compte rendu intégral

Présidence de M. Charles Guené

vice-président

Secrétaires :

M. Jean Desessard,

Mme Odette Herviaux.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

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Candidatures à un organisme extraparlementaire

M. le président. Je rappelle que, par lettre en date du 30 août 2013, M. le Premier ministre a demandé à M. le président du Sénat de lui faire connaître le nom de trois sénateurs désignés pour siéger au sein du Conseil supérieur des programmes, institué par l’article L. 231-14 du code de l’éducation.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait connaître qu’elle propose les candidatures de Mme Marie-Christine Blandin, MM. Jacques Legendre et Jacques-Bernard Magner.

Ces candidatures ont été affichées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

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Décisions du Conseil constitutionnel

M. le président. M. le président du Conseil constitutionnel a communiqué au Sénat, par courriers en date du mercredi 9 octobre 2013, le texte de deux décisions du Conseil constitutionnel qui concernent la conformité à la Constitution de la loi organique et de la loi relatives à la transparence de la vie publique.

Acte est donné de cette communication.

4

Organisation des travaux

M. le président. Mes chers collègues, pour commencer, je voudrais faire un point rapide sur l’organisation de nos travaux cet après-midi et ce soir.

L’ordre du jour de cet après-midi, réservé au groupe socialiste, débute avec la proposition de loi relative aux missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime.

Mme Christiane Taubira, qui sera au banc des ministres pour le deuxième texte, c’est-à-dire la proposition de loi visant à l’indemnisation des personnes victimes de prise d’otages, doit être présente aux questions d’actualité au Gouvernement à l’Assemblée nationale et ne pourra donc pas nous rejoindre avant seize heures dix ou seize heures quinze.

Nous aurons ensuite, à dix-huit heures trente, la proposition de loi organique relative à la nomination du président de l’Autorité de régulation des jeux en ligne. Je suspendrai la séance à l’issue de son examen, qui devrait s’achever au plus tard à dix-neuf heures trente, étant rappelé que la conférence des présidents se réunit à partir de dix-neuf heures.

Enfin, je vous indique que nous prendrons en séance du soir la proposition de résolution de nos collègues non-inscrits visant à créer Radio France Europe, à vingt-deux heures, à la demande du Gouvernement, avec l’idée d’en terminer au plus tard à minuit, dans la mesure où la séance de demain, jeudi 10 octobre, débutera à neuf heures.

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Dossier législatif : proposition de loi relative aux missions de l'Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime
Discussion générale (suite)

Missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime

Adoption d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Discussion générale (début)
Dossier législatif : proposition de loi relative aux missions de l'Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime
Article 1er

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion, à la demande du groupe socialiste, de la proposition de loi relative aux missions de l’Établissement national des produits agricoles et de la pêche maritime, présentée par Mmes Bernadette Bourzai et Renée Nicoux (proposition n° 819 [2012-2013], texte de la commission n° 6, rapport n° 5).

Dans la discussion générale, la parole est à Mme Bernadette Bourzai, auteur de la proposition de loi et rapporteur.

Mme Bernadette Bourzai, auteur de la proposition de loi et rapporteur de la commission des affaires économiques. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, avec ma collègue Renée Nicoux, nous avons déposé en juillet dernier une proposition de loi relative aux missions de FranceAgriMer, dans le but, non de transformer le champ d’intervention de l’établissement, mais de régler deux difficultés juridiques qui risquaient de le fragiliser.

Avant toute chose, laissez-moi rappeler brièvement à quel point FranceAgriMer est un acteur essentiel dans le paysage administratif français.

Sa création, en 2009, est le résultat du vaste mouvement de fusion des anciens offices agricoles. Employant plus de 1 200 agents, il s’agit d’un établissement public qui regroupe de nombreuses compétences dans un seul but : assurer la mise en œuvre des politiques agricoles et agroalimentaires nationale et européenne, en gérant, par exemple, les dispositifs de l’organisation commune des marchés, l’OCM, concernant les fruits et légumes et le vin, comme les primes d’arrachage, ou encore les dispositifs nationaux, comme les aides à la mise aux normes ou les actions de promotion.

Au total, plus de 550 millions d’euros ont été répartis par FranceAgriMer l’année dernière.

FranceAgriMer assure de très nombreuses missions dans son domaine de compétence, dont la gestion des programmes d’aide alimentaire, qui sont ensuite mis en œuvre sur le terrain par quatre associations nationales agréées, ou encore la promotion à l’international, par la participation à des salons, foires et expositions.

Au sujet de ces deux dernières missions, nous avons été alertées d’un risque de remise en cause de la place et du rôle de FranceAgriMer, ce qui nous a conduites à présenter la présente proposition de loi.

Ce texte poursuit deux objectifs : permettre à FranceAgriMer de continuer à agir pour l’aide alimentaire à compter du 1er janvier 2014 ; faire de FranceAgriMer le porteur du pavillon français à l’exposition universelle de Milan en 2015 et l’autoriser à passer par un marché de conception-réalisation pour réaliser ce pavillon dans les meilleures conditions.

Le programme européen d’aide aux plus démunis, le PEAD, existe depuis 1987. Il permet de distribuer en France environ 70 millions d’euros par an aux associations caritatives, qui se chargent ensuite de les distribuer aux plus démunis.

Ce programme est progressivement monté en charge, passant, en Europe, d’environ 100 millions d’euros à 500 millions d’euros par an aujourd’hui. Dix-huit millions de personnes en bénéficient. Il est étroitement lié à la politique agricole commune, la PAC, trouvant son origine dans les surplus et les stocks de l’Europe. Avec le temps, il s’est cependant transformé. L’orientation vers les marchés de la PAC a conduit à réduire, voire à supprimer les mesures d’intervention. Il n’y a plus beaucoup de stocks aujourd’hui, si bien que le PEAD a été amendé afin de permettre aux États membres de l’Union européenne d’acheter des produits alimentaires sur les marchés auprès des industriels, par appels d’offres, et ensuite de les répartir.

Seuls dix-neuf États sur les vingt-huit de l’Union ont choisi de bénéficier du PEAD. Certains, comme la France, le complètent par un programme national d’aide alimentaire, ou PNAA, qui représentait pour notre pays 8,5 millions d’euros l’année dernière, qui s’ajoutent donc aux fonds provenant de l’Europe.

Or, en 2008, l’Allemagne, soutenue par la Suède, a saisi la justice européenne pour contester le rattachement à la PAC du PEAD, estimant que, dans la mesure où il ne s’agit plus d’écouler des stocks excédentaires, le PEAD relevait des politiques sociales, qui ne sont pas de la compétence principale de l’Union européenne.

Un arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 13 avril 2011 est venu confirmer cette lecture. La Commission européenne en a immédiatement tiré les conséquences en proposant de réduire l’enveloppe allouée au PEAD de 500 millions d’euros par an environ à seulement 113 millions d’euros, faisant peser un risque majeur sur la survie du système d’aide alimentaire porté par les associations caritatives.

Une bataille s’est engagée pour maintenir l’aide alimentaire, et un compromis a pu être trouvé à la fin de 2011, sauvegardant l’enveloppe de 500 millions d’euros adossée à la PAC en 2012 et 2013, mais supprimant le PEAD à partir de 2014. Or l’article 174 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prévoit bien que l’Europe a pour mission de renforcer sa cohésion économique, sociale et territoriale. Fournir de l’aide alimentaire entre ainsi parfaitement dans les attributions de l’Union. La proposition de nouveau cadre financier pluriannuel pour la période 2014-2020, le CFP, par la Commission européenne en juin 2011 prévoyait donc une enveloppe de 2,5 milliards d’euros pour l’aide alimentaire, rattachée cependant à la politique de cohésion et non plus à la PAC. Il s’agissait tout de même d’une baisse de 1 milliard d’euros par rapport aux 3,5 milliards d’euros disponibles sur la période 2007-2013.

Il a fallu se battre jusqu’au bout pour préserver ces 2,5 milliards d’euros, la Commission européenne ayant envisagé de les réduire à 2,1 milliards d’euros lors de la difficile négociation du CFP. Finalement, l’accord politique du 8 février dernier au Conseil européen a permis de conserver l’intégralité de la somme prévue. Je salue ici la pugnacité de notre président de la République et du ministre de l’agriculture, Stéphane Le Foll, qui ont réussi à imposer ce point de vue à nos partenaires. Ce n’était pas évident, et cela prouve qu’il faut tenir bon lorsque la cause est juste.

L’aide alimentaire s’inscrira dans un nouveau cadre, celui du Fonds européen d’aide aux plus démunis, le FEAD, qui relèvera de la politique de cohésion. Ce fonds a donc été élargi à des produits non alimentaires de première nécessité. La France semble en outre devoir conserver une enveloppe identique à celle dont elle dispose aujourd’hui, même si les négociations sur ce point ne sont pas achevées.

Or FranceAgriMer n’est pas habilité par la loi à intervenir dans le champ du social. Comme tout établissement public, le principe de spécialité ne lui permet d’agir que dans les limites fixées par les textes. Il faut donc modifier la loi française pour que celle-ci soit parfaitement en accord avec le nouveau cadre européen proposé pour l’aide aux plus démunis. C’est pourquoi la proposition de loi vise à modifier les articles du code rural concernant les missions de FranceAgriMer, condition indispensable pour que l’établissement soit demain l’organisme intermédiaire chargé de passer les appels d’offres et de surveiller les opérations de distribution de l’aide alimentaire, comme il le fait aujourd’hui.

Une quinzaine de personnes s’en occupent déjà, et il est possible de s’appuyer sur les agents dans les régions pour le contrôle. Il est sage de reconduire une organisation qui fonctionne bien. C’est ce que propose l’article 1er de la proposition de loi, tel qu’adopté par la commission des affaires économiques.

L’autre objectif de la proposition de loi est de confier à FranceAgriMer le pilotage des opérations nécessaires à assurer la présence de la France à l’exposition universelle de Milan de 2015, sous l’autorité du commissaire général de l’exposition, nommé en avril 2013, M. Alain Berger. FranceAgriMer a l’expérience des actions de coopération internationale et des actions de promotion, qui entrent dans ses attributions. En avril 2013, l’établissement a ainsi piloté l’espace France du salon Seafood de Bruxelles sur les produits de la mer.

Une exposition universelle est d’une autre ampleur, mais le thème retenu pour l’exposition de Milan en 2015 – « Nourrir la planète, énergie pour la vie » – rend ce choix assez logique. Il permettra à la France de mettre en avant le thème de la sécurité alimentaire et nos compétences non seulement en matière de production, mais aussi d’alimentation, de qualité et de goût.

Les organismes choisis précédemment pour piloter l’équipe de France dans les expositions universelles ont été très divers : l’exposition internationale de Saragosse, en 2008, a été portée par Ubifrance. Pour l’exposition universelle de Shanghai en 2010 et pour l’exposition spécialisée de Yeosu de 2012, une structure porteuse dédiée a été mise en place, sous forme de société anonyme à capitaux publics : la COFRES SAS.

FranceAgriMer est déjà en ordre de bataille pour Milan 2015 où la présence française se traduira par la construction d’un pavillon français qui doit répondre à un cahier des charges très strict. Sous forme de halle alimentaire, de type halle Baltard, le pavillon français sera principalement construit en bois et devra être démontable et remontable, dans un esprit de développement durable. Il s’étendra sur 1 800 mètres carrés sur une emprise d’un peu plus de 3 500 mètres carrés, comprenant des espaces extérieurs d’animation. Véritable vitrine de l’excellence française, il devra être ouvert tous les jours de neuf heures à minuit. Le temps presse, car la construction doit être achevée pour la fin de l’année 2014.

Or une telle opération est soumise au code des marchés publics et à la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique, qui prévoit une séparation stricte, pour la réalisation d’un ouvrage, entre la mission de maîtrise d’œuvre – le concepteur – et celle de réalisation des travaux – les entrepreneurs –, entraînant la nécessité de passer deux marchés distincts : un marché de maîtrise d’œuvre et un marché de travaux.

Certes, l’article 18 de la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique autorise à confier à un groupement, par un même marché, à la fois la mission portant sur les études et celle portant sur l’exécution des travaux, dans des cas particuliers : il s’agit du système du marché de conception-réalisation. Mais la jurisprudence est très stricte et n’admet pas facilement l’utilisation de cette exception.

Bien qu’elle paraisse justifiée pour la construction du pavillon de Milan, car les spécificités du bâtiment exigent qu’architecte et entreprises travaillent ensemble à la définition du projet, il existe un risque juridique réel en cas de contentieux. Afin de prévenir ce risque, la proposition de loi autorise expressément FranceAgriMer à passer un marché de conception-réalisation pour construire le pavillon français. Nous procédons ainsi à une sorte de validation législative préventive. De tels marchés ne se traduisent pas par des coûts plus élevés, la Cour des comptes ayant même estimé, par le passé, qu’ils pouvaient créer des économies.

L’ampleur et le retentissement de l’opération paraissent au demeurant suffisants pour qu’une réelle concurrence puisse avoir lieu entre plusieurs groupements pour l’attribution du marché. Cette procédure permettra également d’aller plus vite, en évitant de passer par deux phases d’appel d’offres, répondant ainsi à l’urgence.

La commission des affaires économiques a soutenu unanimement cette proposition de loi, et j’espère qu’il en sera de même pour le Sénat dans son ensemble dans quelques instants. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, en tant que ministre de l’agriculture, de l’agroalimentaire et de la forêt et aussi en tant qu’ancien parlementaire européen, je tiens à dire la satisfaction, voire la fierté qui est la mienne aujourd'hui de soutenir la proposition de loi présentée par Mme Bourzai. Dans les deux articles qu’elle contient, je me félicite surtout de l’article 1er relatif au programme européen d’aide aux plus démunis.

Je me souviens des débats qui ont eu lieu il y a quatre ans au Parlement européen : ce programme était voué à disparaître.

Je me souviens également des discussions engagées alors et du vote intervenu au Parlement européen pour maintenir, contrairement à ce qu’avait décidé la justice, ce programme, au nom d’une idée simple. Dans une crise telle que celle que nous traversons, il est indispensable, au nom de la responsabilité et des valeurs de l’Europe, de conserver cette aide qui bénéfice à des milliers de citoyens européens et qui leur permet d’accéder au bien le plus important : l’alimentation.

Rappelons que le gouvernement précédent avait signé un accord pour maintenir ce programme jusqu’en 2013 et avait pris l’engagement auprès de l’Allemagne de le faire disparaître après cette date.

Si nous sommes réunis aujourd'hui – nous ne sommes peut-être pas assez nombreux compte tenu de l’enjeu –, c’est aussi pour souligner le travail réalisé par la France et le Président de la République dans le cadre du débat budgétaire sur les perspectives financières 2014-2020 pour garder ce programme en l’état, au nom des valeurs qui doivent nous animer.

Comme l’a souligné Mme la rapportrice, si les membres de la commission des affaires économiques ont adopté cette proposition de loi à l’unanimité, c’est parce que chacun partage l’ambition qui doit être la nôtre en la matière.

Chacun ici connaît, dans son département, des associations qui œuvrent tous les jours pour subvenir aux besoins alimentaires des populations les plus démunies. Chacun sait combien l’accès à l’alimentation est l’une des conditions essentielles de la citoyenneté et tout simplement de la capacité à vivre. Chacun a donc parfaitement conscience de l’enjeu : conserver à l’échelle européenne le programme d’aide aux plus démunis, qui devait prendre fin, je le répète, en 2013.

Le Président de la République a défendu ce programme à deux reprises. Après avoir réussi à le maintenir sur la base de la proposition de la Commission européenne, à hauteur de 2,5 milliards d’euros, il a ensuite négocié un supplément de 1 milliard d’euros. Désormais, les crédits du PEAD s’élèvent à 3,5 milliards d’euros. On devait perdre cette ligne budgétaire, on l’a maintenue !

À l’origine, ce programme a été créé en 1987, sous l’impulsion de Jacques Delors, à un moment où les stocks agricoles étaient extrêmement importants. Il avait trouvé là le moyen de les distribuer aux plus démunis, utilisant de manière intelligente les excédents de la production agricole. Au fur et à mesure que les années ont passé, les stocks ont, il est vrai, diminué. Aussi a-t-il fallu revoir la manière dont on devait traiter cette question, sans en supprimer ni l’esprit, ni la lettre, ni encore la ligne budgétaire.

Un changement s’est opéré, mais j’ai veillé à ce que subsiste – j’y tiens ! – un lien entre le PEAD et les stocks agricoles potentiels. Il est, me semble-t-il, nécessaire de conserver ce lien entre l’agriculture et l’alimentation, notamment lorsqu’il s’agit de la solidarité que l’on doit aux plus démunis. C’est pourquoi je suis fier, très fier même, de soutenir aujourd'hui, qui plus est au Sénat, cette proposition de loi.

L’article qui sous-tend cette proposition de loi est lié au fait que le Fonds européen d’aide aux plus démunis est rattaché non plus à la politique agricole commune, mais à la politique de cohésion. C’est pourquoi il convenait de modifier la législation pour permettre à FranceAgriMer de continuer à être l’autorité de gestion en matière d’aide alimentaire.

Au-delà de l’aspect juridique, vous l’avez compris, se pose la question fondamentale de l’aide que l’on doit apporter, dans nos sociétés, à ceux qui sont les plus démunis, parce qu’ils ont subi, à différents titres, les échecs de la vie, afin de leur permettre d’accéder à l’alimentation. Il s’agit là d’un enjeu de société et d’un enjeu politique majeur.

L’engagement pris dès 2012 devant les associations est tenu. Grâce à la Haute Assemblée, à tous les sénateurs qui ont œuvré sur ce texte et qui vont en débattre aujourd'hui, notre pays pourra s’enorgueillir du travail accompli. Même si ce véhicule législatif ne présente pas un caractère suffisamment solennel compte tenu de l’enjeu européen et de la manière dont les hommes et les femmes politiques doivent faire face à leurs responsabilités, il est des moments comme ceux-là où nous apportons ensemble, collectivement, des réponses aux besoins essentiels d’un certain nombre de nos concitoyens. Voilà pourquoi je suis à la fois heureux et fier de défendre ici, à cette tribune, dans cette assemblée, ce texte et son article 1er relatif au programme européen d’aide aux plus démunis.

Bien que l’article 2 de la proposition de loi, relatif à la construction du pavillon français de l’exposition universelle de Milan de 2015, soit tout autant nécessaire, il est, convenons-en, moins important.

Les délais courts exigent d’aller à l’essentiel et de prendre des décisions pour permettre à FranceAgriMer de mobiliser des moyens – avec un budget de 20 millions d’euros – en vue d’assurer à la France la présence qui doit être la sienne à cette exposition universelle au travers de son agriculture, son alimentation, son histoire, ses produits, la qualité de notre gastronomie et l’image qu’elle porte. Il s’agit de sécuriser l’ensemble des moyens qui devront être mis en œuvre pour assurer le succès de cette exposition.

Tels sont les objets des deux articles de la proposition de loi. Je le répète, la Haute Assemblée pourra être fière d’avoir apporté, avec l’article 1er, relatif à l’aide aux plus démunis dans le domaine de l’alimentation, une réponse aux besoins essentiels de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe CRC et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, la proposition de loi présentée par nos collègues Bernadette Bourzai et Renée Nicoux vise à répondre aux difficultés juridiques qui pourraient affecter l’établissement public FranceAgriMer, en ce qui concerne tant la gestion du nouveau fonds structurel relatif à l’aide alimentaire aux plus démunis que la présence française à l’exposition universelle de Milan en 2015.

Les auteurs de ce texte ont su convaincre l’ensemble de la commission des affaires économiques de la survenance potentielle de contentieux qui pourraient paralyser l’action de cet établissement.

En ce qui concerne l’article 2, l’argument tiré du « recours plus solennel de la loi » et l’entorse faite à la loi MOP, la loi relative à la maîtrise d’ouvrage publique et à ses rapports avec la maîtrise d’œuvre privée, appellent, il est vrai, quelques réserves. Cependant, les qualités et l’expertise des personnels travaillant à FranceAgriMer, ainsi que les missions de cet établissement, nous conduisent à considérer que la proposition de loi est utile et se justifie pleinement.

Ayant le même souci que les auteurs de la proposition de loi, je profite de l’occasion qui m’est ici donnée pour vous poser, monsieur le ministre, des questions non seulement sur les moyens engagés aux niveaux national et européen en vue de répondre à la pauvreté dans notre pays, mais également sur ceux qui sont alloués à FranceAgriMer pour réaliser dans les meilleures conditions possibles les missions qui lui sont dévolues par la loi.

Avant d’aborder ces problèmes de fond, je voudrais revenir sur la question de la recevabilité financière de la proposition de loi.

Cette question a été soulevée en commission des affaires économiques, qui a considéré que l’article 40 de la Constitution ne constituait pas, et ce malgré l’élargissement constaté des missions de l’établissement, « un obstacle à l’adoption de la proposition de loi », ce dont nous nous félicitons avec Mme la rapporteur. Il s’agit là, à nos yeux, d’une jurisprudence très intéressante, qui pose de nouveau la question de la compatibilité de la règle constitutionnelle avec les droits du Parlement.

On se souvient avec nostalgie des déclarations faites en 2008 par les deux présidents des commissions des finances de l’Assemblée nationale et du Sénat, selon lesquels on ne pouvait « sans hypocrisie, parler de revalorisation du rôle du Parlement, tout en conservant intact l’article 40 ». Je tenais à rappeler ces propos, car on ne saurait se satisfaire d’une censure au cas par cas de telle ou telle proposition. Il faut aller plus loin et abroger cet article, pour que le pouvoir législatif puisse s’exercer dans toute sa plénitude.

Au-delà de cette question essentielle, la proposition de loi relative aux missions de FranceAgriMer est l’occasion de saluer un « opérateur majeur de la politique agricole et alimentaire ». Cela nous conduit naturellement à poser la question des moyens financiers et humains alloués à cet établissement pour assurer ses différentes missions économiques, de conseil, de gestion et de coopération.

En effet, en 2009, avec la révision générale des politiques publiques, la fusion de différents offices agricoles a entraîné une baisse très importante du nombre des personnels. Dans le cadre de l’examen du projet de loi de finances pour 2013, nos collègues Renée Nicoux et Gérard César relevaient, dans leur rapport pour avis sur la mission « Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales », une « baisse inquiétante des crédits d’intervention de FranceAgriMer », constatant un niveau de crédits historiquement bas. Il avait d’ailleurs été demandé à l’établissement de mobiliser sa trésorerie pour abonder l’enveloppe à hauteur de 20 millions d’euros.

Le maintien du budget annoncé par le ministre de l’agriculture, s’il est confirmé, ne vous semble-t-il pas insuffisant, alors même que les rapporteurs pour avis concluaient, l’an dernier, à la nécessité de procéder à un rebasage des crédits d’intervention de l’établissement public ?

Pour conclure, je voudrais également avoir des précisions sur le Fonds européen d’aide aux plus démunis.

Même si vous avez répondu en partie à mes questions, mon collègue Dominique Watrin vous avait interrogé au début de l’année sur le devenir du programme européen d’aide aux plus démunis après le transfert de cette action de la PAC à la politique de cohésion, dénonçant une Europe qui affame ses peuples.

En effet, je le réaffirme aujourd’hui, la réduction de l’effort européen pour lutter contre la pauvreté, avec la disparition de stocks d’intervention essentiels comme la viande en 2004, a constitué une première entrave à l’accès aux denrées alimentaires de base. C’est cette Europe libérale, qui renonce au nom d’un juridisme inacceptable à promouvoir des politiques sociales et humanitaires, qui met à mal la solidarité entre ses peuples. La dernière salve en direction du PEAD montre à quel point nous devons être vigilants. La France l’a été. Cependant, des questions demeurent, à propos desquelles nous aimerions que vous nous apportiez certains éclaircissements.

Lors d’un vote en séance plénière, cet été, le Parlement européen s’est prononcé pour la création du Fonds européen d’aide aux plus démunis, doté au minimum de 3,5 milliards d’euros pour les sept prochaines années. Cette position, adoptée à une large majorité, était un message clair au Conseil européen, qui ne souhaitait débourser que 2,5 milliards d’euros.

En commission, les députés de la gauche unitaire européenne avaient refusé une position moins ambitieuse soutenue par le groupe socialiste. Leur insistance a fini par payer, puisque, dans un communiqué du 22 juillet 2013, le Premier ministre a annoncé que « les présidents du Conseil européen, du Parlement européen et de la Commission européenne ont trouvé un accord pour un plafond de dotation de 3,5 milliards d’euros pour le Fonds européen d’aide aux plus démunis ».

Les informations dont nous disposons étant différentes selon leur origine, pouvez-vous nous confirmer, monsieur le ministre, que le montant retenu est bien de 3,5 milliards d’euros, et non de 2,5 milliards d’euros ? Dans l’affirmative, nous aimerions savoir si cette enveloppe sera financée à budget constant, c’est-à-dire au détriment d’une autre action de la politique de cohésion, ou bien si les crédits alloués à cette politique seront augmentés.

Enfin, pouvez-vous nous donner des informations sur le montant des crédits alloués à la France et sur le montant des crédits affectés au plan national d’aide alimentaire dans le projet de loi de finances pour 2014 ? Les associations agréées pour distribuer l’aide alimentaire aux plus démunis ont estimé qu’un budget « équivalent à celui de l’ancien programme constitue un minimum au regard de l’augmentation sans précédent du nombre de personnes accueillies par les associations européennes ».

Monsieur le ministre, je vous remercie de bien vouloir nous apporter ces précisions, qui seront très utiles pour éclairer tous les acteurs, afin de garantir que ce fonds puisse répondre à l’exigence historique de solidarité européenne, fondée sur l’échange et sur la cohésion des peuples.

En ce qui concerne la proposition de loi, nous la voterons ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)