M. le président. La parole est à M. Jacques Mézard.

M. Jacques Mézard. Madame la garde des sceaux, j’ai bien entendu vos explications, d’ailleurs révélatrices du poids de la technocratie et de la bureaucratie dans notre pays : vous avez rappelé que des menaces de fermeture émanaient de l’administration.

Si l’on ferme, dans nos territoires, tous les services publics dans un rayon de 150 kilomètres, autant demander à la population de déménager ! Vous n’accepteriez pas, je le sais, une telle situation en Guyane, et c’est normal !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Je viens de vous dire que j’ai décidé de ne pas fermer la maison d’arrêt d’Aurillac !

M. Jacques Mézard. Certes, mais si l’on ne réalise pas un certain nombre de travaux de mise aux normes indispensables, la question se reposera tous les ans, quel que soit le garde des sceaux en fonction.

Je sais que vous tiendrez votre engagement, madame la garde des sceaux, mais il n’en reste pas moins que le problème demeure pendant. L’administration considère que notre dossier n’est pas prioritaire et espère bien atteindre in fine son objectif…

Je souhaite que le pouvoir politique affirme nettement son choix à l’administration et lui impose de réaliser les travaux nécessaires, qui ne sont d’ailleurs pas considérables. Telle est la réponse que j’attends.

reconstruction du centre pénitentiaire de bordeaux-gradignan en gironde

M. le président. La parole est à M. Gérard César, auteur de la question n° 600, adressée à Mme la garde des sceaux, ministre de la justice.

M. Gérard César. Ma question porte sur la situation du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan, en Gironde.

Bâtie en 1967, cette maison d’arrêt a plus de quarante-cinq ans. Initialement prévue pour accueillir 448 détenus, elle en compte aujourd’hui près de 700, soit un taux d’occupation de 155 %. Ce centre pénitentiaire est aujourd’hui le plus surpeuplé de l’inter-région.

À la suite de deux visites effectuées le 16 octobre 2008 et le 14 janvier 2009 par la commission consultative départementale de sécurité et d’accessibilité, celle-ci a émis un avis défavorable à la poursuite de son exploitation.

La non-conformité et la vétusté importante des bâtiments ont incité votre prédécesseur, madame la garde des sceaux, à décider de la fermeture du centre et à engager la construction d’un nouvel établissement sur le site existant.

La capacité d’accueil devait être de 589 places, dont 480 places pour les hommes, 40 pour les femmes, 30 pour les mineurs, 24 places dans le quartier d’accueil et d’évaluation et 15 dans le service médico-psychiatrique, auxquelles devaient s’ajouter 82 places dans les quartiers de semi-liberté.

Pour améliorer nettement la qualité de vie des détenus et permettre de meilleures conditions de travail aux personnels pénitentiaires, le projet prévoyait un encellulement individuel garanti à 95 %, ainsi que des quartiers d’hébergement dimensionnés à taille humaine et bénéficiant de davantage de lumière naturelle.

Il était également proposé d’augmenter les surfaces, afin d’offrir aux détenus plus d’activités socioculturelles, sportives, scolaires et professionnelles.

Par ailleurs, il devait favoriser l’accueil des familles des détenus et s’insérer parfaitement dans le site et l’environnement.

Madame le garde des sceaux, dans le cadre du plan triennal de rénovation des prisons, actuellement en cours, la poursuite de ce projet n’a pas figuré dans vos priorités.

Depuis 2010, la municipalité de Gradignan travaille sur ce projet avec le service de votre ministère qui s’occupe de la construction, à la fois pour rendre compatible le plan local d’urbanisme de la communauté urbaine de Bordeaux et pour favoriser un abaissement des bâtiments et la végétalisation du site.

Voilà plusieurs mois que les responsables syndicaux du site se plaignent d’agressions et dénoncent des conditions de travail particulièrement difficiles, tout en constatant de très mauvaises conditions de prise en charge des détenus, les cellules étant insalubres et inadaptées à l’accueil de deux, voire trois personnes.

En dépit de la qualité du travail et de l’engagement de la direction, ainsi que de l’ensemble des personnels œuvrant sur le site, la mise en place de conditions satisfaisantes de réinsertion reste difficile, d’où une situation préoccupante.

La construction d’un nouvel établissement dans les meilleurs délais est donc indispensable.

Aussi, je vous demande, madame la garde des sceaux, de me confirmer l’inscription de la reconstruction du centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan au plan triennal 2016-2018 de rénovation des prisons.

M. le président. La parole est à Mme la garde des sceaux.

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux, ministre de la justice. Monsieur le sénateur, vous avez raison de rendre hommage aux personnels de nos établissements pénitentiaires, en particulier à celui de Bordeaux-Gradignan. Ils ont, en effet, le sens du service public.

M. Gérard César. C’est vrai !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Ils assurent au quotidien un service de qualité, alors que leurs conditions de travail ne sont pas toujours satisfaisantes, même si nous nous employons à les améliorer.

Le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan a, selon mes sources, un taux d’occupation de 150 % et non de 155 %, mais nous n’allons pas « chipoter » : quoi qu’il en soit, c’est trop, et cette surpopulation carcérale n’est évidemment pas satisfaisante.

Vous le savez, des travaux ont été entrepris dans cet établissement en 2013, pour un montant de 500 000 euros, travaux comprenant une remise aux normes électriques, une consolidation des cuisines et un désenfumage des cellules du quartier disciplinaire.

Par ailleurs, dans le cadre du plan de sécurisation des établissements pénitentiaires que j’ai décidé, le centre de Bordeaux-Gradignan bénéficiera, à hauteur de 1 million d’euros, de travaux strictement réservés à la sécurisation.

Pour le reste, j’entends votre demande de construction d’un nouvel établissement. La fermeture du centre actuel et donc son remplacement n’ont effectivement pas été retenus dans le plan triennal en cours, mais je reconnais que, si le quartier des peines aménagées, ouvert en 2011, est en bon état, les bâtiments des autres quartiers sont fortement dégradés.

Du fait des contraintes budgétaires, je n’ai en effet pas pu retenir cet établissement parmi les priorités de l’actuel plan triennal. Mais il fera partie des centres examinés en priorité dans le cadre du prochain plan.

Pour preuve de cet engagement, qui n’a rien de désinvolte – je ne prends d’ailleurs jamais d’engagement désinvolte –, j’ai déjà demandé que des études d’emprise concernant un terrain soient engagées dans l’hypothèse où je retiendrai la construction d’un centre pénitentiaire, construction qui avait été effectivement prévue dans le passé, sous la forme d’un partenariat public-privé, mais sans que toutes les études nécessaires aient été réalisées.

Je suppose, monsieur le sénateur, que vous savez que ces études d’emprise sont en cours. Sinon, je vous ferai parvenir toutes les informations nécessaires.

M. Gérard César. Je suis au courant !

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Bien entendu, je ne manquerai pas de vous tenir informé de l’évolution du dossier et je veillerai à ce qu’aussi bien l’APIJ, l’Agence publique pour l’immobilier de la justice, que l’administration pénitentiaire vous communiquent au fur et à mesure les informations dont elles disposeront.

M. le président. La parole est à M. Gérard César.

M. Gérard César. Madame le garde des sceaux, je prends bonne note de vos observations, ainsi que de vos précisions concernant les enveloppes de travaux prioritaires, en vue de réduire la vétusté de ce centre pénitentiaire.

Précédemment, en réponse à la question de notre collègue Jacques Mézard, vous avez indiqué que vous étiez prête à organiser une réunion de travail pour parler de l’avenir de la maison d’arrêt d’Aurillac. Si vous en étiez d’accord, un groupe de travail similaire pourrait être mis en place pour le centre pénitentiaire de Bordeaux-Gradignan.

C’est indispensable. Avec un taux d’occupation aussi énorme que 155 %, les détenus ne peuvent pas être logés comme ils devraient l’être et, malgré la qualité du travail des surveillants et de la direction pénitentiaire, leur situation est inacceptable.

Peut-être pourrions-nous organiser cette réunion avec tous les acteurs concernés dans les prochains jours ?

Mme Christiane Taubira, garde des sceaux. Volontiers !

M. Gérard César. Je vous en remercie par avance.

M. le président. Mes chers collègues, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants, en attendant l’arrivée de M. le ministre chargé de l’économie sociale et solidaire et de la consommation.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures quarante, est reprise à onze heures quarante-cinq.)

M. le président. La séance est reprise.

transparence des frais de recouvrement de créance

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet, auteur de la question n° 580, adressée à M. le ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation.

M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, je souhaite attirer aujourd'hui votre attention sur la transparence des frais de recouvrement de créance.

Lors de l’examen en première lecture au Sénat du projet de loi relatif à la consommation, j’avais défendu un amendement visant à imposer de la transparence aux établissements bancaires en cas de recouvrement de créance sur le calcul des intérêts. Il avait pour objet de faire apparaître dans le décompte de la somme à recouvrer le détail du calcul des intérêts réclamés, composé du taux d’intérêt appliqué, de la somme sur laquelle il porte, ainsi que de la période sur laquelle ces intérêts sont décomptés.

Ainsi, les consommateurs, qui rencontrent très souvent des difficultés pour comprendre le détail de la somme à rembourser, pourraient enfin bénéficier d’une information claire et compréhensible. Cela permettrait également d’éviter les recouvrements abusifs sur le montant des intérêts.

Vous aviez alors émis un avis défavorable sur cet amendement, rappelant qu’un tel décompte était déjà prévu dans l’article R. 124-4 du code des procédures civiles d’exécution et que l’amendement était donc satisfait. Pour ma part, je ne pense pas que ce soit le cas. En effet, l’inscription du détail du calcul des intérêts n’y est pas précisée et n’est donc pas appliquée par les établissements bancaires.

Je tiens à souligner que cet amendement avait pourtant été adopté par le Sénat en décembre 2011, lors de l’examen, en commission, du projet de loi renforçant les droits, la protection et l’information des consommateurs, texte qui, comme vous le savez, n’a malheureusement pas pu aboutir.

Aussi, j’aimerais connaître les raisons pour lesquelles l’inscription du détail du calcul des intérêts en cas de recouvrement de créance n’est pas appliquée, et j’aimerais savoir si sa mise en place peut être envisagée, ce qui éviterait, je le répète, de nombreux abus et plus de transparence.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur le sénateur, la question que vous évoquez a effectivement donné lieu à de nombreux échanges lors de l’examen du projet de loi relatif à la consommation, voté cette nuit en deuxième lecture à l’Assemblée nationale, et je ne doute pas qu’elle sera de nouveau soulevée lors de la deuxième lecture au Sénat. Ce texte comporte des dispositions nouvelles qui font beaucoup parler d’elles, notamment celle sur le prix des lunettes, que nous voulons faire baisser, mais là n’est pas le sujet…

Vous m’interrogez donc – et je salue votre constance – sur la possibilité d’inscrire le détail du calcul des intérêts en cas de recouvrement d’une créance bancaire à la suite d’une rupture de contrat.

Je vais vous rappeler certains des arguments que j’avais avancés lors de la première lecture du projet de loi relatif à la consommation ici.

J’avais ainsi invoqué la partie réglementaire du code des procédures civiles d’exécution – l’article R. 124-4, que vous avez vous-même cité – qui précise que « la personne chargée du recouvrement amiable adresse au débiteur une lettre » contenant plusieurs éléments d’information, dont – au 3e de cet article – « le fondement et le montant de la somme due en principal, intérêts et autres accessoires, en distinguant les différents éléments de la dette, à l’exclusion des frais qui restent à la charge du créancier ».

Ce rappel des dispositions réglementaires en vigueur me paraît correspondre à votre préoccupation, car, en application de cet article, le détail du calcul de la créance bancaire doit bien être communiqué au débiteur dans le cadre d’une procédure de recouvrement amiable.

Indépendamment de cette information spécifique dans le cadre du recouvrement amiable, le débiteur reçoit une information régulière sur les frais bancaires qui lui sont appliqués et sur sa situation à l’égard de sa banque.

Ainsi, le relevé de compte transmis par la banque mentionne spécifiquement les frais prélevés, ainsi que, le cas échéant, le plafond de l’autorisation de découvert dont le client bénéficie. En cas de dépassement significatif qui se prolonge au-delà d’un mois, la banque doit informer le débiteur sans délai et par écrit du montant du dépassement, du taux débiteur et de tous frais ou intérêts sur arriérés qui lui sont applicables. C’est l’article L. 311-46 du code de la consommation.

Votre question me donne, de surcroît, l’occasion de rappeler que la loi de séparation et de régulation des activités bancaires prévoit que cette information sur les frais liés à un incident de paiement sera préalable à leur prélèvement, ce qui n’est pas le cas aujourd’hui.

Enfin, concernant les crédits renouvelables, l’emprunteur dispose également d’une information mensuelle très détaillée en vertu de l’article L. 311-26 du code de la consommation.

Globalement, il me semble donc que les textes en vigueur prévoient déjà une information adéquate du débiteur.

Cela n’enlève rien aux difficultés concrètes évoquées par les associations qui sont au contact des personnes en situation de difficulté financière. Vous savez que, sur ces sujets, de nombreuses dispositions ont été adoptées, notamment en ce qui concerne le plafonnement des frais dans le cadre de la loi de régulation et de séparation des activités bancaires ou sur l’encadrement des crédits à l’occasion du projet de loi relatif à la consommation.

Le groupe d’études auquel vous appartenez a contribué à trouver un équilibre. Je me réjouis que, cette nuit, cet équilibre n’ait pas été modifié au regard des recommandations formulées par plusieurs groupes qui ont travaillé sur la prévention du surendettement, le crédit à la consommation, l’encadrement du crédit renouvelable.

Nous avons, sur ces sujets, progressé. Mais les personnes en difficulté, qui sont souvent déjà désemparées par les courriers de leur établissement bancaire ou leur établissement de crédit, ont incontestablement davantage besoin de conseils que de nouvelles informations.

C’est le sens de la démarche engagée par le Gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale, avec les fameux « points conseils budget », auxquels les personnes en situation de difficulté financière pourront s’adresser afin de se faire expliquer les documents transmis par leurs créanciers et, le cas échéant, de bénéficier de l’aide d’un tiers de confiance qui pourra trouver une solution adaptée à leur situation.

Ces mesures s’ajouteront à la création du registre national des crédits aux particuliers qui nous permettra, dans un autre domaine, de mesurer la solvabilité de celles et ceux qui sollicitent un crédit pour leur éviter le crédit « de trop » et qui responsabilisera, cette fois, le prêteur et non pas simplement l’emprunteur.

Ces dispositions sont de nature à mieux protéger les personnes que leur situation financière rend parfois vulnérables face à leur établissement de crédit ou à leur établissement bancaire.

M. le président. La parole est à M. Henri Tandonnet.

M. Henri Tandonnet. Monsieur le ministre, je vous remercie de cette réponse : nous partageons le même objectif de transparence. Je reconnais que de très grands progrès ont été accomplis, et le projet de loi relatif à la consommation va encore permettre une avancée significative. Ce que je vous propose, c’est un peu plus de transparence sur ce qui peut apparaître comme un détail, à savoir le calcul des intérêts.

Ce calcul fait entrer trois inconnues qu’il est indispensable de bien préciser.

La première inconnue est le montant du capital sur lequel les intérêts portent et qui a servi de base à leur calcul, montant auquel les organismes de recouvrement ajoutent bien souvent celui des frais.

La deuxième inconnue est le taux retenu. Il peut ainsi s’agir du taux d’intérêt légal ou d’un taux d’intérêt conventionnel. Souvent, le taux est fixé après application des pénalités de retard.

La troisième inconnue est la période sur laquelle sont calculés les intérêts. Quand le débiteur paye par acompte, l’imputation des acomptes sur le capital et le calcul de la période à laquelle s’applique le taux d’intérêt sont essentiels.

Croyez-moi, monsieur le ministre, ayant quarante ans d’expérience professionnelle dans le domaine du recouvrement des créances, pour et contre les banques, je peux vous affirmer qu’il y a là une faille, situation à laquelle la transparence que vous essayez d’instituer – vous l’avez fort bien fait pour les frais bancaires – permettrait de remédier. Faire la transparence sur le calcul des intérêts, ce qui rassurerait tout le monde et éviterait des recouvrements abusifs sur des intérêts mal calculés, est de surcroît facile.

instauration d'une taxe européenne sur les transactions financières

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly, auteur de la question n° 544, adressée à M. le ministre de l'économie et des finances.

M. Dominique Bailly. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’ai souhaité ce matin attirer l’attention de M. le ministre de l’économie et des finances sur le projet de taxe européenne sur les transactions financières.

Ce projet a trouvé un aboutissement lors du conseil « économie-finances » du 22 janvier 2013, avec le lancement d’une coopération renforcée sur le sujet entre onze États membres, dont l’Allemagne.

La proposition de la Commission européenne prévoit que le dispositif concerne le marché des actions et obligations, au sein duquel chaque transaction serait taxée à hauteur de 0,1 %, et celui des produits dérivés, pour lequel serait appliquée une taxe à hauteur de 0,01 %.

La Commission européenne envisage une entrée en vigueur de cette taxe au cours de l’année 2014.

Au fil des derniers mois, les négociations entre les différents États membres ont fait apparaître des inquiétudes quant aux conséquences de la mondialisation induites en particulier par le principe de résidence, mais également sur l’impact économique de la taxe ou encore sur l’affectation des fonds récoltés, sans pour autant remettre en cause le principe même de ce prélèvement et de cette taxation.

Le gouvernement français, qui soutient le projet de taxe européenne sur les transactions financières, a également souligné qu’il convenait d’améliorer la proposition de la Commission européenne, afin de parvenir à une taxe qui ne nuise pas au financement de l’économie. En effet, les fédérations et associations professionnelles estiment que le dispositif, tel qu’il est présenté par la Commission européenne, pourrait conduire à des délocalisations massives d’activités et donc à des suppressionsd’emplois.

Monsieur le ministre, je vous demande donc de bien vouloir nous faire part des pistes de travail envisagées par le Gouvernement afin d’améliorer la proposition de la Commission européenne et ainsi permettre la mise en œuvre la plus rapide possible de cette taxation financière.

M. le président. La parole est à M. le ministre délégué.

M. Benoît Hamon, ministre délégué auprès du ministre de l'économie et des finances, chargé de l'économie sociale et solidaire et de la consommation. Monsieur Bailly, je vous prie d’abord de bien vouloir excuser l’absence de Pierre Moscovici, ministre de l’économie et des finances, qui m’a demandé de vous transmettre sa réponse.

La position de la France dans ce domaine a toujours été constante. Je vais rapidement en rappeler les termes.

Nous voulons une taxe ambitieuse sur les transactions financières à l’échelle des onze États qui participent à la coopération renforcée, et nous la voulons rapidement.

Nous avons tout fait pour cela ces derniers mois, et nous sommes au travail afin de faire aboutir ce projet, historiquement inédit à double titre : la première coopération renforcée en matière fiscale dans l’histoire européenne et la première taxe sur les transactions financières à grande échelle.

Je veux rappeler les faits : c’est la France qui, depuis l’élection de François Hollande, a ranimé le dossier « taxes sur les transactions financières », enlisé depuis plusieurs années. Nous avons obtenu que dix États membres se joignent à nous pour demander à la Commission de lancer la coopération renforcée.

Il est vrai, parce que cette initiative est nouvelle et qu’elle engage des enjeux de souveraineté, que les discussions prennent du temps. Il est également vrai que les élections en Allemagne et le temps de formation et de définition du mandat du gouvernement allemand ont pu retarder assez logiquement ce processus.

Pour autant, la position de la France n’a pas varié : elle promeut une taxe véritablement ambitieuse.

Si tout n’est pas parfait dans la proposition de la Commission, la position de la France sur ce sujet est constante et cohérente. Le ministre de l’économie et des finances a pu l’exprimer publiquement à de nombreuses reprises : le Gouvernement a, notamment sur la question de la territorialité, des réserves économiques. Des aménagements au projet de la Commission ont ainsi été demandés. Aucun État autour de la table, du reste, ne trouve parfaite la proposition initiale. La Commission y a elle-même apporté des améliorations chemin faisant. Le Parlement européen a adopté des résolutions qui recommandent d’autres améliorations.

Contrairement à ce que l’on peut lire ou entendre, l’avis du Conseil européen sur cette question de la territorialité ne condamne ni le principe d’une taxe sur les transactions financières en Europe ni la taxe française elle-même.

Dès lors, l’attitude de la France est on ne peut plus claire : nous sommes à pied d’œuvre aux côtés de l’Allemagne, qui a réaffirmé son attachement au projet européen de taxe sur les transactions financières, pour que ce formidable projet que nous avons relancé ensemble voie le jour et montre l’exemple au reste des pays de l’Union. C’est ce à quoi travaille le Gouvernement depuis ces derniers mois, avec nos partenaires, pour rendre la proposition de la Commission opérationnelle et économiquement efficace.

M. le président. La parole est à M. Dominique Bailly.

M. Dominique Bailly. Monsieur le ministre, je vous remercie de réaffirmer la volonté politique du Gouvernement de voir aboutir cette taxation financière au niveau européen. Je souhaite que l’année 2014 apporte cette réussite, car ce sera un élément politique important pour la construction européenne.

M. le président. Mes chers collègues, dans l’attente de l’arrivée de M. le ministre des outre-mer, nous allons interrompre nos travaux quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à onze heures cinquante-cinq, est reprise à douze heures.)

M. le président. La séance est reprise.

indemnité d'installation des fonctionnaires à saint-barthélemy

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, auteur de la question n° 579, adressée à M. le ministre des outre-mer.

M. Michel Magras. Monsieur le président, monsieur le ministre, chers collègues, le décret du 15 avril 2013 qui ramène de seize à six mois de traitement indiciaire l’indemnité de sujétion géographique des fonctionnaires et magistrats en poste à Saint-Barthélemy suscite l’inquiétude du corps enseignant.

Cette diminution importante aurait pu être lue à l’aune des contraintes budgétaires que nous connaissons, mais la fixation de la même indemnité entre dix et seize mois de traitement pour les fonctionnaires en poste à Saint-Martin soulève une incompréhension.

La collectivité de Saint-Martin est en effet voisine de seulement vingt kilomètres de Saint-Barthélemy, et, surtout, le coût de la vie y est nettement moins élevé.

À Saint-Barthélemy, les prix sont, au contraire, particulièrement élevés. Cela tient à de multiples raisons, parmi lesquelles la totale dépendance aux importations et l’étroitesse du territoire qui provoque une pression à la hausse sur l’ensemble des prix, y compris ceux de l’immobilier.

Dans ces conditions, la diminution de l’indemnité aura immanquablement pour effet d’alourdir mécaniquement les frais d’installation des enseignants qui seront affectés sur l’île.

De plus, la modification des conditions matérielles place les deux collectivités voisines en concurrence dès lors que, la demande d’affectation étant volontaire, les candidats risquent fort de favoriser le territoire le plus avantageux du point de vue matériel.

Le contexte économique de Saint-Barthélemy est déjà source d’une pénurie d’enseignants, ce qui a nécessité de recourir longtemps à des personnels contractuels, une situation que ces nouvelles règles indemnitaires ne feront qu’accentuer en l’absence d’un « amortisseur » financier.

Comme les enseignants ne bénéficient pas de logement de fonction, ils sont en réalité les seuls fonctionnaires d’État à être réellement impactés par la baisse de l’indemnité à Saint-Barthélemy. En effet, eu égard au niveau des prix pratiqués localement, le logement représente un poste de dépense fixe important.

Si les autres catégories de fonctionnaires d’État ne sont pas concernées, c’est parce qu’elles sont logées soit par l’État, soit par la collectivité elle-même, au titre d’une convention passée avec l’État antérieurement à l’entrée en vigueur du statut de collectivité autonome.

En outre, le décret précité fixe le même régime indemnitaire pour Saint-Barthélemy et Saint-Pierre-et-Miquelon, deux territoires qui ont en commun une faible population. Cela laisse donc penser que c’est le critère démographique qui a présidé à la révision du dispositif.

Or, à Saint-Barthélemy, du fait justement d’un faible poids démographique, le nombre de fonctionnaires qui pourraient être concernés reste limité. Dès lors, l’impact budgétaire d’un alignement de l’indemnité sur celle de Saint-Martin sera lui aussi limité. Aujourd’hui, sur 45 enseignants présents sur l’île, seuls 12 ont été bénéficiaires de l’indemnité dans ses modalités antérieures.

Enfin, cette réforme risque d’avoir pour autre effet de dissuader certaines catégories d’enseignants de postuler pour Saint-Barthélemy, ce qui, à terme, ne pourra qu’avoir des répercussions sur la diversité de l’encadrement pédagogique, pourtant nécessaire sur un territoire aussi exigu.

Je vous serais donc reconnaissant, monsieur le ministre, de m’indiquer si un réexamen intégrant davantage la réalité de la cherté de la vie peut être envisagé.