M. Jean-Jacques Mirassou. Nous n’assistons pas aux mêmes cérémonies des vœux !

M. Hervé Maurey. La mise en place du plan local d’urbanisme intercommunal est une autre source d’inquiétude sur laquelle vous devrez de nouveau vous pencher.

Nous avions obtenu ici un accord qui était un moindre mal : il prévoyait la possibilité de réunir une minorité de blocage lorsqu’un certain nombre de communes s’opposent au transfert du PLU à l’intercommunalité. Vous vous étiez engagée, madame la ministre, à ce que cet accord soit respecté à l’Assemblée nationale. Pour l’instant, ce n’est pas le cas !

Je le dis à ceux de mes collègues qui n’y auraient pas prêté attention pendant la période des fêtes, la commission des affaires économiques de l’Assemblée nationale est revenue sur ce dispositif, en faisant passer la minorité de blocage d’un quart des communes représentant 10 % de la population à la majorité qualifiée, c’est-à-dire à la moitié des communes représentant les deux tiers de la population ou l’inverse, ce qui n’est plus du tout la même chose !

Je souhaiterais, madame la ministre, que vous nous indiquiez très clairement aujourd’hui si, conformément à l’engagement que vous aviez pris, le Gouvernement déposera un amendement à l’Assemblée nationale pour revenir à la version qui avait obtenu votre accord ici même au Sénat. (Mme la ministre acquiesce.)

Pour le reste, j’aimerais bien, comme Jacques Mézard, connaître la feuille de route du Gouvernement.

M. Jean-Louis Carrère. Lisez Le Monde d’aujourd'hui !

M. Hervé Maurey. Lors du débat précédent, vous n’aviez pas répondu à un certain nombre de mes propositions. J’avais souligné qu’il fallait, mais cette question ne relève pas de votre responsabilité, avoir un véritable ministère de l’aménagement du territoire, avec pour seule mission de faire prévaloir cette exigence d’aménagement, aujourd’hui systématiquement reléguée derrière d’autres nécessités.

J’avais également souhaité que l’État se recentre sur ses missions, qu’il soit garant des infrastructures – alors que le Gouvernement n’a fait que renoncer à un certain nombre d’infrastructures prévues –, que la priorité soit donnée à la création d’emplois dans les zones fragiles, que les crédits soient optimisés – on continue, me semble-t-il, de les dilapider, alors qu’ils sont aujourd’hui extrêmement rares –, et que l’État travaille en étroite collaboration avec les élus et non, comme c’est parfois le cas, contre eux. Je le rappelle, ce dernier point était l’un des engagements de François Hollande pendant sa campagne présidentielle.

Lors du précédent débat, un certain nombre de mes collègues avaient souhaité qu’une loi-cadre soit adoptée, comme l’appelait également de ses vœux le Conseil économique, social et environnemental. Sur ce point non plus, nous n’avons pas eu de réponse.

Madame la ministre, je voudrais tout de même attirer votre attention sur le fait que votre gouvernement n’a réuni aucun comité interministériel d’aménagement et de développement du territoire depuis son arrivée au pouvoir, ce qui est sans précédent. Je ne suis certes pas favorable à la réunion systématique des comités, mais qu’il n’y ait eu aucun CIADT en deux ans montre bien, madame la ministre, que l’aménagement du territoire et l’égalité des territoires ne sont pas vos priorités.

Pour terminer, puisque je vois que le temps qui m’est imparti est écoulé,…

M. Jean-François Husson. Continuez, c’est intéressant !

M. Hervé Maurey. … je tiens simplement à dire que nous aimerions débattre moins souvent et avoir enfin des actes !

Mme Évelyne Didier. Qui demande ces débats ?

M. Hervé Maurey. Près de deux ans après avoir pris vos fonctions, vous ne pouvez pas continuer simplement à critiquer ce qui a été fait et à pratiquer la méthode Coué, en disant que tout va beaucoup mieux. Il est temps d’agir et même de réagir !

Les votes extrêmes qui se sont exprimés en 2012 dans les territoires ruraux ont un sens ; il y en aura d’autres, qui seront bien pires, en 2014. Une fois encore, je vous demande, madame la ministre, de bien vouloir – enfin ! – agir. Il y va de l’avenir de nos territoires, de l’égalité non seulement de nos territoires, mais également des citoyens, et de la cohésion sociale de notre pays ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. C’était excellent !

M. le président. La parole est à M. Gérard Le Cam.

M. Gérard Le Cam. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, sans vouloir préjuger de la qualité de nos débats sur ce sujet central qu’est l’égalité des territoires, je dois vous avouer notre lassitude.

Disserter, y compris à la quasi-unanimité sur les travées de cet hémicycle, pour formuler les mêmes constats et porter l’exigence d’égalité républicaine pour l’ensemble de nos concitoyens et de nos territoires, c’est intéressant, mais, disons-le clairement, c'est insuffisant !

L’égalité républicaine doit se construire par des actes. Nous avions d’ailleurs encore récemment la possibilité de faire quelque chose au travers de la loi de finances ou de la proposition de loi que je vous ai présentée en octobre dernier. Cette dernière visait à mieux répartir la dotation de fonctionnement, notamment en milieu rural : pour ce faire, 800 millions d’euros suffisaient, une somme à comparer aux 20 milliards d’euros de cadeaux offerts au patronat avec le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE.

Or tel n’est pas, pour l’instant, le choix fait ni par le Gouvernement ni par la majorité parlementaire, et cela dans la continuité du gouvernement précédent, puisque les maîtres mots de la politique menée sont austérité et diminution de l’action publique au travers de la RGPP, devenue la modernisation de l’action publique, la MAP. Cela s’est traduit notamment par la suppression, dans le cadre de la dernière loi de finances, des missions de l’ATESAT, l’assistance technique fournie par l’État pour des raisons de solidarité et d’aménagement du territoire, et ce au moment même où les territoires ont le plus besoin d’être accompagnés.

Parallèlement, les dotations aux collectivités sont en berne, avec une diminution continue depuis de trop nombreuses années : la péréquation verticale est au point mort. Les territoires sont au moins égaux devant la pénurie et le désengagement de l’État ! Ils sont également égaux devant les ravages des politiques libérales, qui ont conduit à la désindustrialisation progressive de nos territoires, sous le coup de la compétition mondialisée.

M. Jean-François Husson. Vive le centralisme démocratique ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Gérard Le Cam. On en est loin, cher collègue !

M. Gérard Le Cam. C’est ce déchirement qui est d’ailleurs à l’origine de ce que l’on a pu qualifier de révolte des « bonnets rouges » en Bretagne, un territoire que je connais bien.

C’est bien le sentiment d’abandon par la République qui a nourri ce mouvement, sur fond de crise sociale et économique, mais aussi une incompréhension majeure. En effet, il est demandé de réorienter les transports polluants vers des transports plus propres, un vœu que nous partageons. Toutefois, quand l’alternative de transport n’existe pas, l’écotaxe devient tout simplement une taxe.

Le taux de chômage en Bretagne a atteint 9,4 %. Piliers de l’économie bretonne, les secteurs agroalimentaire et automobile vacillent depuis 2012. L’intérim et la construction, secteurs très conjoncturels, subissent également des reculs sensibles en termes d’emploi.

Par ricochet, la demande sociale est de plus en plus forte. Ainsi, en 2012, le nombre d’allocataires du RSA, le revenu de solidarité active, s’est fortement accru en Bretagne, avec 4 000 foyers supplémentaires.

Sur le front de l’emploi, Doux a créé un séisme dans la filière volaille, tout en empochant des millions d’euros d’aides publiques. La fermeture programmée de l’usine GAD constitue une nouvelle catastrophe dans la grave crise que traverse la filière agroalimentaire bretonne. Une fois encore, ce sont plus de 1 000 salariés qui se trouvent pris à la gorge, avec des propositions de reclassement inacceptables vers l’Italie, la Roumanie ou encore l’Autriche !

Cette saignée de l’emploi entraîne colère et déception face à l’impuissance des pouvoirs publics à maintenir l’emploi. Où est donc passé le « redressement productif », qui avait suscité tant d’espoir ? L’emploi et sa préservation sont pourtant les premiers leviers de l’aménagement des territoires, car ils permettent à ces derniers d’être attractifs et accueillants, voire compétitifs, pour reprendre un terme en vogue.

Dans ce cadre, les engagements portés par le pacte d’avenir, s’ils sont significatifs, ne sont pas suffisants. Au fond, ils accompagnent la désindustrialisation au lieu de permettre l’implantation de nouvelles entreprises. Les aides aux entreprises ne sont pas suffisamment assujetties de contreparties liées aux investissements créatifs d’emplois.

Nous attendons des mesures encore plus fortes. Le Gouvernement doit s’opposer à tous les licenciements boursiers et mettre en place de nouveaux dispositifs de régulation et un système de sécurité emploi-formation.

Pour qu’un territoire soit attractif, il faut également qu’il soit relié aux autres territoires par des réseaux de communication, et même de télécommunication, et que les services publics essentiels soient présents. Or c’est de moins en moins le cas.

Dans ce cadre, la priorisation des engagements pris par le schéma national des infrastructures de transport laisse la Bretagne de côté. Si nous sommes satisfaits que le pacte entérine pour 2014 la réalisation du débat public sur les nouvelles liaisons ferroviaires Ouest-Bretagne et Pays de la Loire, qui doivent permettre de mettre Brest et Quimper à trois heures de train de Paris, celui-ci ne s’aventure pas à donner de dates précises pour atteindre ces objectifs. C’est dommage ! Il en va de même pour la mise à 2x2 voies de l’axe central RN 164, en chantier depuis plus de quarante ans, un projet pour lequel il est annoncé encore sept années de travaux.

Nous serons extrêmement vigilants à la réalisation concrète de ces investissements, utiles au désenclavement de la Bretagne, ainsi qu’à ceux qui sont relatifs aux lignes secondaires, comme celle de Lamballe-Dinan-Dol.

Concernant le financement du pacte d’avenir, comment ne pas voir que celui-ci est finalement limité ! En effet, les 2 milliards d’euros annoncés regroupent en réalité des aides de l’État, de l’Europe, mais également des collectivités bretonnes. Dans ce calcul, on additionne des financements déjà acquis et des prêts, qui seront à rembourser. Or la situation exige transparence, respect – des élus comme des habitants – et préservation de la démocratie de proximité, dont les élus locaux sont porteurs.

Il faut également savoir que le total des dépenses annuelles de l’État en Bretagne est, depuis quinze ans, inférieur de 90 millions d’euros par an à la moyenne nationale. (M. Bruno Sido manifeste son scepticisme.)

Cher collègue, les chiffres sont têtus !

M. Bruno Sido. Et les routes gratuites ?

M. Gérard Le Cam. Le rattrapage n’est donc pas à la hauteur. Il s’agit à peine d’une compensation !

Nous souhaitons également que l’effort soit concentré sur les trois premières années. Parallèlement, la péréquation doit être renforcée, en accordant aux communes une dotation de solidarité rurale par habitant égale à celle des villes.

De même, il faut plus de justice dans la répartition des aides du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER. Alors que la Bretagne représente 6,8 % des exploitations et 12 % de la production agricole, elle perçoit simplement 3,8 % de ce fonds.

Il est nécessaire d’anticiper les mutations. En effet, la fin annoncée de la PAC, la politique agricole commune, et la suppression des quotas laitiers font peser de lourdes questions sur l’avenir de la Bretagne, garde-manger de la France.

Cette région, comme toutes les autres, est aujourd’hui touchée de plein fouet par la logique européenne du jeu sur le coût du travail, sous contrainte de l’euro.

Pour sortir la France et ses régions du déclin, il faut ouvrir une ère nouvelle qui nous fasse quitter les ornières du libéralisme, lequel, d’un côté, permet l’évasion fiscale à grande échelle – celle-ci équivaut chaque année à 40 milliards d’euros pour la France et à 1 000 milliards d’euros pour l’Europe – et, de l’autre, jette par-dessus bord les hommes.

La théorie qui se développe actuellement du non-consentement à l’impôt est une remise en cause profonde du modèle républicain et de la souveraineté nationale. Elle réfute l’idée d’un bien commun et d’une communauté de destin.

Comme l’indique Emmanuel Todd, « nous entrons dans une période nouvelle. Il faut voir à quoi servent les prélèvements obligatoires. Au financement de l’État social et des nécessaires biens communs, bien sûr. Mais l’impôt, de plus en plus, permet aussi de servir les intérêts d’une dette publique qui n’est plus légitime. Le prélèvement fiscal sert désormais aussi à donner de l’argent à des gens qui en ont déjà trop. Nous sommes confrontés à une ambivalence de l’impôt, à une ambivalence de l’État, serviteur à la fois de l’intérêt collectif et d’intérêts privés, d’intérêts de classe. »

À ce titre, la remise à plat de la fiscalité, telle qu’elle a été annoncée par le Premier ministre, ne semble pas suffisamment ambitieuse et ne se profile qu’à trop long terme.

C’est en rétablissant la justice sociale dans l’impôt, en permettant que les territoires disposent de moyens concrets pour mener les politiques pour lesquelles ils ont été élus et en faisant en sorte que les services publics de santé, d’éducation, de transports, du numérique maillent très finement les territoires, que nous retrouverons de la nécessaire cohésion sociale.

C’est donc un changement réel et tangible de cap que nous attendons pour permettre l’essor partagé de tous les territoires selon les principes d’égalité et de solidarité. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Pierre Camani.

M. Pierre Camani. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, débattre en l’espace de deux mois du même sujet dans cet hémicycle montre, s’il en était besoin, l’importance qu’attache notre Assemblée à l’aménagement du territoire et à la politique du Gouvernement en matière d’égalité des territoires.

L’attente est forte, en effet, car ces dernières années ont été marquées par une conception libérale de l’aménagement du territoire, préjudiciable au monde rural. Les politiques mises en place dans le cadre de cette option libérale ont encouragé la compétition entre les territoires, favorisant la concentration des moyens financiers dans les territoires disposant d’une forte ingénierie de projet et de capacités de financement, au détriment des territoires ruraux isolés, qui se sont ainsi encore plus marginalisés.

Ces effets ont été accentués par une application aveugle de la révision générale des politiques publiques aux territoires ruraux, ignorant les effets de cumuls dévastateurs pour certains d’entre eux. La réforme de la carte des hôpitaux, celle des tribunaux et celle de l’implantation des gendarmeries ont parfois abouti à des retraits massifs de services publics sur un même territoire.

M. Bruno Sido. C’est vous, ça !

M. Pierre Camani. C’est ainsi que mon département, le Lot-et-Garonne, a connu entre 2007 et 2012, successivement et parfois concomitamment, la fermeture du tribunal de grande instance, de tribunaux d’instance, de gendarmeries et de classes en zone rurale.

Les effets de cette politique sont aujourd’hui visibles et dommageables pour la nation et les espaces ruraux. Ils ont suscité un sentiment d’abandon et de relégation, qui a imprégné nos campagnes.

Aujourd’hui, nous avons changé de paradigme. La logique de l’action de l’État a été inversée, tout d’abord, par le rétablissement de l’esprit de dialogue entre l’État et les collectivités territoriales. Une nouvelle relation, apaisée, a été instaurée, une relation fondée sur la confiance à l’égard des acteurs locaux, une relation fondée sur la confiance dans l’intelligence des territoires. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Les binômes ! (Sourires sur les mêmes travées.)

M. Pierre Camani. « L’État et les collectivités locales doivent retrouver le chemin de la confiance. Ils doivent être des partenaires et des acteurs qui se complètent ». Je cite volontiers cette phrase prononcée par le Premier ministre, car elle rompt radicalement avec les discours de stigmatisation à l’encontre des collectivités locales et des élus que nous avons subis pendant le dernier mandat présidentiel…

M. Pierre Camani. … et qui avaient conduit à développer un lourd climat de défiance dans les territoires. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Le Gouvernement souhaite renouer avec la nécessaire solidarité entre les territoires, par la mise en œuvre d’une politique d’égalité entre tous les territoires, urbains comme ruraux, sans opposer les uns aux autres.

M. Bruno Sido. Et les dotations ?

M. Pierre Camani. Bien sûr, le contexte financier est difficile et le cadre forcément contraint. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Louis Carrère. Ça, c’est l’héritage !

M. Pierre Camani. Toutefois, nous devons nous féliciter de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires, le CGET, qui regroupera les services de la Délégation interministérielle à l’aménagement du territoire et à l’attractivité régionale, la DATAR, de l’Agence nationale de la cohésion sociale et du Secrétariat général du comité interministériel des villes.

La création de cette structure constitue un signal fort, tout d’abord, en affirmant la valeur d’égalité de nos territoires, principe de notre identité républicaine, qui nous offre la possibilité de dépasser le clivage entre l’urbain et le rural. Le CGET permettra une plus grande transversalité et constituera une opportunité pour revisiter notre conception de l’aménagement du territoire.

Les fractures territoriales qui minent notre pays menacent notre cohésion sociale. Les inégalités nous divisent et nous affaiblissent. La carte des exclusions, du chômage, de la désindustrialisation, des inégalités sociales, des inégalités d’accès à la santé révèle une géographie des périls qui justifie et nécessite une politique d’égalité des territoires.

La recherche de l’égalité des territoires ne constitue pas d’ailleurs l’apanage de l’État. De par leurs compétences, les collectivités territoriales représentent les principaux acteurs du développement et de l’aménagement du territoire.

La péréquation forme le socle de cette politique et je me réjouis que l’enveloppe des fonds de péréquation des ressources communales et intercommunales ait été considérablement abondée cette année, malgré les difficultés budgétaires. (Marques d’ironie sur les travées de l'UMP.)

M. Jackie Pierre. Vous avez abandonné le rural !

M. Pierre Camani. Je me réjouis également de l’adoption du pacte de confiance et de solidarité de juillet 2013, qui développe des mesures de péréquation et établit une relation de responsabilité et de solidarité entre l’État et les collectivités territoriales.

Cette mesure, entérinée par la loi de finances pour 2014, permettra en particulier aux départements ruraux de continuer à assurer leurs missions de soutien aux territoires infradépartementaux en difficulté.

M. Alain Gournac. Vous me faites rire !

M. Jean-Louis Carrère. Calmez-vous, monsieur Gournac !

M. Pierre Camani. Je veux saluer ici la cohérence de l’action de l’État, qui se déploie dans les domaines que je viens d’évoquer, mais aussi dans les politiques qui renforcent les services publics là où ils ont été précédemment affaiblis.

L’expérimentation des schémas d’accessibilité des services au public, avant même le vote du second volet de la réforme de la décentralisation, est un bon exemple du volontarisme de l’État. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Et mon département est fier de participer à cette dynamique de rééquilibrage de l’offre de services publics adaptée aux comportements des usagers.

J’irai même plus loin : les créations de postes dans l’éducation nationale contribuent à l’égalité des territoires. Dans mon département, vingt et un postes d’enseignants ont été créés à la rentrée 2013. Cela ne s’était pas produit depuis de nombreuses années. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Exclamations sur les travées de l'UMP.) De nouvelles classes ont été ouvertes, et je vous assure, mes chers collègues, que cela constitue un antidote efficace contre le sentiment d’abandon !

Des tribunaux ont parallèlement été rouverts en France. Dans mon département, le tribunal de grande instance de Marmande, fermé en 2010 dans le cadre de la réforme judiciaire alors qu’il était quasiment neuf, bénéficie de l’affectation d’une chambre détachée qui recouvrira la plupart des fonctions exercées auparavant par le TGI.

Ce sont là des mesures concrètes, qui démontrent que le Gouvernement agit en faveur des territoires, quoi qu’en dise mon collègue Hervé Maurey, dont l’impatience n’a d’égal que la démagogie. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Alain Gournac. Elle est de votre côté, la démagogie !

M. Jean-Louis Carrère. De toute façon, M. Maurey est déjà parti !

M. Jean-Claude Lenoir. Mais M. Carrère est toujours là !

M. Pierre Camani. Il faut vraiment faire preuve de mauvaise foi pour ne pas reconnaître le travail accompli par le Gouvernement et les avancées indéniables réalisées, par exemple, dans le déploiement du très haut débit en France. Le nouveau modèle proposé recueille l’assentiment de tous les acteurs du numérique, qui reconnaissent qu’un grand pas en avant a été accompli par rapport à la situation antérieure. (Protestations sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Sido. Tout va très bien, madame la marquise !

M. Jackie Pierre. C’est faux !

M. Pierre Camani. Sous le précédent quinquennat, un fonds d’aménagement numérique du territoire existait, mais il n’était pas abondé.

M. Jackie Pierre. Catastrophe !

M. Pierre Camani. Il y avait les mots, maintenant nous avons les actes. Le plan « France très haut débit » définit des objectifs et apporte des moyens.

M. Alain Gournac. Tout va bien, alors !

M. Pierre Camani. C’est une réalité. L’objectif, c’est le soutien au déploiement du numérique en collaboration avec les collectivités. Les moyens, c’est un programme d’investissement de 20 milliards d’euros sur dix ans qui devrait permettre d’assurer l’égalité des territoires dans leur couverture en très haut débit.

L’État soutiendra les projets – vous le savez bien – dans les territoires où les investissements publics sont les plus lourds, en milieu rural notamment, par une enveloppe dédiée de trois milliards d’euros et par la mise à disposition de prêts à long terme financés par les fonds d’épargne. Un établissement public sera chargé du pilotage de ce plan « France très haut débit ». C’est le retour de l’État stratège,…

M. Alain Gournac. Que ne faut-il pas entendre !

M. Pierre Camani. … sans lequel il ne peut y avoir de politique d’aménagement du territoire efficace. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jackie Pierre. N’importe quoi !

M. le président. Mes chers collègues, veuillez laisser parler l’orateur.

M. Pierre Camani. Dans le domaine de la démographie médicale et au travers du pacte territoire-santé, un plan global de lutte contre les déserts médicaux est mis en place, avec des mesures concernant la formation et l’installation des jeunes médecins, les conditions d’exercice des professionnels de santé et la présence médicale dans les territoires isolés.

Bientôt, nous serons amenés à travailler sur le second volet de la réforme de la décentralisation, qui confiera notamment aux départements la responsabilité d’agir encore plus en faveur de l’égalité des territoires.

M. Bruno Sido. Avec quels financements ?

M. Pierre Camani. Mes chers collègues, toutes ces réformes, malgré une période extrêmement difficile, procèdent d’une logique qui rompt avec le passé. (Exclamations sur les travées de l'UMP.) Les politiques mises en place résultent, en effet, d’une action publique cohérente en faveur de l’égalité des territoires.

Aujourd’hui, en affichant une véritable ambition pour l’égalité des territoires, il s’agit de changer non pas les mots, mais les méthodes. C’est la première fois que nous avons un ministère chargé de l’égalité des territoires, qui porte une nouvelle ambition pour la République.

Il nous faut faire preuve de volonté et d’optimisme, ainsi que de patience peut-être, pour ce grand chantier. Je terminerai par une citation du sociologue Jean-Pierre Le Goff, expert de nos campagnes françaises, tirée de son dernier ouvrage La Fin du village, Une Histoire française, que je vous invite d'ailleurs à lire, mes chers collègues : « Notre pays dispose de ″réserves d’humanité″ et de forces vives pour sortir de l’impasse. Il n’a pas dit son dernier mot. » (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, en 1950, Eugène Claudius-Petit, alors ministre de la reconstruction – on sortait de la guerre – et de l’urbanisme, écrivait : « L’aménagement du territoire, c’est la recherche dans le cadre géographique de la France, d’une meilleure répartition des hommes, en fonction des ressources naturelles et des activités économiques ».

Il poursuivait : « Cette recherche est faite dans la constante préoccupation de donner aux hommes de meilleures conditions d’habitat, de travail, de plus grandes facilités de loisirs et de culture. Cette recherche n’est donc pas faite à des fins strictement économiques, mais bien davantage pour le bien-être et l’épanouissement de la population ». (M. Jean-Louis Carrère approuve.)

L’égalité des territoires, à laquelle mon groupe, et plus largement le Sénat, est profondément attaché ne constitue pas une préoccupation idéologique qui viserait à établir une égalité réelle et parfaite entre tous les territoires de la République – ce serait mal nous connaître ! –, mais nous pensons qu’il faut préserver la diversité de nos territoires – c’est elle qui en fait toute la richesse – face aux multiples fractures qui traversent notre pays.

Notre conception de l’aménagement du territoire vise donc le bien-être de tous nos concitoyens. Nous sommes pour des territoires, urbains comme ruraux, où l’on puisse vivre et travailler, et non pour des territoires qui seraient de simples lieux de villégiature ou, en d’autres termes pour des territoires ruraux, des lieux dont la vocation serait de permettre à quelques urbains privilégiés et autres bobos amoureux d’une nature idyllique et fantasmée, de venir se reposer et profiter de la douceur de vivre.