M. Roger Karoutchi. Il fallait faire la phrase ! C’est symbolique…

M. Albéric de Montgolfier. Il n’y a pas de bonne question si on ne fait pas « la phrase » !

M. Philippe Kaltenbach. D’ailleurs, le rapport de l’inspecteur général de l’administration Michel Rouzeau a démontré cette manipulation.

Je sais, monsieur le ministre, que vous vous êtes engagé à dire la vérité,…

M. Philippe Dallier. Mais toute la vérité !

M. Jackie Pierre. Et rien que la vérité !

M. Philippe Kaltenbach. … à ne pas chercher de subterfuges visant à manipuler les chiffres. Je crois que c’est ce que les Français attendent d’un gouvernement : qu’il regarde la vérité en face et qu’il prenne les mesures nécessaires et adaptées.

Je sais aussi que, depuis maintenant deux ans, les forces de sécurité et vous-même êtes mobilisés pour lutter contre ces actes délictueux et ces cambriolages. Dans mon département, par exemple, le préfet et le procureur ont annoncé, il y a quelques jours, la création d’un groupe local de traitement de la délinquance pour concentrer l’effort sur les quatre communes les plus touchées.

Ma question est simple : pouvez-vous nous exposer les mesures prises par le Gouvernement pour enrayer cette augmentation inquiétante du nombre des cambriolages et rassurer nos concitoyens et leurs élus ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Plusieurs sénateurs du groupe UMP. Allo ! Allo !

M. le président. La parole est à M. le ministre de l’intérieur.

M. Manuel Valls, ministre de l’intérieur. Monsieur le sénateur, vous avez raison de le rappeler, l’ONDRP, l’Observatoire national de la délinquance et des réponses pénales, a démontré que les cambriolages étaient responsables pour un tiers de la hausse du sentiment d’insécurité entre 2007 et 2012. On le comprend aisément.

Ce phénomène est européen, mais il touche tout particulièrement notre pays, du fait de ses caractéristiques géographiques. Pour lui faire face, j’ai fixé aux policiers et aux gendarmes, dont je veux saluer l’engagement, des objectifs pour l’année 2014. En partant de ce que nous avons déjà fait dans les zones de sécurité prioritaires, nous avons adopté une stratégie qui se veut la plus efficace possible. Vous en avez d’ailleurs rappelé un certain nombre d’éléments, qui se déclinent en fonction de la réalité départementale. C’est le cas, bien sûr, dans les Hauts-de-Seine.

Ce plan comprend quatre volets : une stratégie de police judiciaire ciblée sur les délinquants d’habitude et les filières ; l’occupation renforcée de la voie publique ; la protection des commerçants ; la mobilisation de tous les acteurs concernés.

Nous obtenons des résultats, de différents ordres. Surtout, nous réussissons à démanteler des réseaux qui proviennent de l’est de l’Europe ou des Balkans. Je pourrais citer l’opération qui s’est déroulée en Seine-et-Marne, qui a permis d’arrêter une bande composée d’une quinzaine d’Albanais, à qui l’on imputait 130 vols. Je pourrais également citer l’opération très spectaculaire qui a mené au démantèlement d’un réseau criminel très structuré, originaire de Géorgie. Ce dernier opérait surtout dans l’ouest de la France, où il est soupçonné d’avoir commis 2 000 vols et cambriolages.

C’est par ce type de mobilisation, c’est en s’attaquant à ces filières, que nous obtiendrons progressivement des résultats et que nous pourrons contrarier cette tendance à la hausse. Cette tendance, d’ailleurs je le disais dans ma réponse à Philippe Esnol, a été inversée en zone gendarmerie à la fin de l’année, puisque le nombre de cambriolages y a baissé de 1,2 %. Elle a été contenue en zone police, puisque la hausse y est de 2,6 %.

La dynamique est donc enclenchée. Elle nous invite non pas à nous féliciter, mais à poursuivre le travail. J’en suis convaincu, lorsque nous ferons baisser de manière significative le nombre de cambriolages, nous apaiserons aussi le sentiment très fort d’insécurité – que d’autres phénomènes, bien sûr, peuvent contribuer à expliquer – qui règne actuellement dans les territoires qui n’y étaient pas habitués et dans les zones urbaines.

En tout état de cause, vous pouvez compter sur mon engagement en la matière. Mais, ce travail, j’en ai la conviction, ne peut se faire que grâce aux efforts conjugués de l’ensemble des services de police, des élus et des citoyens, qui, eux aussi, sont mobilisés sur cette question fondamentale. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. Nous en avons terminé avec les questions d’actualité au Gouvernement.

Mes chers collègues, avant d’aborder la suite de l’ordre du jour, nous allons interrompre nos travaux pour quelques instants.

La séance est suspendue.

(La séance, suspendue à seize heures, est reprise à seize heures quinze, sous la présidence de Mme Bariza Khiari.)

PRÉSIDENCE DE Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Mme la présidente. La séance est reprise.

5

Candidature à un organisme extraparlementaire

Mme la présidente. Mes chers collègues, je vous rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger au sein de la Commission permanente pour la protection sociale des Français de l’étranger.

La commission des affaires sociales a fait connaître qu’elle propose la candidature de M. Jean-Pierre Cantegrit pour siéger au sein de cet organisme extraparlementaire.

Cette candidature a été affichée et sera ratifiée, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition à l’expiration du délai d’une heure.

6

Engagement de la procédure accélérée pour l’examen d’une proposition de loi

Mme la présidente. En application de l’article 45, alinéa 2, de la Constitution, le Gouvernement a engagé la procédure accélérée pour l’examen de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810, déposée sur le bureau du Sénat le 4 février 2014.

7

Modifications de l’ordre du jour

Mme la présidente. Par lettre en date de ce jour, le Gouvernement demande l’inscription à l’ordre du jour du lundi 17 février, à seize heures et le soir, de la proposition de loi tendant à harmoniser les taux de la taxe sur la valeur ajoutée applicables à la presse imprimée et à la presse en ligne et de la proposition de loi relative à l’interdiction de la mise en culture du maïs génétiquement modifié MON810, présentée par M. Alain Fauconnier.

Pour ces deux propositions de loi, le délai limite de dépôt des amendements de séance pourrait être fixé au lundi 17 février, à douze heures, et le temps attribué aux orateurs des groupes dans la discussion générale serait d’une heure.

Il n’y a pas d’observation ?...

Il en est ainsi décidé.

Par ailleurs, en application du troisième alinéa de l’article 35 de la Constitution, le Gouvernement soumettra à l’autorisation du Sénat, le mardi 25 février après-midi, la prolongation de l’intervention des forces armées en République centrafricaine.

Les modalités de l’organisation du débat, qui sera suivi d’un vote, seront fixées par la conférence des présidents lors de sa prochaine réunion le 19 février.

8

Communications du Conseil constitutionnel

Mme la présidente. M. le président du Conseil constitutionnel a informé le Sénat, le 6 février 2014, qu’en application de l’article 61-1 de la Constitution :

D’une part, la Cour de cassation a adressé au Conseil constitutionnel une décision de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité portant sur l’article L. 8271-13 du code du travail (travail dissimulé) (2014-387 QPC) ;

D’autre part, le Conseil d’État a adressé au Conseil constitutionnel deux décisions de renvoi d’une question prioritaire de constitutionnalité, l’une portant sur le III de l’article 8 de la loi n° 2008-596 du 25 juin 2008 portant modernisation du marché du travail (portage salarial) (2014–388 QPC) et l’autre portant sur l’article L. 6211-3 du code de la santé publique (examen de biologie médicale) (2014–389 QPC).

Les textes de ces décisions de renvoi sont disponibles à la direction de la séance.

Acte est donné de ces communications.

9

Débat sur l’avenir des infrastructures de transport

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle le débat sur l’avenir des infrastructures de transport, organisé à la demande du groupe UMP.

La parole est à M. Louis Nègre, au nom du groupe UMP.

M. Louis Nègre. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, j’interviens en tant que membre de la commission Mobilité 21. Je tiens à le dire publiquement, les travaux de cette commission ont été réalisés dans une démarche de vérité. J’approuve totalement cette volonté de ne pas tromper nos interlocuteurs en leur promettant une avalanche de projets pharaoniques irréalisables.

Cela étant, j’interviendrai également de manière beaucoup plus large sur les sujets d’actualité dans les transports, qui sont nombreux, même si, vous vous en doutez bien, je ne pourrai pas le faire de manière exhaustive.

Les deux scénarios présentés à la fin du rapport de la commission Mobilité 21 sont une tentative de hiérarchisation, à mes yeux intellectuellement honnête, des projets d’infrastructures. Je constate avec plaisir que ce document sensible, quelque peu iconoclaste mais réaliste, a finalement été bien reçu par les élus, malgré les frustrations qu’il a pu susciter à sa sortie.

Il convient de rappeler les constats, strictement objectifs, qui ont permis d’élaborer les propositions de la commission.

Premier constat : c’est le transport ferroviaire qui nécessite les plus grands efforts d’investissement et de rationalisation. Le rapport de l’École polytechnique de Lausanne de 2005, puis celui de 2012, et le récent rapport de la Cour des comptes confirment que la France a laissé se dégrader son réseau ferroviaire classique pendant des décennies, au profit de la vitrine technologique des TGV.

À la suite de ces nombreuses alertes récentes et répétées, notre pays – c’est une bonne nouvelle – met actuellement les bouchées doubles pour rattraper le retard, avec plus de 1 000 chantiers cette année. Cette situation a malheureusement des conséquences sur la circulation et donc sur la qualité du service. Reste que cet effort gigantesque n’empêchera pas le réseau de continuer à vieillir, au moins jusqu’en 2016.

Autre constat préoccupant : le réseau routier français constitutif du plus grand patrimoine national, orgueil de notre pays, est dans un état de dégradation parfois inquiétant. De même, la congestion de ce réseau en milieu urbain ou périurbain pose un grave défi.

En matière de dégradation du réseau, je précise que 15 % des chaussées et 12 % des ouvrages d’art du réseau routier national non concédé avaient un « indice de qualité mauvais » en 2012. Le rapport Mobilité 21 met donc en garde : les mêmes causes produisent les mêmes effets ! Pour éviter le même effondrement que celui que nous avons constaté dans le secteur ferroviaire, j’alerte à nouveau le Gouvernement sur la nécessité d’entretenir correctement le réseau routier national avant qu’il ne soit trop tard.

Il faut le savoir, seulement 15 % des crédits de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF, soit environ 350 millions d’euros, sont consacrés aux dépenses de gros entretien et de régénération des réseaux. Compte tenu des difficultés pour pérenniser le budget de cette agence, nous avons de réels motifs d’inquiétude pour ce secteur du patrimoine.

La situation financière de l’AFITF n’est pas préoccupante ; elle est inquiétante ! En effet, on passe d’un budget initial pour 2014 de 1,7 milliard d’euros de crédits de paiement à des autorisations de programme limitées à 597 millions d’euros, soit un effondrement des deux tiers des moyens financiers de l’Agence. Cela met en péril le troisième appel à projets, qui concerne plus de soixante agglomérations, ainsi que les contrats de projet État-région et les programmes de modernisation des itinéraires routiers de l’ensemble des régions françaises.

L’autre enjeu majeur afférent au réseau routier est évidemment la saturation des voiries aux heures de pointe. Il existe cependant des solutions, monsieur le ministre.

À l’occasion du débat sur la nationalisation des autoroutes, vous nous aviez indiqué qu’il y avait urgence à trouver des solutions sur la gestion de la période allant jusqu’à la fin des concessions et donc à travailler à un nouveau modèle de financement des infrastructures de transport. Pour explorer les différentes voies, juridiques et financières, vous aviez lancé une mission de réflexion dès votre arrivée au ministère. Où en êtes-vous de cette réflexion ? Par ailleurs, Alain Lambert dans l’Orne, Thierry Carcenac dans le Tarn et Jean-Claude Carle en Haute-Savoie ont exploré une solution sous la forme d’un partenariat public-privé, une initiative de péage sur voie expresse, afin de financer les travaux. Cette solution a déjà été soumise au Gouvernement. Comment ces propositions s’inscrivent-elles dans vos réflexions ?

Pour toutes ces raisons, la question plus vaste du partage des charges entre contribuable et utilisateur ne me semble pas totalement hors sujet, d’autant que seul le service public des transports dans la dernière décennie n’a pas suivi l’inflation et que, à ce jour, les bénéficiaires directs prennent une part de moins en moins importante à l’équilibre du système. À terme, cela revient à le condamner.

Je le rappelle, dans les TER, la billettique ne rapporte plus que 27 % du coût des transports. En outre, si nous avons la chance d’avoir en France le versement transport, qui n’existe pas dans le reste de l’Europe, ce dispositif est régulièrement attaqué et il a aussi ses limites, qui sont aujourd'hui atteintes. Que fait-on dans ce contexte ? Est-ce à l’utilisateur ou au contribuable de payer ces transports ? Sachant que seulement un Français sur deux acquitte l’impôt sur le revenu, demander au contribuable de payer la différence, c’est risquer de faire porter une nouvelle fois la charge sur les classes moyennes ! (M. Roger Karoutchi acquiesce.)

Au-delà de ce sujet essentiel qu’est la clé de financement des transports en général, nous sommes tous d’accord sur un élément : hormis quelques opérations particulières, que je viens d’évoquer, il ne sera pas possible d’accroître indéfiniment les capacités des infrastructures routières aux abords des grandes agglomérations. Notre vision de la mobilité ne repose pas sur le modèle des villes américaines avec autoroutes géantes, voies rapides multiples ou nœuds routiers à plusieurs étages. La réponse consiste, nous semble-t-il, à travailler à l’amélioration du taux d’occupation en nombre de passagers par voiture, qui est actuellement de 1,3 par véhicule. Comment améliorer ce taux ? Outre les modes doux, nous avons deux outils à notre disposition : le covoiturage et le développement des transports collectifs.

L’effet du covoiturage sera relativement limité, bien que visible, mais le potentiel de développement est immense. Le covoiturage organisé par les entreprises est le plus efficace, avec un taux d’usagers de 10 %, chiffre de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, à comparer avec les « services tout public » des collectivités, qui atteignent péniblement les 4 %. Cependant, on constate parallèlement un développement considérable de sites internet spécialisés. Cette piste correspond bien à une évolution profonde des comportements de nos concitoyens. Nous ne pouvons donc qu’inviter les collectivités locales en prise directe avec le terrain à s’engager résolument dans cette voie.

Le deuxième outil est fondé sur la nécessité d’un fort développement des transports collectifs, un objectif largement partagé sur toutes les travées. Ce moyen d’action s’est révélé extrêmement performant en milieu urbain. Les transports collectifs en site propre, les bus à haut niveau de service et autres trams ont permis de conquérir de nouvelles parts du marché des transports dans les agglomérations et d’améliorer la qualité de vie, voire la santé de nos concitoyens, car il s’agit de modes moins polluants.

En revanche, pour des lignes ferroviaires très déficitaires, dans un souci de la meilleure utilisation possible des rares deniers publics et dans le cadre de l’optimisation de nos infrastructures, il faut désormais envisager sérieusement le transport par autocar, trop longtemps dénigré, mais qui est satisfaisant économiquement et écologiquement. De la même manière, il faudra, dans le secteur ferroviaire, renouveler les infrastructures, augmenter les cadences, faire appel à un nouveau matériel capacitaire sur les lignes surchargées et examiner au cas par cas celles qui connaissent une trop faible affluence.

Le transport par autocar a le triple mérite d’augmenter le ratio de passagers par véhicule, de combattre la saturation des infrastructures routières et de coûter moins cher ; dans le contexte actuel, ce n’est pas la moindre de ses qualités. (Sourires.)

Dans ce domaine, les choses sont en train de changer. On peut espérer que, avec du matériel moderne, propre et confortable, il soit possible de proposer une solution de remplacement crédible aux usagers devant faire face à des fermetures de lignes ferroviaires. La rationalisation du transport ferroviaire par ces temps de vaches très maigres et de deniers publics de moins en moins abondants s’impose donc.

Je rappelle que l’ensemble des contributions publiques, de la part de l’État et des collectivités locales, représentait plus de 12,5 milliards d’euros en 2011, c’est-à-dire plus de la moitié du coût total du système. Ce chiffre nous interpelle, d’autant que des pays très développés sont dotés d’un système ferroviaire de qualité fonctionnant sans aucune aide publique. La comparaison avec eux ne peut nous laisser indifférents.

Pis encore, la dette de Réseau ferré de France, RFF, devrait atteindre 33,8 milliards d’euros à la fin de 2103, alors qu’elle n’était que de 31,5 milliards d’euros à la fin de 2012, soit il y a un an.

D’un côté, des investissements importants ; de l’autre, des recettes en baisse de 30 millions d’euros en 2013 : tout cela empêche de dégager les moyens suffisants pour financer la rénovation du réseau. Or cette dernière est nécessaire, comme chacun s’accorde à le reconnaître.

Structurellement, il manque environ 1,5 milliard d’euros pour financer les 2,5 milliards d’euros d’investissements de rénovation. Ce besoin de financement accroît chaque année la dette de RFF, qui par ailleurs enregistre une diminution continue du volume de circulation. D’où une trajectoire potentiellement explosive de la dette du système ferroviaire, estimée aux environs de 55 milliards d’euros en 2020. Or il est impossible de répercuter sur le voyageur le financement de cette situation : cela reviendrait à faire exploser les tarifs !

On pourrait conclure de la lecture de ces chiffres qu’il s’agit du prix à payer pour un service qui soit de qualité et, surtout, qui corresponde à la demande de nos concitoyens. Malheureusement, tel n’est pas le cas. Les usagers, au-delà des grèves à répétition, se heurtent à des dysfonctionnements majeurs, dus, notamment, à l’obsolescence des infrastructures, au vieillissement du matériel, à la saturation de certaines lignes, voire à une information des passagers indigne d’un XXIe siècle où règnent désormais les technologies de l’information et de la communication.

Bien que l’opérateur historique ne rencontre aucune concurrence dans son domaine, l’accident de Brétigny-sur-Orge comme la dégradation du service au quotidien pour les usagers ne peuvent que confirmer la nécessité de réaliser des investissements majeurs dans ce domaine.

Il est temps de s’interroger sur le financement de l’Agence de financement des infrastructures de transport de France, l’AFITF. Nous savons que le budget de cette agence est en grande partie utilisé hors de sa vocation initiale, puisque 60 % de ses ressources actuelles sont consacrées aux dépenses de gros entretien et de régénération des réseaux, aux travaux de modernisation visant à adapter sans création de nouvelles fonctionnalités les performances des réseaux existants et au renouvellement du matériel roulant.

Monsieur le ministre, ce matin – bonne nouvelle ! – le conseil d’administration de l’AFITF a décidé de sanctuariser un budget de 110 millions d’euros pour assurer le renouvellement des trains d’équilibre du territoire, les TET. Cette décision est la bouffée d’oxygène qu’attendait l’industrie ferroviaire. Nous ne pouvons que nous en féliciter !

Concrètement, il ne reste que 800 millions d’euros à l’AFITF pour réaliser les dépenses liées aux grands projets engagés ou en études. Or cette somme, pour le moins insuffisante, ne sera plus garantie, car nous devions assister au remplacement des subventions versées par l’État – 940 millions d’euros en 2012 – par les recettes de la fameuse taxe poids lourds, dont le montant net était estimé à environ 870 millions d’euros en année pleine. La suppression ou suspension de cette taxe remet donc directement en cause les 500 millions d’euros de travaux prévus dès cette année !

Cette situation pose un vrai problème. La suspension de l’application de la taxe poids lourds due, pour reprendre les termes d’un Normand célèbre, à « l’émotion » d’une région française aura un impact direct sur les vingt et une autres régions que compte notre pays.

M. Louis Nègre. Prenons l’exemple de ma région, dans le Sud-Est – vous savez, monsieur le ministre, en bas à gauche de la carte ! (Sourires.) Nous sommes tout aussi éloignés du centre que la Bretagne, mais nous, nous n’avons pas manifesté !

Nous comprenons, au contraire, l’importance de taxer les poids lourds en transit. Mon département, celui des Alpes-Maritimes, est traversé annuellement par 600 000 poids lourds, qui ne font que passer sur l’autoroute A8 et sur la Côte d’Azur. Nous nous posons donc des questions.

Par ailleurs, la décision de suspendre la mise en œuvre de l’écotaxe poids lourds risque d’entraîner le dépôt de bilan d’Écomouv’. La commission d’enquête, dont je fais partie, s’est déplacée à Metz pour dresser un état des lieux : soixante personnes sont à l’heure actuelle en attente de travail ! La situation est donc délicate, pour ne pas dire plus.

Quoi qu’il en soit, je souscris totalement à la proposition émise dans le rapport Mobilité 21 de renforcer la participation institutionnelle des grandes collectivités au sein de l’AFITF, en créant une place ès qualités pour les régions au conseil d’administration de l’AFITF.

Je dirai un mot des infrastructures maritimes, dont Charles Revet est un spécialiste reconnu.

M. Charles Revet. Ce n’est pas impossible ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. Depuis la réforme de 2008, la France a pris conscience de la sous-exploitation de son potentiel. Malgré cela, les parts de marché des ports français en Europe ont chuté de 18 % à 14 % en tonnage et de 11 % à 6 % en nombre de conteneurs, comme l’indique le rapport Mobilité 21.

Compte tenu de ces chiffres, nous sommes impatients, monsieur le ministre, de connaître les suites que le Gouvernement donnera à la relance de la stratégie portuaire annoncée à la fin de l’année 2013 par vous-même. Quoi qu’il en soit, encore une fois, nous avons des motifs d’inquiétude en raison de la baisse dont je viens de parler.

J’ai tout de même une bonne nouvelle à annoncer.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. J’ai bien fait de venir ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. Lors d’un colloque organisé par l’association TDIE, c'est-à-dire Transport développement intermodalité environnement, coprésidé par Philippe Duron et moi-même, sur les grands ports maritimes, nous avons appris que les grèves dans nos grands ports maritimes diminuaient de manière significative. (M. Henri de Raincourt s’exclame.)

Au même moment, madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, le port d’Anvers, où l’on ne savait pas comment ce mot s’écrivait, vient de connaître sa première grève !

M. Roger Karoutchi. Enfin la France arrive à exporter quelque chose ! (Rires.)

M. Louis Nègre. Un rééquilibrage s’opère donc au niveau européen !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Le dialogue social promu par le Gouvernement paie !

M. Louis Nègre. En ce qui concerne les voies fluviales, nous partageons les mêmes inquiétudes qu’en matière d’infrastructures routières et ferroviaires : il existe trop d’incertitudes sur le financement de Voies navigables de France, VNF.

Bien sûr, la commission a raison de préconiser que le budget de VNF passe de 30 millions d’euros à 60 millions d’euros. Cependant, l’AFITF connaissant de grandes difficultés, comment faire ?

En matière d’infrastructures aéroportuaires, les plateformes aériennes françaises continuent leur progression – voilà encore une bonne nouvelle – avec, en 2013, un record de 90 millions de passagers cumulés entre Roissy-Charles-de-Gaulle et Orly.

Même si les installations sont en elles-mêmes de qualité, nous savons qu’il reste encore beaucoup à faire en termes d’accessibilité. C’est la raison pour laquelle le projet CDG Express est important et intéressant pour l’accès direct à l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle par l’est.

Comme je viens de l’exposer, tous les types de transports sont aujourd’hui confrontés à un manque criant de financement. C’est le problème majeur aujourd'hui. Les solutions proposées s’apparentent trop – il s’agit peut-être de termes un peu fort – à du bricolage ou à du funambulisme ! Nous essayons de faire face, mais dans des conditions telles que, selon moi, nous n’y arriverons pas, sauf à engager de significatives réformes structurelles.

À défaut de telles réformes, nous ne parviendrons pas à dégager de solution, ce qui serait regrettable pour notre pays. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Teston. (M. Jean-Jacques Filleul applaudit.)

M. Michel Teston. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, on ne peut aborder la question de l’avenir des infrastructures de transports sans prendre en compte les besoins en termes de mobilité.

Au cours des vingt dernières années, ces besoins n’ont cessé de croître en même temps que les distances parcourues, qu’il s’agisse des particuliers ou des entreprises. D’ailleurs, une étude IPSOS réalisée en décembre 2013 révèle que les conditions de transport sont la troisième préoccupation des Français et fait apparaître un besoin criant en matière de mobilité.

Différentes raisons expliquent en grande partie ce phénomène : la mondialisation de l’économie, l’élévation du niveau de vie, l’étalement urbain ou encore les innovations technologiques.

Ce constat conduit à la conclusion qu’il est essentiel de disposer d’infrastructures de qualité permettant de répondre aux différentes formes de la demande de mobilité, ce qui suppose, à mon sens, la réunion de deux conditions : premièrement, il est nécessaire de disposer de réseaux adaptés et en bon état ; secondement, il est tout aussi important de mettre en place à cet effet un dispositif de financement suffisant et pérenne.

La première condition pour assurer l’avenir des infrastructures de transports est donc de disposer de réseaux adaptés et en bon état. Pour remplir cette première condition, deux objectifs doivent être atteints : le maintien en bon état des infrastructures existantes et le développement d’infrastructures nouvelles adaptées aux besoins réels de mobilité.

L’atteinte de l’objectif du maintien en bon état des réseaux existants passe par la régénération et l’amélioration des infrastructures actuelles. En effet, le coût de la régénération est souvent moins important que celui de la création de nouvelles infrastructures. En outre, la régénération permet d’améliorer la sécurité et la capacité des réseaux, mais aussi le confort des usagers. Quant à l’amélioration des infrastructures, elle assure également la diminution des temps de parcours.

Ainsi, en privilégiant le financement des « transports du quotidien », le schéma national des infrastructures de transport présenté en juillet dernier et le scénario n° 2 retenu par le Gouvernement ont marqué une rupture avec l’approche habituelle des anciens schémas.

Cette rupture se traduit par l’orientation des investissements vers des infrastructures qui bénéficient de façon régulière au plus grand nombre, au lieu d’engager l’essentiel des financements publics dans le développement de nouvelles infrastructures offrant un service ponctuel à un nombre plus restreint d’usagers.

Pour autant, bien que la France dispose déjà d’infrastructures ferroviaires, routières, autoroutières et fluviales denses et globalement bien maillées, les réseaux existants ne suffiront pas et devront être complétés par d’autres réalisations si l’on veut que notre nation ne soit pas écartée des grands flux internationaux de transport.

Parmi ces projets d’infrastructures de dimension internationale, on peut citer, pour le réseau ferré, les lignes à grande vitesse vers l’Espagne et l’Italie, ainsi que les parties manquantes de la ligne à grande vitesse Rhin-Rhône. Des liaisons nationales transversales peuvent également être évoquées, comme l’axe Bordeaux-Toulouse ou encore, à beaucoup plus long terme, le projet POCL, c'est-à-dire Paris–Orléans–Clermont-Ferrand–Lyon, qui devrait faciliter les liaisons entre le nord-ouest et le sud-est de la France pour peu que l’on y ajoute un barreau est-ouest.

Pour le réseau fluvial, il s’agit essentiellement du canal Seine-Nord Europe et, concernant les aspects maritimes, des investissements à réaliser pour améliorer les connexions des ports avec leur hinterland. Quant au réseau autoroutier, quelques aménagements complémentaires pourraient être réalisés, dans le respect de l’interdiction de la technique de l’adossement.

Cela étant, les projets d’infrastructures doivent se conformer à la loi de programmation pluriannuelle des finances publiques du 31 décembre 2012, qui a instauré une exigence d’évaluation socio-économique préalable pour tous les projets d’investissements civils financés par l’État, ses établissements publics et les établissements publics de santé.

En outre, en septembre 2013, le Commissariat général à la stratégie et de la prospective a rendu public un rapport sur l’évaluation socio-économique des investissements publics, afin de disposer d’un cadre méthodologique commun, en matière d’analyse de la pertinence des différents investissements publics.

À ce titre, le dernier SNIT a, en quelque sorte, constitué un précédent : il diffère aussi des schémas antérieurs dans la mesure où les choix d’investissements suivent les évaluations réalisées, ce qui n’était pas toujours le cas précédemment, vous en conviendrez, mes chers collègues.

Cette différence d’approche a déjà été constatée dans le débat sur le projet du Grand Paris. En effet, le gouvernement Fillon avait essentiellement souhaité relier les grands pôles d’activités entre eux, alors que la région d’Île-de-France avait préféré mailler plus finement le territoire, pour que les infrastructures nouvelles profitent au plus grand nombre. Heureusement, un compromis a pu être trouvé entre les deux approches. (M. Roger Karoutchi manifeste son scepticisme.)

Tout cela laisse à penser que, en matière de choix d’infrastructures, il y a bien une vision pertinente, attentive à la demande de l’ensemble des usagers, et une vision qui l’est moins, reposant sur l’idée que les usagers doivent s’adapter à l’offre de mobilité.

J’en viens à la seconde condition pour assurer l’avenir des infrastructures de transports, à savoir pouvoir compter sur un financement suffisant et pérenne.

Cet aspect est essentiel. En effet, tout le monde connaît le niveau de la dette de RFF, je n’y reviens pas. En outre, la grave crise économique et financière actuelle entraîne des incertitudes sur le financement à long terme des investissements publics, qui requiert pourtant des ressources stables. Dans ce contexte, il est plus que jamais nécessaire de ne pas faire peser sur le contribuable une charge fiscale trop importante.

C’est d’ailleurs l’esprit qui avait présidé à la création de l’AFITF en 2004. En effet, pour financer les infrastructures de transports, l’AFITF devait bénéficier des dividendes autoroutiers perçus par l’État, actionnaire des sociétés concessionnaires d’autoroutes. La ressource devait être importante et progressive.

Or, en 2005, le gouvernement Villepin a commis une erreur politique, et même une faute politique…