M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Les auteurs de l’amendement n° 207 présenté par M. Watrin préconisent la suppression de l’accord de l’employeur pour permettre au salarié de suivre une formation dans le cadre du compte personnel de formation.

À l’évidence, l’accord de l’employeur est nécessaire pour les formations suivies sur le temps de travail. Comment imaginer qu’un salarié puisse imposer un congé formation et mettre l’employeur devant le fait accompli d’un départ en formation imminent, fragilisant ainsi sa place et probablement son rôle et sa fonction dans l’entreprise ? Chacun le comprend, nous ne pouvons pas vous suivre sur cette proposition. La commission émet donc un avis défavorable.

S’agissant de l’amendement n° 208, vous proposez, après deux refus successifs d’utilisation opposés par l’employeur, une opposabilité du compte personnel de formation. Cette disposition existait déjà pour le DIF, ou droit individuel à la formation. Le CPF obéit, quant à lui, à une autre logique, et il ouvre plusieurs mécanismes qui permettent, me semble-t-il, de s’affranchir de l’accord de l’employeur.

Néanmoins, la question soulevée par cet amendement me paraît intéressante. La commission sollicite donc l’avis du Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Concernant l’amendement n° 207, le Gouvernement partage l’avis défavorable de la commission, pour les mêmes raisons.

S’agissant de l’amendement n° 208, le projet de loi facilite déjà grandement le départ en formation des salariés puisqu’il crée des situations de droit à la formation opposables à l’employeur – le fameux socle de compétences – ou la mobilisation de cent heures supplémentaires au cas où l’employeur n’a pas dispensé les formations nécessaires.

Le projet de loi prévoit également la possibilité de mobiliser son CPF sur son temps de travail avec l’accord de l’employeur – c’est le sujet.

Il prévoit, enfin, une obligation de négociation au titre du CPF dans les grandes entreprises. Si un salarié souhaite absolument suivre une formation sur son temps de travail et que son employeur s’y refuse, il peut solliciter le congé individuel de formation. Il pourra, le cas échéant, mobiliser son CPF dans ce cadre-là. Cette solution permet de répondre à votre préoccupation, madame la sénatrice, sans pour autant mettre en place un dispositif qui pourrait être considéré comme un peu contraignant. Aussi, j’émets un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 207.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 208.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L'amendement n° 86 rectifié, présenté par MM. Carle et Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 65

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« Un accord de branche ou d’entreprise peut prévoir les conditions de mise en œuvre du compte personnel de formation, notamment la gestion des absences, lorsque celles-ci sont liées à l’acquisition du socle de commun de connaissances et de compétences visé au I de l’article L. 6323-6, et se réalisent en tout ou partie sur le temps de travail.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Cet amendement vise à donner des éléments aux entreprises pour leur permettre de lisser l’organisation de leur travail et de leurs effectifs en fonction de l’utilisation du compte personnel de formation. Dès lors qu’aux termes du texte l’entreprise n’a pas besoin de donner son accord aux salariés qui souhaitent se former avec le CPF en vue de l’acquisition du socle de compétences de base, il est évident que si, par coïncidence, plusieurs salariés demandent en même temps ce genre de formation, la vie de l’entreprise – surtout dans les petites entreprises – risque d’être totalement désorganisée.

Cet amendement, qui s’inscrit toujours dans la logique du dialogue social, prévoit qu’un accord de branche ou d’entreprise puisse envisager les conditions de mise en œuvre du CPF dans ce cadre très spécifique, afin de permettre aux entreprises de maintenir leur activité dans des conditions économiques réalistes.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous souhaitez, mon cher collègue, que les conditions de mise en œuvre du CPF puissent être définies par un accord collectif. En fait, vous risquez ainsi de limiter le droit effectif du salarié à accéder à la formation professionnelle. L’entreprise n’aura pas à donner son accord sur le fond de la formation suivie pour acquérir le socle de connaissances et de compétences. Toutefois, à l’évidence, le calendrier de la formation devra être défini de façon concertée par l’employeur et le salarié.

Vos craintes me paraissent infondées. Je craindrais, en revanche, qu’un accord collectif ne vienne créer des distorsions quant à l’application du CPF dans les entreprises.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 86 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 209, présenté par Mmes Cohen et David, M. Fischer, Mme Pasquet, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Alinéa 66, première phrase

Supprimer les mots :

sur le contenu et

La parole est à Mme Isabelle Pasquet.

Mme Isabelle Pasquet. L’alinéa 66 de l’article 1er autorise l’employeur à donner son avis sur le contenu de la formation proposée ou demandée par le salarié, alors même que celle-ci doit être suivie en dehors du temps de travail.

Cette intrusion patronale dans le choix des salariés nous semble déplacée, dans la mesure où les employeurs ne détiennent aucune compétence en la matière. En effet, alors qu’ils sont loin de connaître toutes les formations proposées, ces derniers pourraient avoir tendance à contraindre les salariés à suivre des formations directement profitables à l’entreprise : il leur suffira, après s’être enquis du contenu des formations, de s’opposer à chacune d’entre elles.

Ce risque est d’autant plus réel qu’il n’est pas précisé dans le projet de loi, comme c’est le cas dans le droit en vigueur, que le salarié peut avoir accès de plein droit au congé individuel de formation à la suite de deux refus consécutifs.

On le voit, la faculté laissée aux employeurs de se prononcer de manière préalable sur le contenu de la formation leur permet, de manière détournée, de décider quelles formations les salariés pourront suivre, ou non. Là encore, nous sommes loin de l’intitulé du CPF, lequel en toute logique doit être « personnel ».

Qu’un employeur, afin d’organiser la vie de l’entreprise et le remplacement du salarié, puisse donner son accord sur le calendrier d’une formation dès lors que celle-ci a lieu sur le temps de travail, cela se conçoit.

Pour autant, rien ne justifie qu’il se prononce sur le contenu d’une formation. C’est pourquoi nous proposons de supprimer cette disposition.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous souhaitez, ma chère collègue, supprimer le droit reconnu à l’employeur de se prononcer sur le contenu de la formation sollicitée par le salarié, en particulier lorsque celle-ci doit être suivie sur le temps de travail.

On peut raisonnablement imaginer que les formations suivies sur le temps de travail viseront à l’acquisition d’une qualification supplémentaire dans le domaine d’activité de l’entreprise. Il est donc logique que l’employeur y donne son accord.

Aussi, l’avis est défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. La parole est à Mme Isabelle Debré, pour explication de vote.

Mme Isabelle Debré. Je suis quelque peu étonnée par les amendements de nos collègues communistes. J’y perçois une défiance à l’égard des employeurs... C’est l’intérêt d’un employeur que ses salariés soient formés, et bien formés.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. La preuve, tous les salariés le sont !

Mme Isabelle Debré. Nous travaillons sur du positif, madame la présidente... L’intérêt des employeurs, je le répète, est d’avoir des employés formés dans le domaine de compétence utile à l’entreprise.

J’ai l’impression que vous voulez totalement libérer le champ des formations des salariés. Dieu sait pourtant que nous sommes plus libéraux que vous…

Je ne comprends pas cette défiance ! On oublie trop souvent combien il est difficile pour les employeurs, dans les petites entreprises, de remplacer les salariés qui vont suivre une formation.

On ne peut tout de même pas dire à ces salariés : « Formez-vous dans n’importe quel secteur, et nous nous débrouillerons pour vous remplacer » !

L’intérêt de l’employeur est que la formation suivie ait un rapport avec l’activité de l’entreprise, non qu’elle lui soit totalement étrangère. Nous ne voterons donc pas cet amendement.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Nous entrons là dans le vif d’un sujet dont nous voyons bien la complexité, puisque nous sommes obligés de définir des règles. Or celles-ci doivent aller dans les deux sens !

Nombre d’entreprises ne parviennent pas à progresser parce que leurs collaborateurs refusent de se former.

Dans notre monde en pleine mutation, les entreprises doivent s’adapter aux technologies nouvelles. Or il n’existe pas d’incitation à la formation, même au travers du dispositif que vous proposez, monsieur le ministre. Il ne faut pas supprimer le peu de confiance qui reste et la complémentarité nécessaire entre le monde salarié et le monde de l’entreprise et sa direction. Ils avancent ensemble ; c’est un tout !

Je prends souvent l’exemple d’une équipe chirurgicale.

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Cela n’a rien à voir !

M. René-Paul Savary. Pour que celle-ci soit efficace, il faut un bon chirurgien, un bon anesthésiste, une bonne infirmière (Exclamations amusées sur les travées du groupe socialiste.),…

Mme Christiane Demontès. Un bon malade… (Sourires sur les mêmes travées.)

M. René-Paul Savary. … mais aussi des femmes et des hommes pour préparer et stériliser les salles. La réussite, c’est une équipe !

Dans une entreprise, c’est la même chose. La formation doit avoir lieu à tous les niveaux, et pas à un seul.

Or, dès que l’on entre dans ces détails, la complexité du dispositif apparaît. Il me semble donc important de restaurer un peu plus de confiance mutuelle. C’est la raison pour laquelle il faut limiter les critères.

En outre, la formation doit être adaptée aux besoins de l’entreprise…

Mme Isabelle Debré. Évidemment !

M. René-Paul Savary. … et du salarié. On ne se forme pas pour le plaisir de se former !

Mme Annie David, présidente de la commission des affaires sociales. Et pourquoi pas ?

M. René-Paul Savary. Il faut trouver des règles simples, mais efficaces. C’est toute la difficulté de l’exercice !

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 209.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 242 rectifié, présenté par Mme Laborde et MM. Mézard, Alfonsi, Baylet, C. Bourquin, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Hue, Mazars, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi, est ainsi libellé :

Alinéa 66, première phrase

Après les mots :

et l'employeur

insérer les mots :

, après avoir donné récépissé de la demande,

La parole est à Mme Françoise Laborde.

Mme Françoise Laborde. Lorsque la formation se déroule pendant le temps de travail, le salarié doit obtenir l’autorisation de son employeur, l’absence de réponse de celui-ci valant acceptation.

Pour que le salarié puisse prouver qu’il a réellement sollicité l’employeur, cet amendement – très pragmatique – prévoit que cette demande soit actée par récépissé de l’employeur.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Chère collègue, vous souhaitez que l’employeur donne récépissé de la demande du salarié de suivre une formation au titre du CPF.

La notion de récépissé est étrangère au droit du travail. Surtout, il n’est pas nécessaire de préciser dans la loi ce qui relève plutôt du domaine réglementaire.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 242 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 288 rectifié, présenté par Mme Férat et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants-UC, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 73

Insérer deux alinéas ainsi rédigés :

« Un accord de branche ou, à défaut, un accord conclu entre les organisations syndicales d’employeurs et de salariés signataires d’un accord constitutif d’un organisme collecteur paritaire agréé au niveau interprofessionnel peut prévoir les conditions dans lesquelles en présence et en l’absence d’un accord d’entreprise, les rémunérations peuvent être prises en charge.

« Le niveau de prise en charge de ces dépenses de rémunération lorsqu’il est prévu qu’elles soient prises en charge est le même en présence ou en l’absence d’accord d’entreprise. »

La parole est à Mme Chantal Jouanno.

Mme Chantal Jouanno. Cet amendement, auquel Mme Férat tient beaucoup, prévoit que le salarié en situation de formation pourra voir sa rémunération prise en charge, au même titre d’ailleurs que les frais de formation visés à l’alinéa suivant de cet article, si un accord a été conclu à cet égard.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Vous préconisez que les OPCA prennent en charge la rémunération des salariés qui suivent une formation dans le cadre du CPF.

Les OPCA ont pour mission de prendre en charge les frais pédagogiques engagés pour les salariés, c’est-à-dire les dépenses de formation et, le cas échéant, les frais annexes, tels les frais de déplacement ou d’hôtellerie.

La prise en charge sans aucun caractère forfaitaire de la rémunération des salariés ne me semble pas possible, au vu des moyens financiers dont disposent les OPCA. Ce serait aux dépens de la formation et de ses bénéficiaires potentiels.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Même avis, pour les mêmes raisons.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 288 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

M. le président. L’amendement n° 78 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

Alinéa 74

Remplacer cet alinéa par quatre alinéas ainsi rédigés :

« En l’absence d’accord mentionné au premier alinéa, les frais de formation du salarié qui mobilise son compte sont pris en charge, selon le cas :

« 1° Par l’organisme paritaire collecteur agréé pour collecter la contribution mentionnée aux articles L. 6331–2 et L. 6331–9 pour les formations figurant au 1° du I de l’article L. 6323–15 ;

« 2° Par le Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels pour les formations figurant au 2° et 3° du I de l’article L. 6323–15.

« Les organismes visés aux 1° et 2 ° déterminent les conditions de prises en charge des formations éligibles au compte.

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Il s’agit d’un amendement de clarification sur la répartition des prises en charge dans les différents dispositifs.

Dans le cas où le système des listes serait maintenu, il semble nécessaire de lui appliquer les règles prévues par les partenaires sociaux, qui ont expressément précisé le champ du financement du compte personnel de formation par les OPCA, le FPSPP – Fonds paritaire de sécurisation des parcours professionnels – et l’entreprise.

En particulier, l’article 31 de l’ANI distingue, d’une part, les financements du CPF par l’OPCA des formations figurant sur les listes professionnelles élaborées par les commissions paritaires nationales pour l’emploi, les CPNE, des branches professionnelles, et, d’autre part, les financements par le FPSPP des formations figurant sur les listes interprofessionnelles élaborées au niveau national ou régional.

Le présent amendement vise à se conformer aux dispositions conventionnelles prévues par l’ANI du 14 décembre 2013. Cette demande déjà formulée à l’Assemblée nationale mérite d’être posée de nouveau en l’absence de réponse claire donnée par le Gouvernement.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. Sauf erreur d’interprétation de ma part, vous cherchez à modifier les règles de financement qui résultent de l’accord.

Le FPSPP doit se concentrer sur la péréquation entre les OPCA et le financement du CPF des demandeurs d’emploi. Chacun joue son rôle ! Chercher à modifier cet équilibre, c’est remettre en cause les sources de financement telles qu’elles sont prévues.

L’avis est donc défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je ne saurais dire mieux que le rapporteur. Vous risquez de créer une confusion entre les différentes sources de financement.

Je sais bien que cette disposition figurait dans l’ANI. Toutefois, nombre des signataires de cet accord ont convenu qu’il s’agissait d’un copier-coller de dispositifs antérieurs, susceptible de créer une véritable incertitude. Il arrive au législateur de se tromper ; cela peut arriver aussi aux partenaires sociaux...

Bien que tel ne soit pas votre objectif, cet amendement sèmerait de la confusion dans les financements, alors que chacun d’entre eux est affecté à un public particulier. Je vous prie donc, monsieur le sénateur, de bien vouloir retirer votre amendement.

M. le président. Monsieur Cardoux, l’amendement n° 78 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Noël Cardoux. Il est vrai, monsieur le ministre, qu’il y a un risque de confusion. C’est bien la preuve que ce texte est complexe et difficile à appréhender ; cela confirme mes propos d’hier...

Je retire cet amendement.

M. le président. L’amendement n° 78 rectifié est retiré.

Je suis saisi de cinq amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 77 rectifié, présenté par M. Cardoux, Mmes Boog, Bouchart, Bruguière et Cayeux, M. de Raincourt, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deroche, MM. Fontaine et Gilles, Mmes Giudicelli et Hummel, M. Husson, Mme Kammermann, MM. Laménie, Longuet, Milon et Pinton, Mme Procaccia et MM. Savary, Reichardt et Mayet, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 81

Après les mots :

les formations mentionnées

rédiger ainsi la fin de cet alinéa :

à l’article L. 6323–6 qui figurent sur une liste unique élaborée par région par les comités régionaux de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles, après concertation avec les commissions paritaires nationales de l’emploi des différentes branches, le comité paritaire interprofessionnel national pour l’emploi et la formation et le comité paritaire interprofessionnel régional pour l’emploi et la formation. 

II. – Alinéas 82 et 83

Remplacer ces alinéas par deux alinéas ainsi rédigés :

« Ces listes sont transmises au Conseil national de l’emploi, de la formation et de l’orientation professionnelles.

« Ces listes sont révisées annuellement. 

La parole est à M. Jean-Noël Cardoux.

M. Jean-Noël Cardoux. Le Solognot comprend lentement, mais quand il a compris, il a compris… Le présent amendement relatif aux demandeurs d’emploi étant calqué sur celui que nous avions déposé pour les autres catégories de salariés, je vais également le retirer. Il sera cependant nécessaire, afin de simplifier l’appréhension des listes par les salariés, et plus précisément par le public fragile des demandeurs d’emploi, d’établir des règles de fonctionnement très précises au sujet des formations destinées aux chômeurs, en y associant les régions, les services de Pôle Emploi et les départements.

C’est la raison pour laquelle la commission a accepté ce matin que les départements, dans la mesure où ils gèrent le RSA, soient intégrés dans les CREFOP. Leur présence dans ce groupement d’interlocuteurs est, à ce titre, tout à fait nécessaire.

M. le président. L’amendement n° 77 rectifié est retiré.

L'amendement n° 36, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Alinéa 81

Compléter cet alinéa par les mots :

, à l’exception des formations enregistrées au répertoire national des certifications professionnelles prévu à l’article L. 335-6 du code de l’éducation

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Par un effet de symétrie dans la construction du texte, cet amendement renvoie à un autre amendement que j’ai retiré à la suite des explications du rapporteur et du ministre. Je le retire également, puisqu’il n’a plus lieu d’être.

M. le président. L'amendement n° 36 est retiré.

L'amendement n° 280, présenté par M. Patriat, est ainsi libellé :

Alinéa 83, troisième phrase

Supprimer les mots :

ou, par décision motivée, retrancher

La parole est à M. François Patriat.

M. François Patriat. Le programme régional de formation professionnelle étant élaboré en fonction des besoins des entreprises et des territoires, il s’agit de préciser que les formations qui en sont issues sont systématiquement éligibles au compte personnel de formation.

M. le président. L'amendement n° 255, présenté par M. Reichardt, est ainsi libellé :

Alinéa 83, quatrième phrase

Après les mots :

formations figurant sur le programme régional de formation professionnelle

insérer les mots :

, qu’elles relèvent de l’interprofessionnel ou du hors champ,

La parole est à M. André Reichardt.

M. André Reichardt. Cet amendement vise à préciser que les formations relevant de l’interprofessionnel ou du hors champ, qu’il s’agisse des formations sanitaires et sociales, des formations de l’économie sociale et solidaire ou des formations de l’agriculture, sont bien éligibles au compte personnel de formation pour les demandeurs d’emploi.

Il faut permettre à des demandeurs d’emploi sans qualification de mobiliser le CPF pour s’engager dans des formations qualifiantes d’aide-soignant, d’auxiliaire de vie, d’ambulancier, tous ces métiers des services à la personne qui sont utiles et créateurs d’emplois.

M. le président. L'amendement n° 37, présenté par M. Desessard, Mme Archimbaud, M. Placé et les membres du groupe écologiste, est ainsi libellé :

Après l’alinéa 83

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« ...° Une liste des formations concourant à acquérir un socle de connaissances et de compétences dans les métiers d’avenir de la transition écologique et énergétique, élaborée par le Comité paritaire national de la formation professionnelle et de l’emploi, après consultation du Conseil national pour la transition écologique.

La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Du fait de l’effet de symétrie dans la construction du projet de loi de loi, cet amendement s’apparente à celui que j’ai défendu précédemment portant sur la nécessité de maintenir des formations dans les filières de la transition écologique et énergétique.

Il me semble avoir été assez clair, je n’en rajouterai donc pas, même si, en matière d’écologie, et de transition énergétique, il y aurait beaucoup à dire !

Ayant maintenu mon précédent amendement, la logique veut que je maintienne celui-ci, et je comprendrais que, poursuivant, vous, dans votre logique, mes chers collègues, vous lui réserviez le même sort. Pour ma part, je vous invite à changer de position et à le voter, car je persiste à croire que la qualité des formations détermine l’avenir. Or quels sont les secteurs d’avenir, c'est-à-dire les secteurs prometteurs d’emploi ?

M. le président. Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 280, 255 et 37 ?

M. Claude Jeannerot, rapporteur. La commission a émis un avis favorable sur l’amendement n° 280.

Je dois à la vérité de dire que tel n’était pas mon souhait et que j’ai été mis en minorité à cette occasion.

Je considère en effet que le programme régional de formation professionnelle constitue l’ossature de la liste qui sera dressée par le comité paritaire interprofessionnel régional de l’emploi en faveur des demandeurs d’emploi. Or cet amendement vise à supprimer la possibilité pour les partenaires sociaux régionaux de retirer des formations figurant dans le plan régional de développement de la formation professionnelle de la liste des formations éligibles au CPF pour les demandeurs d’emploi.

Pour ma part, il me semble nécessaire à l’équilibre des pouvoirs entre les partenaires sociaux et le pouvoir régional au sein des territoires de ne pas supprimer cette possibilité. J’en appelle à la sagesse de cette assemblée pour en décider.

L’amendement n° 255 tend à permettre aux formations relevant du hors champ d’être financées dans le cadre du CPF. Cette disposition me semble très largement satisfaite non seulement par le texte dans sa rédaction actuelle, mais également par l’association renforcée du secteur multiprofessionnel – nouvelle dénomination du « hors champ » – au pilotage régional de la formation professionnelle, puisqu’il fera partie du Centre des relations avec les entreprises et de la formation permanente, le CREFOP.

Pour cette raison, la commission demande le retrait de cet amendement ; à défaut, elle émettra un avis défavorable.

Sur l’amendement n° 37, point n’est besoin de longs développements. Nous revenons régulièrement sur ce sujet et la réponse est constante : l’amendement n’a pas sa place dans ce texte, formulé ainsi, mais cela ne remet pas en cause la réalité de l’enjeu. Par conséquent, la commission émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Michel Sapin, ministre. Je commencerai par donner l’avis du Gouvernement sur l’amendement n° 37, avis que M. Desessard connaît. Nous prenons en compte cette préoccupation et les partenaires sociaux s’en saisiront au-delà même des enrichissements du texte qu’a permis l’adoption des fameux amendements du président Baupin, à l’Assemblée nationale.

L’amendement n° 280 porte sur un sujet délicat, qui a fait l’objet d’importantes concertations. Pour que chacun l’ait bien en tête, permettez-moi de réexpliquer la mécanique des négociations et des concertations menées au cours de ces derniers mois.

D’un côté, s’est tenue la négociation au plein sens du terme entre les partenaires sociaux – patronat et syndicats –, qui attachent évidemment beaucoup d’importance à leurs propres choix.

De l’autre côté, et en parallèle, a eu lieu une concertation quadripartite réunissant, outre le patronat et les syndicats, l’État et les régions, qui, n’ayant pas participé à la négociation, devaient cependant être impliqués dans l’élaboration du compte personnel de formation, du fait de l’importance de leurs apports au dispositif, qu’il s’agisse des régions ou de l’État, par le biais de Pôle emploi. En effet, sur les 32 milliards d’euros dont M. Desessard a abondamment fait état hier, les partenaires sociaux n’en prennent à leur charge qu’une petite moitié, soit un peu moins de 15 milliards d’euros.

Pour monter le dispositif du CPF tel que nous le prévoyons ici, il fallait tenir compte de ces autres apports. Ce fut précisément l’objet de cette concertation quadripartite – patronat, syndicats, État, régions - qui a abouti à la rédaction que nous examinons.

Ce texte témoigne donc de l’équilibre qui a été trouvé entre la volonté des partenaires sociaux et le souci légitime des régions de disposer chacun de la plus grande liberté possible.

Cet amendement vise à faire bouger le curseur et à modifier cet équilibre en faveur du pouvoir régional, en accroissant la capacité régionale d’élaborer ces listes. D’un certain point de vue, je peux comprendre la préoccupation qui est la vôtre, d’autant qu’il m’est arrivé d’être à la tête d’une région…

Néanmoins, je ne peux être favorable à cet amendement, parce que je suis le garant non seulement de la négociation, mais également de la concertation avec les régions, laquelle ne fut pas simple. En effet, je le répète, les régions, comme les partenaires sociaux, en voulaient le plus possible. Un équilibre a été trouvé. Je vous demande de ne pas chercher à le bouleverser par cet amendement.

L’amendement n° 255 porte sur le hors champ. Comme l’a rappelé à juste titre le rapporteur, cette préoccupation sera prise en compte à l’article 14, relatif à la composition de l’organisme fixant les listes en question. C’est un enrichissement de l’Assemblée nationale, cet organisme comprendra des représentants de ce que vous appelez le « hors champ » – c’est le terme aujourd’hui –, mais qui figure désormais dans le texte issu des travaux de l'Assemblée nationale sous l’appellation « multiprofessionnel », regroupant agriculteurs, libéraux et acteurs de l’économie sociale et solidaire. Ces trois secteurs seront donc présents et étroitement associés à l’ensemble des programmes régionaux de formation professionnelle.

Cet amendement étant satisfait un peu plus loin dans le texte, le Gouvernement en demande le retrait.