M. Charles Revet. Bien sûr !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. En tout cas, il est clair que les transports sont au cœur du mécanisme de croissance économique.

Du fait de la nécessité de se doter d’infrastructures adaptées, ils sont aussi l’un des moyens de la reprise économique, l’un des leviers permettant de créer de l’emploi, de structurer des filières, notamment industrielles. À cet égard, il faut mentionner les moyens prévus dans le cadre des programmes « investissements d’avenir ».

Cela vaut dans le secteur des transports ferroviaires, mais aussi dans l’aéronautique et dans un certain nombre de projets que l’on peut considérer comme « orphelins », au sens des maladies orphelines.

J’étais, voilà deux jours, à la SNCF pour lancer l’expérimentation des drones civils. Voilà un sujet extraordinaire, qui mobilise plus d’une centaine de start-up françaises dans les régions de Bordeaux et de Toulouse. Pour conserver sa place de leader mondial dans ce domaine, la France doit, d’une part, donner une impulsion à une réglementation qui fera de notre pays la référence concernant l’utilisation de ces drones et, d’autre part, engager et accompagner toutes ces innovations.

L’enjeu, lorsque nous parlons des infrastructures, est aussi de doter notre territoire des moyens durables pour la croissance et le dynamisme économiques.

Cet enjeu est également européen. Cela n’a pas été souligné, mais le contexte a bien évolué en quelques mois. Souvenez-vous du combat qu’a mené le Président de la République et qui s’est conclu par l’évolution des budgets européens en vue de mobiliser des moyens supplémentaires pour les grandes infrastructures de transport.

Je pense notamment à la révision du réseau transeuropéen de transport au cours de la période 2014-2020. La France – elle n’était pas seule, mais elle était au premier rang de ce combat – a fait passer l’enveloppe, qui était modeste au départ, à 23,2 milliards d’euros : 10 milliards d’euros pour les pays du fonds de cohésion et 13,2 milliards d’euros – avec une augmentation de 65 % – pour la France ; des montants sans commune mesure avec ceux que nous avons pu connaître dans la période précédente, 2007-2013.

Grâce à ces mesures, émergeront de grands projets d’aménagement. Des questions m’ont été posées concernant deux d’entre eux. J’y reviendrai brièvement, notamment le projet Lyon-Turin et le projet de canal Seine-Nord.

Je rappelle que, sur ces grands projets de dimension européenne comme les corridors européens de transport, nous avons obtenu l’éligibilité, à hauteur de 40 %, à des subventions européennes, ce qui n’était pas nécessairement le cas voilà encore quelques mois.

Toujours à propos du contexte européen, n’oublions pas que le transport, ce sont aussi des relations sociales, des hommes et des femmes qui évoluent dans un environnement qui doit être favorable au développement. À cet égard, nous déplorons le manque d’implication qui a été, des années durant, celui de la France en faveur de politiques sociales européennes : de fait, nous avons adopté en la matière une vision uniquement orientée vers la concurrence, débouchant sur le dumping social. Désormais, dans ce combat-là aussi, la France prend toute sa place, et je m’en félicite.

Dans le transport routier de marchandises, entre 2007 et 2012, l’activité a diminué de 25 % – pas moins ! –, le pavillon français se voyant ainsi remis en cause. Bien sûr, la crise est en partie à l’origine de cette diminution, mais celle-ci résulte aussi des politiques de dérégulation sociale qui ont été suivies, de la concurrence exacerbée qui a conduit au dumping social. Ont été ainsi mises en place les conditions propices à une déstructuration qui a également touché l’aménagement du territoire.

Par exemple, il n’est pas en France un seul canton qui n’accueille au moins d’un transporteur routier. Eh bien, nous avons fait reculer la Commission, qui avait la volonté de libéraliser la réglementation européenne en prévoyant d’assouplir un peu plus le cabotage.

Je pourrais également citer le combat que nous avons mené concernant le transport aérien et le fameux rendez-vous du Conseil informel au sujet du projet de Ciel unique européen. La France était, à l’origine, quasiment la seule à refuser que l’on s’engage une nouvelle fois dans une sophistication de réglementations qui tendaient, en définitive, à remettre en cause notre modèle d’organisation. D’ailleurs, les syndicats s’en sont émus, et nous nous sommes entendus avec l’Allemagne – c’est suffisamment rare pour que je le souligne ! – pour adopter une position de plus en plus convergente.

Nous avons adressé des courriers au commissaire européen Siim Kallas pour lui demander que ne soient pas instaurées des règles destructrices dans ce domaine sensible des transports aériens, où une certaine stabilité est nécessaire pour assurer la sécurité et la régularité des vols.

En outre, lors du Conseil informel de Vilnius, nous avons tout simplement exigé l’arrêt d’une nouvelle réforme de dispositions qui n’étaient même pas encore mises en œuvre : à peine le Ciel unique II était-il engagé qu’un Ciel unique II+ était projeté !

S’agissant du contexte européen en matière d’infrastructures de transport, nous devons donc non seulement mobiliser des financements européens, mais aussi faire en sorte que soient élaborées des politiques qui s’inspirent clairement de notre vision de l’aménagement du territoire comme une impérieuse nécessité, du rôle de l’État stratège, notre conception d’un État qui intervient.

Il n’est pas un seul domaine, concernant les transports, où nous ne fassions appel à la puissance publique, qu’il s’agisse de la réglementation, de l’investissement ou de la stratégie. Et c’est bien légitime ! D’ailleurs, les grands investissements ont toujours été structurants. Encore faut-il que, par des règles interprétées de manière parfois un peu dogmatique, on ne fasse pas obstacle à l’intervention de l’État, y compris à son action régulatrice. Je pense notamment à la réforme ferroviaire, aux éventuelles évolutions des modes de financement des infrastructures. Je pense également aux relations avec les transporteurs autoroutiers et aux secteurs maritime et portuaire. Si nous avions écouté la Commission, nous serions actuellement confrontés à une libéralisation des services portuaires qui nous poserait de grandes difficultés, à nous mais aussi à bien d’autres.

Ce contexte nous amènera, dans les prochains mois, à convoquer une grande conférence européenne, dont l’initiative revient à la France. Nous avons été rejoints par la présidence grecque, qui a souhaité organiser ce rendez-vous avec nous à Paris. Cette conférence aura pour thème l’harmonisation sociale dans le transport, notamment le transport routier de marchandises.

La France doit donc prendre position sur les orientations européennes, sur toute la démarche européenne. Nous avons trop souvent imputé à l’Europe la responsabilité de nos difficultés, alors que la France a elle-même appréhendé, de par ses politiques, voire par la promotion de certaines théories, la question européenne sous un angle qui était non pas purement « européen », mais bien national, et dogmatique. Je souhaite que nous puissions revenir sur cette attitude.

La France, dans le domaine des transports, n’est pas absente du débat européen, et cela pour une raison très simple : d’un point de vue stratégique, elle est offensive au niveau national pour l’ensemble de ses réseaux et dans la complémentarité des politiques qu’elle entend mener.

Je tiens à remercier les différents intervenants, notamment MM. Jean-Jacques Filleul et Michel Teston, d’avoir rendu hommage à la politique engagée par ce gouvernement, à la volonté qui a été la sienne d’allier pragmatisme, prise en compte des réalités, soutenabilité et ambition. Même Louis Nègre lui a rendu, au moins indirectement, sans l’avouer, cet hommage, sans doute de manière un peu retenue, plus timide…

M. Louis Nègre. Plus équilibrée !

M. Vincent Capo-Canellas. Moins enthousiaste !

M. Ronan Dantec. Plus pudique !

M. André Reichardt. Plus juste ! (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. En tout cas, je l’en remercie aussi.

Je précise au passage que le pragmatisme n’est pas ennemi de l’ambition : il est au contraire une des conditions de la réalisation des projets engagés.

Du reste, un de mes premiers soucis a été de redonner de la soutenabilité aux projets, de rendre réalisable ce qui n’était encore que projeté et, lorsque ce n’était pas réalisable, de le dire en toute honnêteté. Car il fallait bien faire comprendre que, eu égard à l’évolution de la situation, nous ne pouvions nous en tenir aux promesses accumulées l’instant d’un débat sur une politique globale, que nous devions au contraire avoir une vision intermodale, nous projeter dans le temps, mobiliser les moyens nécessaires à la mise en œuvre d’une politique responsable.

Cher Louis Nègre, je vous remercie donc d’avoir bien voulu souligner que nous avions engagé une démarche de vérité. Elle était indispensable, car nous ne pouvions en rester au mythe des 245 milliards d’euros de projets, dont certains n’étaient même pas esquissés, et considérer que nous pouvions avancer ainsi, sans nous soucier de redonner un peu de crédibilité à la parole publique.

Cette crédibilité a pu progresser grâce à des recommandations, des préconisations, un travail partenarial durant lequel chacun a eu le droit à la parole, notamment dans le cadre de la commission Mobilité 21. Elle a également été favorisée par la possibilité d’expertiser et de donner régulièrement à la représentation nationale le temps de la discussion sur ces grands projets structurants.

Il est en effet nécessaire que les représentants de la Nation, c’est-à-dire les parlementaires, puissent, à chaque étape de la réalisation de ce schéma des infrastructures de transport, en analyser le rythme, la pertinence et les méthodes. Ces paramètres doivent être revisités régulièrement pour donner leur chance à des réalisations, sur des bases nouvelles et saines, en fonction d’un environnement économique et budgétaire en constante évolution.

C’est de cette responsabilité et de cette démarche partenariale que procédera la réussite de nos ambitions. Cette démarche est totalement transparente, réaliste, concrète, évolutive, mais elle permettra ce vrai partenariat entre l’État et les collectivités territoriales.

Celles-ci ne peuvent pas être sollicitées seulement à l’occasion d’une contractualisation, sans que l’on s’appuie sur une vision partagée de l’aménagement du territoire. Car l’aménagement du territoire les concerne toutes, et pas seulement les régions comme je l’entends parfois, même s’il est nécessaire, pour faire avancer la décentralisation, de savoir qui est responsable de quoi, quelle est l’autorité organisatrice, le chef de file. Les départements sont également concernés, de même que les intercommunalités, les métropoles, les communautés d’agglomération.

Bref, nous devons parvenir à la mobilisation des acteurs publics autour des enjeux du transport. Ce sont ces bases qui donneront de la solidité à la construction d’une politique pertinente.

Les orientations ont été claires. Vous les avez entendues, car elles ont été énoncées à plusieurs reprises par la Premier ministre.

Il faut bien reconnaître que, dans les années passées, la priorité n’a pas été donnée – et vous l’avez tous regretté, quelle que soit votre appartenance politique – au maintien à niveau des infrastructures existantes dans le domaine ferroviaire. C’est le constat qu’a établi par deux fois l’École polytechnique fédérale de Lausanne, en 2005 et 2012. Elle a noté que la modernisation des infrastructures était insuffisante ; le niveau d’entretien et de renouvellement des infrastructures existantes ne permettait même pas d’atteindre un seuil garantissant la sécurité et l’efficacité du transport. Cela explique la disparition du transport de marchandises sur certains parcours, l’absence de tout trafic sur certains tronçons, soit pour y effectuer des travaux, soit, surtout, pour éviter un accident. Hélas, nous avons néanmoins connu l’accident de Brétigny !

Avant même cet accident, fort du constat dressé par l’École polytechnique de Lausanne, j’avais demandé à RFF d’élaborer un grand plan de modernisation ferroviaire. Depuis, au-delà des 3,2 milliards d’euros consacrés à l’entretien de ces réseaux, 2,5 milliards d’euros ont été débloqués.

Voilà pourquoi la première des orientations est la priorité donnée à l’amélioration durable des infrastructures existantes, ferroviaires mais aussi routières.

Cela a été rappelé : aujourd’hui, 20 % de notre réseau routier est dans un état dégradé. Nous ne saurions laisser la détérioration se poursuivre.

Souvenez-vous des politiques menées naguère : elles excluaient de la contractualisation les fameux PDMI, les programmes de modernisation des itinéraires routiers.

Qu’il s’agisse des réseaux routiers, ferroviaires ou fluviaux, l’entretien des infrastructures existantes est nécessaire. L’époque est révolue où, en matière ferroviaire par exemple, la France n’entretenait que 500 kilomètres de voies quand il aurait fallu en rénover plus du double. Cette politique de rénovation sera clairement affichée dans le cadre de la contractualisation entre l’État et les collectivités territoriales, notamment les régions.

Les réseaux structurants doivent faire l’objet d’une mobilisation, ils doivent bénéficier de financements. Tous les territoires sollicitent des cofinancements pour réaliser tel équipement ou tel tronçon de voie. Gardons cependant cette réalité à l’esprit : les réseaux structurants doivent être remis à niveau. Nous commencerons par ce chantier. C’est, pour l’État, une obligation morale qu’il convient de traduire en réalités financières et matérielles.

Par ailleurs, le Premier ministre s’est engagé à assurer le renouvellement des trains Corail. Ces derniers sont fort anciens – ils ont plus de trente ans, voire trente-cinq dans certains cas. (M. Louis Nègre acquiesce.) Sur les lignes pour lesquelles l’État est autorité organisatrice des transports, aucune modernisation du matériel roulant n’a été assurée pendant des décennies !

Jean-Marc Ayrault a souhaité mettre un terme à cette situation. D’ici à 2025, tous les trains d’équilibre du territoire, les TET, seront renouvelés. Une enveloppe de 510 millions d’euros permettra de passer une première commande. L’appel d’offres est d’ores et déjà lancé. Le matériel roulant sera remplacé de manière progressive, en fonction des lignes, de leur fréquentation et des attentes des usagers, qui ont fait l’objet d’enquêtes spécifiques.

Ce soutien aux transports du quotidien est élaboré en dialogue avec les collectivités, notamment via les contrats de projets État-région pour 2014-2020. Il s’agit là d’une démarche partenariale. Jamais les collectivités n’auront été à ce point associées à cette mobilisation ! De fait, j’ai tenu à ce que tout type de mobilité fasse l’objet d’un débat dans le cadre du volet « mobilité multimodale » de la contractualisation : le fluvial, le routier, le ferroviaire et les transports urbains. Quant aux nœuds intermodaux, ils seront étudiés dans toute leur diversité.

Lors de la réunion organisée il y a deux jours sous l’autorité du Premier ministre, j’ai rappelé aux préfets les priorités opérationnelles, au nombre desquelles figure le désenclavement. Je regrette que M. Mézard, qui avait un train à prendre, justement,…

M. André Reichardt. Espérons que le train était à l’heure ! (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … ne soit plus présent, car il aurait été heureux de l’entendre. J’aurais aimé l’assurer de l’attention que le Gouvernement accorde aux enjeux de l’équilibre territorial. Mais je le lui confirmerai une prochaine fois.

Cela dit, à entendre ses revendications, on conçoit qu’il parte très tôt pour pouvoir atteindre, très tard, le département dont il est l’élu. Il est de notre responsabilité de réduire son temps de parcours à une durée raisonnable ! (Nouveaux sourires.)

M. Vincent Capo-Canellas. Modernisons le réseau !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Nous accordons donc la priorité à l’égalité territoriale, au désenclavement, à la décongestion, à la modernisation et au développement des réseaux, à la sécurité des différents modes de transport. Nos engagements ont été définis et ils seront tenus.

Je rappelle que les enveloppes des CPER ont été majorées de 20 %. Bien sûr, cette mesure ne suffira pas à tout résoudre. Bien sûr, nous souhaiterions disposer de plus encore, tant les retards à combler sont grands. Mais cela manifeste tout de même la volonté du Gouvernement de répondre aux préoccupations exprimées par les élus locaux et les parlementaires.

M. Karoutchi n’est plus là non plus…

M. André Reichardt. Lui aussi avait peut-être un train à prendre ! (Sourires.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il a exprimé ses revendications avec la force de conviction qu’on lui connaît. Il reste que c’est bien l’actuel gouvernement qui a mobilisé des financements substantiels en faveur des transports quotidiens en Île-de-France ! C’est bien dans le cadre du nouveau CPER que 7 milliards d’euros ont été négociés entre l’État, la région et la société du Grand Paris pour la modernisation du réseau existant. Cette somme sera engagée d’ici à 2017. Je rappelle que le précédent contrat ne consacrait que 2,9 milliards d’euros à ce dossier. On mesure l’ampleur des crédits mobilisés à ce titre.

De surcroît, le Gouvernement a remanié le projet du Grand Paris Express, qui, comme M. le Premier ministre l’a annoncé, bénéficiera de plus de 23 milliards d’euros d’ici à 2030.

Les travaux sur les lignes 15, 16, 17 et 18 du métro seront entrepris ; le prolongement de la ligne 14 est engagé ; la ligne 11 sera également prolongée, de même que celle du tramway T4, vers Clichy-Montfermeil, et celle du tramway T1, vers l’est.

Au surplus, quelque 2 milliards d’euros sont consacrés à la nécessaire amélioration des performances du réseau express régional, le RER. Je songe en particulier au RER B. Il convient par ailleurs d’adapter le schéma directeur du RER A.

Il est vrai que la situation actuelle sur ces lignes est intolérable. Lorsque de tels efforts sont accomplis, on ne peut accepter que la qualité et la régularité du service ne connaissent pas des améliorations sensibles ! (M. Vincent Capo-Canellas acquiesce.)

Monsieur Capo-Canellas, je me souviens de la rencontre que nous avons eue avec des usagers, en présence du président de la région d’Île-de-France. Ce n’était pas une rencontre en grande pompe : vous savez que ce n’est pas mon style ! Le but était simplement de rassurer les usagers en leur rappelant la mobilisation des pouvoirs publics en faveur de la qualité du service.

Alors même que nous dégageons les moyens de nos ambitions, il n’est pas tolérable que nos efforts restent vains et que la crédibilité de la parole publique soit mise en cause. Voilà pourquoi j’ai demandé une évaluation des travaux accomplis et des résultats obtenus pour le RER, notamment pour la ligne B.

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Les services compétents de la RATP et de la SNCF mèneront cette enquête en vue d’évaluer les améliorations qualitatives réalisées. J’attends les résultats de ces travaux. De fait, il ne suffit pas de mobiliser des moyens : nous avons une obligation de résultat !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Je le répète avec force, mais je sais que cet engagement est largement partagé dans cet hémicycle.

Je tiens à évoquer un autre point, sur lequel les CPER doivent, à mon sens, insister : c’est le caractère intermodal des infrastructures, et je suis sûr, monsieur Dantec, que vous serez sensible à cette préoccupation. Il faut en effet démultiplier l’efficacité des financements. Il ne s’agit pas de mener, isolément, un plan ferroviaire, un plan routier, un plan fluvial. À l’inverse, il faut élaborer une véritable démarche concertée, mobilisant l’ensemble des acteurs.

Cher Ronan Dantec, j’ai entendu votre message. J’ai bien compris que, pour les membres du groupe auquel vous appartenez, le transport routier doit être inclus dans la recherche d’efficacité dont vous faites une priorité. Il convient en effet d’avoir une vision globale et en même temps adaptée à chaque territoire, au plus proche de celui-ci. C’est à cet équilibre qu’il nous faut toujours être attentifs.

Conformément aux légitimes demandes exprimées par les collectivités elles-mêmes, un appel à projets a été lancé pour les transports collectifs en site propre, les TCSP. Je l’ai déjà dit à cette tribune : il s’agit là d’une des rares réussites du précédent gouvernement en matière de transports. Aussi avons-nous tenu à poursuivre ce travail, en l’étendant, au-delà des sites propres, aux différents types de mobilité. Je songe au transport par câble, qui peut représenter une solution pour certains territoires. Je songe également au vélo, aux circulations douces en général, bref à tout ce qui permet de faciliter la mobilité de nos concitoyens. En tout, cent vingt collectivités ont répondu à cet appel !

Le développement des différents types de mobilité constitue, en lui-même, un véritable succès. Encore faut-il pouvoir passer de la théorie à la pratique. Tant d’initiatives existent, comme l’autopartage ou le covoiturage ! Sans aller plus avant dans le détail, je souligne simplement que l’autopartage permet de limiter sensiblement l’encombrement des centres villes : grâce à l’autopartage, là où il y avait huit déplacements en voiture, on n’en compte plus que deux, ce qui permet au passage à ceux de nos concitoyens qui pratiquent cette formule de réduire sensiblement leur consommation d’énergie.

À ces initiatives s’ajoutent les grands projets.

Rien ne peut se faire au détriment des mobilités quotidiennes, de l’équilibre et de l’égalité des territoires.

Je l’ai déjà dit : nous n’abandonnons aucun chantier. Nous souhaitons simplement rendre les programmes futurs réalisables. De fait, il faut adapter ces grands projets aux infrastructures et aux réalités du pays, notamment sur le plan économique.

Alors même que nous nous attendions à une année difficile sur le front du transport aérien, Aéroports de Paris a enregistré une hausse de 1,7 % de sa fréquentation. Un aéroport comme celui de Nantes a vu le nombre de ses passagers augmenter de plus de 8,2 % en 2013 par rapport à 2012.

M. Ronan Dantec. Mais avec une baisse du nombre de rotations !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. En tout, ce site a accueilli plus de 4 millions de voyageurs l’an passé. Aussi est-il nécessaire d’en adapter les infrastructures.

M. Ronan Dantec. En tenant compte de la baisse des rotations ?

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Ce constat nous ramène à un projet à la fois utile et nécessaire. Je le souligne en réponse à l’interpellation formulée au cours de nos discussions. (M. Ronan Dantec s’exclame.)

M. Vincent Capo-Canellas. Laissons la majorité débattre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. Il faut tenir compte de ces réalités, tout en accordant au débat public toute la place qu’il mérite. Le Gouvernement a pour habitude de réunir des groupes de réflexion pour débattre, notamment sur les sujets de dimension territoriale. J’ai moi-même organisé des tables rondes, à la demande du Premier ministre,…

M. Ronan Dantec. Mais leurs travaux ne sont pas allés jusqu’au bout !

M. Frédéric Cuvillier, ministre délégué. … afin de mener des expertises et de réactualiser les enquêtes précédemment réalisées. Nous sommes attachés à cette logique de dialogue, dans le respect des règles de droit, et à tous les niveaux.

Toujours est-il que les grands projets ne doivent pas être abandonnés. Ils doivent simplement être coordonnés. Par exemple, nous ne pouvons pas lancer concomitamment plusieurs chantiers de lignes à grande vitesse, comme cela fut fait dans le passé. Par contrecoup, cette politique aboutit à sacrifier budgétairement les infrastructures du quotidien !

Nous reviendrons à un rythme soutenable. En 2010 et en 2011, quatre projets de cette nature ont été mis en œuvre, alors que le critère de soutenabilité impose une LGV tous les six ans. Il est certain que l’impasse budgétaire se profile dès lors rapidement… Nous conduirons néanmoins ces projets à leur terme. Les financements correspondants – 15 milliards d’euros – sont d’ailleurs déjà engagés pour assurer la réalisation de 650 kilomètres de lignes nouvelles.

Parallèlement, nous poursuivrons le programme de désenclavement. M. Revet et M. Filleul ont attiré mon attention sur le désenclavement des ports, annoncé dans le cadre de la stratégie nationale de relance portuaire. Ce travail sera accompli pour tous les grands ports maritimes, en particulier Le Havre et Fos-sur-Mer.

Je ne reviendrai pas en détail sur l’électrification de la ligne Serqueux-Gisors, sur le caractère prioritaire du traitement du nœud du Mantois, sur la cohérence de l’axe Seine ou sur la dynamique dans laquelle est engagé le GIE HAROPA.

Je ne développerai pas non plus notre approche du canal Seine-Nord qui, contrairement ce qui était engagé jusqu’à présent, ne se fera pas au seul profit des ports du nord de l’Europe, mais s’appuiera sur la complémentarité avec les territoires, à travers les CPER, où le fluvial reprend toute sa place. Nous nous attelons donc à la réalisation de ce grand projet structurant, comme de tous ceux que je viens d’évoquer.

Nous avons également engagé le déplacement de l’A9, à Montpellier, ou la route Centre-Europe Atlantique, la RCEA.

M. Beaumont, qui m’a interrogé sur ce dernier sujet, a évoqué un phénomène de contamination de responsables politiques par une maladie consistant en un rejet des concessions autoroutières. Mais ce n’est pas une maladie : c’est un problème juridique ! Lorsqu’il n’existe pas d’itinéraire routier alternatif, la concession n’est pas juridiquement possible. Il doit y avoir possibilité de choix pour les différents usagers. Or cette condition n’est pas remplie sur l’ensemble de la RCEA, ce qui explique que nous ayons connu plusieurs phases de modernisation.

Nous pouvons nous engager sur un montant d’investissements s’élevant à 650 millions d’euros, concernant des réalisations soutenables. Il est vrai que cet itinéraire est particulièrement accidentogène. L’AFITF ayant voté son budget ce matin, je peux préciser que 25 millions d’euros en autorisations d’engagement et 10 millions d’euros en crédits de paiement seront consacrés à la RCEA. L’aménagement de cet axe est donc bien engagé.

Il en va de même de la réalisation de la rocade L2, à Marseille ; les habitants l’attendaient depuis plus de vingt ans !

Concernant les nœuds ferroviaires, ceux de Lyon, Marseille, Paris-Saint-Lazare, Rouen, figurent parmi priorités retenues par la commission Mobilité 21 et nous nous engageons à mener ces chantiers à bien.

Nous affirmons également notre volonté de redonner du sens au schéma de relance du fret ferroviaire, répondant ainsi à une revendication légitime. Pour la première année depuis bien longtemps, le fret ferroviaire gagne de nouvelles parts de marché. C’est encore très peu perceptible, et largement insuffisant, mais nous avons mis en place des conférences très actives sur ce sujet.

Nous avons, de surcroît, lancé les autoroutes ferroviaires Dourges-Tarnos et Côte d’Opale-Le Boulou. Cette dernière entrera en service dès 2015. Notre ambition s’attache à l’organisation du report modal, en misant sur l’efficacité d’infrastructures économiquement cohérentes et répondant aux attentes des industriels. La conférence périodique de l’ensemble des professionnels du secteur aura lieu le 12 février prochain sur ce thème.

Tous, vous m’avez interrogé sur les ressources budgétaires.