M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux.

Mme Renée Nicoux. Monsieur le ministre, ma question porte sur les inquiétudes qu’a récemment exprimées le milieu agricole à l’occasion de la discussion au Parlement de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon, mais également du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, sur le risque de remise en cause du recours aux semences de ferme pour les agriculteurs. Ces inquiétudes ont pu être légitimement suscitées par le renforcement de la protection douanière et son extension aux certificats d’obtention végétale, les COV, prévus par cette proposition de loi.

Ainsi, le contrôle accru sur les droits de propriété intellectuelle sur les variétés végétales a pu s’apparenter à un dessaisissement pour les agriculteurs de leur droit à ressemer, sans autorisation du semencier, le produit de leur récolte obtenu grâce à la mise en culture de certaines variétés protégées.

Or l’avantage toujours mis en avant du certificat d’obtention végétale, tel qu’il a été conçu dès 1961, est que le monopole d’exploitation de la variété qu’il couvre ne vaut que pour l’exploitation de cette variété et ne fait pas obstacle à l’utilisation de celle-ci comme source de nouvelles variétés obtenues par croisement.

Par ailleurs, les prémices des débats autour du projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ont souligné une attente largement partagée des agriculteurs pour défendre l’utilisation de semences de ferme sur leur propre exploitation, ce qui est autorisé par la loi. Qu’en est-il de l’échange de semences dans le cadre de l’entraide ou de la vente, dans la mesure où cette transaction de semences autoproduites d’une variété protégée par un certificat d’obtention végétale peut être qualifiée de contrefaçon ?

Aussi, monsieur le ministre, pouvez-vous nous assurer que les semences de ferme sont toujours protégées par la législation nationale et que les agriculteurs ne seront pas susceptibles de se retrouver accusés du délit de contrefaçon s’ils utilisent ces semences sur leurs propres exploitations ou s’ils procèdent à des échanges dans le cadre de l’entraide ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Madame la sénatrice, je souhaite, là encore, rappeler la position qui guide mon ministère dans ce débat.

J’ai toujours défendu le système de la protection liée aux obtentions végétales. En effet, je le rappelle, dans le domaine du brevetage du vivant, si nous ne disposions pas de cette capacité forfaitaire de financement de la recherche, tôt ou tard, la capacité d’innovation serait réservée aux grands industriels et aux grandes entreprises. En l’occurrence, nous avons un système qui fonctionne et qui permet de financer la recherche, laquelle profite à tout le monde. Je continuerai donc à défendre ce système de l’obtention, qui me paraît le plus adapté aux enjeux de l’avenir.

En revanche, la question de la garantie à apporter aux semences de ferme a été abordée dans le cadre de la proposition de loi tendant à renforcer la lutte contre la contrefaçon : nous avons tout d’abord expliqué très clairement que les semences de ferme, dans les conditions définies par le code de la propriété intellectuelle, ne constituaient pas une contrefaçon.

Nous avons donc choisi d’exclure les semences de ferme des domaines dans lesquels des pouvoirs renforcés sont par ailleurs conférés par ce texte aux douanes en matière de retenues et de destructions – n’oublions pas qu’il s’agit d’un texte sur la contrefaçon.

Dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avons explicité le fait que la présence fortuite accidentelle de matériel protégé par des droits de propriété intellectuelle dans des cultures, y compris des semences de ferme, ne constituait pas une contrefaçon.

En outre, nous avons permis, par le régime fiscal applicable aux échanges de semences, dans le respect de la réglementation de l’entraide que vous avez évoquée, madame la sénatrice, de réaliser ces échanges dans le cadre des groupements d’intérêts économiques et environnementaux, les GIEE.

De surcroît, au-delà même de ces textes législatifs en discussion, le décret qui élargit la liste des semences de ferme autorisées, transmis aujourd’hui même au Conseil d’État, ajoute treize espèces aux vingt et une qui existaient déjà, comme je l’ai indiqué précédemment.

Le plan « Semences et agriculture durable », au sein du projet agro-écologique lancé en décembre 2012, vient conforter ces choix stratégiques. Le cofinancement de la recherche sur le développement des variétés adaptées à l’environnement, dans le cadre des appels d’offres du projet CASDAR, le compte d’affectation spéciale pour le développement agricole et rural, va aussi dans ce sens.

Nous menons donc un travail de fond permanent pour mettre tous les acteurs autour de la table et aboutir à des solutions consensuelles et des accords interprofessionnels sur la rémunération de la recherche, comme je l’ai évoqué dans ma réponse à la question précédente.

Je le répète, nous voulons dépasser les oppositions et faire en sorte que les semences de ferme soient un droit pour les agriculteurs. Et rappelons-nous tout simplement que, si nous n’avions pas de financement de la recherche, seules les grandes industries pourraient financer des innovations, ce qui nous coûterait très cher. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à Mme Renée Nicoux, pour la réplique.

Mme Renée Nicoux. Je vous remercie de ces précisions et clarifications, qui sont bienvenues, monsieur le ministre.

Nous attendons la suite des travaux dans ce domaine, qu’il s’agisse de l’utilisation des semences dans les exploitations ou de l’entraide, qui constitue une demande légitime de la part des professionnels.

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, voilà quelques semaines, la commission des affaires économiques a voté une proposition de résolution relative à la mise sur le marché et la brevetabilité des semences et obtentions végétales. Ce texte est devenu résolution du Sénat le 17 janvier 2014.

Dans sa version initiale transmise à la commission des affaires économiques, la proposition de résolution rappelait notamment que la priorité devait « être accordée à une protection par le certificat d’obtention végétale, le COV, et devait limiter les possibilités de protection par le brevet ».

Lors de l’examen en commission, les sénatrices et sénateurs du groupe CRC ont déposé un amendement afin de réaffirmer le principe de non-brevetabilité du vivant. En effet, nous souhaitions apporter des garanties pour protéger la liberté de la recherche, de la production et des échanges dans le domaine agricole.

Dans l’alinéa 18 de la résolution, issu de l’un de nos amendements, le Sénat affirme « son attachement au caractère non brevetable des plantes issues de la sélection génétique, tout particulièrement dans le cas de plantes obtenues par des procédés d’amélioration classique, et exclut en conséquence les plantes comme les variétés du domaine de la brevetabilité ».

Monsieur le ministre, nous aimerions nous assurer que vous partagez les recommandations du Sénat. Comment allez-vous garantir qu’elles s’appliqueront avec rigueur, malgré la pression des compagnies de biotechnologies transnationales et des États-Unis dans le cadre des négociations du traité transatlantique ?

Portée par le G20, l’initiative pour le blé est présidée par la France. Comment y promouvoir cette position ? Enfin, comment envisagez-vous de traduire ce principe essentiel pour les pratiques agricoles dans les missions particulières concernant la création variétale des différents services d’État et opérateurs publics ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur le sénateur, il est vrai que la frontière entre les systèmes d’obtention et de brevetage doit être précisée.

Des travaux ont justement été engagés pour mieux articuler ces deux systèmes, qui correspondent à des choix assez différents – je rappelle que l’obtention permet ensuite d’utiliser et de développer un certain nombre de semences, alors que le brevetage rend difficile ce processus, sauf à acquitter des droits.

Une discussion sur ce sujet associe depuis 2013, au sein du Haut Conseil des biotechnologies, la Confédération paysanne et le Groupement national interprofessionnel des semences et plants, le GNIS : elle donnera lieu, à la fin du mois d’avril prochain, à un colloque dont j’assurerai moi-même la conclusion.

Deux sujets principaux sont en débat. Il s’agit tout d’abord de veiller à l’articulation claire du champ du brevet avec celui du COV, ainsi qu’à l’encadrement du champ du brevet. C’est, je crois, votre souhait, monsieur le sénateur. Il s’agit ensuite de veiller à ce que tous les acteurs du secteur, y compris les agriculteurs qui utilisent des semences, soient clairement informés des droits de propriété attachés aux semences qu’ils utilisent. Cette diffusion transparente des informations à l’endroit des utilisateurs constitue le deuxième axe du plan « Semences et agriculture durable ».

Un travail approfondi est donc engagé sur ce sujet à l’échelon national, mais je crois qu’une tâche de même nature devra également être entamée à l’échelle européenne, où l’on peut attendre des progrès et des clarifications.

Par ailleurs, dans la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt, nous avons soutenu un amendement qui vise à exclure de la portée des brevets relatifs à une information génétique sur le végétal toute présence fortuite ou accidentelle dans une culture.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, pour la réplique.

Mme Annie David. Je vous remercie de votre réponse, monsieur le ministre. Je souhaitais, avec Michel Le Scouarnec et les membres de mon groupe, attirer particulièrement votre attention sur les dérives des droits attachés à la propriété intellectuelle, couplées à l’essor des biotechnologies, dont vous n’ignorez pas, monsieur le ministre, les conséquences graves sur les pratiques et la recherche agricoles.

Vous le savez, des contentieux sont en cours à l’échelon européen, notamment en raison de la politique menée par l’Office européen des brevets, qui, en mai dernier, octroyait par exemple à Syngenta un brevet garantissant à la firme suisse les droits exclusifs sur un poivron issu du croisement entre un poivron commercialisé et une variété originaire de Jamaïque, connue pour sa capacité à résister à plusieurs insectes nuisibles. (Mme Sophie Primas s’exclame.)

Monsieur le ministre, si ce brevet n’est pas annulé, il empêchera d’autres sélectionneurs d’utiliser librement cette variété, même s’il ne s’agit là en aucun cas d’une « invention ».

Nous sommes satisfaits que vous nous ayez entendus, puisque l’INRA s’est également positionné, à nos côtés, contre la brevetabilité des plantes et des gènes natifs. La charte de propriété de l’Institut est en cours de révision et nous espérons que vous vous en inspirerez, monsieur le ministre.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, je profite tout d’abord de cette question pour saluer tous nos concitoyens qui nous regardent et qui sont, paraît-il, de plus en plus nombreux. Je me réjouis qu’ils s’intéressent à nos débats. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

Ma question portera aujourd’hui sur les efforts nécessaires de recherche agronomique portant sur le développement de variétés de semences et de plants adaptés à des systèmes agri-alimentaires innovants, en cohérence avec les nouvelles orientations agro-écologiques inscrites dans la loi d’avenir agricole.

La diversité génétique participe d’une meilleure utilisation de la biodiversité dans les systèmes agricoles. Elle permet de réduire les risques de maladies, de stabiliser, voire d’augmenter les rendements et d’améliorer la résilience des systèmes de production.

Or la sélection végétale, telle qu’elle est pratiquée aujourd’hui, est au service quasi-exclusif du mode de production de l’agriculture intensive, grande consommatrice d’intrants chimiques. Pour accompagner le développement de nouvelles pratiques agro-écologiques, économes et autonomes, liées aux terroirs, il est nécessaire de disposer de variétés adaptées.

Nombreux sont les paysans qui attendent un véritable effort en ce sens de la sélection professionnelle, notamment du service public, dont c’est le rôle. Parallèlement, des initiatives paysannes cherchent à redévelopper les variétés locales, parfois à adapter de nouvelles espèces et à retrouver une autonomie vis-à-vis de la production, de l’utilisation et de la conservation des semences.

Malgré tout l’intérêt qu’elles représentent, ces nombreuses expériences de recherche coopérative ou participative, qui placent le développement de l’innovation paysanne au cœur de leurs objectifs, ne bénéficient pas, faute de chercheurs dédiés, du soutien suffisant des organismes de recherche publique.

En matière de sélection végétale, la collaboration du monde de la recherche avec la société civile et le monde paysan apparaît pourtant indispensable, tant le potentiel d’innovation est important.

Je vous demande donc, monsieur le ministre, quels moyens vous comptez mettre en œuvre pour impliquer davantage nos organismes de recherche nationaux sur cette question, à l’instar de ce que l’on voit dans certains pays européens, bien plus avancés que le nôtre dans le domaine de la recherche sur les agricultures alternatives.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Monsieur Labbé, je souhaite tout d’abord vous préciser que nous publierons, à l’occasion du salon de l’agriculture, un document intitulé Les Dix Points clés pour comprendre l’agro-écologie, dans lequel sera abordée la question des semences.

Le plan « Semences et agriculture durable », qui déclinera les orientations que nous avons évoquées, mobilisera près de 1,33 million d’euros par an. Les principales thématiques des appels à projets lancés dans le cadre de ce plan semences et agriculture durables porteront justement sur les préoccupations agro-écologiques, pour déterminer comment engager ce processus à travers la mobilisation de la recherche et des semences, afin de stimuler la mobilisation des acteurs de la recherche publique et privée française sur le développement de variétés, de semences et de plants adaptés à des systèmes agricoles et alimentaires innovants.

Je rappelle que la France s’est engagée, à l’échelle mondiale, avec la FAO, dans l’organisation d’un grand colloque sur l’agro-écologie. Un processus national, européen et international est donc enclenché.

L’appel à projets pour 2014, qui a été lancé le 23 décembre 2013 et qui se clôt le 5 mars 2014, s’intitule ainsi Développer des variétés, des semences et des plants adaptés à des systèmes agri-alimentaires innovants, en réponse au changement de modèle agricole.

Seront retenus en priorité les projets permettant de favoriser un renforcement de l’orientation du progrès génétique vers les variétés adaptées à des conduites culturales diversifiées, permettant notamment de répondre à l’objectif de réduction des intrants. Il s’agit aussi d’un objectif économique, qui concourt à l’innovation : moins la production nous coûtera, plus nous pourrons être compétitifs. Les décisions que nous prenons en matière d’environnement rejoignent donc nos choix de compétitivité économique.

Les approches systèmes seront privilégiées – vous savez que je suis très attaché à cette idée –, ainsi que les projets permettant d’identifier, d’exploiter et de potentialiser les interactions positives avec les autres leviers de ces actions.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. J’entends votre réponse volontariste, monsieur le ministre.

Ma collègue Marie-Christine Blandin, présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, me rappelle que la loi prévoit désormais que les organismes publics de recherche doivent contribuer aux recherches participatives.

Je rappellerai également que notre grand service public de l’INRA compte moins de 100 équivalents temps plein dédiés à l’agriculture bio sur plus de 7 500 titulaires ! Il reste donc beaucoup à faire, et nous espérons pouvoir compter sur votre volontarisme.

Vous avez également évoqué les appels d’offres. Or l’immense majorité des appels à projets de recherche excluent de fait les associations paysannes et la société civile, qui ne disposent pas des moyens financiers et administratifs exigés. Les partenariats public-privé sont réservés aux entreprises privées susceptibles de bénéficier d’un retour sur investissement issu de droits de propriété intellectuelle qui interdisent les pratiques paysannes collaboratives. Une telle situation mériterait d’être corrigée, me semble-t-il.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall.

M. Raymond Vall. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, vous avez déjà en grande partie répondu à la question que je voulais vous poser.

Je me réjouis tout d'abord que les chiffres illustrant le dynamisme remarquable de nos entreprises de semences et de plants aient été mentionnés ; vous avez eu raison, monsieur le ministre, de les souligner. En 2011, le groupe RDSE a voté la loi relative aux certificats d’obtention végétale. Selon nous, en effet, celle-ci consolidait un modèle de protection de la propriété industrielle moins mauvais que celui qui est fondé sur le brevet, qui verrouille la recherche de façon dramatique.

Le savoir-faire de l’agriculteur, sa volonté patiente et ses choix de rotation ont contribué à la conservation in situ des semences, ainsi qu’à la préservation et, surtout, au renouvellement, de la biodiversité cultivée. C’est pourquoi nous considérions qu’il fallait étendre l’autorisation au-delà des vingt et une espèces recensées à l’échelon européen ; vous avez indiqué, monsieur le ministre, que votre projet prévoyait d’en ajouter treize.

Pour nous, il fallait aussi, au minimum, exonérer de la contribution volontaire obligatoire les agriculteurs utilisant des semences de ferme à des fins d’autoconsommation ou pour des cultures réalisées en application d’obligations environnementales. À cet égard, il semble que des avancées figurent dans le projet de loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt ; nous saurons revenir sur la question lorsque ce texte sera soumis à l’examen du Sénat.

Comme vous l’avez rappelé, monsieur le ministre, il faudra nourrir 9 milliards d’êtres humains en 2050 ; dans cette perspective, nous estimons qu’il y a place pour des modèles culturaux et culturels divers.

Nous devons reconnaître le droit fondamental des agriculteurs à être les inventeurs de leurs choix agronomiques. Nous devons aussi privilégier une logique de complémentarité sur une logique de défiance et d’accaparement.

Monsieur le ministre, pouvez-vous rassurer les agriculteurs au sujet des moyens que vous comptez mettre en œuvre pour sauvegarder l’utilisation des semences de ferme ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Dans mes réponses aux précédents orateurs, j’ai déjà apporté un certain nombre de précisions touchant à la question que vous soulevez, monsieur le sénateur.

Il faut se représenter que, pour les semences couvertes par un COV, 15 % de ce qui est collecté sert à financer la recherche. S’il y a un secteur qui fournit un effort collectif d’investissement dans la recherche, c’est bien le secteur semencier français ! Je pense qu’il est très important de favoriser la diversité, au lieu de ne choisir qu’un petit nombre de variétés.

Lorsque je me déplace à l’étranger, je mesure que les semences françaises sont très demandées et que leur qualité est très prisée. De même, l’expérience et l’expertise des entreprises françaises dans ce domaine sont extrêmement recherchées.

Au début de la semaine, un débat a été organisé réunissant l’ensemble des professionnels et nos amis marocains. Tous les participants ont loué la collaboration que nous avons lancée avec le Maroc pour développer des semences adaptées à des climats spécifiques.

J’y insiste, l’innovation et la recherche sont des enjeux essentiels. Nous devons également être ouverts à l’ensemble des modèles possibles et préserver la possibilité des semences de ferme.

Prises dans leur ensemble, ces mesures forment un dispositif très efficace sur les plans économique, écologique et social. La France est, dans ce domaine, le premier exportateur mondial : preuve que ce modèle fonctionne ! À nous d’être capables d’anticiper les besoins de demain et d’y répondre.

J’ajoute, en ce qui concerne le CASDAR, que plus d’un million d’euros seront alloués au plan « Semences et agriculture durable » afin de favoriser la recherche. Je répète que, dans ce secteur, 15 % de ce qui est collecté est réinvesti dans la recherche.

M. le président. La parole est à M. Raymond Vall, pour la réplique.

M. Raymond Vall. Monsieur le ministre, votre réponse me satisfait, ainsi que les membres de mon groupe. Je salue votre courage ! (Applaudissements sur les travées du RDSE et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, sur un sujet aussi étroitement circonscrit, il est inévitable que les différentes questions se ressemblent.

M. Jean-Pierre Sueur. C’est toujours la même question !

M. Rémy Pointereau. En écoutant vos réponses, monsieur le ministre, nous avons bien compris que le gouvernement auquel vous appartenez n’est pas favorable à la brevetabilité des gènes « natifs », c’est-à-dire des gènes qui sont découverts à l’intérieur d’une espèce. Telle est également, depuis 2011, la position des semenciers français.

Dès l’origine, le Sénat a posé des questions au sujet de la brevetabilité des inventions biotechnologiques introduites dans les variétés végétales. Ainsi, nous avons fait reconnaître « l’exception de sélection » dans le cadre de la transcription de la directive 98/44/CE sur les inventions biotechnologiques ; ce principe a été repris dans le cadre du brevet unitaire européen par le précédent gouvernement, mais aussi, heureusement, par le gouvernement actuel.

Un problème persiste néanmoins en ce qui concerne les gènes natifs et le brevet sur ces gènes. En effet, un obtenteur qui intégrerait un gène breveté dans sa variété serait dans l’obligation de s’entendre avec le propriétaire du brevet pour faire l’exploitation commerciale de celle-ci : or, comme vous vous en doutez, ce serait très difficile.

Au-delà des déclarations de principe, quelles démarches comptez-vous entreprendre, monsieur le ministre, pour introduire dans la loi française et dans la réglementation européenne le principe de non-brevetabilité des gènes natifs ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Au sujet des gènes natifs, mesdames, messieurs les sénateurs, je tiens à être extrêmement précis, car votre travail dans ce domaine illustre l’expertise aiguë dont sait faire preuve votre noble assemblée.

Une discussion est en cours à l’échelle européenne à propos des semences. De fait, dans ce domaine, la législation ne pourra pas être purement nationale.

Monsieur Pointereau, vous avez eu raison de soulever la question des gènes natifs, car c’est un problème sérieux. Dans le cadre des travaux qui ont été entrepris par le Haut Conseil des biotechnologies et avant le colloque qui sera organisé en avril prochain, auquel participeront notamment le Groupement national interprofessionnel des semences et plants et la Confédération paysanne, nous devrons tirer les conclusions des travaux qui sont en cours, en particulier sur la question des gènes natifs.

À propos du brevetage de ces gènes, nous devons conduire à l’échelon national un travail d’anticipation et de réflexion approfondie sur l’articulation des brevets des certificats d’obtention végétale, afin d’être en mesure de faire entendre notre voix à l’échelle européenne. En effet, c’est à cette échelle, grâce à la législation communautaire, que la question devra être traitée.

Il faut éviter que l’on puisse trouver un végétal en quelque endroit du monde, intégrer sans innovation véritable l’un de ses gènes dans une autre plante et, après avoir déposé un brevet, considérer qu’on a un droit de propriété. Il y a là un vrai problème ! (Mme Annie David acquiesce.)

Ce problème, nous allons en discuter. Ensuite, il faudra que nous soyons suffisamment forts pour peser à l’échelle européenne, afin de prévenir les risques que vous venez de signaler, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Rémy Pointereau, pour la réplique.

M. Rémy Pointereau. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir constaté que le Sénat était une chambre d’experts,…

M. Stéphane Le Foll, ministre. L’évidence s’impose !

M. Rémy Pointereau. … mais je pense que vous le saviez déjà ! (Sourires.)

La loi sur les certificats d’obtention végétale, dont j’ai été le rapporteur, constitue une bonne boîte à outils pour protéger la recherche en création variétale. De fait, elle permet un accès totalement libre à ces variétés, de sorte que quiconque peut créer de nouvelles variétés à partir de variétés déjà commercialisées. Ainsi, tout le monde se trouve sur un pied d’égalité.

Au contraire, le système du brevet bloque l’accès aux variétés, empêchant la création de variétés nouvelles ; à la vérité, il n’est adapté que pour les OGM, qui sont de véritables inventions, puisqu’ils résultent de l’introduction dans un végétal d’un gène commandant, par exemple, un insecticide ou la résistance à un herbicide.

Il faut que les chercheurs, les sélectionneurs et les agriculteurs jouent gagnant-gagnant. Pour cela, il convient de favoriser la recherche, d’autant plus que la nécessité de nourrir la planète entraînera des besoins croissants. Il importe aussi que chaque acteur puisse percevoir une juste rémunération.

Le système de protection de l’obtention végétale encourage davantage la recherche variétale que le brevet : il permet de protéger sans confisquer !

M. le président. La parole est à M. Richard Yung.

M. Richard Yung. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, ma question porte sur la proposition de règlement que la Commission européenne a présentée au mois de février 2013 en ce qui concerne l’enregistrement des obtentions végétales.

Ce document vise à réunir dans un seul règlement, qui est un texte d’application immédiate, une quinzaine de directives différentes ; l’idée est bonne, car ces directives forment un ensemble confus et assez complexe à appliquer.

Outre une amélioration de l’enregistrement des variétés et de la certification des semences, ce projet de règlement prévoit d’allonger la durée de protection de dix à trente ans, ce qui est considérable ; enfin, il traite de divers autres sujets, en particulier des semences de niche et des variétés anciennes tombées en désuétude.

Les enjeux sont importants pour la France, qui, je le répète, est l’un des principaux pays producteurs et exportateurs de semences. Le Sénat a exprimé certaines réticences au sujet de cette proposition de règlement : les actes délégués donnent à la Commission européenne la maîtrise complète du processus d’application, la durée de trente ans paraît trop longue et les aspects forestiers doivent relever d’autres modes de protection. Du reste, j’observe que le Parlement européen est lui-même très réticent.

Dans ces conditions, monsieur le ministre, quelle est la position du Gouvernement au sujet de cette proposition de règlement, et comment voyez-vous l’avenir de ce texte ?