M. Jean-Jacques Lasserre. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, le sujet dont nous débattons ce soir revêt une importance significative pour de nombreux territoires, touchés par des inondations dans un passé proche ou plus lointain.

Certes, en matière d’inondations, des dispositifs existent pour gérer la crise et l’après-crise ; mais, comme l’a très bien montré la mission commune d’information, des lacunes existent sur les plans de la prévention et du financement de la gestion des risques.

Tous les départements, ou presque, ont connu un jour cette catastrophe naturelle aux conséquences dramatiques sur les plans humain, matériel, moral et financier.

Il importe de réfléchir, notamment, à l’articulation des rôles de chaque niveau de collectivités territoriales et aux obligations auxquelles devraient se conformer les collectivités, en matière d’assurances, de création de fonds spécifiques, etc. La proposition de loi prévoit une meilleure implication des collectivités locales ; nous souscrivons à cet objectif.

Je tiens à saluer le travail de Pierre-Yves Collombat et de ses collègues du groupe RDSE ayant cosigné cette très judicieuse proposition de loi. Je salue également le travail de Louis Nègre, qui a brillamment présidé la mission commune d’information sur les inondations survenues dans le Var et, plus largement, dans le sud-est de la France en 2011, dont le rapport a fortement inspiré la proposition de loi.

La commission du développement durable a supprimé une grande partie des articles, en particulier les articles 1er à 5, 13 et 14, portant sur l’articulation des rôles entre les collectivités territoriales. Ils étaient en effet redondants, dans la mesure où le sujet a déjà été traité dans le cadre de la discussion du projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles.

Je souhaiterais néanmoins aborder rapidement cette problématique, qui reste vaste et délicate, à la lumière de mon expérience locale. En juin dernier, en effet, des inondations ont touché les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques.

Il me semble que le transfert des ouvrages aux collectivités territoriales est extrêmement contraignant pour celles-ci. Or les inondations, à un certain degré de gravité, réclament, dans tous les cas, la mise en jeu de la solidarité régionale et nationale, ainsi que, le plus souvent, des engagements financiers aussi importants que conjoncturels. Dans ces conditions, je considère que ce transfert ne doit pas être synonyme de désengagement !

Les inondations n’ont pas toutes la même cause et les mêmes caractéristiques, selon que l’on est sur le littoral, en bordure de fleuve ou de rivière torrentueuse. Dans certains cas, il est quasiment impossible d’intervenir contre les inondations ; dans d’autres, les plus fréquents, les inondations résultent de négligences répétées et durables, notamment dans l’entretien des ouvrages de protection.

Un transfert linéaire, régulier, selon des lignes budgétaires annuelles est, à mon sens, une réponse forte, mais partielle, au problème posé. De fait, nous connaîtrons toujours des cas de figure exceptionnels, qui nécessiteront un appel à la solidarité nationale.

Nous avons connu voilà peu, dans le Sud-Ouest, une crue dévastatrice, qui a littéralement saccagé les Hautes-Pyrénées et les Pyrénées-Atlantiques. Cet événement à caractère exceptionnel, d’une ampleur dépassant largement l’échelle départementale ou intercommunale, ne pouvait que relever de la solidarité nationale. Ainsi, dans de nombreux cas, une approche nationale est nécessaire et doit être adoptée. L’inondation très médiatisée de la grotte de Lourdes en a été un exemple emblématique. Le maire de la ville a bien résumé la situation, déclarant : « Nous ne pouvons rien faire, la situation est exceptionnelle. »

Cela étant, même dans les situations où le recours à la solidarité nationale s’impose, le rôle du maire et des acteurs locaux, fort bien évoqué aux articles 9 et 10 de la proposition de loi, demeure bien entendu primordial. Le travail d’équipe des élus locaux et de l’État, incarné notamment par le préfet, est essentiel pour conduire les opérations de résolution de crise.

L’article 12 de la proposition de loi s’inscrit également dans cette perspective, puisqu’il vise à instaurer une commission de suivi des opérations liées à l’après-crise, présidée par le préfet. Ce dernier doit donc sans cesse renforcer ses liens avec les élus locaux, afin de faire le relais entre le terrain et le niveau national.

Je souhaite aussi évoquer brièvement l’article 8 de la proposition de loi, qui tend à modifier les conditions de représentation des élus au sein des organes délibérants des comités de bassin et des agences de l’eau, afin de les rendre majoritaires, ce qui nous paraît extrêmement opportun. Je me permets de rappeler l’importance des agences de l’eau, dont le projet de loi de finances pour 2014 prévoit de ponctionner le fonds de roulement à hauteur de 210 millions d’euros, ce qui induira une réduction de leurs marges de manœuvre et de leur champ d’intervention. Il faut à tout prix sauvegarder ces beaux outils que sont les agences de l’eau.

Je souhaite aborder une autre question importante, celle de l’assurance. Faut-il la rendre obligatoire ? Convient-il de généraliser l’obligation d’assurance permettant d’asseoir la garantie des catastrophes naturelles ? Pour ma part, je serais tenté de me rallier à la proposition de la commission, mais n’oublions pas que les assurances, pour la réparation de dommages engendrés par des intempéries, sont à mon sens le seul moyen de solidarité et de péréquation nationales. En effet, c’est bien l’effort consenti par chaque assuré qui constitue le fonds national. Je sais que cette question fait débat ; si j’y insiste, c’est parce que l’assurance est aussi le gage de la solidarité et de la responsabilisation de l’ensemble des citoyens.

Par ailleurs, soulignons-le, quel que soit le type de dommages, le coût de la prévention des risques est souvent inférieur à celui de la réparation des dommages et de l’indemnisation des sinistrés.

Quant à l’article 21 du texte, il visait à opérer un transfert de charges du régime des calamités agricoles vers celui des catastrophes naturelles. Sa suppression nous semble sage. En effet, les fonds de ces deux régimes étant insuffisants, il serait tout à fait prématuré, en l’état actuel des choses, d’envisager un quelconque transfert de charges.

Un autre sujet important, souvent évoqué par mon collègue Pozzo di Borgo, a trait aux risques de crue centennale en Île-de-France. Il s’agit d’une question vitale pour le Grand Paris. Il semblerait qu’elle soit envisagée sous l’angle de la gestion immédiate de la crise, alors qu’il conviendrait avant tout, là encore, de travailler à la prévention de celle-ci. Une réelle prise de conscience du risque, ou plutôt de l’étendue des conséquences de sa réalisation, est fondamentale.

Vous l’aurez compris, le groupe UDI-UC est favorable à cette proposition de loi et la votera. Nous comptons sur vous, madame la ministre, pour que ce texte, dont l’esprit est excellent et qui comble en grande partie une insuffisance incontestable, soit appliqué dans les plus brefs délais.

Pour résumer, nous considérons que l’adoption de cette proposition de loi constituera un réel progrès, car nous avons beaucoup à gagner à la clarification des responsabilités, à l’association beaucoup plus active des élus et des populations et au renforcement de la présence des élus dans les organes délibérants des agences de l’eau. Notre débat inachevé concernant les dispositions assurantielles est positif.

Nous voterons ce texte avant tout parce qu’il donne la priorité à la prévention, sous deux aspects : celui des indicateurs de risques de catastrophes, pouvant permettre de sauver des vies humaines, et celui de l’entretien vigilant des ouvrages de protection, notamment des digues, qui suppose des dotations budgétaires suffisantes et, je me risque à le dire, une attitude peut-être un peu plus dynamique et réaliste de l’administration. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et du RDSE. – Mme Virginie Klès applaudit également.)

M. le président. La parole est à Mme Évelyne Didier.

Mme Évelyne Didier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, la présente proposition de loi traduit les préconisations du rapport d’information sur la prévention des inondations adopté en septembre 2012 sur l’initiative de notre collègue Pierre-Yves Collombat.

Au cours du débat qui s’est tenu en novembre 2012, nous avions déjà fait part de nos fortes réserves sur ces préconisations. Depuis, le contenu de cette proposition de loi a été pour majeure partie intégré au projet de loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles : je pense notamment aux articles 1er à 5, qui constituaient pourtant le cœur du texte et dont l’objet était d’affirmer la compétence des communes en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, tout en précisant que la compétence devrait être exercée à l’échelon intercommunal.

Il s’agit une nouvelle fois d’entériner le désengagement de l’État de ses missions premières. Ce transfert de compétence est ainsi justifié par le fait que celui-ci n’assume plus ou assume mal ses missions depuis de nombreuses années.

Nous ne partageons pas cette philosophie. En effet, jusqu’à aujourd’hui, la gestion du risque inondation était partagée entre l’État, les collectivités et les citoyens, dans une logique de contractualisation.

Les principaux outils sont les PPRN, les plans de prévention des risques naturels, élaborés par les préfets en association avec les communes concernées et soumis à enquête publique, et les PAPI, les programmes d’actions de prévention contre les inondations, qui rassemblent les opérations contractualisées entre les collectivités et l’État. Il faut savoir que, aujourd’hui, au titre des PAPI, l’État refuse par principe de financer les opérations relevant des compétences obligatoires des communes, comme la mise en place des plans communaux de sauvegarde.

Nous craignons que la reconnaissance explicite de l’octroi de la compétence de prévention des inondations aux communes ne conduise à priver les collectivités d’un soutien financier de l’État. En témoigne d’ailleurs l’article 8, qui prévoit d’augmenter la représentation des élus locaux au sein des instances délibérantes des comités de bassin. Il s’agit a priori d’une bonne mesure, sauf qu’une telle montée en puissance se traduit par une baisse de la représentation de l’État. Parce que nous ne souhaitons pas une telle évolution, nous avons déposé un amendement sur ce point en commission.

Dans le même esprit, le transfert des ouvrages de prévention constitue à nos yeux un cadeau empoisonné aux collectivités. À ce propos, j’aimerais savoir si celles-ci ont été consultées et si elles savent ce qui les attend. Des conventions d’une durée de dix ans sont prévues, mais qu’en sera-t-il à l’issue de ce délai ? La responsabilité de la gestion de ces ouvrages peut s’avérer extrêmement lourde pour les collectivités territoriales. Ce transfert engendrera en outre une dépense importante – de l’ordre de 600 millions d’euros, selon certains calculs – pour les collectivités, qu’il s’agisse de la gestion des digues ou de l’entretien des cours d’eau non domaniaux.

Pour financer l’exercice de ces compétences, la rédaction initiale de la proposition de loi prévoyait la création d’une taxe, acquittée par les habitants des zones concernées. Nous continuons, pour notre part, de penser que la prévention des inondations relève de la solidarité nationale. Une telle mesure est par ailleurs contradictoire avec la volonté d’opérer une pause fiscale affirmée par le Gouvernement.

Par ailleurs, la généralisation des établissements publics territoriaux de bassin ne semble pas être une idée pertinente pour tous les territoires, au regard des fortes disparités territoriales constatées.

Quant aux dispositions relatives au régime des catastrophes naturelles, figurant dans les seuls articles restant finalement en discussion, elles sont très contrastées. Si certaines sont positives, notamment celles qui visent à permettre une meilleure association des maires à la gestion de crise ou celles qui portent sur l’accélération des indemnisations, d’autres le sont beaucoup moins.

On veut introduire beaucoup de nouveautés, alors même que toutes les propositions faites à la suite d’événements précédents n’ont pas été mises en œuvre jusqu’au bout. De la même manière, il a été fait peu de cas des outils issus de la loi Grenelle II, qui transpose pourtant la directive « inondation » de 2007.

Alors que le rapport d’information invitait à changer de paradigme en mettant au cœur de la prévention non pas la protection contre le risque, mais l’aménagement du territoire pour rendre celui-ci moins vulnérable, rien dans la proposition de loi ne relève d’une telle démarche. À cet égard, nous regrettons que la diminution continue des moyens humains au sein des préfectures ne permette pas de renforcer les contrôles de légalité sur les constructions en zones inondables. L’effectivité de ce contrôle est pourtant essentielle.

Force est de constater, au final, qu’aucune ressource budgétaire supplémentaire n’est prévue pour financer la prévention des inondations. Dans ce cadre, nous regrettons notamment que la question du recentrage du fonds Barnier sur ses missions premières ne soit pas évoquée.

Quant à la création du fonds qui était prévue à l’article 14 et qui a finalement été intégrée dans la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, nous craignons que la sanctuarisation liée à l’inscription des crédits en loi de finances n’entraîne un effet de blocage de la dépense.

Cependant, nous estimons que le travail en commission a permis d’améliorer le texte, y compris par la prise en compte de nos propositions. En particulier, nous sommes satisfaits de la suppression de l’article 16, qui permettait aux communes de s’affranchir purement et simplement du respect du code des marchés publics. Nous nous félicitons également que l’idée d’instaurer un malus en matière d’assurance ait été abandonnée, sur notre proposition et celle du rapporteur. Un tel dispositif semblait peu efficace et fortement pénalisant.

Pour autant, nous avons défendu en commission des propositions alternatives. Il s’agissait du dispositif relatif au régime des catastrophes naturelles préconisé par le groupe socialiste et soutenu dès 2005 par Nicole Bricq, qui nous paraissait plus simple et plus efficient. Malheureusement, le couperet de l’article 40 de la Constitution est tombé, ce qui ne nous permet pas d’y revenir.

Au fond, nous estimons qu’il est important de reconsidérer la place de l’État dans la prévention des inondations et le régime des catastrophes naturelles. L’État est supposé garantir la sécurité des personnes et des biens contre les éléments naturels, mais il est aujourd’hui évident que ce sont bien les collectivités qui l’aident à s’acquitter de ses missions, et non l’inverse. Cette proposition de loi en prend simplement acte.

Les charges et responsabilités ont été reportées sur les collectivités locales, qui ont par ailleurs subi la lente érosion du soutien de l’État par l’agonie de l’ingénierie publique. De manière factuelle, cette initiative parlementaire se heurte clairement au calendrier gouvernemental. En effet, la présente proposition de loi est débattue au moment même où une concertation est menée par le Gouvernement en vue de l’élaboration d’une stratégie nationale de gestion des risques d’inondation. Nombre d’associations d’élus ont donc souhaité que soit suspendue l’adoption de mesures législatives, dans l’attente de l’aboutissement de ces consultations, qui ne saurait tarder. C’est le sens de la position commune arrêtée en octobre par treize associations nationales de collectivités territoriales. Parce que nous partageons cette volonté de respecter la concertation aujourd’hui en cours, nous nous abstiendrons sur ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, si le mot « inondation » est, pour beaucoup, associé aux adjectifs « subite », « ponctuelle » et « aléatoire», il est inscrit, pour d’autres, en filigrane de la plupart des volets de la vie publique locale.

Les travaux de la mission commune d’information ont permis de le souligner : eu égard à l’ampleur et à la récurrence de l’aléa, les habitants du département du Gard, du représentant de l’État au citoyen, de l’élu local à l’entrepreneur, se sont forgés depuis un quart de siècle une culture du risque.

Cette culture a en quelque sorte permis de pousser jusqu’à ses limites vertueuses un modèle empirique. Mais l’expérience et le retour d’expérience trouvent leurs limites en l’absence d’environnement législatif et réglementaire adapté.

Cette culture s’est imposée par la force des réalités. Non seulement les collectivités touchées ont de facto la charge d’inventer la prévention et la protection, mais elles ont aussi celle de frapper à toutes les portes pour tenter de les financer.

Dans ces conditions, comment s’étonner que beaucoup voient en l’État non plus le grand aménageur du territoire qu’il fut, mais un simple service administratif censeur, au mieux un « contrôleur des travaux finis » ? Si bien que, dans chaque commune de France concernée, le document des documents en la matière, le PPRI, a pris le statut de « livre maudit ». La protection et la prévention des risques devraient repousser les frontières pour les hommes, pour l’économie ; au lieu de cela, elles les figent. Aujourd’hui, l’administration, se fondant sur le principe de précaution, ouvre – soit dit sans jeu de mots – un parapluie tellement grand qu’il ne pousse plus rien sur nos territoires…

S’il est un domaine où l’existence de cet état d’esprit apparaît en pleine lumière, c’est bien celui qui est abordé au travers de cette proposition de loi. La mission commune d’information l’a souligné, nous sommes bien loin des Pays-Bas, en termes non seulement de méthode, d’investissements et de moyens mobilisés, mais aussi et surtout de philosophie et d’objectifs.

Protéger pour mieux vivre, protéger pour développer l’activité : voilà ce qu’il faudrait faire. Quand, aux Pays-Bas, on construit la croissance à l’abri des digues et des polders, nous décrétons le désert !

Nos PPRI font fi des investissements réalisés. Ils ne semblent avoir d’autre objet que de garantir leurs auteurs contre toute mésaventure judiciaire. Ce n’est pas comme cela que l’on mobilise les énergies.

Le pire, c’est qu’avec ces postures systématiques de précaution mal évaluées, on n’encourage pas l’investissement pour la protection. En revanche, on en rajoute à l’atonie d’un pays sans envie, sans projet.

Ce constat amène à poser un problème de fond. Je regrette que l’on légifère pour attribuer formellement, au plus tard le 1er janvier 2016, aux intercommunalités la responsabilité en matière de gestion des milieux aquatiques et de prévention des inondations, comme prévu aux feus articles 1er et 5, intégrés à la loi de modernisation de l’action publique territoriale et d’affirmation des métropoles, mais que, par ailleurs, nous maintenions la prééminence étatique en matière d’urbanisme, ou plutôt d’interdictions urbanistiques, donc économiques.

D’un côté, on fait confiance aux élus pour sauver le vivant et la richesse ; de l’autre, on leur refuse tous les moyens de développer celle-ci. On leur donne des véhicules juridiques intéressants pour agir, comme aux feus articles 3 et 4, on va même jusqu’à leur permettre de lever une taxe dédiée, « la taxe pour la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations ».

À cet égard, je me demande si cette taxe, même plafonnée à 40 euros par foyer ou par entreprise et hypothétiquement compensée par la baisse des primes d’assurance, n’est pas un cadeau empoisonné en cette période. Mais soit, si c’est pour un gain d’efficacité et un surcroît de financement de travaux colossaux qui ne peuvent être envisagés qu’au travers d’un plan pluriannuel d’investissement ; soit, si effectivement le fonds de prévention des risques naturels majeurs demeure une ressource accessible aux élus pour le financement des études et, accessoirement, des travaux.

Pour autant, pour faire pendant à cette confiance placée en les élus pour agir, édifier, protéger, il faudrait leur faire confiance en matière de droit des sols. Or je crains que les dispositions de l’article 7 associant les collectivités territoriales et les EPCI à l’élaboration du PPRI, aussi louables soient-elles, ne restent vaines en termes de résultats. Pas un maire de mon département n’a échappé aux affres de l’élaboration de son PLU, alors que c’est le maire, dans ce cas, qui est censé avoir la main.

Alors, ne parlons pas d’une procédure strictement étatique comme l’élaboration du PPRI. D’ailleurs, sur un plan plus formel, voilà vingt ans, le décret du 5 octobre 1995 définissant la procédure d’élaboration des plans de prévention des risques formalisait déjà la consultation des collectivités par avis du conseil municipal et celle des populations par enquête publique. On sait ce qu’il en est ! Dans l’immense majorité des cas, en vérité, l’amélioration concrète et réelle de la situation due aux investissements lourds n’est pas prise en compte in fine par les préfets lors de la signature de l’arrêté, quel que soit le niveau de concertation tout au long de la procédure d’élaboration. On retrouve grand ouvert le fameux parapluie ! Il y a donc un chemin à parcourir pour que la peur des uns ne pétrifie pas le territoire des autres.

Dans nos communes, nos départements et nos régions, pour la prévention comme pour la protection, il y a des actes, beaucoup d’actes. Il en est ainsi en tout cas dans le Gard, à Nîmes, à Alès, à Beaucaire, à Sommières, dans le Gard rhodanien, dans les Cévennes ou la Petite Camargue : on s’y livre à de vrais sprints tant l’énergie des équipes et la mobilisation des finances sont fortes, à des courses contre la montre aussi, parce que chaque année pèse sur nos communes la récurrence de l’aléa. Mais ces sprints se disputent sur des distances marathoniennes, et ces contre-la-montre sur le long terme. Des œuvres de grande ampleur sont menées, comme à Nîmes depuis vingt ans, comme dans le Gard rhodanien et la Petite Camargue depuis dix ans, mais il n’existe aucune perspective pour repousser les frontières.

Il y a des démarches expérimentales, il y a un creuset de réflexion au sein des collectivités, il y a même des comités de pilotage, mais notre République cartésienne peine à élaborer une politique générale.

La diversité des traitements appropriés aux différents types de bassins, de submersions ou d’aléas ne change rien à la nécessité, pour ceux qui en ont la charge, de s’appuyer sur un corpus commun. Pour autant, l’absence de politique générale pourrait très bien trouver un terme non pas du fait de l’État, mais de l’Europe. La directive « inondation » trace une voie commune en termes de méthode et d’outils ; on peut la critiquer, elle perturbe parfois les dispositifs locaux en place, mais elle a au moins le mérite d’obliger la France, comme les autres pays, à s’organiser partout sur son territoire, à partir d’une cartographie établie. Le présent texte la complète opportunément.

S’agissant de la seconde partie de la proposition de loi, relative au traitement des crises, je suis bien placé pour vous dire que, dans mon département, l’organisation est bien rodée. Il est proposé d’inscrire dans la loi que le maire est l’interlocuteur des services de l’État, devant être informé en temps et en heure des moyens mis en œuvre : c’est une mécanique qui, lorsqu’elle est pratiquée régulièrement, comme c’est le cas dans le Gard, entre naturellement dans les habitudes de tous les protagonistes ayant à gérer ces événements exceptionnels.

Tels sont les éléments que je souhaitais apporter à la discussion du texte. Les collectivités dont le territoire est exposé au risque d’inondation ont des responsabilités particulières, certes, mais elles doivent conserver toute latitude pour organiser leur développement, en contrepartie des efforts qu’elles consentent pour mettre à l’abri les biens et les personnes.

Au-delà du texte de loi – ou en deçà, devrais-je plutôt dire –, nombre des vingt-deux propositions de la mission commune d’information relèvent d’actes réglementaires, parfois de simples comportements de l’administration à l’égard des acteurs de terrain : ces maires, ces conseillers généraux, ces présidents d’EPCI qui attendent avec impatience une évolution de la perception par l’État du risque, l’apparition d’une autre culture du risque.

En conclusion, je ne peux qu’être favorable à ce texte, qui va vraiment dans le bon sens. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Maurice Antiste.

M. Maurice Antiste. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, le sujet qui nous occupe aujourd’hui est la prévention des inondations et la protection contre celles-ci. Nous ultramarins connaissons bien ces problèmes, car ils sont récurrents et constituent une préoccupation majeure en Martinique et en Guadeloupe, où les risques naturels sont plus nombreux et plus dangereux qu’ailleurs.

Ainsi, le risque d’inondation est élevé aux Antilles, puisque les pluies y provoquent des crues rapides, violentes et de courte durée. En outre, le risque de mouvements de terrain est présent à des degrés divers : certaines zones à risque sont connues, d’autres sont plus délicates à repérer. De plus, les risques naturels dans les DOM pourraient s’aggraver à l’avenir, car le changement climatique est susceptible d’entraîner une élévation du niveau de la mer et un accroissement de l’intensité des tempêtes et des cyclones.

C’est pourquoi la proposition de loi relative à la prévention des inondations et à la protection contre celles-ci m’apparaît comme un texte majeur. Je salue la prise en compte de cette problématique au travers de la double perspective de la prévention et de la protection.

Concernant la prévention, je souhaite souligner que, aux Antilles, sur le plan juridique, nous sommes confrontés à des interprétations contradictoires des dispositions combinées du code général de la propriété des personnes publiques et du code de l’environnement.

Par exemple, les termes des articles L. 2124-11 et L. 2111-9 du code général de la propriété des personnes publiques et L. 215-14 du code de l’environnement donnent à penser que l’entretien des berges des cours d’eau domaniaux est à la charge de l’État, puisque celui-ci est responsable de l’entretien du lit aux rives et que les berges relient le lit aux rives. Or ces éléments sont en contradiction avec l’article L. 215-14 du code de l’environnement, aux termes duquel « le propriétaire riverain est tenu à un entretien régulier du cours d’eau ».

Sur cette base, les services de l’État refusent d’intervenir pour l’entretien des berges des cours d’eau domaniaux. Ainsi, il n’existe pas de plan de gestion assorti d’une fréquence régulière d’entretien pour les cours d’eau domaniaux en Martinique. C’est pourquoi il est indispensable que le préfet ait les moyens d’organiser les interventions régulières de l’État pour l’entretien des cours d’eau domaniaux.

Par ailleurs, les spécificités géographiques ne sont pas non plus prises en compte sur le plan juridique. Par exemple, il n’y a pas de fleuve aux Antilles. La définition jurisprudentielle – et, à terme, réglementaire – des cours d’eau – présence d’un lit naturel et d’un débit suffisant la majeure partie de l’année – exclut donc d’office les ravines insulaires du champ réglementaire. Or la prise en compte de leur entretien et de leur aménagement est capitale pour la gestion des « cours d’eau » dans un espace insulaire caribéen soumis à des pluies parfois violentes et sporadiques à la fois, d’autant que, en Martinique, les bassins versants sont relativement petits et souvent pentus en amont, ce qui accroît l’érosion.

Il importe donc d’ajuster la définition pour que les ravines soient considérées comme des cours d’eau. Cette qualification représente un enjeu essentiel pour les Antilles, surtout sur le plan financier.

En effet, l’entretien des cours d’eau non domaniaux et les travaux de protection sont à la charge des riverains. Ceux-ci, faute de moyens suffisants, se retournent vers les communes, qui, souvent, ne sont pas en mesure d’agir. Alors, les riverains interviennent de façon inappropriée dans le lit des rivières.

Enfin, concernant le volet relatif à la protection, il m’apparaît utile, à ce stade, de formuler des remarques sur le chapitre II, intitulé « Dispositions relatives à la gestion de la crise, à la réhabilitation et à l’indemnisation ».

L’article 10 prévoit, à bon escient, le renforcement de la mission des réserves communales de sécurité civile. Compte tenu de notre insularité, la faculté de recourir à une réserve revêt une importance cruciale.

Toutefois, trois points méritent d’être clarifiés.

D’abord, il faudrait prévoir l’affectation de moyens financiers spécifiques à la création et à la gestion de ces réserves, qui voient leur rôle renforcé.

Ensuite, la formule « dès que la probabilité de survenance d’un événement calamiteux exceptionnel est forte » pourrait à mon sens être remplacée par les mots « dès que des événements excédant les capacités des moyens disponibles ». Ainsi, l’élu disposerait d’une plus large possibilité de faire appel à la réserve.

Enfin, s’il est intéressant de légitimer la mutualisation des moyens entre communes, il convient de préciser l’autorité de commandement, le champ de la responsabilité des réserves et la prise en charge de leur couverture en cas de problème.

Telles sont les propositions que je formule pour enrichir ce texte que je considère de bonne facture. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Michel Houel.

M. Michel Houel. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens tout d’abord à saluer le travail accompli par nos collègues Pierre-Yves Collombat, auteur de cette proposition de loi, et Louis Nègre, rapporteur.

Selon l’ONU, un milliard de personnes vivent dans des zones exposées aux inondations et leur nombre devrait doubler d’ici à 2050, cela sans prendre en compte la multiplication des événements extrêmes résultant du changement climatique.

Nous le savons, le principal risque naturel, en France, c’est le risque d’inondation. L’agglomération parisienne est, économiquement, la région la plus menacée de notre pays.

Élu de Seine-et-Marne et président du syndicat intercommunal du Grand Morin depuis vingt-quatre ans – c’est essentiellement à ce titre que je m’exprime ce soir à cette tribune –, j’ai déjà mis en œuvre à peu près toutes les mesures prévues dans cette proposition de loi. Sachez, mes chers collègues, que cela fonctionne bien et que nous obtenons des résultats.

Au cours des siècles, les débordements de la Seine et de ses affluents ont régulièrement dévasté la capitale et ses abords. Nous avons tous en mémoire les photographies de la grande crue de 1910, mais sommes-nous capables d’imaginer aujourd’hui les conséquences qu’aurait une inondation de ce type dans une agglomération dont l’importance, le nombre d’habitants et la complexité ne cessent de croître ?

On évalue à 20 milliards d’euros les dommages directs qu’engendrerait une crue majeure dans l’agglomération ; ce montant double si l’on ajoute les dommages indirects. Des millions de personnes seraient touchées, en particulier par l’interruption des services publics et l’incapacité des entreprises à poursuivre leur activité. Cela ne concernerait pas seulement les zones inondées ! Au-delà de la seule agglomération parisienne, c’est l’économie tout entière de notre pays qui pâtirait durablement. Il s’agit là de l’exemple que je connais le mieux, mais nous avons assisté à des drames dans d’autres régions de France.

Nos collectivités subissent de plein fouet, depuis plusieurs années, la crise. Aussi tout euro dépensé doit-il être un euro utile. La sécurité publique, la sécurité matérielle et économique ont un coût qui peut paraître élevé, mais il n’est rien en comparaison de l’argent qu’il faut débourser après qu’une catastrophe naturelle s’est abattue sur un territoire mal préparé.

Alors, mieux vaut prévenir que guérir, et nous devons nous donner les moyens d’atténuer dès aujourd’hui les conséquences de crues dont on sait qu’elles peuvent survenir à tout moment.

Depuis 1955, la Seine et ses affluents sont à peu près calmes, ce qui a pour conséquence une sorte d’amnésie collective du risque d’inondation. Or, on a également tendance à l’oublier, après une inondation, l’herbe est plus verte, si j’ose dire !

Gouverner, c’est prévoir. Mettre en place les dispositifs pour former, informer et prévenir relève de notre responsabilité collective. Seule une meilleure prévention des risques permettra de réduire la facture laissée par ces événements exceptionnels sur les populations et leurs activités. Il faut donc réduire la vulnérabilité des villes et des villages face à ces catastrophes naturelles.

L’inondation est pourtant inscrite historiquement dans le fonctionnement des sociétés riveraines. Les crues étaient même acceptées en Camargue au milieu du XIXe siècle. De même, de nombreuses civilisations ont prospéré à partir des effets positifs des inondations. Souvenez-vous du Nil, des années de vaches maigres et des années de vaches grasses !

Fermons cette parenthèse qui visait à affirmer que les crues sont des phénomènes naturels qu’il faut apprendre à gérer ; nous devons tous, collectivités locales, société civile, État, unir nos efforts et agir ensemble pour prévenir les risques.

Le syndicat que je préside et qui regroupe vingt-cinq communes a mis en place un système de vigilance et d’alerte. Il a été l’un des premiers à instaurer la surveillance par téléalarme. Il faut dire que le Grand Morin, qui est un affluent de la Marne, peut prendre soixante centimètres en l’espace de huit heures. Le système que nous avons établi permet d’évacuer rapidement vers la Marne le trop-plein. Le signal de la levée de vannes est initié par des balises situées à trois endroits stratégiques sur le cours d’eau. Elles sont reliées à une téléalarme, qui, lorsqu’une balise déclenche l’alerte, téléphone, quelle que soit l’heure du jour ou de la nuit, à un responsable, d’abord au président, puis aux vice-présidents, car il faut absolument lever les vannages de l’aval vers l’amont.

Grâce aux méthodes que j’ai appliquées, en douze ans, nous n’avons plus connu aucune crue,…

M. Louis Nègre, rapporteur. Bravo !