compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Léonce Dupont

vice-président

Secrétaires :

M. Gérard Le Cam,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quatorze heures trente.)

1

Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Débat sur la politique du Gouvernement en matière d’égalité du territoire

M. le président. L’ordre du jour appelle le débat sur la politique du Gouvernement en matière d’égalité des territoires, organisé à la demande du groupe du RDSE.

La parole est à M. Jacques Mézard, au nom du groupe du RDSE.

M. Jacques Mézard. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, comme vous avez pu le constater ces dernières années et ces derniers mois, notre groupe est particulièrement attaché à la mise en place effective d’une politique d’égalité des territoires et d’aménagement du territoire.

Depuis la fin de 2012, les appels des élus représentant nos collectivités territoriales, tous attachés au maintien des services publics de proximité, au lien social et au développement de ce que nous appelons l’égalité des territoires se multiplient.

Nombreux sont les débats sur l’aménagement et l’égalité des territoires qui se tiennent au Parlement, en particulier, au sein de la Haute Assemblée, dont je rappelle qu’elle est chargée, par la Constitution, de représenter les collectivités locales, donc les territoires, au moins encore pour quelques semaines… (Sourires sur les travées du RDSE, ainsi que sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. Jean-Claude Requier. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Comment ne pas rappeler l’adoption, ici même, le 13 décembre 2012, avec votre soutien, madame la ministre, et à l’unanimité, de la proposition de résolution du RDSE relative au développement par l’État d’une politique d’égalité des territoires ?

Plus d’un an après l’adoption unanime de cette résolution, il nous est apparu nécessaire, à mes collègues du RDSE et à moi-même, de permettre à la Haute Assemblée, car cela fait partie de sa mission de contrôle, de faire le point sur cette question de première importance. D’ailleurs, certains des soubresauts qui ont émaillé la vie de notre pays depuis un an montrent bien l’acuité de cette question. Il nous a donc semblé utile de demander l’organisation de ce débat.

Madame la ministre, vous ne pouvez qu’être d’accord avec ce propos liminaire, me semble-t-il, puisque vous êtes responsable de l’égalité des territoires, de par la volonté du Président de la République et du Premier ministre. En effet, l’intitulé même de votre charge ministérielle vous confie en priorité cette mission : vous êtes notre ministre de l’égalité des territoires avant d’être notre ministre du logement, certains l’oublient trop souvent !

Force est de constater cependant que les réponses trop souvent ponctuelles proposées jusque-là par le Gouvernement ne sont pas encore à la hauteur ni des attentes des Français ni des besoins de nos territoires, qu’il s’agisse de l’accès aux services publics ou des infrastructures de transport.

Madame la ministre, puisque vous représentez ici le Gouvernement, comment ne pas vous dire loyalement, directement, que l’annonce, par ce dernier, de la distribution de milliards d’euros de manière ponctuelle pour répondre à des manifestations ou à des problèmes régionaux ne peut qu’être mal vécue ailleurs.

Même si vous ne pouvez pas me répondre directement, je pense que nous pouvons être sur la même longueur d’onde : verser tant de milliards d’euros à la Bretagne, à la suite de la révolte contre l’écotaxe, et tant de milliards d’euros à Marseille, pour les raisons que l’on connaît, ne fait pas une politique d’aménagement du territoire ! S’il faut brûler des portiques pour obtenir des crédits, ce n’est pas un bon exemple qui est donné au reste du pays. S’il faut qu’un territoire connaisse des problèmes de sécurité pour que l’on annonce le versement de milliards d’euros, je ne crois pas qu’un tel geste révèle une véritable vision de l’aménagement du territoire.

Les disparités territoriales existent, et je crains qu’elles ne se soient aggravées – certes pas depuis que vous êtes membre du Gouvernement, madame la ministre, car ce problème est vieux de plusieurs décennies et imputable à l’évolution de la Ve République.

La décentralisation a modifié le visage de la France en permettant aux territoires naturellement et géographiquement favorisés de s’épanouir. Nous constatons cependant que les territoires en difficulté n’ont pas bénéficié des ressources nécessaires à une réelle autonomie de gestion et à la satisfaction des besoins locaux les plus essentiels. Les médias évoquent souvent les disparités existant entre nos concitoyens et le fossé qui se creuse entre les plus riches et les plus pauvres, mais il faut admettre que l’évolution de notre société concourt au même constat en ce qui concerne nos territoires.

Souvent, les inégalités n’ont fait que s’accroître entre les territoires qui sont bien dotés, d’une part, et ceux qui sont sous-dotés, d’autre part. Parfois, on ne peut que déplorer – vous me direz que c’est le jacobin qui parle à présent – que la régionalisation et la concentration du développement économique, voire administratif, dans la métropole régionale aient laissé de côté nombre de départements périphériques et d’agglomérations moyennes.

Aux yeux de beaucoup de nos concitoyens, ce processus a favorisé, il faut bien le dire, les zones les plus dynamiques, en particulier les métropoles qui sont devenues encore plus riches, au détriment des villes moyennes, dont la situation est problématique.

D’ailleurs, madame la ministre, puisque vous êtes aussi chargée du logement, vous constatez souvent que nombre de villes-centres, dans les agglomérations moyennes, voient leur population décroître, soit au profit des communes périphériques qui se transforment en dortoirs, soit au profit des métropoles où les emplois ont tendance à se concentrer. Ce processus pose un vrai problème d’aménagement du territoire et nous oblige à constater une véritable remise en cause du principe républicain d’égalité, pourtant garanti en théorie par l’article Ier de la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen.

Par conséquent, tous les membres de notre groupe le rappellent constamment à cette tribune, il y a urgence désormais à permettre un rééquilibrage en faveur des territoires périurbains et ruraux ; il y a urgence à revenir à une politique volontariste d’aménagement des territoires, qui soit organisée – au moins dans sa vision et ses éléments essentiels – par l’État, seul véritable garant d’un équilibre sur le territoire.

Notre groupe a voté pour la création des trois grandes métropoles sans réticence, mais avec inquiétude quant à la multiplication des autres métropoles. Il faut veiller à ce que tout le développement ne soit pas aspiré par les métropoles régionales. Qu’a-t-on fait, depuis un an, pour faire face à cette aggravation des disparités territoriales ? Là est la vraie question : il est tout à fait louable de voter des résolutions, voire un certain nombre de textes, mais il faut ensuite évaluer les résultats obtenus sur le terrain.

Dans ses vœux à la nation pour l’année 2014, le Président de la République s’est prononcé en faveur de la réduction de la dépense publique et d’une meilleure efficacité des interventions publiques, pour arriver, à terme, à une réduction de la pression fiscale.

Si nous souscrivons à de telles résolutions et soutenons la politique budgétaire du Gouvernement, il ne faudrait pas que ces orientations se réalisent au détriment de l’égalité des territoires. Je me permets donc de vous interpeller directement, madame la ministre : que pouvez-vous nous en dire ? Quelle est votre feuille de route pour 2014 ? Quelle est votre marge de manœuvre, et en avez-vous une ?

Nous avons subi la révision générale des politiques publiques, la RGPP, que nous avons suffisamment dénoncée dans cet hémicycle, ainsi que la rationalisation brutale des services de l’État qui s’est ensuivie. La simplification se poursuit aujourd’hui avec la modernisation de l’action publique, la MAP, et, encore une fois, les territoires les plus fragiles sont les plus lourdement frappés. Nous le vivons quotidiennement sur le terrain.

La simplification, oui ; la disparition, non ! Que voit-on encore trop souvent sur le terrain ? Des fermetures d’écoles ou de classes, la suppression de gendarmeries, la disparition de bureaux de poste, de perceptions, de services déconcentrés de l’État, etc. On invite les communes à dépenser moins, mais quand on supprime l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, l’ATESAT, par quoi la remplace-t-on ? Il est certes possible de mutualiser les moyens, mais il faut disposer de personnel, sinon il faut faire appel au secteur privé, à condition d’être en mesure de payer.

Il est bien évident que les collectivités locales doivent compenser directement le retrait de l’État. Plus personne ne croit au slogan selon lequel les coupes budgétaires contribueraient à améliorer la qualité du service public.

Dans un certain nombre de départements ruraux, en particulier, l’accès aux équipements et aux services publics est aujourd’hui plus difficile qu’ailleurs, et il s’est détérioré par rapport à un passé récent. Une étude de l’INSEE, l'Institut national de la statistique et des études économiques, publiée en décembre 2012, constate que, dans les zones rurales, l’accès à l’éducation exige un temps de trajet médian de soixante-dix-huit minutes aller-retour : voilà un exemple parmi d’autres.

Ne soyons pas démagogues ! Pour ma part, je n’ai pas l’habitude de l’être, madame la ministre. Il n’est pas possible de disposer de la même qualité de service sur l’ensemble du territoire national, quel que soit le lieu où l’on habite. Il faut être réaliste, raisonnable.

M. Jacques Mézard. Voilà ! Toutefois, l’équité ne consiste pas à accorder tout de la même manière à tous, sans prendre en compte le contexte d’ensemble. L’équité, c’est la justice.

M. Jacques Mézard. Et c’est ce que nous voulons, je crois, très majoritairement, sur toutes les travées de cette assemblée.

M. Jacques Mézard. Ce problème se pose aussi très souvent dans le domaine de la santé, en raison d’un certain nombre d’évolutions sociologiques et technologiques. La difficulté d’accès aux services d’urgence et de réanimation emporte parfois des conséquences qui peuvent devenir dramatiques. Elle est alors vécue par nos concitoyens comme profondément injuste, parce qu’elle touche à leur vie au premier sens du terme.

Autre statistique éloquente : le taux d’équipement au sens de l’INSEE est de plus de 86 % en zone urbaine, quand il dépasse à peine les 45 % en zone rurale.

Encore une fois, il ne s’agit pas de mettre les chiffres au même niveau. Il s’agit, en tout cas, de donner des signes forts que le Gouvernement veut concourir à cette justice, à cette équité. Si certains écarts peuvent se concevoir, des différences aussi importantes ne sauraient se comprendre, et leur aggravation encore moins.

J’en viens à la politique du Gouvernement en matière d’égalité des territoires, qui est l’objet de ce débat.

S’agissant de l’accès aux services publics, le Gouvernement a décidé de déployer mille maisons de services au public d’ici à 2017 pour regrouper les opérateurs tels que La Poste, SNCF, Pôle emploi, la Caisse nationale d’assurance maladie, la CNAM, la Caisse nationale des allocations familiales, la CNAF, EDF… Ce n’est pas une nouveauté, puisque l’on tente de les développer depuis d’une dizaine d’années – sans grand succès, il faut bien le dire, c’est là aussi une réalité !

Le deuxième volet de l’acte III de la décentralisation, qui est en cours, devrait permettre d’établir des schémas d’accessibilité aux services publics au niveau départemental.

La charte des services publics en milieu rural, qui avait été adoptée par la Conférence nationale de 2005, laquelle avait rassemblé les élus, les représentations des administrations et les opérateurs de services, n’a jamais été appliquée. Et cela, c’est une responsabilité collective des gouvernements successifs, de toutes sensibilités !

Nombreux, d'ailleurs, sont les relais de service public qui ne sont même plus financés. Madame la ministre, nous craignons – c’est une inquiétude légitime, me semble-t-il – que les mesures du Gouvernement ne connaissent le même sort.

Mis à part le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, les actions prévues en matière d’emploi ne nous paraissent pas suffisamment structurelles. L’aide forfaitaire de 5 000 euros pour les entreprises qui embauchent des jeunes résidant en zone urbaine sensible ou les 30 % des emplois d’avenir réservés aux territoires prioritaires ne peuvent être considérés comme des actions durables et comme de véritables leviers. De même, la réponse apportée aux déserts médicaux n’est que ponctuelle, avec 200 embauches qui étaient prévues pour 2013.

La question des transports et de leur financement est importante, madame la ministre. En effet, développer un territoire quand l’accès à ce dernier est difficile, soit pour les zones, soit pour les marchandises, soit pour les deux, devient un enjeu, un défi qu’il est extrêmement difficile, pour ne pas dire quasi impossible, de relever.

Peut-être avons-nous des approches différentes quant au type de transport qu’il faut privilégier, mais, avec le bon sens, nous pouvons arriver assez souvent à nous rejoindre. C’est, en tout cas, indispensable au désenclavement de nos territoires.

À ce sujet, les scénarii dressés par la commission Mobilité 21 auraient dû constituer l’occasion pour le Gouvernement d’investir dans les infrastructures utiles au désenclavement des territoires aujourd'hui oubliés, non équipés en réseaux à grande vitesse. Ce n’est pas une mauvaise chose, loin de là, que de remettre au goût du jour les lignes traditionnelles et de les améliorer. Sur ce point, nous sommes d’accord, parce que, pour ma part, je crois au rail et j’y ai toujours cru. Il aurait également fallu investir pour moderniser les réseaux routiers et les routes nationales traditionnelles. Or il n’en a rien été.

Je vais vous poser une question d’actualité, madame la ministre. Que compte faire le Gouvernement pour financer rapidement l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF ? Vous pourriez judicieusement me répondre qu’il ne fallait pas suspendre l’écotaxe. (Mme la ministre sourit.) Nous sommes d’accord, mais c’est le Gouvernement qui a suspendu l’écotaxe, en réponse à des manifestations, sur lesquelles je ne reviendrai pas, et sans doute aussi aux interventions lourdes de grands élus bretons.

M. Jacques Mézard. En tout cas, c’est ce que je pense. Peut-être n’est-ce pas la réalité, mais je crains d’avoir raison…

Le choix qui a été fait est celui de la modernisation des infrastructures ferroviaires existantes, et c’est un bon choix, ce qui ne veut pas dire qu’il faille abandonner les lignes à grande vitesse. Comment trouver de nouveaux financements pour alimenter le budget de l’AFITF ? C’est un réel problème.

Madame la ministre, je vous l’ai déjà dit, j’aimerais que vous me fassiez le plaisir de venir visiter le département dans lequel je cumule encore des mandats. (Sourires.) Je souhaite que vous veniez par le train et que vous repartiez par la route, bien sûr avec un beau bouquet de fleurs et nos remerciements pour votre visite. Ce sera, je le crois, une expérience extrêmement intéressante pour la ministre chargée de l’égalité des territoires !

Mme Évelyne Didier. C’est une invitation ! (Sourires.)

M. Jacques Mézard. L’engagement n° 28 du candidat François Hollande, qui prévoyait de relancer la politique des transports pour lutter contre la fracture territoriale, est un bel engagement, auquel j’ai souscrit avec enthousiasme, comme, d'ailleurs, une grande majorité de nos concitoyens.

Or je crains que cet engagement ne soit davantage compromis que celui qui est relatif à la suppression du cumul des mandats ! Quel que soit le sujet, il me paraît, en effet, plus facile de faire voter l’Assemblée nationale que de trouver des solutions pratiques, concrètes, pour lutter contre la fracture territoriale.

Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous disiez où on en est par rapport à cet engagement n° 28. Où en est-on du dossier de l’écotaxe voulue par deux majorités successives et votée par le Parlement de la République ? Qu’entendez-vous faire rapidement pour permettre soit de remettre à niveau, soit de créer des infrastructures facilitant l’accès aux territoires aujourd'hui oubliés ? Quels sont vos projets pour remettre le réseau ferroviaire traditionnel dans un état digne de ce nom ?

De même, les crédits d’engagement consacrés aux lignes d’aménagement du territoire ont été au moins divisés par deux depuis 2010, dans un objectif de réduction des dépenses publiques, sans aucune stratégie en termes de maillage territorial.

J’en arrive aux zonages. Je l’ai toujours dit ici, je doute de l’efficacité de la politique des zonages, dont l’objectif était de donner plus aux territoires qui en ont structurellement le plus besoin. Cette politique a été entravée, freinée par son éparpillement, que ce soit en milieu rural ou en milieu urbain. La multiplication des zonages n’a pas permis d’évaluer les politiques spécifiques mises en œuvre.

Nous débattrons la semaine prochaine de la politique de la ville. Là aussi, on voit bien qu’il y a beaucoup de choses à faire, mais que les « poches de pauvreté », qui concentrent tous les problèmes sociaux et économiques, n’ont pas été précisément identifiées jusque-là.

Mes chers collègues, il est nécessaire d’en finir avec l’accumulation des zonages, quelles que soient les politiques publiques. En effet, force nous est de constater, malheureusement, que la vision des gouvernements successifs, quelles que soient leurs sensibilités, sur l’avenir de la France et sur l’aménagement du territoire présente un grave déficit de transversalité. La vision depuis les ministères parisiens souffre d’une réelle myopie. Ce dernier terme est, d’ailleurs, modéré, car on pourrait souvent parler d’aveuglement.

M. Hervé Maurey. Exactement !

M. Jacques Mézard. On continue de tâtonner dans la confusion, alors que l’aménagement du territoire devrait pleinement s’intégrer à un échelon supérieur, celui de l’Europe.

Je conclurai mon propos en évoquant les questions de péréquation financière. Il est évident que l’aménagement du territoire ne peut se concevoir qu’avec une véritable politique de péréquation financière entre les collectivités, horizontale ou verticale. Cette dernière doit être conçue à l’échelon de l’État et viser un objectif de simplification et de véritable justice.

Madame la ministre, il faut mettre un terme à la situation qui se répète chaque année : au moment du débat budgétaire, les ordinateurs tournent sur les différentes simulations de péréquation. Après quoi, en fonction des résultats, on regarde comment sont traités les départements de la Seine-Saint-Denis, la Corrèze ou l’Ariège. Je le dis comme je le pense et je crains, là aussi, malheureusement, d’avoir raison. Il faut parvenir à des systèmes qui soient justes. Quelles que soient les majorités, ils ne doivent pas être remis en cause tous les ans, au moment du vote du budget de la nation.

La création d’un Commissariat général à l’égalité des territoires a trop tardé. Ce que nous voulons, c’est une véritable politique d’aménagement du territoire. Les Républiques précédentes l’ont fait, et la tâche a été poursuivie au début de la Ve République. Force est de le constater, au cours des trois dernières décennies, les gouvernements successifs, de toutes sensibilités, ont abandonné cette politique. Je vous demanderai, madame la ministre, de nous répondre et de nous dire quelle est votre vision de l’avenir proche sur ce dossier. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il y a un peu moins de deux mois – c’était, certes, l’année dernière, mais cela ne fait pas si longtemps – le groupe UDI-UC organisait un débat sur le même thème, celui de « l’aménagement du territoire » ou de « l’égalité des territoires », selon la terminologie préférée par les uns ou les autres.

J’y vois la preuve que ce sujet préoccupe fortement les membres de la Haute Assemblée. Cela me semble normal. En effet, comme j’avais eu l’occasion de le dire à l’époque, force est de constater que l’égalité des territoires promise par le Gouvernement, loin de progresser, a plutôt régressé au cours des derniers mois. À cela s’ajoute le fait que le Gouvernement ne cesse, depuis des mois, de porter de mauvais coups à la ruralité.

Je ne vais pas reprendre tout ce que j’ai dit voilà deux mois et qui reste, hélas, toujours valable. Ce que je voudrais, madame la ministre, c’est revenir sur certains de vos propos en réponse aux nôtres, puisque la procédure ne permet malheureusement pas aux parlementaires de répondre à la réponse du ministre. Je profite du fait que deux débats similaires ont été organisés en deux mois sur ce sujet pour revenir sur un certain nombre de points que vous avez évoqués dans votre réponse à nos interventions diverses et variées.

Vous m’avez fait remarquer que, contrairement à ce que je disais, vous répondiez à mes demandes puisque vous répondiez à mes courriers et à mes questions écrites. Avouez que c’est un peu formel !

Certes, vous répondez aux courriers. Je salue d'ailleurs cette preuve de politesse, que n’apportent pas tous vos collègues, je tiens à le souligner publiquement ! (Sourires.) Certes, vous répondez aux questions écrites, respectant ainsi une obligation de notre règlement. Toutefois, vous le savez aussi bien que moi, répondre à un courrier ou à une question écrite n’apporte pas forcément de réponse sur le fond.

Sur le fond, ce que je vous avais dit et que je vous répète, hélas, aujourd’hui, c’est que, sur un certain nombre de sujets, il n’y a pas de réponse, en ce sens qu’il n’y a pas de solution.

Ainsi, sur la question de la téléphonie mobile, votre cabinet m’a proposé – je m’en réjouis – une réunion sur un sujet bien spécifique, celui de la téléphonie mobile dans la vallée de la Lévrière.

Sur le sujet de la téléphonie mobile, je ne citerai pas, par manque de temps, l’intégralité de la liste que j’ai sous les yeux. Celle-ci énumère les dizaines de communes de mon département non couvertes par la téléphonie mobile et auxquelles on ne propose rien, absolument rien ! On leur dit de patienter et d’attendre l’arrivée de la 4G. Or, j’ai entendu, pas plus tard qu’hier, au cours d’une cérémonie des vœux, l’un des maires de mon département soupirer : « Si seulement je pouvais avoir la "1G", je serais déjà bien content ! » (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

Mes chers collègues, je transmettrai vos applaudissements au maire dont il s’agit, car ce sont ses propos et non les miens que vous saluez.

En effet, il est tout à fait indécent et insupportable d’annoncer l’arrivée de débits formidables en matière de téléphonie mobile à des personnes qui vivent dans des zones dépourvues de toute couverture !

Sur le haut débit, c’est la même chose. Je n’y reviendrai pas. Il en va de même pour l’accès aux soins et à la démographie médicale. Je devrai tout à l’heure quitter l’hémicycle avant d’avoir entendu la réponse de Mme la ministre à ma réponse à sa réponse. En effet, je dois me rendre dans la communauté de communes de Verneuil. Cette dernière s’est engagée, elle a investi des centaines de milliers d’euros dans une maison médicale qui est absolument parfaite. Il n’y manque qu’une chose : c’est un médecin !

M. Jean-Jacques Mirassou. La faute à qui ?

M. Hervé Maurey. Cela montre bien qu’il ne suffit pas de faire des maisons médicales pour faire venir les médecins. À ce sujet, que propose le Gouvernement ? Eh bien, mes chers collègues, rien, rien du tout ! (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

M. Jean-Louis Carrère. Cela me paraît excessif !

M. Hervé Maurey. Cela vous dérange, chers collègues de la majorité ? Je le comprends, mais c’est, hélas, la triste réalité !

M. Jean-Louis Carrère. Qu’avez-vous fait pendant toutes ces années ?

M. Hervé Maurey. Je vous proposerai très bientôt une proposition de loi sur ce sujet, que vous ne manquerez certainement pas de cosigner.

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela m’étonnerait !

M. Hervé Maurey. Face à cette situation, que fait le Gouvernement ? Comme d’habitude – c’est l’une de ses caractéristiques –, il se délivre des satisfecit !

L’autosatisfaction et l’autocongratulation sont des traits communs de tous les ministres de ce gouvernement. Madame la ministre, vous nous avez annoncé que « l’année 2013 aura néanmoins été une année charnière, car bien des projets ont été mis en place ». Mais lesquels, grands dieux ?

Mme Cécile Duflot, ministre de l'égalité des territoires et du logement. Citez la suite !

M. Hervé Maurey. Le seul élément concret que vous avez évoqué, c’est l’extension du dispositif des maisons de services publics, dont le nombre sera multiplié par trois d’ici à 2017. Or, d’ici là, il peut se passer bien des choses, d’autant que je vous rappelle que ce dispositif a été mis en place par le précédent gouvernement, par notre collègue Michel Mercier, et qu’il nécessite, par ailleurs, que les communes apportent leur financement.

Vous avez également évoqué le Commissariat général à l’égalité des territoires. Je le répète, ce serait bien trop simple s’il suffisait de transformer la DATAR en une telle instance pour changer la donne. Ce n’est malheureusement pas le cas !

En réalité, comme l’a dit notre collègue Jacques Mézard, la RGPP a simplement changé de nom. On parle maintenant de « modernisation de l’action publique »,…

M. Alain Gournac. C’est mieux ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Hervé Maurey. … mais cela produit les mêmes effets. (Protestations sur les travées du groupe socialiste.)

Madame Didier, vous m’aviez reproché, lors du précédent débat, de n’avoir rien dit sur les opérateurs du temps de l’ancien gouvernement. C’est faux ! Vous savez très bien que j’avais également signalé à l’ancien gouvernement qu’il n’était pas normal que les opérateurs se déploient où ils veulent et quand ils veulent.

M. Jean-Jacques Mirassou. Alors vous n’étiez pas efficace !

M. Hervé Maurey. À l’époque, mes collègues socialistes allaient dans le même sens que moi ; aujourd'hui, ils trouvent que c'est très bien, alors même qu’il n’y a eu aucun changement.

Madame la ministre, votre seule annonce, qui portait sur la remise en cause des pôles d’excellence rurale, n’a fait que créer une inquiétude supplémentaire pour nombre d’élus et d’habitants des territoires ruraux. En effet, depuis un certain nombre de mois, vous avez multiplié les déclarations tendant à prouver que vous n’êtes pas favorable à ces pôles, sans clarifier pour autant votre position, d'ailleurs.

En ce moment, mes collègues et moi sommes très présents sur le terrain, puisque nous participons à de nombreuses cérémonies des vœux. Outre les sujets que j’ai déjà évoqués, sachez qu’on nous parle beaucoup de la réforme des rythmes scolaires.

Vous m’aviez dit que mes affirmations à ce sujet étaient « quelque peu caricaturales ». Toutefois, madame la ministre, c'est plutôt votre gouvernement qui l’est, dans la mise en œuvre de cette réforme ! C'est la réalité, et ce n’est pas en essayant de m’attendrir de manière tout à fait déloyale par un doux regard que vous me ferez changer d’avis ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Le Gouvernement fait preuve d’un jacobinisme caricatural dans la mise en œuvre de sa réforme des rythmes scolaires : il décide de tout, et tant pis si les communes n’ont pas les moyens de financer la réforme ou si elles ne disposent pas des locaux et du personnel nécessaires. Je peux vous l’assurer – aucun élu de bonne foi ici ne dira le contraire ! –, la réforme des rythmes scolaires est aujourd’hui la priorité numéro un des élus sur le terrain.