Mme Mireille Schurch. C’est ce qui va se passer !

M. Michel Teston. La seconde disposition dont le groupe socialiste souhaite la reformulation est celle qui est relative à la reprise de la dette – 32 milliards d’euros pour le seul RFF – et à la recherche de financement pérenne.

Le groupe socialiste a toujours été d’accord sur la nécessité de décharger RFF de l’énorme dette qui pénalise considérablement son action. Il n’y a aucun désaccord de fond avec le groupe CRC à ce sujet. En revanche, la difficulté tient à ce que, dans le contexte budgétaire actuel, il est impossible pour l’État de reprendre cette dette. Ce n’est pas que le Gouvernement ne le veuille pas, monsieur le ministre, c’est que, malheureusement, le budget de l’État ne le lui permet pas !

C’est la raison pour laquelle la formulation de cette disposition devrait être différente, d’autant que, on le sait, en 2017, après la réalisation des 736 kilomètres de lignes à grande vitesse en cours de construction, la dette de RFF devrait atteindre, voire dépasser 40 milliards d’euros.

La solution consiste donc plutôt à demander la mise en place d’un financement pérenne du secteur – c’est, d’ailleurs, l’un des objectifs de la réforme ferroviaire –, afin de pouvoir stabiliser la dette à cette échéance et de la réduire progressivement par la suite.

Il n’y a pas de divergence fondamentale d’analyse avec le groupe CRC, mais seulement une appréciation différente sur la formulation de deux des dispositions de sa proposition de résolution.

Nous avons étudié attentivement la question. Il apparaît que le règlement du Sénat ne permet pas d’amender les propositions de résolution. Il est donc regrettable, madame Schurch, que nous n’ayons pu échanger en amont avec le groupe CRC. Je suis intimement convaincu que nous aurions pu trouver un accord sur la manière de formuler différemment les deux dispositions qui nous interpellent.

Le groupe socialiste s’abstiendra donc sur ce texte, mais vous l’aurez compris, mes chers collègues, il s’agit d’une abstention positive !

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, l’idée d’ouvrir à la concurrence le transport européen n’est pas nouvelle.

Cette conception s’est concrétisée dans l’Union à mesure que la Commission européenne est montée en puissance. Après un premier paquet ferroviaire en 1998 visant l’ouverture du trafic international de fret, puis un nouveau en 2002 concernant le trafic national du fret et le transport international de voyageurs, en 2004, les règles ont encore été renforcées pour inciter les États membres à passer le cap.

Aujourd’hui, le Parlement européen travaille sur le quatrième paquet visant à ouvrir à la concurrence le transport national de voyageurs. Il n’en est heureusement qu’au début du processus !

Il est donc d’autant plus important que nous soyons vigilants, dès maintenant, afin d’influencer les négociations européennes qui auront un impact majeur sur notre conception du service public ferroviaire « à la française ». Aussi, je remercie très sincèrement le groupe CRC et, en particulier, notre collègue Mireille Schurch, d’avoir pris l’initiative d’amorcer le débat dans cet hémicycle.

Les écologistes rejoignent la résolution à de nombreux égards. Ainsi, nous considérons que la concurrence, loin de permettre des miracles, se révèle en réalité négative pour le ferroviaire.

À l’étranger, la privatisation de British Rail – l’équivalent de la SNCF – est devenue le symbole de ce que les privatisations peuvent avoir de désastreux ! En effet, comme l’explique très bien notre collègue Roland Ries dans son excellent rapport, l’ouverture à la concurrence n’est pas une solution miracle, bien au contraire.

En France, nous avons l’exemple bien connu du transport de marchandises, évoqué, notamment, par Michel Teston. Or le constat est accablant : loin d’avoir permis un report modal de la route vers le rail, l’ouverture à la concurrence a renforcé la complexité du pilotage et le renchérissement des coûts. Dominés par une logique marchande et faute de disposer d’investissements publics, les transporteurs ont préféré se tourner vers la route, plus rentable sur le court terme.

Aujourd’hui, le fret est à 90 % routier. Comble du ridicule, la SNCF est, par sa filiale, l’acteur principal du fret routier ! La part du fer et du fluvial a, d’ailleurs, diminué d’environ 30 % en trente ans.

Pourtant, nous savons que, écologiquement, pour une tonne de marchandise transportée sur un kilomètre, l’émission de C02 est de deux grammes pour un train entier, deux cents grammes pour un semi-remorque et jusqu’à mille grammes pour un camion de trois tonnes et demie ou un avion fret courte distance.

L’objectif théorique d’ouvrir le marché ferroviaire pour le rendre plus compétitif n’a visiblement pas été atteint. Nous avons, avant tout, besoin d’investissements publics et de volonté politique.

Le transport de voyageurs n’échappera pas à cette logique. Qui s’occupera des lignes non rentables reliant les zones périphériques ? L’État va-t-il accepter de laisser se creuser encore davantage l’écart entre les zones urbaines et les zones rurales ?

C’est la raison pour laquelle la notion de service public doit rester la pierre angulaire des politiques de transports, justifiant – Michel Teston l’a très bien dit – la création d’un pôle intégré SNCF-RFF, tel qu’il est défendu par les syndicats, comme par nombre d’observateurs et d’acteurs de la vie ferroviaire, mais également le choix par l’État ou les régions, en tant qu’autorités organisatrices des transports, ou AOT, de son opérateur. Les deux sujets, le pôle intégré SNCF-RFF et la possibilité pour les régions, notamment en tant qu’AOT, de choisir l’opérateur, sont essentiels dans la discussion qui s’ouvre.

Il semblerait que le projet européen se dirige davantage vers une séparation stricte de l’opérateur et du gestionnaire d’infrastructure. J’y insiste : la séparation de RFF et de la SNCF ne fonctionne pas ! Elle n’a pas permis, en France, de régler la question de la dette, ni de rendre plus efficient le système ferroviaire.

Pour avoir été vice-président chargé des transports de la région Île-de-France, j’ai rencontré des représentants de la SNCF et de RFF. Je connais les affres de la vie quotidienne de ceux qui pâtissent des difficultés des transports. (Mme Éliane Assassi opine.) Je vois, madame Assassi, que vous connaissez bien, vous aussi, ces effets sur le réseau francilien, qui sont patents aussi bien dans votre département, la Seine-Saint-Denis, que dans le mien, l’Essonne.

La puissance publique, dans son rôle de stratège, est garante de la solidarité nationale et territoriale. Nous devons préserver le pouvoir des politiques régionales – chefs de file pour les transports – qui assurent la justice sociale pour les usagers. Les écologistes ne peuvent pas accepter que l’accès à la mobilité à moindre coût pour toutes et tous, l’excellence en matière de sécurité et le respect des acquis sociaux soient remis en cause par l’uniformisation européenne.

Les droits des salariés, en particulier, ne peuvent constituer la variable d’ajustement de l’ouverture à la concurrence.

C’est pourquoi les parlementaires européens écologistes, notamment mon collègue et ami Karim Zéribi, se battent pour faire valoir les obligations de service public, l’inclusion des régions dans la gouvernance, ou encore le respect des conventions collectives nationales et le transfert obligatoire des personnels.

Développer le ferroviaire et favoriser le report modal de la route vers le fer est une impérieuse nécessité au regard des enjeux écologiques, sociaux et territoriaux. Dois-je rappeler les sombres diagnostics du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat, le GIEC, à savoir une élévation de température jusqu’à 4,8 degrés pour la période 2081-2100 ? Le transport est l’une des variables essentielles de la transition écologique.

L’Europe peut, bien évidemment, être une chance, mais l’ouverture à la concurrence, telle qu’elle se dessine, en se fondant uniquement sur des logiques théoriques et marchandes, ne permettra pas d’améliorer l’attractivité du ferroviaire. Pis, elle pourrait la dégrader en complexifiant le modèle, en délaissant les lignes non rentables, pourtant bien utiles à nos populations, et en méprisant les conditions sociales et de sécurité difficilement maintenues aujourd’hui au regard des politiques menées sur le plan budgétaire, notamment à l’égard des personnels de la SNCF.

Parce que nous estimons tout à fait légitimes les inquiétudes, revendications et propositions émises par cette résolution, le groupe écologiste votera cette proposition de résolution. Il fait confiance au Gouvernement pour agir efficacement en faveur d’une politique publique ambitieuse des transports ferroviaires. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Francis Grignon.

M. Francis Grignon. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai l’impression d’être le seul à apporter un peu de contradiction dans cet hémicycle, mais il en faut ! (Sourires.) Vous voudrez bien m’en excuser…

Mme Éliane Assassi. C’est nécessaire au débat démocratique !

M. Francis Grignon. Avant de présenter la position du groupe UMP à l’endroit de cette proposition de résolution, je tenais, toutefois, à saluer le sens du timing de Mme Schurch et de nos collègues du groupe communiste républicain et citoyen.

En effet, cette année fut riche en initiatives législatives afférentes au secteur ferroviaire : quatrième paquet ferroviaire européen, projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale, projet de loi relatif au ferroviaire en préparation. Je crois que des éclaircissements sont donc souhaitables de la part du Gouvernement, aussi bien sur ses intentions que sur son agenda.

Le 10 avril dernier, un projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale a été déposé sur le bureau du Sénat. À l’origine, ce projet de loi n’était que l’une des composantes du grand acte III de la décentralisation.

Aujourd’hui, nous sommes sans nouvelles de ce texte. Est-il abandonné ? Est-il simplement retardé ? Ou certaines de ses dispositions seront-elles réintégrées ultérieurement ? Cette question mérite une réponse claire, dans la mesure où le chapitre 1er comprenait un grand nombre de dispositions décisives quant à l’avenir du système ferroviaire national.

Ce projet de loi visait à donner davantage de compétences à la région en matière d’exploitation de lignes ferroviaires, à déléguer la gestion des infrastructures à des personnes qui ne sont pas elles-mêmes fournisseurs de service de transport ferroviaire et à donner aux régions la capacité de mettre en place des lignes interrégionales de transports terrestres routiers de voyageurs.

Toutes ces mesures visant à réaffirmer le rôle des régions comme autorités organisatrices des transports ne rencontraient pas dans notre groupe une opposition de principe. Aussi, nous voudrions savoir si nous aurons à les examiner un jour, et si oui, quand !

En effet, nous nous posons la question de la cohérence du chapitre Ier du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale avec votre futur projet de loi relatif au ferroviaire, monsieur le ministre.

Toujours en ce qui concerne la cohérence des actes législatifs entre eux, nous sommes déroutés par l’articulation entre le quatrième paquet ferroviaire, que la Commission européenne a présenté le 30 janvier dernier, et ce fameux projet de loi.

D’après des documents rendus publics par la presse, il semble que les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, aujourd’hui réparties entre RFF, SNCF Infra et la DCF, la direction de la circulation ferroviaire, seront regroupées au sein d’une entité unique, un gestionnaire d’infrastructure appelé SNCF Réseaux.

Nous nous interrogeons donc sur la conformité de cette disposition législative avec la proposition de la Commission européenne, qui prévoit que la séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires devienne la règle applicable par défaut dès l’entrée en vigueur de la directive.

Je pense que le Gouvernement devra choisir entre le quatrième paquet ferroviaire et son projet de loi relatif au ferroviaire : on ne peut pas voter tout et son contraire à six mois d’intervalle ! Aussi, cette proposition de résolution, dont le premier élément porte sur le quatrième paquet ferroviaire, soulève selon moi de bonnes questions, mêmes si les réponses que chacun attend ou espère sont sans doute bien différentes.

Pour notre part, nous n’avons pas d’a priori idéologique sur la question. Nous ne considérons donc pas que la libéralisation soit un gage d’efficience économique ou que, au contraire, elle soit forcément nuisible au respect d’un service public. Aussi, même si nous admettons certaines réserves en ce qui concerne la libéralisation des marchés nationaux du transport de voyageurs, nous y sommes favorables, de façon pragmatique.

En effet, la situation de monopole dans laquelle se trouve aujourd’hui la SNCF ne pourra pas être maintenue éternellement. À l’heure où nos partenaires européens ouvrent à la concurrence leurs marchés nationaux, il devient intenable, pour la France, de laisser perdurer cette situation asymétrique.

De plus, sommes-nous certains que le caractère monopolistique de la position de la SNCF sur le marché du transport de voyageurs soit une réussite en termes de satisfaction des voyageurs, de rentabilité et de service public ?

Qu’avons-nous aujourd’hui ? Des lignes à grande vitesse aux tarifs prohibitifs, des lignes secondaires parfois indignes d’un pays occidental, des petites gares qui ferment, avec, à la clé, une dette cumulée de 40 milliards d’euros pour RFF et la SNCF.

Nous soutiendrons donc cette libéralisation du transport de voyageurs, tout en restant pragmatiques, car on a vu, lors de la libéralisation du fret, comme le souligne le rapport d’information sur les enjeux du quatrième paquet ferroviaire présenté par Roland Ries en juillet 2013, combien les conséquences étaient différentes selon les pays.

En France, la libéralisation doit être examinée, à mon sens, d’abord sur le plan social, pour avoir une chance de réussir sur le plan économique, en conservant en toile de fond, bien évidemment, l’impératif de sécurité, qui doit être le fil rouge de toute la démarche. Je me permets d’insister sur ces trois points, monsieur le ministre, par expérience sur ce sujet.

Sur le plan économique, nous savons tous que lorsqu’un marché est ouvert à la concurrence, les nouveaux entrants se positionnent sur les liaisons rentables, les liaisons non rentables étant ipso facto privées de financement. L’une des conditions de la réussite de la libéralisation – je suis d’accord sur ce point avec les précédents orateurs – concernera donc les réseaux de lignes faisant l’objet d’obligations de service public, avec globalisation de la rentabilité de différentes lignes à l’intérieur d’un même contrat de service public, afin de ne pas abandonner les petites lignes, comme l’ont souligné les orateurs précédents.

De plus, cette libéralisation devra se faire dans des conditions optimales, permettant l’existence d’une véritable concurrence. Il faut donc une harmonisation des niveaux d’imposition, de contribution au financement des infrastructures, de prise en compte du bruit et de la pollution, ainsi que des conditions salariales, faute de quoi le jeu serait faussé.

Dans ce cadre, le groupe UMP est favorable à la libéralisation des marchés de voyageurs, même si nous sommes réservés concernant certaines dispositions du texte de la Commission, pour lesquelles il faudra apporter des garanties.

L’autre grand point que nous voulons aborder concernant le quatrième paquet ferroviaire est la séparation voulue par la Commission entre les activités de gestion des infrastructures et les activités d’entreprise ferroviaire.

Pour la Commission européenne, cette séparation est un préalable indispensable à une libéralisation équitable. À ce sujet, nous comprenons les arguments de la SNCF. Cependant, dans un secteur d’activité aussi singulier que le rail, où le contrôle des infrastructures et sa gestion déterminent l’offre des exploitants de services de transport ferroviaire, il sera à l’avenir difficile de maintenir des entreprises aussi verticalement intégrées que la SNCF. Il s’agit en effet d’offrir à toutes les entreprises un accès non discriminatoire au réseau ferré.

À cet égard, il faut préciser que la Commission n’exclut pas qu’une structure verticalement intégrée, en holding, puisse aussi assurer l’indépendance requise, mais sous réserve que des murailles strictes garantissent la séparation juridique, financière et opérationnelle nécessaire entre les entités.

Pour nous, cette séparation institutionnelle entre les gestionnaires de l’infrastructure et les exploitants de services de transport ferroviaire doit être considérée comme une chance pour la SNCF de rationaliser ses activités et la nature des liens qu’elle entretient avec RFF.

Le quatrième paquet ferroviaire comprend également un volet consacré à l’Agence ferroviaire européenne, qui deviendrait l’interlocuteur unique chargé, pour l’ensemble de l’Union européenne, de la délivrance des autorisations de mise sur le marché des véhicules et de la certification en matière de sécurité des opérateurs. Cette mesure devrait, je l’espère, rencontrer l’adhésion du plus grand nombre.

Pour conclure sur le quatrième paquet ferroviaire, le groupe UMP considère, même si toutes les précautions n’ont pas encore été prises, que celui-ci devrait permettre, en libéralisant le transport de voyageurs, d’améliorer les services délivrés aux usagers et de participer à la nécessaire réorganisation de la SNCF.

En ce qui concerne le projet de loi ferroviaire en préparation, le groupe UMP souhaite une clarification de la politique publique ferroviaire que souhaite engager le Gouvernement. J’ai commencé mon intervention en évoquant l’empilement des initiatives législatives afférentes au ferroviaire, mais aussi la contradiction de certaines dispositions entre elles.

En effet, vous prévoyez que les fonctions de gestionnaire d’infrastructure du réseau ferré national, aujourd’hui réparties entre RFF, SNCF Infra et la DCF, soient regroupées au sein d’une entité unique, un gestionnaire d’infrastructure appelé SNCF Réseaux. Dans ces conditions, comment intégrerez-vous la proposition de la Commission européenne prônant la séparation institutionnelle stricte entre les gestionnaires de l’infrastructure et les entreprises ferroviaires ?

Autre disposition inquiétante à nos yeux, la réponse apportée à l’endettement des opérateurs nationaux. Vous proposez en effet que l’État affecte une partie des résultats de SNCF Mobilités au redressement du gestionnaire d’infrastructures.

Plus étrange encore, la rédaction envisagée pour le futur article L. 2102-17 du code des transports. Il est prévu que « la SNCF perçoit un dividende sur les résultats de SNCF Mobilités ». Après cela, il sera difficile de parler de séparation institutionnelle entre SNCF Réseaux et SNCF Mobilités !

Dans ces conditions, vous comprendrez que nous ne pouvons nous associer à la demande du groupe CRC, qui souhaite voir le projet de loi relatif au ferroviaire inscrit rapidement à l’ordre du jour.

En ce qui concerne l’offre de wagon isolé, qui devrait, si l’on se réfère à cette proposition de résolution, être déclarée d’intérêt général, nous considérons que la représentation nationale n’est pas forcément la plus qualifiée pour se prononcer sur les stratégies commerciales des opérateurs.

En outre, Fret SNCF a annoncé avoir complété son offre de wagon isolé par un nouveau système dit « multi-lots multi-clients », visant à assurer des prestations de bout en bout sur les axes qui s’étendent au-delà des frontières hexagonales. En la matière, faisons confiance à nos responsables du fret !

S’agissant du maintien durable d’une entreprise nationale des chemins de fer à statut intégralement public, ainsi que de la reprise de la dette du système ferroviaire par l’État et de la recherche de nouveaux financements pour le service public ferroviaire, afin de garantir son efficacité, nous souhaitons affirmer notre ferme opposition à ces deux objectifs.

Je terminerai mon intervention en évoquant une reconnaissance renforcée des régions comme autorités organisatrices et un éventuel désengagement de l’État. Là encore, nous pourrions comprendre les craintes de nos collègues du groupe CRC, mais nous sommes, comme eux, dans l’attente de l’examen du projet de loi de développement des solidarités territoriales et de la démocratie locale ! (Sourires sur les travées du groupe CRC.)

Chacun l’aura compris, sur cette proposition de résolution, notre groupe politique votera défavorablement. Ce texte ne nous a pas surpris, le groupe CRC restant fidèle à la ligne politique qui est la sienne.

D’un point de vue strictement personnel, je voudrais préciser qu’il me semble impératif, avant toute démarche législative, de remettre à plat les sujets sociaux et d’organisation du travail à la SNCF, aussi bien dans l’intérêt des agents que dans celui de l’entreprise, en particulier pour son rayonnement à l’international. Keolis a montré la voie. Pourquoi ne pas s’en inspirer ?

M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas.

M. Vincent Capo-Canellas. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je vous prie tout d’abord d’excuser mon retard. Il se trouve que le RER B était bloqué. Les motos taxis sont un secours intéressant dans ce cas ! (Sourires.)

J’évoquerai d’abord la méthode et le calendrier. Nous avons déjà examiné hier en commission du développement durable une proposition de résolution sur le quatrième paquet ferroviaire. Nous revenons aujourd'hui sur ce sujet en séance.

Monsieur le ministre, vous avez annoncé aux cheminots, il y a près d’un an déjà, la réforme du système ferroviaire. Peut-être était-ce un peu imprudent au regard du calendrier ! Par ailleurs, nous attendons de Bruxelles le quatrième paquet ferroviaire. Si vous me permettez une taquinerie, votre projet de loi prend l’allure d’un fantôme ! En effet, le calendrier est mouvant, et je comprends l’impatience des cheminots, qui, après plusieurs annonces, se trouvent confrontés à des échéances sans cesse repoussées.

Il était sans doute habile de découpler la réforme des retraites et cette délicate affaire de la réforme du rail, mais attention à ne pas trop décaler l’obstacle !

La proposition de résolution de nos collègues du groupe CRC témoigne d’ailleurs de l’impatience du monde cheminot. Encore faut-il saluer la modération des auteurs de ce texte. Je relève en effet avec une certaine malice que, dans l’exposé des motifs, le mot « grève » n’arrive qu’au cinquième paragraphe, tandis que la notion d’organisation syndicale majoritaire apparaît au dix-neuvième paragraphe. Toutefois, l’essentiel est dit au onzième paragraphe, avec le terme de « moratoire », dirigé à l’encontre de Bruxelles et non de vous-même, monsieur le ministre !

Au demeurant, si mes collègues du groupe CRC ont fait preuve d’une certaine modération lors de la rédaction de l’exposé des motifs de cette proposition de résolution, il n’en va pas de même concernant le texte déposé par notre collègue M. Roland Ries.

Comme je l’ai dit hier à notre excellent collègue, le système de mise en concurrence qu’il prône est cousu de fil blanc, puisque la SNCF pourrait candidater à tous les lots ! Sans compter que le projet de loi que je viens de qualifier de « fantôme » est bel et bien annoncé dans sa proposition de résolution. Ainsi, puisque notre collègue est capable de nous décrire le contour de ce texte au cordeau, pourquoi ne pas nous le dévoiler dans quelques secondes ? Donnez-nous-en une version qui nous permette de travailler ! On gagnerait du temps et on lèverait sans doute utilement un certain nombre d’ambiguïtés. (Sourires.)

Pour introduire ce sujet, j’insisterai sur notre attitude, dont les mots d’ordre doivent être lucidité et adaptation.

Gardons-nous bien d’adopter une attitude défensive vis-à-vis de l’Union européenne. Je ne voudrais pas que nous donnions toujours le sentiment de ne vouloir appliquer les normes européennes que contraints et forcés. Afficher quasi systématiquement notre désaccord avec les objectifs n’est pas la bonne méthode ; il vaudrait mieux discuter clairement des modalités.

Je comprends l’inquiétude du monde cheminot. Bien évidemment, le dialogue social est la clef, mais s’adapter est plus que nécessaire. Quand Bruxelles nous alerte pour nous signifier que nous risquons de ne pas être prêts pour l’ouverture du système ferroviaire à la concurrence, nous nous disons qu’il faut véritablement passer à la vitesse supérieure, que la SNCF doit s’adapter pour être enfin prête à cette évolution. La repousser toujours dans les esprits, ce n’est pas rendre service aux cheminots, bien au contraire.

L’ouverture de notre système ferroviaire à la concurrence doit être préparée. En achevant un espace ferroviaire unique en Europe, ce quatrième paquet a bien évidemment comme objectif majeur de construire l’Europe du rail, de faciliter les déplacements sur tout le continent et de développer l’offre de transport ferroviaire.

Cet ensemble de directives et de règlements contient en effet de nombreuses dispositions qui répondent à ces objectifs. Concentrons-nous sur ce point. Avancer vers l’interopérabilité des systèmes ferroviaires sous le contrôle d’un régulateur indépendant est un élément essentiel du marché ferroviaire unique européen.

Pour la raison que vous savez, je n’ai pu entendre que la conclusion du propos de Francis Grignon. Je partage l’essentiel de son point de vue sur cette nécessaire adaptation. En particulier, sujet délicat, faut-il, ou non, permettre de procéder à l’avenir à des embauches hors statut ? Sans doute cette question est-elle quelque peu provocatrice, mais elle doit être posée : les coûts pourront-ils continuer à être de 30 % supérieurs à ceux du marché ? Le cas échéant, nous risquerions d’être hors jeu, ce qui ne serait pas rendre service aux cheminots : si nous restions en dehors des prix du marché, c’est l’emploi qui s’en trouverait pénalisé.

Nous devons faire face à de nombreux problèmes, en particulier celui de l’endettement, particulièrement préoccupant, qui n’a pas été résolu. L’ouverture du trafic de voyageurs à la concurrence nous obligera à les régler rapidement si nous voulons être au niveau des autres opérateurs européens. De même, l’amélioration de la performance globale du réseau et de la productivité des acteurs du ferroviaire est indispensable ; nous ne pourrons pas la repousser indéfiniment.

L’ouverture à la concurrence est sans doute inéluctable ; mieux vaut s’y préparer lucidement, avec le monde cheminot. Le vrai courage, aujourd’hui, c’est inviter à ces adaptations et non les contourner. Elles sont certes douloureuses, mais c’est l’avenir du système ferroviaire qui est en cause. Il ne faut pas toujours s’y opposer ; au contraire, il importe d’en négocier les modalités d’application. Monsieur le ministre, cela doit être votre maître mot à Bruxelles. Je ne voudrais pas que vous vous retrouviez dans cette situation bizarre qui verrait le quatrième paquet éventuellement contredire le futur projet de loi que vous allez nous soumettre. Après avoir attendu si longtemps, ce serait dommage…

Il est nécessaire que soient entreprises les réformes permettant une amélioration de la performance de l’opérateur historique, une optimisation de l’offre de transport ferroviaire et une efficacité accrue de l’organisation du travail. C’est ce sur quoi il faut maintenant se concentrer. La réforme, centrée sur la gouvernance, aborde peu ces questions. Il faudra y revenir.

Monsieur le ministre, s’agissant de cette réforme de la gouvernance, vous savez le scepticisme que m’inspire un système à trois acteurs. Je crains que l’un des trois ne soit une coquille vide et que, finalement, au lieu d’avoir deux entreprises ayant tendance à se tirer quelque peu le maillot, on en ait trois qui se disputent. J’espère que vous pourrez nous rassurer sur ce point, parce que les cheminots n’attendent pas de nous que nous élaborions un système complexe, illisible et inefficace, pour eux comme pour nous.

Les enjeux sont forts : la ponctualité, le confort, le service et le prix acquitté par les voyageurs. Monsieur le ministre, je vous remercie des éclairages que vous pourrez nous apporter. Nous attendons beaucoup de vos réponses.