M. Jean Desessard. Au vu des sommes en jeu, l’effet de levier serait beaucoup plus important. Plutôt que de recourir à une fiscalisation qui abonderait le budget général de l’État, nous considérons qu’il serait plus judicieux d’opter pour un fléchage vers les secteurs de notre économie et de notre société qui ont besoin de financements et que nous souhaitons développer.

À titre d’exemple, à la fin de 2012, lors de la création de la Banque publique d’investissement, les écologistes faisaient la proposition suivante : flécher 3 % des encours de l’assurance vie vers la BPI, afin de doubler son capital, et donc sa capacité de financement. Il ne s’agit là que d’un exemple. On peut également penser au financement de la transition énergétique et écologique, qui a besoin d’un sérieux coup de pouce de la part des pouvoirs publics.

En conclusion, nous remercions le groupe UDI-UC de nous avoir proposé ce débat. Nous considérons qu’il faut inclure dans notre réflexion le fléchage des encours de l’assurance vie, pour un plus grand contrôle de l’utilisation des placements des Français, afin que ceux-ci soient mis au service de toute la société. (Applaudissements sur certaines travées du groupe socialiste. – Mme Muguette Dini applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Dominique de Legge.

M. Dominique de Legge. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens à mon tour à remercier nos collègues du groupe centriste de cette initiative. Le sujet peut être abordé d’un point de vue technique, et j’en développerai quelques aspects, mais, à mon sens, il est avant tout politique et ne peut se réduire à la seule problématique du livret A. Notre collègue Joël Guerriau a d’ailleurs souligné sa dimension sociale, mutualiste, voire coopérative.

Historiquement, l’épargne populaire, à laquelle les Français sont attachés, s’est largement développée durant les Trente Glorieuses.

Dans les années soixante et soixante-dix, sous l’effet des augmentations de salaire et d’un faible taux de chômage, de nombreux Français ont pu emprunter pour acheter leur résidence principale. Le taux d’épargne financière et les remboursements des emprunts immobiliers ont ainsi fortement progressé pour atteindre un pic vers le milieu des années soixante-dix, autour de 20 % du revenu annuel brut de nos concitoyens.

Avec la déflation, la stagnation de la masse salariale et l’augmentation du taux de chômage au cours des années quatre-vingt, ce taux a progressivement décliné pour atteindre, en 1987, le seuil assez bas de 11 %.

Aujourd’hui, ce taux est un peu plus important et atteint environ 15 %, ce qui témoigne d’une épargne relativement forte. Celle-ci représente actuellement 10 000 milliards d’euros, ce qui équivaut à cinq années de PIB et à plus de huit fois le revenu disponible des Français.

Notre pays n’est pas le seul à enregistrer un taux élevé d’épargne : l’Allemagne et la Belgique affichent même un taux supérieur.

L’épargne des Français prend à 60 % la forme d’investissements immobiliers et à près de 40 % celle d’épargne financière, soit près de 4 000 milliards d’euros d’actifs financiers, c'est-à-dire environ deux fois la dette publique de la France.

L’année 2011 a constitué une année record pour l’épargne en France depuis 1982, avec un taux d’épargne des ménages français de 16,8 %. Cependant, depuis 2012, nous assistons à une baisse : les flux de placements financiers des ménages ont connu les niveaux les plus faibles de ces dix dernières années avec 78 milliards d’euros sur les principaux supports, contre une moyenne de 110 milliards d’euros pour les années précédentes. L’assurance vie a notamment connu une décollecte historique. Pour la première fois, la collecte nette de ce produit a été inférieure à celle du livret A.

Dans un climat anxiogène, les épargnants ont privilégié les placements à court terme, comme les livrets bancaires, voire puisé dans leur « bas de laine ». C’est le constat de l’étude annuelle sur les placements financiers réalisée par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution et la direction générale des statistiques de la Banque de France.

Selon une étude réalisée en 2014 par le Cercle des épargnants, l’effort d’épargne a diminué depuis 2010 de 8 %, dont une baisse de 6 % des versements réguliers. Cette tendance s’explique non seulement par la stagnation des revenus professionnels, mais aussi par la hausse record des prélèvements obligatoires sur les ménages, décidée récemment.

Madame la ministre, c’est ici que le dossier prend une dimension politique. Le matraquage fiscal engagé en 2012 a abouti à un recul du pouvoir d’achat de 0,9 % en 2012 et de 0,1 % au troisième trimestre de 2013. Cette diminution du pouvoir d’achat a un impact direct et mécanique sur la capacité à épargner, quand elle ne contraint pas les ménages à consommer une partie de leur épargne. Si l’on veut développer l’épargne populaire, il faut laisser aux classes moyennes la faculté d’épargner et ne pas leur retirer fiscalement les quelques économies qu’elles peuvent réaliser. Or c’est très exactement le contraire qui a été décidé depuis 2012. Non content de s’attaquer aux riches, qui sont allés placer leurs capitaux en dehors de l’Hexagone, le Gouvernement a matraqué fiscalement les classes moyennes.

En 2012 et 2013, ce sont 16 milliards d’euros d’impôts et de prélèvements sociaux supplémentaires qui ont frappé les économies des ménages. En 2014, contrairement aux affirmations, aucune « pause fiscale » n’est prévue, et ce seront bien 12 milliards d'euros de plus qui seront prélevés : 6,5 milliards d’euros d’augmentation de TVA, 2,5 milliards d'euros dans le cadre de la réforme des retraites et 3 milliards à 4 milliards d'euros disséminés dans la loi de finances et la loi de financement de la sécurité sociale pour 2014. Ces prélèvements obligatoires touchent principalement les classes moyennes et non les riches !

La fiscalisation des heures supplémentaires, la hausse du forfait social, de la TVA, des cotisations retraite, des cotisations de mutuelle, la baisse du quotient familial et la réforme de la participation sont quelques-unes des mesures qui ont eu un impact direct sur les classes moyennes et populaires, mesures dictées par des considérations plus idéologiques qu’économiques, comme en attestent les chiffres que je viens de citer. En conséquence, devenir propriétaire est aujourd'hui un rêve presque inaccessible pour la grande majorité des Français. Or être propriétaire participe de cette épargne populaire et permet d’acquérir un capital pouvant être mobilisé en cas de revers de fortune. Le revenu net moyen par foyer du candidat à la propriété s’établit en 2013 à 4 500 euros. Autant dire qu’il exclut de fait nombre de nos concitoyens. Selon les derniers chiffres publiés par l’INSEE en 2010, moins de 20 % des foyers hexagonaux perçoivent plus de 4 400 euros par mois, tous revenus confondus.

L’assujettissement au barème de l’impôt sur le revenu d’un grand nombre de produits financiers a également conduit certains ménages à réduire leur effort d’épargne. La volonté du Gouvernement d’harmoniser au taux unique de 15,5 % le taux des prélèvements sociaux sur les gains réalisés sur certains contrats d’assurance vie, certains PEA, PEL ou plans d’épargne salariale a suscité la colère des épargnants et provoqué leur désaffection. Nous nous y sommes fort heureusement opposés, et vos projets se sont limités à l’assurance vie.

Globalement, le taux d’épargne fluctue en fonction de la santé de l’économie. Il augmente quand l’activité se dégrade, les Français voulant se protéger d’un coup dur, mais cette théorie de la constitution d’une épargne de précaution en cas de crise trouve sa limite quand celle-ci touche directement le pouvoir d’achat. Dans ce cas, les Français n’ont d’autre choix que de puiser dans leur épargne pour leur consommation courante. C’est justement là que le bât blesse ! La crise et les mauvais choix du Gouvernement entraînent une perte de pouvoir d’achat, donc une diminution de l’effort d’épargne, alors même que l’épargne est déjà insuffisamment orientée vers le financement à moyen ou long terme des entreprises, qui sont les plus à même de créer des emplois, de la richesse, de la croissance, donc du pouvoir d’achat. Nous sommes actuellement enfermés dans un cercle vicieux maléfique qu’il convient de briser.

Au troisième trimestre de 2013, le taux de marge brute des entreprises était de 27,7 %, niveau le plus bas depuis 1985 et le plus faible de la zone euro. Les entreprises ne peuvent donc pas investir et bâtir la croissance de demain. Elles manquent de fonds propres et éprouvent de plus en plus de difficultés pour accéder aux crédits bancaires. Toute diminution de l’épargne restreint par conséquent la capacité de financement des entreprises. Il conviendrait d’orienter davantage l’épargne vers le financement de celles-ci. Certes, nous mettons au crédit du Gouvernement de tenter d’orienter une partie de l’assurance vie dans ce sens, avec les contrats euro-croissance ; c’est là un premier pas que nous tenons à souligner.

Les actions et les obligations continuent de faire peur aux épargnants. Or le problème de long terme de l’économie française vient du manque de fonds propres de nos entreprises, c’est-à-dire du manque de candidats à l’acquisition d’actions pour les financer. Sur les presque 4 000 milliards d’euros d’épargne financière, seul le quart constitue de l’épargne en actions et obligations. Il convient donc d’encourager la prise de risque chez les épargnants, par exemple au moyen d’une fiscalité attractive, plutôt que de favoriser des comportements de rente.

Là encore, on le voit, il s’agit bien d’un problème politique. Ce ne sont pas les déclarations autour de l’argent sale que constitueraient les revenus du capital et de l’ennemi déclaré que serait la finance qui peuvent donner confiance aux épargnants et les inviter à investir et à prendre des risques. Certes, afin d’orienter l’épargne financière des ménages vers le financement des PME et des ETI, le Gouvernement vient de mettre en place le PEA-PME. C’est un point positif, madame la ministre, qui va dans le bon sens. Nous regrettons cependant que le plafond d’investissement de ce dispositif soit rogné de 50 % par rapport à la version courante du PEA et que certains supports ne soient pas éligibles au PEA-PME. En outre, il faut reconnaître qu’il concernera surtout les investisseurs avertis.

Préserver les capacités d’épargne des Français passe par le maintien et surtout l’amélioration de leur pouvoir d’achat. Cela nécessite une diminution de la pression fiscale, tout comme un allégement des charges permettrait aux entreprises de retrouver de la compétitivité. Pour ce faire, le préalable, c’est la diminution de la dépense publique afin de se redonner des marges de manœuvre en termes de recettes. Tout se tient ! Je veux croire que le pacte de responsabilité annoncé permettra enfin de s’engager dans cette voie.

M. le président. La parole est à Mme la ministre déléguée.

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée auprès du ministre du redressement productif, chargée des petites et moyennes entreprises, de l'innovation et de l'économie numérique. Madame Férat, vous avez souhaité avoir un débat sur l’épargne populaire, sujet tout à fait essentiel à propos duquel vos différentes interventions, mesdames, messieurs les sénateurs, ont soulevé un grand nombre de points qui en confirment la richesse.

Je souhaite dire quelques mots d’introduction avant de répondre à vos interventions et de contribuer ainsi au débat.

Je résumerai mon propos liminaire de la manière suivante : la France a la chance d’être un pays où l’épargne des ménages est l’une des plus abondantes de la zone euro. Celle-ci est une ressource précieuse pour financer notre économie, et le Gouvernement a déployé de nombreux efforts pour mettre l’épargne des Français au service du financement de notre économie et de nos entreprises, en particulier des PME, auxquelles je suis particulièrement attentive. Le Gouvernement mène cette action en ayant par ailleurs le souci de la bonne protection des épargnants, car l’épargne se nourrit de la confiance.

Premier point : l’épargne des Français est abondante.

En 2013, nos concitoyens ont épargné près de 65 milliards d’euros, soit 15,6 % de leur revenu. Leur patrimoine global s’élève en tout à près de 12 000 milliards d’euros. Si l’essentiel de ce patrimoine est un patrimoine immobilier, plus d’un tiers correspond à un patrimoine financier, qui représente près de 4 200 milliards d’euros, soit 2,1 fois la richesse nationale. Pour les ménages, à l’échelon individuel, épargne immobilière et épargne financière servent à assurer un complément de retraite, à détenir une épargne de précaution ou à transmettre un capital à leurs héritiers.

Cette épargne est détenue auprès des établissements bancaires sous forme de livrets et de dépôts, des organismes d’assurance sous forme d’assurance vie, de fonds de placement à travers les OPCVM ou encore en détention directe avec l’acquisition de titres de créance et de valeurs mobilières. Cette épargne est donc mise directement ou indirectement au service du financement de l’économie. C’est même la première source de financement de notre économie.

Deuxième point : tout le Gouvernement est mobilisé pour trouver les moyens permettant de mettre davantage cette épargne au service du financement de la croissance.

Le financement de la croissance, c’est en particulier le financement des entreprises pour leur permettre de se développer, d’investir et d’innover. Cela s’inscrit dans le pacte de responsabilité proposé par le Président de la République le 14 janvier dernier, afin d’accélérer le cercle vertueux de l’innovation, de l’investissement, de la compétitivité et de l’emploi.

Aujourd’hui, près de 26 % du patrimoine financier des Français est investi in fine en actions. Pour mobiliser encore mieux l’épargne des ménages français qui ont les ressources suffisantes pour participer davantage à ces défis, des réformes majeures ont déjà été entreprises. Je ne citerai qu’un exemple, rappelé par nombre d’entre vous, celui du lancement du PEA-PME, qui intervient parallèlement à la redynamisation de l’accès des ETI aux financements de marché. Ce nouveau produit devrait permettre de drainer davantage d’épargne vers le segment des PME cotées et inciter de ce fait un nombre plus important d’entreprises en développement à rechercher auprès des marchés les ressources nécessaires à leur croissance. Le relèvement du plafond du PEA participe d’un objectif plus large de redynamisation de l’épargne en actions.

L’épargne la plus populaire, notamment le livret A, contribue également à cet objectif à travers l’intervention du fonds d’épargne, qui centralise une partie des dépôts des livrets A et des livrets de développement durable, non seulement pour le financement du logement et des investissements des collectivités locales, mais aussi pour le refinancement de la Banque publique d’investissement, BPI France. Le Gouvernement et la majorité ont ainsi souhaité donner un nouvel élan à l’épargne populaire. C’est dans cet esprit que le plafond du livret A a été relevé de 50 % et celui du livret de développement durable doublé. C’est aussi la raison pour laquelle la condition d’accès au livret d’épargne populaire a été simplifiée et améliorée, avec le passage d’un plafond d’impôt à un plafond en revenu fiscal de référence.

Troisième point : l’action du Gouvernement vise à renforcer la protection de l’épargne et à l’accompagner dans ses mutations.

Parce que les Français épargnent pour préparer leur avenir ou celui de leurs enfants, ils recherchent une certaine sécurité financière, pour assurer leur retraite ou faire face à des pertes de revenus imprévues. Il est donc essentiel de leur assurer un cadre protecteur. Le Gouvernement y est d’autant plus attentif que l’épargne ne peut se transformer en un financement durable de notre économie que si elle possède une certaine stabilité, qui ne peut s’acquérir qu’au prix de la confiance. Ainsi, nous suivons le développement de nouveaux modes d'épargne et de financement en nous efforçant systématiquement de tirer tous les enseignements de la crise.

Cela se traduit par exemple, du côté des ménages, par la volonté de faciliter l'investissement direct des particuliers dans des projets innovants. Ainsi, il sera très prochainement mis en place un cadre propice aux nouveaux modes de financement, en particulier les financements participatifs comme le crowdfunding. Celui-ci consiste à permettre, grâce aux possibilités qu’offre désormais internet, le financement d'entreprises, notamment de très jeunes entreprises en phase de création ou de développement, par un grand nombre de petits épargnants apportant à une plate-forme une multitude de petits financements. Une réforme de ce cadre devrait aboutir dans l'année afin de permettre son développement. Je suis particulièrement vigilante à ce que ce nouveau cadre offre une protection suffisante à l’épargnant.

Vous le voyez, mesdames, messieurs les sénateurs, l'épargne populaire est un sujet éminemment concret. Notre capacité à transformer cette épargne, faite d’une multitude de petits montants, en des financements utiles à notre économie est essentielle et constitue l'une des priorités de l'action du Gouvernement.

Je souhaite maintenant répondre aux différents orateurs.

Madame Férat, vous avez souhaité focaliser votre intervention sur l'épargne réglementée, en particulier sur le livret A.

Vous avez mentionné la réforme de 2008, qui a conduit à la généralisation de la distribution du livret A, ce qui a entraîné un regain de la diffusion de ce produit et de la collecte de fonds, dont une large part est centralisée dans le fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Comme vous le signalez, cette réforme a contribué à écarter le risque d'un manque de fonds pour le financement du logement social. Je vous remercie d'avoir rappelé que le Gouvernement, en relevant les plafonds du livret A et du livret de développement durable, y avait lui aussi fortement contribué.

Vous souhaitez que le livret A et le livret de développement durable retrouvent toute leur visibilité. Sur ce point, je ne partage pas nécessairement votre analyse. Il est indéniable, selon moi, que le livret A et le livret de développement durable sont aujourd'hui des produits très largement connus et diffusés. Les inégalités entre les montants des encours, que vous pointez à juste titre,…

Mme Fleur Pellerin, ministre déléguée. … sont avant tout le reflet d’inégalités dans la répartition même de l'épargne.

Vous m'avez interrogée sur les fonds du livret A et du livret de développement durable qui ne sont pas centralisés, notamment l'enveloppe de 30 milliards d'euros dégagée pour les banques. Je rappelle que ces fonds doivent, en vertu de la loi, être employés par les banques pour le crédit aux petites et moyennes entreprises. Et c'est bien ce qui se passe ! Les encours de crédits aux PME des banques françaises dépassent largement les exigences de la loi. Pour mémoire, cet encours est aujourd'hui de 360 milliards d'euros, soit largement plus que les 170 milliards d’euros que vous évoquiez.

S'agissant de l'enveloppe de 30 milliards d’euros décidée par le Président de la République, elle participe d'une démarche plus large destinée à s'assurer que les banques jouent pleinement leur rôle dans le financement de nos entreprises. Cette enveloppe était ainsi destinée à fournir aux banques une ressource additionnelle pour leurs activités de crédit, en particulier à destination des PME qui en ont le plus besoin.

Des premiers éléments dont dispose le Gouvernement, il ressort que les banques qui ont le plus bénéficié de cette mesure sont celles dont la production de crédit à la fin de l'année 2013 a été la plus dynamique. L'évaluation de cette mesure se poursuit plus en détail, mais il faut d'ores et déjà la considérer comme un succès.

Monsieur Guerriau, vous avez souhaité évoquer le droit au compte. C'est une question absolument fondamentale, qui faisait partie des objectifs identifiés par le Gouvernement dans le plan de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale annoncé en décembre 2012. À ce titre, le Gouvernement a déployé de grands efforts pour favoriser le droit au compte en prenant une série de mesures destinées à en faciliter l’exercice. La loi de séparation et de régulation des activités bancaires a renforcé les exigences pesant à ce titre sur les banques. Elle a également prévu d'élargir aux associations qui aident les exclus la possibilité de saisir la Banque de France pour le compte d'un tiers et de l'aider à faire valoir son droit au compte.

Je souhaite rappeler ici que, si la Banque postale joue un rôle central dans l'accessibilité bancaire, notamment au travers du livret A, le Gouvernement attend de l'ensemble des banques qu'elles y prennent leur part. En effet, le livret A est un outil imparfait pour permettre l'accessibilité bancaire, et nous devons viser l'accès à un véritable compte bancaire pour tous.

Vous avez mentionné le livret d'épargne populaire. J'aurai l'occasion d'y revenir, mais je rappelle d'emblée que la réforme votée à la toute fin de l’année dernière va à la fois relancer ce produit en élargissant le champ des épargnants qui pourront en bénéficier et en faciliter le recours.

Madame Assassi, vous avez rappelé les règles de centralisation des fonds collectés sur le livret A et le livret de développement durable, ainsi que les obligations qui pèsent sur les banques pour l'emploi des fonds non centralisés. Vous avez également évoqué le relèvement des plafonds.

Je ne partage évidemment pas votre analyse. Le Gouvernement a bien tenu ses engagements, qui étaient ceux du Président de la République. Le relèvement des plafonds du livret A et du livret de développement durable a été réalisé. Il a permis non seulement une très large hausse de la collecte, mais également, mécaniquement, l’augmentation des montants centralisés au fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations. Aujourd'hui, ce dernier dispose très largement des fonds dont il a besoin pour remplir ses missions, notamment le financement du logement social. Le Gouvernement n'a donc failli ni à ses engagements ni à sa mission.

Vous avez parlé du taux de rémunération du livret A. Sur ce point, le Gouvernement a pris des décisions très claires : il a veillé, comme le Président de la République s'y était engagé, à ce que le taux de rémunération de ce livret soit toujours significativement supérieur au taux de l'inflation, s'écartant ainsi de la stricte application de la formule, qui aurait conduit à des taux de rémunération inférieurs.

Je rappelle enfin que cette rémunération pèse aussi sur le taux auquel la Caisse des dépôts et consignations peut prêter aux bailleurs sociaux. C'est une contrainte que nous prenons en compte dans la définition du logement social.

Monsieur Vaugrenard, je vous remercie d'avoir abordé deux sujets essentiels pour lesquels l'action du Gouvernement et de la majorité a permis de renforcer les acquis de l'épargne populaire et les droits des épargnants.

En ce qui concerne l'épargne réglementée, je vous remercie d'avoir rappelé que le Gouvernement a tenu l'engagement qui était celui du Président de la République lors de sa campagne : d'une part, relever les plafonds du livret A et du livret de développement durable ; d'autre part, s’assurer, dans les décisions concernant la fixation du taux du livret A, que celui-ci permettait de préserver le pouvoir d'achat de cette épargne en prenant en compte l’évolution de l'inflation.

Vous avez également mentionné la réforme du livret d'épargne populaire, qui va donner une nouvelle dynamique à ce produit. Sur ce point, je souhaite souligner que le Gouvernement a pris ces décisions en ayant également à l’esprit, au-delà de la protection de l'épargne populaire, son rôle essentiel dans le financement de notre économie.

En premier lieu, comme vous l'avez dit, le Gouvernement a assuré l’affectation directe d'une partie de ces fonds vers les bilans des banques afin de leur permettre de jouer leur rôle de fournisseur de crédit, rôle qu'elles devront tout particulièrement tenir en 2014 avec la confirmation de la reprise et le redémarrage de la croissance.

En second lieu, le Gouvernement a développé de nouveaux emplois pour les fonds d'épargne de la Caisse des dépôts et consignations – fonds qui centralisent ceux du livret A et du livret de développement durable –, en cohérence avec le rapport des députés Karine Berger et Dominique Lefebvre. Ces fonds permettent ainsi le refinancement de BPI France et ils ont aussi été affectés au financement des investissements des collectivités locales dans le cadre d'un plan d'action plus large visant à leur faire retrouver l’accès au crédit bancaire après le retrait de Dexia, qui, vous le savez, jouait un rôle majeur sur ce marché. Ce plan, qui a également vu la création d'une banque publique des collectivités locales avec l'appui de la Banque postale, est aujourd'hui un succès salué par tous.

Je vous remercie également d'avoir présenté les enjeux de la proposition de loi que Christian Eckert et le groupe socialiste ont présentée à l'Assemblée nationale et qui a été adoptée. Vous anticipez ainsi sur un débat qui aura lieu ici même, en avril, et vous avez bien raison de le faire, tant ce sujet se trouve en résonance avec l'impératif de protection de l'épargne populaire.

Je ne reviens pas en détail sur ce point, que vous avez fort bien présenté. Je souhaite simplement rappeler que le Gouvernement a soutenu la démarche des parlementaires, des députés comme des sénateurs, qui travaillent depuis longtemps sur ce sujet et qui ont souhaité apporter une solution aboutie et complète à la question des comptes bancaires et des contrats d'assurance vie en déshérence.

Jusqu'à présent, cette question récurrente n'avait pu être traitée que de manière partielle par le législateur et les pouvoirs publics. Offrant une solution complète, la proposition de loi dont vous aurez très prochainement à débattre tranche avec cette situation en faisant notamment appel à la Caisse des dépôts et consignations, lui faisant jouer un rôle essentiel dans la centralisation de ces avoirs délaissés afin de permettre aux clients concernés, à leurs bénéficiaires ou à leurs ayants droit de réclamer plus facilement ce qui leur est dû.

La proposition de loi prévoit également un renforcement des obligations pesant sur les établissements financiers, banques et entreprises d'assurance, afin que l’on puisse enfin envisager de trouver la solution à ce problème.

Comme vous, monsieur le sénateur, je vois ici la manifestation de la volonté du Gouvernement et de la majorité de proposer des solutions extrêmement concrètes aux Français pour la protection de leur épargne et pour le renforcement de cette valeur cardinale en économie qu’est la confiance.

Monsieur Fortassin, je vous remercie d’avoir souligné que le Gouvernement a mené, en matière d’épargne populaire, une politique volontariste. C'est bien notre sentiment également, qu’il s'agisse du livret A, du livret de développement durable ou du livret d’épargne populaire. Je vous remercie également de votre soutien à la politique économique du Gouvernement. En matière d’épargne, la politique qu’il mène s'inscrit plus largement dans la politique de financement de l’économie. Je vous remercie, enfin, d’avoir rappelé que le Gouvernement a mené une grande réforme de l’épargne réglementée ; vous en avez rappelé les objectifs, et je vous confirme que le Gouvernement veut désormais stabiliser le cadre normatif de cette épargne.

Monsieur Desessard, vous avez souligné à raison que la notion d’épargne populaire est multiforme, qu’elle peut couvrir des champs extrêmement divers. Pour ma part, dans mon introduction, j'ai souhaité en retenir une définition assez large.

Vous avez soulevé la question d’une éventuelle fiscalisation des livrets, que certains ont évoquée. Je rappelle que, à plusieurs reprises, le Gouvernement a indiqué qu’il n’entendait pas revenir sur ce point.

Vous avez également soulevé la question de l'assurance vie, qui est de loin le produit d’épargne préféré des Français. Sur ce sujet, le Gouvernement a proposé une réforme que le Parlement a adoptée il y a quelques mois dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2013. Cette réforme a notamment permis la création de nouveaux produits, les contrats « euro-croissance » et « vie-génération », dont l’objectif est précisément de réorienter les encours de l'assurance vie vers les finalités et les vecteurs de notre économie et de notre société qui en ont le plus besoin : le financement en capital des PME, le financement de la construction de logements, l’économie sociale et solidaire.

Monsieur de Legge, je vous remercie de l’état des lieux très complet de l’épargne en France que vous avez dressé. En revanche, comme vous l’imaginez, je ne puis vous suivre lorsque vous parlez de matraquage fiscal et, surtout, je n’entrerai pas dans la polémique sur la question de savoir qui, du précédent gouvernement ou de l’actuel, est responsable de la hausse des prélèvements qui ont frappé le plus durement les ménages en 2012 et en 2013. À plusieurs reprises, mes collègues Pierre Moscovici et Bernard Cazeneuve ont démontré, chiffres à l’appui, que le gouvernement précédent en était le principal responsable.

Vous avez évoqué la question de l’accès à la propriété. Le Gouvernement a mené une action vigoureuse pour relancer la construction et relâcher ainsi la pression dans les zones tendues. Je citerai l’exemple de la mobilisation du foncier public en faveur du logement social.

S'agissant du financement des entreprises, comme j’ai pu le rappeler à l’instant, le Gouvernement cherche notamment à orienter l’épargne vers les fonds propres des entreprises, ce qui est extrêmement important. J’ai mentionné le PEA-PME et le PEA, et je vous remercie d’avoir cité la réforme de l'assurance vie, qui poursuit également cet objectif. Pour conclure, je précise que le PEA-PME pourra se cumuler avec le PEA et que, dès lors, les deux plafonds pourront s'additionner.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je remercie à nouveau chacun d’entre vous. Vos interventions soulignent l'intérêt porté par la représentation nationale à ce sujet éminemment important qu’est l’épargne populaire, et donc au financement de notre économie, en particulier celui des petites et moyennes entreprises. Je l’ai indiqué, le Gouvernement est tout entier mobilisé pour que nous puissions utiliser l’actif important que représente l’épargne populaire pour assurer la croissance de nos entreprises et de notre économie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. Michel Le Scouarnec applaudit également.)