M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, l’examen en première lecture du volet de ce projet de loi relatif à l’urbanisme n’a pas été de tout repos, et il est à craindre que nous connaissions les mêmes difficultés en deuxième lecture. (Mais non ! sur les travées du groupe socialiste.)

Partant de préoccupations que nous partageons –l’articulation des documents d’urbanisme, la lutte contre l’artificialisation des sols –, ce volet n’en ignore pas moins les enjeux et les difficultés qui structurent la vie locale.

Sans surprise, je parlerai tout d’abord du PLU intercommunal.

Chacun d’entre nous, au travers de son expérience d’élu, se fait une opinion sur la pertinence de rendre obligatoire le transfert à l’intercommunalité de la compétence en matière de PLU. Cependant, mon groupe politique et moi-même avons arrêté une position simple, audible par ceux qui nous écoutent.

Oui, le PLU intercommunal peut être un outil précieux pour de très nombreuses communes qui, isolément, ne peuvent pas produire un tel document, ou pour lesquelles cela n’a pas de sens, soit parce qu’elles n’en ont pas besoin, soit parce que cela est particulièrement coûteux.

Quelles que soient leurs raisons, la décision qu’elles prennent est motivée par l’intérêt communal. Le PLU intercommunal est alors, pour ces communes et leurs voisines, la meilleure solution.

Toutefois, comme, je crois, bon nombre de leurs collègues, les membres du groupe UMP ont choisi de s’opposer au caractère automatique de ce transfert.

Contrairement à la position que nous avons adoptée à l’égard d’autres dispositions de ce texte, comme l’encadrement des loyers ou la garantie universelle des loyers, il ne s’agit nullement, de notre part, d’une opposition de principe à l’élaboration du PLU intercommunal. Notre opposition porte uniquement sur le caractère obligatoire de ce transfert de compétence. Si l’élaboration du PLU est automatiquement une compétence de l’intercommunalité, que les communes ne sont pas libres de lui confier, cela veut tout simplement dire que la somme des intérêts de chacune des communes passe après l’intérêt communautaire. À quoi bon conserver l’échelon communal, si les communes ne sont plus maîtresses de leur compétence historique en matière d’urbanisme ?

J’ajoute que, aux termes de l’article 72 de la Constitution, « aucune collectivité territoriale ne peut exercer une tutelle sur une autre ». Or, même s’il n’est pas question ici de parler de tutelle au sens strict du terme, les intercommunalités élaboreront une politique urbanistique que les maires devront exécuter, sans que leur liberté soit respectée.

Pour cette raison, lors de la première lecture, le groupe UMP avait déposé un amendement de suppression de l’article 63.

Compte tenu des rapports de force observés lors de l’examen de cet article, un compromis a été proposé : un transfert de compétence automatique, mais avec possibilité de constitution d’une minorité de blocage.

Nous avons bien compris le sens politique de cette manœuvre. Nous n’étions pas favorables à cet amendement, mais il s’agit d’un moindre mal au regard du texte initial. (M. Jean-Jacques Mirassou s’exclame.)

Comme vous l’avez rappelé, madame la ministre, vous vous étiez alors engagée à défendre le compromis élaboré au Sénat. Malheureusement, cet engagement n’a pas valu pour votre majorité.

Certes, après un durcissement des conditions de formation de la minorité de blocage lors de l’examen en commission à l’Assemblée nationale, le Gouvernement a déposé un amendement tendant à revenir au texte du Sénat. Cependant, un sous-amendement du président Brottes à l’amendement du Gouvernement a relevé cette minorité de blocage, en prévoyant qu’au moins 45 % des communes, représentant au moins 45 % de la population, devront s’opposer au transfert de compétence pour empêcher celui-ci.

Il s’agit donc d’un compromis dans le compromis, ou plutôt d’un compromis entre partisans du transfert de compétence.

Par souci de cohérence, notre groupe politique ne peut que s’opposer à l’article 63 tel qu’il résulte des travaux de l’Assemblée nationale. C’est pourquoi nous avons de nouveau déposé un amendement de suppression de cet article. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Jean-Jacques Mirassou s’exclament.)

Même si le PLU intercommunal a mobilisé une grande partie de notre attention, ce texte vise surtout à refonder l’articulation des documents d’urbanisme, tâche aussi légitime que délicate. Pour cela, vous réécrivez l’article L. 111-1-1 du code de l’urbanisme, qui consacre les règles générales de l’urbanisme.

Partant du principe de l’absence d’opposabilité directe des normes de rang supérieur au PLU et à la carte communale en présence d’un SCOT, vous précisez comment les SCOT et les PLU doivent s’intégrer aux autres documents d’urbanisme. Je trouve que, ainsi, la rédaction de cet article du code de l’urbanisme est effectivement plus accessible.

En définitive, le SCOT nouveau que vous proposez, renforcé en matière d’urbanisme commercial, n’est pas la disposition qui nous pose le plus problème.

La suppression de l’interdiction, pour un futur périmètre de SCOT, de correspondre au périmètre d’un seul établissement public de coopération intercommunale constitue une autre petite note positive. Cette rigidité nous semblait incompréhensible, puisque les périmètres d’EPCI peuvent être pertinents pour l’élaboration de SCOT. Heureusement, cette disposition a été supprimée en commission.

Vient ensuite l’article 59, relatif aux résidences démontables. Celles-ci pourront être implantées dans des « pastilles » définies par le règlement du PLU au sein des zones naturelles, agricoles ou forestières. De plus, les résidences démontables constituant l’habitat permanent de leurs utilisateurs pourront être installées sur des terrains non desservis par les réseaux publics de distribution d’eau, d’assainissement et d’électricité.

Voilà qui est étrange : d’un côté, on redouble de vigilance dans l’affectation des sols, et, de l’autre, on crée des statuts dérogatoires, au mépris de cette préoccupation, ainsi que des plus élémentaires considérations de sécurité sanitaire.

Quant à l’article 64, il prévoit que seuls les schémas de secteur dont le périmètre a été arrêté avant l’entrée en vigueur de la loi seront provisoirement maintenus.

Cette disposition pose un problème car, dans de nombreux cas, elle impliquera d’opérer une modification des SCOT, qui sont aujourd’hui, avec les schémas de secteur, les documents de référence : je pense notamment aux unités touristiques nouvelles.

Les élus nous ont fait part d’une autre difficulté, posée par la rédaction de l’article 65, qui prévoit que désormais les PLU pourront faire l’objet d’une révision pour ouvrir à l’urbanisation une zone qui ne l’aura pas été dans les neuf ans suivant sa création ou n’aura pas fait l’objet d’acquisitions foncières significatives.

Avec cette disposition, la révision des PLU, à la suite de modifications de zones 2AU, sera non plus une possibilité, mais une obligation.

Tout cela se fera, de surcroît, dans un contexte de finances publiques dégradées, alors que les procédures de révision sont extrêmement coûteuses.

Enfin, je conclurai en évoquant les dispositions de l’article 73, qui, sous couvert de lutte contre l’artificialisation des sols, vont considérablement entraver le développement de nos territoires – nos territoires ruraux, bien sûr.

Cet article prévoit en effet de restreindre les possibilités de « pastillage » des zones agricoles et naturelles, en précisant que, dans ces zones, des secteurs de taille et de capacité d’accueil limitées peuvent faire l’objet de constructions, à condition que ces secteurs ne soient délimités qu’à titre exceptionnel, après avis de la commission départementale de consommation des espaces agricoles. Tout cela contrevient au règlement du PLU et à la nature contraignante des zones agricoles et naturelles.

En d’autres termes, vous n’avez pas saisi l’occasion de rationaliser les documents d’urbanisme que représentait ce texte. La principale nouveauté, le PLU intercommunal, n’opérera aucune simplification et constitue un énième coup de boutoir contre les prérogatives municipales.

Dans ces conditions, le groupe UMP ne pourra que voter contre ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et sur certaines travées de l'UDI-UC.)

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est bien dommage !

M. le président. La parole est à M. Daniel Dubois.

M. Daniel Dubois. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, avant d’aborder le fond du projet de loi, je voudrais faire quelques remarques sur les conditions dans lesquelles nous examinons ce texte en deuxième lecture.

L’Assemblée nationale a adopté ce projet de loi en deuxième lecture le jeudi 16 janvier. Nous avions jusqu’au lundi 20 pour déposer des amendements en vue de la réunion de la commission, alors que nous n’avons reçu le texte que le vendredi 17. La commission des affaires économiques s’est ensuite réunie le 22 janvier ; nous sommes aujourd’hui le 29.

Madame la ministre, de telles conditions de travail ne sont pas acceptables, même pour une deuxième lecture. Vous avez protesté de votre respect pour le bicamérisme, mais j’estime que, en l’occurrence, le Sénat n’est pas respecté, d’autant que le présent texte compte plus de 190 articles, dont la moitié sont encore en discussion.

En vérité, il n’est pas excessif de dire que cet état de fait témoigne d’un véritable mépris du Parlement en général, et du Sénat en particulier. Ajoutons que les sénateurs membres de la commission des affaires économiques étaient, en parallèle, saisis d’un texte non moins important que celui-ci, relatif à la consommation.

Vous pourrez transmettre au ministre chargé des relations avec le Parlement nos vives critiques sur sa manière de gérer l’ordre du jour. Cette situation est inacceptable, car nous ne pouvons pas, non plus que la commission, travailler sereinement et sérieusement.

J’en viens maintenant au fond du texte qui nous occupe.

Nous avons l’occasion de vous entendre très régulièrement, madame la ministre, sur les différents projets de loi que vous présentez au nom du Gouvernement, concernant le logement et l’urbanisme. Je m’en réjouis, car c’est un domaine qui me tient à cœur et qui est primordial pour les Français et pour l’emploi.

Vous le savez, la construction de logements est prioritaire pour le groupe UDI-UC. C’est pourquoi nous soutiendrons toutes les mesures tendant à la favoriser.

Malheureusement, dans ce domaine comme dans d’autres, ce gouvernement est en échec et ne tient pas ses promesses. Le Président de la République s’est engagé sur la construction de 500 000 logements chaque année, dont 150 000 logements sociaux. C’est un bon objectif, mais les résultats ne sont pas là. Pour 2013, nous peinerons à atteindre le chiffre de 330 000 logements neufs. Pis encore, le nombre de permis de construire a chuté de 15,4 % : c’est dire si les années 2014 et 2015 s’annoncent très difficiles.

À qui la faute ? À la crise économique ? Ce n’est pas une explication suffisante. Vous nous dites, depuis bientôt deux ans, que vous allez relancer la construction, simplifier les normes, les procédures, mais on n’en voit toujours pas les effets. Ce sont les investisseurs qui font défaut, me direz-vous certainement. Cela n’est pas surprenant, tant votre politique les inquiète.

Je crois qu’il faut réagir, et vite. Malheureusement, le projet de loi que nous allons examiner est loin de répondre à ces problématiques.

En ce qui concerne le logement, je crains, comme je l’ai déjà dit en première lecture, que votre acharnement à vouloir tout encadrer, tout administrer, n’ait qu’un effet très négatif.

S’agissant tout d’abord des rapports entre propriétaires bailleurs et locataires, ne vous en déplaise, madame la ministre, l’équilibre n’est pas au rendez-vous. Ce projet de loi va définitivement achever les propriétaires qui souhaitent louer un appartement, et au lieu d’encourager l’investissement dans la pierre, vous le découragez !

M. Daniel Dubois. Les mesures d’encadrement des loyers prévues me semblent totalement antiéconomiques. Elles constituent une forme d’étatisation de la relation entre propriétaires et locataires,…

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Dites cela à Mme Merkel !

M. Daniel Dubois. … alors que ceux-ci sont liés par des contrats de droit privé.

Ensuite, la création d’observatoires locaux et la responsabilisation des préfets dans la fixation de loyers médians me semblent impraticables. En outre, vous ignorez l’existence de structures qui se consacrent déjà, aujourd’hui, à l’observation du niveau des loyers et réunissent les professionnels du secteur.

Enfin, cet encadrement des loyers risque d’entraîner des effets pervers mal mesurés, notamment une hausse des loyers pour les ménages les plus modestes dans des zones où la diversité des loyers est forte.

Pour ce qui est des fameuses « situations exceptionnelles », nous entrons là dans un champ de contentieux judiciaire absolument infini entre propriétaires et locataires. Plutôt que d’équilibrer leurs relations, vous êtes en train, madame la ministre, de les complexifier et de les judiciariser. Comme souvent dans ce cas, c’est le plus faible qui se trouve mis en difficulté.

Ce n’est pas d’encadrement et de règles toujours plus strictes dont nous avons besoin, mais d’assouplissement et d’oxygène pour un secteur qui ne demande qu’à se développer.

Le temps qui nous est imparti dans cette discussion générale est trop court pour tout évoquer, notamment la question de la garantie universelle des loyers, mais nous aurons le temps d’approfondir lors de l’examen des amendements.

En matière maintenant d’urbanisme, j’estime que ce gouvernement travaille en dépit du bon sens et des élus locaux…

Comme vous le savez, je me suis opposé fermement, en première lecture, au transfert obligatoire aux intercommunalités de la compétence en matière d’urbanisme. Je suis favorable à l’élaboration de PLU à l’échelon communautaire, mais cela doit relever de l’initiative locale, résulter d’une volonté commune des maires des communes constituant l’EPCI et ne pas être obligatoire.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ça ne l’est pas !

M. Daniel Dubois. Je passe sur les atermoiements et les oppositions qui se font jour entre le Sénat et l’Assemblée nationale. Je passe sur les hésitations au sein même de la majorité. Pour vous, madame la ministre, l’image est sauve, car le terme « obligatoire » est toujours inscrit dans le texte. Pour le groupe socialiste, la campagne des élections sénatoriales de septembre se prépare,…

M. Daniel Dubois. … puisque tout est bloqué !

M. Marc Daunis. L’argument est bas !

M. Daniel Dubois. Cela n’est pas acceptable pour les élus : soit vous assumez vos propositions, soit vous en restez au statu quo, mais scléroser le système comme vous le faites est dangereux et contre-productif, sauf si vous envisagez de faire sauter ce droit de veto que constitue la minorité de blocage dès que l’occasion vous en sera donnée, par le biais d’un futur texte ou – pourquoi pas ? – d’une ordonnance.

M. Jean-Jacques Mirassou. Ne nous imposez pas vos schémas intellectuels !

M. Daniel Dubois. Dans ce cas, la messe sera dite définitivement, puisque le PLUI sera devenu obligatoire.

Les élus, en particulier les maires, sont inquiets. Leurs craintes n’ont pas faibli, contrairement à ce que vous pensez, depuis la première lecture de ce texte. Nous sortons d’un mois de cérémonies de vœux : de nombreux maires m’ont fait part de leur sentiment négatif à l’égard de ce projet de loi. Je n’ose croire que vous ne leur faites pas confiance, que vous ne croyez pas en leur volonté de servir l’intérêt général, que vous voulez les dessaisir de l’un des trop rares leviers qui donnent de l’intérêt à l’engagement municipal : la compétence en matière d’urbanisme. Écoutez-les au moins sur l’article 63 de votre projet de loi, madame la ministre.

En conclusion, faute d’évolutions significatives, une grande partie des membres du groupe UDI-UC ne pourra soutenir ce texte. (Applaudissements sur certaines travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, alors que, voilà soixante ans, l’appel de l’abbé Pierre pour le droit au logement résonnait comme un cri d’alarme devant la nécessité absolue de garantir à tous des conditions de vie qui respectent la dignité des hommes, le défi du logement pour tous n’est toujours pas relevé. Le droit au logement est pourtant un droit fondamental, reconnu constitutionnellement.

Aujourd’hui, accéder à un logement et pouvoir s’y maintenir est toujours la première préoccupation de la majorité de nos concitoyens. C’est donc avec beaucoup d’espoir que la loi ALUR était attendue.

Le processus de la préparation et de l’élaboration de ce projet de loi a été mouvementé. Nos débats ont été longs, riches et passionnés. Mais aujourd’hui, qu’en est-il réellement ? En quoi ce projet de loi apporte-t-il des réponses à la crise du logement que traverse notre pays ?

Au fond, le message de ce gouvernement concernant la politique du logement est contradictoire. Alors que les objectifs affichés au travers du projet de loi ALUR, à savoir introduire de la régulation dans un secteur qui a été totalement soumis à la marchandisation, sont ambitieux, le cadre budgétaire général pénalise votre action, madame la ministre.

Ainsi, les crédits liés à la politique du logement ont été une nouvelle fois rabotés. Les aides à la pierre sont en baisse, loin des 800 millions d’euros promis par le Président de la République. Les aides personnalisées au logement, les APL, ont été gelées jusqu’en octobre prochain. L’épargne populaire collectée par le biais du livret A a été rendue aux banques. Comment, dans ces conditions, envisager une quelconque amélioration, si ce n’est à la marge ?

Madame la ministre, je vous le dis simplement : même si j’apprécie votre engagement personnel pour le droit au logement, le contenu de ce projet de loi n’est pas à la mesure de la grave crise du logement que connaît notre pays.

Certaines mesures sont positives, certes, et l’action de notre groupe a permis des avancées importantes. Je pense notamment à l’allongement de la trêve hivernale, à la pénalisation des expulsions manu militari, à la reconnaissance du caractère universel du droit à l’hébergement d’urgence, à l’interdiction, pour le bailleur, de s’opposer au versement des APL au locataire, à la possibilité de sanctuariser les dépôts de garantie…

La qualité du débat d’octobre dernier a permis d’améliorer ce projet de loi, notamment sur la question du PLUI, qui représentait le principal point de blocage. L’instauration d’une véritable minorité de blocage a constitué le point d’équilibre, permettant à ce projet de loi d’être adopté par la majorité sénatoriale de gauche.

Vous nous avez assurés de votre volonté de défendre ce compromis à l’Assemblée nationale, et le Premier ministre avait soutenu cette position au Congrès des maires. Pourtant, malgré vos tentatives de conciliation, les députés ont balayé nos travaux ; nous le regrettons.

Permettez-moi alors d’exprimer des doutes sur la suite du processus, quand bien même nous confirmerions ici notre attachement au compromis trouvé.

Le temps de parole des orateurs des groupes dans la discussion générale étant contraint, je n’aborderai au fond que trois points qui me semblent essentiels.

Premièrement, nous confirmons notre jugement de première lecture sur l’encadrement des loyers. Si nous partageons la volonté de réguler le marché, nous estimons qu’aujourd’hui l’urgence commande non pas d’encadrer les loyers à un niveau anormalement élevé, mais bien de les geler, puis de les faire baisser. Le mécanisme proposé ne permettra pas d’atteindre cet objectif, dans la mesure où il se borne à accompagner les tendances du marché, en lissant les écarts sans remédier au fait que les loyers sont beaucoup trop élevés. Les propositions que nous formulons tendent à les faire baisser de manière progressive, en retenant pour plafond, en zone tendue, celui du prêt locatif social.

Deuxièmement, la GUL s’écarte un peu plus encore de ce que nous entendons par une « sécurité sociale du logement ». En effet, elle n’a plus rien d’universel. Certes, elle reste gratuite, mais elle devient facultative, s’apparentant désormais à un outil parmi d’autres pour sécuriser le bailleur face au risque locatif. Nous sommes très attachés, pour notre part, au maintien de son caractère universel, et donc obligatoire.

Par ailleurs, nous trouvons le dispositif particulièrement déséquilibré, plus encore qu’initialement. En effet, les travaux menés entre les deux lectures ont conduit à renforcer les garanties accordées aux bailleurs, alors que nous continuons de nous interroger sur les contreparties réelles offertes aux locataires. Pour le bailleur, l’intérêt de la GUL est évident : elle lui permettra de se faire rembourser les impayés. À l’inverse, les locataires resteront, quoi qu’il arrive, débiteurs et redevables de ces impayés,…

M. Philippe Dallier. Ça paraît normal…

Mme Mireille Schurch. … tandis que le Trésor public est instrumentalisé pour recouvrer des dettes privées.

M. Philippe Dallier. C’est son boulot !

Mme Mireille Schurch. L’accompagnement des personnes en difficulté n’est pas renforcé. Il s’enclenchera éventuellement plus vite, mais je n’appelle pas cela un droit nouveau.

Qui pis est, le mécanisme préconisé va exclure de nombreux locataires fragiles du marché, par la création d’un « fichier des mauvais payeurs ». Tout impayé sera recensé par l’agence. Seront donc exclus de l’accès à la GUL ceux qui auront connu ce type de difficultés durant deux années. Nous n’approuvons pas cette démarche, antinomique du droit au logement pour tous.

J’en viens maintenant au troisième point d’achoppement : le fameux PLUI.

Vous connaissez notre position de fond : nous considérons que tous les projets menés depuis plusieurs années dévitalisent les communes et évaporent leurs compétences. Pour nous, le respect de l’échelon communal, c’est le respect de la démocratie. Il faut cesser de penser que les élus locaux, a fortiori en milieu rural, sont incompétents, qu’ils grignotent les terres agricoles, qu’ils sont clientélistes et méconnaissent au fond la notion d’intérêt général. Ce mépris n’est pas acceptable, alors même que l’État se désengage des territoires, comme en témoigne l’article 61 de ce projet de loi.

Nous considérons donc que, notamment s’agissant du droit des sols, les élus locaux doivent conserver des prérogatives et que l’élaboration d’un PLU intercommunal doit rester un choix, et ne pas devenir une obligation pour tous les territoires. À l’heure où la carte intercommunale est retouchée, pourquoi aller à marche forcée ? Pourquoi ne pas faire comme votre collègue François Lamy et permettre une articulation entre les communes et les intercommunalités, dans un esprit de coconstruction, plutôt que d’imposer le carcan d’un transfert autoritaire de compétence ? Nous faisons, pour notre part, confiance à la démocratie et aux élus.

Comme en première lecture, nous soutiendrons l’amendement pragmatique de M. Bérit-Débat, dont la proposition a conduit à un consensus, dans le respect des élus locaux, des communes et de leurs EPCI. Au cours de ces débats, madame la ministre, nous défendrons avec détermination les valeurs qui sont les nôtres, afin qu’elles puissent véritablement imprégner ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à Mme Marie-Noëlle Lienemann.

Mme Marie-Noëlle Lienemann. Monsieur le président, madame la ministre, chers collègues, lors de la première lecture, nous avons déjà souligné la qualité de ce projet de loi et salué le travail accompli par le Parlement, en particulier par le Sénat.

Ce texte va permettre de véritables avancées vers l’accès de tous à un logement digne, décent et à un prix abordable. L’objectif qui le sous-tend est de produire beaucoup plus de logements, en garantissant un aménagement durable de nos villes, de nos villages et de notre territoire tout entier.

Pour ma part, je m’attarderai sur les questions de l’habitat et du droit au logement, en récapitulant rapidement les points forts de ce projet de loi et en mettant tout particulièrement l’accent sur le progrès que constitue la mise en place de la garantie universelle des loyers.

La régulation du marché représente une première mesure positive. Il ne s’agit pas de mettre en œuvre un encadrement rigide des loyers ! Il est primordial que la France se dote progressivement d’observatoires, afin que l’on puisse connaître les marchés de manière territorialisée et précise. Il est tout de même incroyable que, dans un pays comme le nôtre, on soit encore incapable d’établir un diagnostic partagé sur l’état du marché immobilier et les besoins de logement pour l’ensemble du territoire, de façon assez fine pour coller à la réalité ! Mettre en place un tel outil est certes un peu long et compliqué, mais cela est indispensable pour que nos politiques de régulation ne soient ni menées au marteau-pilon ni impuissantes face au marché.

Parallèlement, le Gouvernement propose l’instauration d’un cadre, organisé autour du loyer médian. Certains prétendent que ce dispositif est excessivement contraignant, mais nos voisins Allemands, eux, considèrent qu’il est peut-être un peu trop souple, au regard de la hausse des loyers qu’ils commencent à observer chez eux, en dépit du déclin démographique. Quoi qu’il en soit, il s’agit d’une première étape indispensable sur la voie qui nous amènera, à terme, à disposer d’outils fins, adaptés et évolutifs permettant de mettre en place de véritables politiques de régulation des marchés.

Ensuite, ce projet de loi renforcera la lutte contre l’habitat indigne et la dégradation des copropriétés. Je n’insisterai pas sur ce grand enjeu national, dont Claude Dilain est un spécialiste : nous ne devons pas laisser des copropriétés partir à la dérive.

Par ailleurs, le présent texte permettra une meilleure organisation de la profession immobilière, dont les inquiétudes sont en voie de s’apaiser, me semble-t-il. Nous considérons que nombre de professionnels de ce secteur font bien leur travail, mais il existe des abus, contre lesquels il faut lutter. La transparence est nécessaire, notamment en matière de prix. Il importe que les consommateurs ne payent pas un prix déraisonnable pour certains services.

L’habitat participatif, quant à lui, connaît une progression lente, peut-être, mais qui mérite d’être soutenue. Du reste, les opérations se multiplient sur le terrain. J’espère que cette tendance se révèlera durable, car le cadre que nous avons déterminé permettra l’émergence, au côté du logement social traditionnel, d’investissements locatifs et favorisera l’accession à la propriété sous des formes nouvelles, qui concourront, elles aussi, à la lutte contre la spéculation. À mon sens, il s’agit là d’une avancée importante.

Enfin, le secteur HLM sera doté de moyens nouveaux. Mes chers collègues, il faut souligner que la construction de logements sociaux a repris, après la période difficile que nous avons traversée, à la suite du relèvement du taux de TVA à 7 % et du prélèvement opéré sur les organismes d’HLM. Les accords conclus avec Action logement et avec le mouvement HLM ont été mis en exergue. La construction redémarre : 117 000 logements sociaux ont été financés l’année dernière, et l’objectif est d’en construire 150 000 en 2014. Bien sûr, il faudrait aller plus vite, mais nous élus locaux savons bien que les années d’élections municipales ne sont jamais les plus propices au lancement de vastes projets en la matière… Il faudra d’ailleurs accélérer, sitôt les élections passées, pour ne pas accumuler de retard.

Je citerai brièvement toute une série de mesures qui, mises bout à bout, amélioreront la protection des publics les plus fragiles : l’allongement de la trêve hivernale, l’amélioration de l’encadrement des ventes à la découpe, le renforcement des droits des personnes accueillies en centre d’hébergement, les politiques de prévention des expulsions.

J’insisterai sur la GUL, qui suscite beaucoup de scepticisme. C’est une tradition dans notre pays : chaque fois qu’une innovation apparaît, on part du principe que cela ne marchera pas !