Xerox. Au lieu d’être propriétaire de ses pneus, de son vélo, de ses uniformes de travail, de son imprimante, on peut très bien louer le service offert par ces biens. Ce modèle économique a notamment été encouragé par le Grenelle de l’environnement. Pour l’entreprise, c’est un gage de visibilité et de constance, mais aussi un gain estimé entre 30 % à 50 % sur les énergies et les matières premières. Elle a donc intérêt à proposer un produit qui dure, de qualité, innovant, pour fidéliser sa clientèle. L’entreprise économise aussi des coûts en recyclant le même produit dont elle reste propriétaire. Le consommateur est également gagnant, puisque les prix diminuent et s’adaptent vraiment aux besoins.

L’économie de l’usage, c’est un levier pour lutter contre l’obsolescence programmée dont nous venons de parler. En effet, aujourd’hui, être propriétaire d’un bien ne signifie plus pouvoir en profiter longtemps.

Monsieur le ministre, vous êtes attaché à l’innovation. Ce modèle démontre justement que développement est synonyme, non pas de surconsommation, de surproduction ou de pollution, mais de progrès.

Tel est le sens de cet amendement particulièrement important.