compte rendu intégral

Présidence de Mme Bariza Khiari

vice-présidente

Secrétaires :

Mme Marie-Hélène Des Esgaulx,

M. Hubert Falco.

Mme la présidente. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à neuf heures trente-cinq.)

1

Procès-verbal

Mme la présidente. Le compte rendu analytique de la précédente séance a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté sous les réserves d’usage.

2

Articles additionnels après l’article 3 (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Article 4

Agriculture, alimentation et forêt

Suite de la discussion d’un projet de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. L’ordre du jour appelle la suite de la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt (projet n° 279, texte de la commission n° 387 rectifié, rapport n° 386, avis nos 344 et 373).

Nous poursuivons la discussion des articles.

TITRE Ier (suite)

PERFORMANCE ÉCONOMIQUE ET ENVIRONNEMENTALE DES FILIÈRES AGRICOLES ET AGROALIMENTAIRES

Mme la présidente. Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus, au sein du titre Ier, à l’article 4.

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi d'avenir pour l'agriculture, l'alimentation et la forêt
Articles additionnels après l'article 4 (début)

Article 4

I. – (Non modifié) L’article L. 211-3 du code de l’environnement est ainsi modifié :

1° Le III devient un IV ;

2° Il est rétabli un III ainsi rédigé :

« III. – Dans les parties des zones vulnérables atteintes par la pollution, délimitées en application du I ou du 8° du II, dans lesquelles a été mis en place un dispositif de surveillance annuelle de l’azote épandu, l’autorité administrative peut imposer :

« 1° Aux personnes qui détiennent à titre professionnel des matières fertilisantes azotées dans cette zone, y compris aux transporteurs de ces matières, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’ils ont traitées, reçues, livrées, cédées à titre gratuit ou onéreux dans la zone, ou qu’ils ont cédées ou livrées à partir de cette zone ;

« 2° À toute autre personne qui expédie ou livre dans cette zone des matières fertilisantes azotées en vue d’un usage agricole, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’elle y a expédiées ou livrées. »

II. – L’article L. 411-27 du code rural et de la pêche maritime est ainsi modifié :

1° Le troisième alinéa est remplacé par deux alinéas ainsi rédigés :

« Des clauses visant au respect par le preneur de pratiques ayant pour objet la préservation de la ressource en eau, de la biodiversité, des paysages, de la qualité des produits, des sols et de l’air, la prévention des risques naturels et la lutte contre l’érosion, y compris des obligations de maintien d’un taux minimal d’infrastructures écologiques, peuvent être incluses dans les baux dans au moins un des cas suivants :

« - pour garantir, sur la ou les parcelles mises à bail, le maintien de ces pratiques ou infrastructures ; »

2° (Supprimé)

3° Au dernier alinéa, les mots : « des trois alinéas précédents » sont remplacés par les mots : « des quatre alinéas précédents ».

II bis. – (Non modifié) Le premier alinéa de l’article L. 411-37 du même code est ainsi rédigé :

« Sous réserve des dispositions de l’article L. 411-39-1, à la condition d’en aviser le bailleur par lettre recommandée au plus tard dans les deux mois qui suivent la mise à disposition, le preneur associé d’une société à objet principalement agricole ou, avec l’accord du bailleur, le preneur membre de toute autre personne morale à vocation principalement agricole peut mettre à la disposition de celle-ci, pour une durée qui ne peut excéder celle pendant laquelle il reste titulaire du bail, tout ou partie des biens dont il est locataire, sans que cette opération puisse donner lieu à l’attribution de parts. Cette société doit être dotée de la personnalité morale ou, s’il s’agit d’une société en participation, être régie par des statuts établis par un acte ayant acquis date certaine. Son capital doit être majoritairement détenu par des personnes physiques. »

II ter. – (Supprimé)

III. – L’article L. 820-1 du même code est ainsi modifié :

1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – l’accompagnement des démarches collectives vers des pratiques et des systèmes permettant d’associer performances économique, sociale et environnementale, en particulier ceux relevant de l’agro-écologie ; »

2° Après le mot : « les », la fin de la première phrase du dernier alinéa est ainsi rédigée : « autres personnes concernées, en particulier les organisations professionnelles agricoles et les collectivités territoriales. »

IV. – Au deuxième alinéa de l’article L. 461-4 du même code, le mot : « quatre » est remplacé par le mot : « deux ».

Mme la présidente. La parole est à M. Marcel Deneux, sur l'article.

M. Marcel Deneux. Madame la présidente, monsieur le ministre, mes chers collègues, lorsque j’ai demandé à prendre la parole sur cet article, je souhaitais formuler deux observations. L’une d’elle me paraît aujourd'hui inutile, un consensus ayant été trouvé, me semble-t-il, sur le bail environnemental. À cet égard, j’ajoute mes compliments à ceux qui ont déjà été présentés hier sur les qualités de consensus de M. le rapporteur et de M. le président de la commission. Je veux à mon tour les féliciter.

Ma seconde observation porte sur le problème de l’azote, monsieur le ministre. Je ferai en fait une observation et une suggestion.

On ne peut pas traiter de la même manière l’azote organique et l’azote minéral. Disant cela, j’aborde des problèmes techniques, qu’il faut expliquer à ceux qui sont chargés d’appliquer la réglementation. L’azote organique et l’azote minéral n’ont en effet pas les mêmes répercussions sur la qualité du sol.

J’ai rédigé en 2001 un rapport sur les variations climatiques. À cette occasion, j’avais interrogé le président de l’Académie de médecine, le professeur Tubiana, qui est aujourd'hui décédé. Il m’avait alors fait part de sa perplexité sur la manière dont il fallait apprécier le taux de 50 milligrammes par litre, qui n’avait selon lui aucune justification médicale. C’était il y a quatorze ans, mais cela n’a pas changé. Ce taux n’est pas un dogme. Il est un peu le fruit du hasard. Il faut donc le manier avec beaucoup de précautions. Je le dis surtout à l’intention de mes amis qui s’en servent parfois comme d’une vérité médicale. Or ce n’en est pas une.

Permettez-moi d’évoquer plus particulièrement, monsieur le ministre, la question de l’azote sur les terres en pente. J’ai cultivé de telles terres. Lorsqu’on les cultivait avec la traction animale, on labourait dans un sens perpendiculaire à la pente, faute d’avoir la puissance pour le faire dans le sens montant-descendant – les attelages ne le permettaient pas.

Le ruissellement voire l’érosion consécutifs au labour dans le sens de la pente sont le résultat de la mécanisation. Lorsqu’un agriculteur laboure en travers en utilisant un tracteur important, il n’est pas à l’aise, le matériel travaille mal. Le ruissellement est donc le résultat de la mécanisation, car, lorsqu’on laboure en montant-descendant, on pratique tous les trente-cinq ou quarante centimètres, suivant le matériel employé, une rigole qui permet à l’eau de dégouliner d’un bout à l’autre de la pente.

Il existe un moyen de mettre fin à ce phénomène créé par la mécanisation, phénomène qui est irréversible – on ne va pas en revenir à la traction animale ! –, c’est la culture sans labour.

Dans mon département de la Somme, nous avons beaucoup encouragé la culture sans labour, qui constitue une bonne réponse agronomique et environnementale, car elle permet de réaliser des économies d’énergie : plus de 10 000 hectares y sont aujourd'hui cultivés sans labour.

Or on ne peut pas exiger la même chose sur les terres en pente de ceux qui cultivent sans labour et de ceux qui cultivent selon d’autres méthodes.

Je souhaite donc, monsieur le ministre, que l’on réfléchisse avec vos services – ils sont très compétents – à l’envoi d’un signal favorable dans les textes afin d’encourager le développement de la technique de culture sans labour, laquelle est utile et nécessaire. Nous ne sommes pas pressés, mais nous attendons un tel signal, monsieur le ministre.

Mme la présidente. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Madame la présidente, mesdames, messieurs les sénateurs, permettez-moi, pour commencer cette matinée, de dire quelques mots sur les grands enjeux agronomiques, après avoir salué l’intervention du sénateur Marcel Deneux à cet égard.

De nombreux amendements visent à soulever un certain nombre de questions. S’agissant de l’azote, et en particulier de la question de la déclaration des ventes d’azote minéral, il nous faut nous expliquer de manière très claire. Ayant entendu dire hier que c’était un élément de complication supplémentaire, je rappellerai quel en est l’objectif et pourquoi, en Bretagne par exemple, elle est acceptée par la profession agricole – toute la profession agricole ! –, par la chambre régionale d’agriculture et par les syndicats agricoles – j’ai bien dit « les » syndicats agricoles.

Cette déclaration, qui concerne non pas les agriculteurs, mais les distributeurs d’azote, est mise en place à titre expérimental, après décision au niveau régional, la Bretagne étant la première région à procéder à une telle expérimentation. Il s’agit de substituer à l’azote minéral, qui est aujourd'hui acheté et épandu sur les terres en Bretagne, les excédents d’azote organique résultant de l’élevage breton. Le principe est simple !

M. Didier Guillaume, rapporteur de la commission des affaires économiques. Oui !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je rappelle en outre que l’azote est du gaz. Nous importons donc ce gaz alors que nous disposons d’excédents d’azote organique qui, au lieu d’être utilisés pour fertiliser les terres et les plantes, finissent le plus souvent dans les rivières, entraînant ainsi la prolifération d’algues vertes.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Ce n’est plus possible !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il faut donc se mettre en ordre de bataille pour substituer à l’azote minéral acheté et importé, qui coûte cher, les excédents d’azote organique.

Cependant, pour y parvenir, nous avons besoin de connaître la quantité d’azote minéral vendu.

Le texte ne change rien pour les agriculteurs. Ce sont les distributeurs et les vendeurs d’azote qui devront déclarer les quantités qu’ils ont vendues. À partir de l’année de référence, 2014, on calculera la baisse de l’utilisation d’azote minéral. C'est pour cela qu’une déclaration est nécessaire.

Il ne faut pas se tromper dans ce débat ; je le dis à tous les sénateurs qui, par leurs interventions dans la discussion générale ou leurs amendements, laissent penser que l’obligation de déclaration représenterait encore une norme supplémentaire. Non, c’est un objectif extrêmement clair.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Bien sûr !

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il s’agit d’utiliser l’azote organique produit en France plutôt que d’importer de l’azote minéral.

M. Charles Revet. Et après, concrètement, qu’est-ce qu’on fait ?

M. Stéphane Le Foll, ministre. Il en va de même s'agissant de la méthanisation. Qu’est-ce que la méthanisation ? Un rapport de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie, l’ADEME, indique que, si nous valorisions l’ensemble du méthane lié à la production de matière organique en France, nous arriverions à produire en méthane dans le réseau près de 40 % de ce que nous consommons actuellement en gaz. Je le répète, ce gaz est importé, et vous savez de quelles régions, au sud ou quelquefois à l’est, avec les implications géopolitiques et géostratégiques qui en découlent. Nous avons un potentiel de gaz « naturel », si j’ose dire, mais nous ne le valorisons pas.

Dans le système de l’azote total, qui repose sur la méthanisation – c’est le fameux plan « Énergie méthanisation autonomie azote », dit EMAA, qui est en cours de mise en œuvre –, l’objectif est de faire en sorte que ce qui est aujourd'hui un déchet devienne une ressource. L’agriculture a un potentiel. Il s’agit non pas de substituer la production de gaz à une production agricole, mais de faire en sorte que la production agricole, qui génère de la matière organique, valorise cette matière organique en produisant du gaz par méthanisation. Cet objectif s’inscrit dans une démarche d’économie circulaire.

Il faut opérer des simplifications. Cette question a été soulevée. Il y a beaucoup de projets, mais ils rencontrent des difficultés. Nous avons déjà commencé à simplifier les procédures, en expérimentant une procédure unique de déclaration pour le solaire, l’éolien et le méthane, au lieu de trois. L’expérimentation se poursuivra pendant les trois prochaines années. Nous allons accélérer le processus.

Des questions se posent également au sujet des prix de rachat. Je pense notamment à la question de la dégressivité pour les systèmes collectifs. Le régime actuel tend à remettre en cause les systèmes collectifs au détriment des systèmes individuels. Si nous ne développons pas de manière plus structurante les systèmes collectifs, un certain nombre d’exploitations de taille moyenne risquent de ne pas avoir accès à la méthanisation, faute d’avoir la capacité de financer des projets collectifs grâce à la dégressivité des prix de rachat.

Il y a donc de nombreux sujets sur lesquels nous devons continuer à travailler. J’aurais également pu parler des déclarations concernant les installations classées pour la protection de l’environnement, les ICPE.

Soyez bien conscients du fait que ce texte vise à enclencher un processus permettant à l’agriculture de valoriser ce qui était considéré comme un déchet et qui doit désormais être considéré comme une ressource. S'agissant de l’azote, le principe est simple : plutôt que d’importer de l’azote minéral et du gaz, utilisons mieux, et de manière plus rationnelle, l’azote organique disponible en excédent en France.

Enfin, sur le plan agronomique, qu’a évoqué Marcel Deneux, notre objectif est de favoriser des modèles permettant de mieux absorber l’azote, de mieux le garder dans les sols, et de mieux le délivrer ensuite pour les plantes au lieu de pratiquer des épandages qui finissent souvent dans les rivières ou ailleurs. Voilà l’objectif.

Je tenais à rappeler ces éléments avant que nous n’examinions les amendements déposés sur cet article. Ne nous y trompons pas : il ne s’agit pas d’imposer plus de normes, mais seulement de changer de modèle et d’approche. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

Mme la présidente. La parole est à M. Charles Revet, sur l'article.

M. Charles Revet. Je serai bref, car il nous reste plus de six cents amendements à examiner.

Monsieur le ministre, ce que vous venez de dire est très bien. Nous connaissons la situation sur le terrain, puisqu’un certain nombre d’entre nous sont ou ont été agriculteurs. Nous partageons le principe ; mais comment fait-on après ?

Je vous rappelle que, voilà encore dix, quinze ou vingt ans, la France était le principal producteur agricole européen, notamment en matière de viande et de lait. Aujourd'hui, les Allemands nous ont remplacés. Alors que nous leur vendions du lait et de la viande de porc, aujourd'hui ce sont eux qui nous en vendent. Pourquoi, monsieur le ministre ? Tout simplement parce que leur politique agricole a complètement changé.

J’entends encore Gérard Bailly expliquer que, la valeur ajoutée des agneaux de Nouvelle-Zélande résidant dans leur laine et non dans leur viande, cette dernière est vendue à bas prix et concurrence la nôtre. Sur le sujet qui nous occupe, c’est la même chose. En Allemagne, la production de méthane a permis de faire baisser fortement les coûts de production du lait et de la viande ; c'est la raison pour laquelle nous subissons la concurrence allemande.

Monsieur le ministre, je vous dis : chiche ! Je ne suis pas breton, je suis normand, mais je crois que les agriculteurs sont prêts. Cependant, il faut faire attention aux discours. Certains de vos amis, dans cet hémicycle ou ailleurs, vont reprendre votre discours pour fusiller encore les agriculteurs. Mettons au point, par un accord entre les élus, les responsables et les professionnels, un dispositif permettant à nos agriculteurs de faire ce que vous leur demandez. Il va falloir les aider, comme l’Allemagne a aidé ses producteurs.

Mme la présidente. Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les trois premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 324 rectifié bis est présenté par M. César, Mme Lamure, MM. Pointereau, Sido, Hérisson et Houel, Mme Masson-Maret, MM. Billard, Hyest, Couderc et Milon, Mmes Mélot et Primas, M. Savary et les membres du groupe Union pour un Mouvement Populaire.

L'amendement n° 379 rectifié est présenté par MM. Mézard, Alfonsi, Barbier, Baylet, Bertrand, Collin, Fortassin et Hue, Mme Laborde et MM. Mazars, Plancade, Requier, Tropeano, Vall et Vendasi.

L'amendement n° 518 rectifié est présenté par MM. Lasserre, Dubois, Tandonnet et Maurey, Mme N. Goulet et MM. Guerriau, Merceron et Namy.

Ces trois amendements sont ainsi libellés :

Alinéas 1 à 6

Supprimer ces alinéas.

La parole est à M. Gérard César, pour présenter l’amendement n° 324 rectifié bis.

M. Gérard César. J’ai bien entendu le plaidoyer du ministre. Je lui accorde que le texte ne concerne que les zones vulnérables ; il me paraît important de le souligner.

L’article 4 prévoit ensuite que « l’autorité administrative peut imposer :

« 1° Aux personnes qui détiennent à titre professionnel des matières fertilisantes azotées dans cette zone, y compris aux transporteurs de ces matières, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’ils ont traitées, reçues, livrées, cédées à titre gratuit ou onéreux dans la zone, ou qu’ils ont cédées ou livrées à partir de cette zone ;

« 2° À toute autre personne qui expédie ou livre dans cette zone des matières fertilisantes azotées en vue d’un usage agricole, une déclaration annuelle relative aux quantités d’azote qu’elle y a expédiées ou livrées. »

L’amendement n° 324 rectifié bis vise à supprimer les alinéas 1 à 6 de l’article 4. Monsieur le ministre, il faut moins de contraintes et moins de normes. Alors que l’on prétend vouloir simplifier l’administration de la France, on la complexifie encore davantage !

Mme la présidente. La parole est à M. Yvon Collin, pour présenter l'amendement n° 379 rectifié.

M. Yvon Collin. Il est défendu, madame la présidente.

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour présenter l'amendement n° 518 rectifié.

M. Jean-Jacques Lasserre. Quelle est la réalité des pratiques ? Dans les zones vulnérables, qui sont les seules concernées – il est vrai qu’il faut y faire des efforts –, les agriculteurs ont l’obligation de déclarer la totalité de leurs apports azotés, qu’ils soient d’origine chimique, animale ou autre.

M. Jean-Jacques Lasserre. Je ne sais pas si vous vous rendez compte de la complexité inutile que l’on ajoute aux pratiques normales !

M. Charles Revet. On en ajoute tout le temps !

M. Jean-Jacques Lasserre. À une période où l’on recherche de la simplification administrative, voici un domaine dans lequel il serait facile de ne pas alourdir, de ne pas compliquer les choses. Et je vous laisse imaginer toutes les tentatives pour faire appliquer dans les zones vulnérables la disposition législative, si jamais cette dernière est adoptée ! Je suis donc très étonné que l’on complique à souhait la situation alors que le problème est déjà réglé.

Mme la présidente. L'amendement n° 240 rectifié bis, présenté par MM. Adnot et Delattre, Mlle Joissains et MM. Huré, Laménie, Beaumont, Deneux, Husson et Doligé, est ainsi libellé :

Alinéa 5

Après les mots :

ces matières

insérer les mots :

et/ou aux prestataires de services d'épandage

La parole est à M. Marcel Deneux.

M. Marcel Deneux. Cet amendement vise à insérer à l’alinéa 5, après les mots « ces matières », les mots « et/ou aux prestataires de services d’épandage ». En effet, ces prestataires jouent un rôle non négligeable et devraient compter de plus en plus à l’avenir, dans la mesure où nous avons de plus en plus besoin de travaux spécialisés.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous débutons la journée par un sujet très important. Comme l’ont souligné Gérard César et Jean-Jacques Lasserre, le texte ne concerne que les zones vulnérables.

Évitons tous les faux débats. S’il est nécessaire d’agir dans les zones vulnérables, c’est bien qu’il y a un problème. La manière dont l’épandage d’azote a été pratiqué depuis trente ans a entraîné la pollution des sols. C’est une réalité.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Personne ne sait quelles sont les conséquences de cette pollution sur l’environnement ni, surtout, sur la santé de l’homme. Aucune étude sérieuse n’a été réalisée sur les effets à long terme des polluants à faible dose et en mélange. Personne n’a réalisé d’étude : ni ceux qui sont pour ni ceux qui sont contre.

Je me permets donc de faire un peu de publicité pour mon département, la Drôme, où va être construit un pôle de recherche en toxicologie environnementale et en écotoxicologie.

Mme Sophie Primas. Très bien !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Il s’agira d’un pôle unique en Europe. Sa création était souhaitée par l’État mais aussi par toutes les universités et par des pôles de recherche mondiaux, afin de savoir si le principe de précaution – nous en parlions hier avec Marie-Christine Blandin –, poussé à l’extrême, soit s’apparente à de l’obscurantisme, soit ne sert à rien. Il faut objectiver le principe de précaution. Il y a cependant une chose dont on est sûr : l’épandage d’azote pendant de nombreuses années a fait très mal aux sols.

Monsieur Revet, nous sommes tous sur le terrain. Je ne suis pas agriculteur, mais je prétends connaître un peu l’agriculture de mon territoire, qui comporte des zones d’épandage. Vous avez parlé de l’Allemagne. C’est bien parce que le ministre sait que la politique agricole allemande a changé qu’il veut faire changer la nôtre à travers ce projet de loi d’avenir. Nous nous comparons toujours à l’Allemagne. Si nous avons quelques difficultés aujourd'hui, c’est peut-être – je le dis sans esprit polémique – parce que la politique agricole conduite dans notre pays ces dernières années n’a pas très bien marché. Si cette politique avait bien fonctionné,…

M. Jean-Jacques Mirassou. Cela se saurait !

M. Didier Guillaume, rapporteur. … nous n’aurions pas entendu tous ces discours sur les problèmes de revenus, de déprise, etc., que traite le projet de loi.

Le texte défendu par Stéphane Le Foll vise à régler un certain nombre de problèmes. Après Stéphane Le Foll, il y aura un autre ministre de l’agriculture,…

M. Jean Bizet. Ce n’est pas sûr !

M. Didier Guillaume, rapporteur. … de la même couleur politique ou non, qui présentera un autre projet de loi.

Lors de la discussion générale, nous avons évoqué la loi de modernisation de l’agriculture et de la pêche, dite « loi LMAP », de 2010 ; ce n’est pas loin, 2010.

M. Didier Guillaume, rapporteur. Cette loi comportait des points très positifs. Cependant, sur tous les sujets que je viens d’évoquer, elle n’a rien apporté. C'est la raison pour laquelle nous sommes obligés d’aborder ces sujets aujourd'hui. Il faut bien avancer.

Vous avez parlé des aides pour les agriculteurs. Je pense que, grâce à la politique agricole commune et à la politique menée par le chef de l’État et le ministre de l’agriculture, nous avons réussi à sauver ce qui semblait impossible à sauver. Je me doute que, si c’est bien pour les uns, ce n’est pas assez pour les autres ; nous ne sommes pas là pour polémiquer. Je tenais néanmoins à faire ce constat.

J’en viens à la demande de suppression de l’obligation de déclaration des flux d’azote. Daniel Dubois a présenté hier un amendement sur les normes, qui a été voté. Je pense moi aussi qu’il y en a assez des normes, qu’il ne faut pas en ajouter sans cesse. Mais il y a normes et normes, tout de même ! L’obligation de déclaration prévue par l’article 4 vise à faire en sorte que les choses n’empirent pas. Il ne s’agit pas de faire des procès d’intention. On sait très bien que tout le monde essaie de se comporter le mieux possible.

Monsieur César, monsieur Lasserre, vous avez raison : les agriculteurs font déjà une déclaration, et ce n’est donc pas la peine d’en rajouter. C'est pourquoi le projet de loi n’en rajoute pas ; il ne complique pas la situation des agriculteurs.

Ce qui semble vous poser problème, c’est l’obligation de déclaration imposée aux transporteurs.

M. Gérard César. Et aux distributeurs !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous en avons beaucoup parlé en commission, et j’évoquais encore ce point voilà quelques minutes avec le président de la commission, Daniel Raoul. Nous nous demandions, de manière concrète, pragmatique, si ce ne serait pas mieux d’exempter les transporteurs et les distributeurs de l’obligation de déclaration. Eh bien non, je suis désolé de vous le dire, ce ne serait pas mieux ! Sinon, le président Raoul – vous le connaissez – l’aurait proposé, et nous l’aurions fait.

Pourquoi n’est-il pas possible d’exempter les transporteurs et les distributeurs de l’obligation de déclaration ?

M. Gérard César. Encore des contrôles !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Je sais que nous ne sommes pas d'accord, monsieur César. Il ne s’agit pas de créer de nouveaux contrôles.

Je vais vous dire pourquoi : si nous enlevons les transporteurs, vous pourrez dire qu’il y a de la discrimination positive et négative, car cela voudra dire que seuls les agriculteurs seront obligés de faire une déclaration relative à l’azote, au contraire des transporteurs.

Lorsqu’un GAEC ou une autre structure va se procurer de l’azote à l’extérieur, il est bien normal que le transporteur le déclare. En l’espèce, ce n’est donc pas une norme imposée aux agriculteurs. Il faut donc se convaincre que c’est bon pour la santé, pour l’environnement, et que le mot « contrôle » n’a pas forcément une connotation négative.

M. Jean-Jacques Mirassou. Effectivement, il peut être positif !

M. Didier Guillaume, rapporteur. Nous voulons améliorer la situation, mais, si nous refusons les contrôles pour les transporteurs et les distributeurs, cela veut dire – je ne vous fais pas un procès d’intention, monsieur le sénateur – que nous préférons faire comme avant, c’est-à-dire sans aucun contrôle sur le sujet.

Or si nous continuons comme avant, nous trahirons le Grenelle de l’environnement. Cette attitude serait irresponsable au regard de la santé de nos petits-enfants.