M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, ce projet de loi, passé relativement inaperçu dans la vie publique de ce premier semestre, a pourtant suscité et des espérances et des inquiétudes.

Parler du statut de l’auto-entrepreneur et de la réforme de l’entreprise individuelle revient à parler du statut de l’artisan dans notre pays. De même, évoquer la réforme des baux commerciaux revient à parler des relations entre bailleurs et commerçants. Et enfin, en toile de fond de la réforme de l’urbanisme commercial se pose la question de l’artificialisation des sols et du traitement des entrées de ville.

Ce projet s’apprêtait donc à mener de front plusieurs combats, qui mériteraient chacun un débat et un texte d’envergure.

Le Gouvernement a souhaité que ce seul projet de loi réponde aux attentes à la fois des artisans, des commerçants et de l’ensemble des entrepreneurs individuels, ainsi qu’à celles des acteurs de l’urbanisme commercial, qu’il s’agisse des élus ou des porteurs de projets. Nous l’avons répété en première lecture, ce projet de loi n’atteindra pas l’ensemble de ses objectifs.

En ce qui concerne le titre Ier sur les baux commerciaux, nous sommes dans l’ensemble satisfaits des dispositions sur lesquelles les deux chambres se sont entendues.

L’article 1er, qui porte de deux à trois ans la durée des baux dérogatoires, ne soulève ni enthousiasme ni inquiétude excessive de notre part. Les professionnels sont eux aussi relativement prudents sur cette disposition, et je ne m’y attarderai donc pas.

À l’inverse, les sénateurs du groupe UMP, tout comme les professionnels que nous avons eu l’occasion de rencontrer, ne partagent pas du tout le point de vue du Gouvernement et de la majorité en ce qui concerne l’article 2, qui vise à supprimer la liberté contractuelle dans le choix de l’indice de référence pour établir les loyers, puisqu’il ne sera plus possible d’utiliser l’indice du coût de la construction, ou ICC.

Or nous avons régulièrement constaté que l’indice du coût de la construction était plus favorable à une évolution modérée des loyers que l’indice des loyers commerciaux, l’ILC, mis en avant par ce texte. Nous étions d’ailleurs satisfaits que le Sénat ait décidé d’en revenir à la liberté contractuelle et nous regrettons que la CMP n’ait pas conservé en l’état cet article 2.

Pour le reste des dispositions du titre Ier, c’est sans surprise que nous les approuvons très majoritairement, qu’il s’agisse des contrats de revitalisation commerciale ou du droit de préférence pour le locataire en cas de vente du local commercial qu’il occupe.

J’en viens à l’urbanisme commercial.

Le Gouvernement manifestait de grandes ambitions quant à cette partie de sa réforme de l’urbanisme commercial, que nous avons bien failli examiner à l’occasion du projet de loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, dite loi ALUR. Avec raison, vous avez préféré intégrer l’ensemble de votre réforme, à l’exception de la question des drives, en un seul et même texte, celui qui revient en examen aujourd’hui.

Sur le fond, à présent, nous sommes pour le moins nuancés.

Nous sommes d’abord bienveillants à l’égard de l’article 20 A, qui précise que le permis de construire sera désormais la seule autorisation requise pour les projets d’aménagement commerciaux. Nous saluons également la volonté de simplification qu’illustre l’article 24, lequel redéfinit les modalités à mettre en œuvre pour déposer à nouveau son dossier de demande à la suite d’un refus de la Commission nationale d’aménagement commercial, la CNAC.

À l’inverse, nous trouvons que votre effort de simplification est pollué par l’article 21 ter, qui vise à définir les critères utilisés par les commissions départementales d’aménagement commercial, les CDAC, lorsqu’elles instruisent les demandes d’autorisation.

S’agissant des positions arrêtées par la commission mixte paritaire, nous nous satisfaisons de la disparition de l’article 23 quater, pourtant adopté en séance publique par la Haute Assemblée, lequel prévoyait de généraliser la référence à une seule mesure de la surface des projets, celle de la surface de plancher en lieu et place de la surface de vente.

C’est donc sur ce titre II relatif aux formes juridiques de l’entreprise individuelle que je m’attarderai une nouvelle fois.

Le texte part pourtant d’un constat que chacun peut admettre : il existe dans notre pays une superposition des formes juridiques de l’entreprise individuelle totalement inopérante. Aussi, quelle traduction législative en tirez-vous ?

Votre réponse à cette somme de formules administratives et fiscales qui s’offrent aux entrepreneurs repose intégralement sur l’article 16 bis, qui propose la rédaction d’un rapport sur l’établissement d’un statut unique de l’entreprise individuelle.

Une fois de plus, la chronologie proposée par le Gouvernement et la majorité nous laisse perplexe. Nous passons des heures à examiner des textes, malgré la charge de travail de la commission des affaires économiques, pour finalement nous entendre dire que nous devrons repartir de zéro dans quelques mois. Voilà comment maximiser le travail du Parlement !

S’agissant du fond des dispositions contenues dans ce titre II – et même si elles ne seront pas éternelles, à en croire l’article 16 bis –, le Gouvernement a d’abord communiqué en manifestant son hostilité à l’endroit des auto-entrepreneurs, tout autant pour des raisons idéologiques qu’économiques, pour, in fine, communiquer sur la sauvegarde du statut !

En effet, au fur et à mesure de l’élaboration de ce texte, le Gouvernement a été soucieux de délivrer un message d’équilibre entre d’une part, sauvegarde du statut d’auto-entrepreneur, lequel, qu’on le veuille ou non, est une réussite de la précédente législature, et, d’autre part, prise en compte des distorsions de concurrence dont sont victimes les artisans.

Le groupe UMP est également sensible à cet équilibre, certes précaire, mais qui n’est pas inaccessible. Or je crois pouvoir dire que le Gouvernement est allé trop loin dans le démantèlement du statut de l’auto-entrepreneur, rompant ainsi avec cet équilibre qu’il nous fallait trouver.

Si notre groupe souscrivait aux nouvelles obligations assurantielles que vous souhaitez imposer aux auto-entrepreneurs ou à la suppression des dispositions exonérant d’immatriculation au répertoire des métiers et au registre du commerce et des sociétés les auto-entrepreneurs artisans à titre secondaire, ainsi que les auto-entrepreneurs exerçant une activité commerciale, nous estimons que les autres dispositions de ce titre II vont beaucoup trop loin.

En sus de ces obligations assurantielles ou d’immatriculation, les auto-entrepreneurs se verront imposer un stage obligatoire, seront redevables de la cotisation foncière des entreprises, la CFE, dès la première année et devront surtout s’acquitter de cotisations sociales, même en l’absence de recettes.

Vous allez ainsi rompre avec le principe cardinal du statut de l’auto-entrepreneur selon lequel à « recette zéro » on ne paye aucune cotisation ni aucun impôt. Pour notre groupe politique, ces dispositions ne sont pas acceptables.

Où est le « choc de simplification » lorsque l’on augmente les obligations d’inscription administrative ? Où est le « pacte de responsabilité » lorsque l’on augmente la fiscalité sur les auto-entrepreneurs ?

Certes, il fallait répondre aux préoccupations des artisans, qui s’estiment justement victimes de distorsion de concurrence. Pour autant, vous auriez pu le faire dans le cadre de votre pacte de responsabilité. Vous n’étiez pas obligés de réaliser une première entorse au nouveau marqueur de la politique gouvernementale.

Si vous vouliez lutter contre ces distorsions de concurrence entre artisans selon qu’ils relèvent du statut de l’auto-entrepreneur ou d’autres formes d’entreprises, individuelles ou non, ce n’est pas en égalisant la fiscalité par le haut qu’il fallait procéder. Cette harmonisation fiscale et administrative des entreprises individuelles aurait pu se faire par le bas.

En fin de compte, il nous faudra encore attendre avant de trouver une concrétisation législative à votre pacte de responsabilité. À ce titre, je vous rappelle ce que j’ai déjà dit en première lecture : la France se situe au quarante et unième rang mondial, selon la Banque mondiale, en matière de rapidité de création d’entreprise.

Pour conclure, le groupe UMP est globalement favorable aux dispositions du titre Ier et du titre III ; mais, parce que les dispositions du titre II sur le statut de l’entreprise individuelle vont à contre-courant d’une politique ambitieuse, nous nous abstiendrons sur ce texte.

Je voudrais ajouter, monsieur le rapporteur, que j’ai été étonnée, lors de la CMP, de votre docilité à accepter les propositions de l’Assemblée nationale qui allaient bien à l’encontre de ce que vous aviez défendu en première lecture. J’ai bien compris que vous aviez dû vous soumettre ; il est cependant regrettable que, ce faisant, votre travail et le travail du Sénat n’aient pas été reconnus. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à Mme Muguette Dini.

Mme Muguette Dini. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviendrai pas sur les premier et troisième titres de ce projet de loi que, globalement, nous approuvons. Je me concentrerai sur le deuxième, qui traite de la réforme du régime de l’auto-entrepreneur.

Les crispations nombreuses entre les artisans et les auto-entrepreneurs sont bien connues : concurrence déloyale, distorsion entre régimes de cotisations, différences des régimes professionnels applicables, tels étaient les maux qui affligeaient le monde de l’artisanat depuis 2009 et la création du régime de l’auto-entreprise.

La crise économique n’a fait que souffler sur les braises d’une tension larvée entre professionnels travaillant bien souvent dans des conditions proches ou, du moins, dans les mêmes secteurs d’activité.

Le malaise des artisans demandait ainsi une réponse législative rapide et réfléchie ; c’est l’objet même de notre discussion d’aujourd’hui, au-delà du cycle de débats législatifs qui a scandé la présente session. Nous arrivons en effet aujourd’hui au terme d’un marathon législatif qui aura duré presque une année.

La concertation avec les acteurs du monde artisanal a commencé dès juillet 2013 afin de parvenir à l’élaboration du texte du Gouvernement. Près de onze mois plus tard, nous voilà donc sur le point d’adopter définitivement un texte, dont le mérite principal sera de ramener une certaine concorde entre les auto-entrepreneurs et les artisans tout en facilitant les conditions d’activité de ces derniers.

Je ne peux que souligner, pour m’en féliciter, la qualité du travail réalisé par la commission des affaires économiques, sous la houlette de son président Daniel Raoul, et par son rapporteur, Yannick Vaugrenard.

Au-delà, je tiens à saluer le travail de qualité mené au Sénat, notamment en séance publique. En effet, nous sommes parvenus à infléchir le texte de façon notable par voie d’amendements. Le débat parlementaire a pu avoir lieu en toute sérénité sans pour autant dénaturer l’intention initiale du Gouvernement. Un équilibre a été trouvé de manière à satisfaire les besoins des artisans sans supprimer pour autant l’intérêt de l’auto-entreprise.

La commission mixte paritaire a respecté les grandes lignes de l’équilibre trouvé entre le Gouvernement, l’Assemblée nationale et le Sénat en adoptant le texte qui nous est aujourd’hui soumis.

Du point de vue du groupe UDI-UC, que je représente aujourd’hui, le bilan est relativement satisfaisant : quatre des cinq amendements adoptés par le Sénat sur l’initiative des sénateurs centristes demeurent dans la rédaction finale.

En dépit de ce bilan satisfaisant, je regrette toutefois que mon amendement à l’article 13 bis visant à instaurer une obligation de formation pour les auto-entrepreneurs sur le point de basculer dans le régime de droit commun de cotisations sociales des artisans n’ait pas été retenu.

En effet, le régime de transition entre l’auto-entrepreneuriat et l’artisanat est la clé de voûte du présent texte. Formation et accompagnement, lors du passage d’un régime à l’autre, seraient pourtant nécessaires pour assurer une continuité dans l’activité et pour permettre à l’auto-entrepreneur de ne pas voir son activité décliner du seul fait d’une mauvaise anticipation des charges incombant à son nouveau statut.

Le passage d’un statut à l’autre doit marquer la consolidation d’une activité professionnelle et non faire office de sanction ou de pénalité pour les nouveaux venus.

Cette proposition a été reprise par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois dans le rapport d’information relatif à l’auto-entreprise, que j’ai rédigé avec notre collègue Philippe Kaltenbach et dont la publication a été autorisée à l’unanimité par la commission. Elle avait déjà été formulée par l’Inspection générale des finances, en 2010, ainsi que par une mission conjointe de l’Inspection générale des finances et de l’Inspection générale des affaires sociales, en 2013.

La CMP a fait un choix différent en ne retenant pas mon amendement au motif que le dispositif préconisé n’était pas financé, en dépit du débat ayant eu lieu au Sénat. C’est aller un peu vite en besogne !

En effet, les auto-entrepreneurs sont soumis, depuis la loi de finances pour 2011, à un régime de cotisation destiné au financement de leur formation professionnelle. Cette cotisation, dont le montant varie entre 0,1 % et 0,3 % du chiffre d’affaires annuel selon le secteur d’activité, abonde un fonds estimé aujourd’hui par l’IGAS et par la commission sénatoriale pour le contrôle de l’application des lois à près de 10 millions d’euros. Ces montants ne sont, de fait, pas identifiés et donc pas très utilisés.

De plus, l’accompagnement des auto-entrepreneurs de leur régime initial vers le régime de droit commun ne concernerait, d’après les estimations que nous avons eu l’occasion de dresser dans notre rapport d’information, que de 50 000 à 70 000 personnes, celles justement susceptibles de voir leur statut changer à la suite de l’adoption du présent projet de loi.

Il s’agissait donc non pas de financer une formation pour 900 000 personnes, mais bien d’assurer la pérennité d’activités viables en donnant toutes les chances aux auto-entrepreneurs prospères de s’adapter au passage au régime de droit commun. Le coût d’un tel dispositif ne dépassait pas les 10 millions d’euros du fonds. Cet amendement était donc totalement financé, le dispositif viable et la mesure jugée opportune par tous, sauf par la majorité des membres de la CMP, ce qui est bien dommage !

L’expérience que j’ai acquise dans cet hémicycle m’a montré que l’on avait toujours tort d’avoir raison trop tôt, et je suis sûre que le temps montrera, une fois de plus, que l’obligation de formation était ici nécessaire.

Il est tout de même bien maladroit de prendre le risque de mettre en péril plusieurs milliers d’auto-entreprises avant de prendre conscience du bien-fondé de cette proposition.

Aussi, les sénateurs centristes ne manqueront pas de se remettre à l’ouvrage en proposant de nouveau, dès que possible, ce dispositif qui s’avère nécessaire.

Un dernier mot, enfin, sur la grande absente de notre débat : la question fiscale. On ne peut réformer le statut de l’artisan sans aborder son régime d’imposition. Le Gouvernement a fait un certain nombre d’annonces importantes lors de la présentation par le Premier ministre du pacte de responsabilité, notamment en matière de baisses de charges sociales. La question de l’accès des artisans au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi ou de leur régime général d’imposition reste néanmoins sans réponse.

Aussi, je ne doute pas que les prochains débats budgétaires apporteront les compléments nécessaires, dans le domaine fiscal, au présent projet de loi.

En dépit de cette absence, la rédaction proposée par la CMP respecte le travail du Sénat et des groupes parlementaires, ainsi que, bien évidemment, les souhaits des artisans. Dès lors, rien ne fait obstacle à ce que nous adoptions le présent texte.

C’est pourquoi la très grande majorité des membres du groupe UDI-UC souscrira à la présente rédaction issue des travaux de la CMP et votera en faveur de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du RDSE, de l'UMP et du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Mireille Schurch.

Mme Mireille Schurch. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, le présent projet de loi relatif à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises arrive au terme de son examen parlementaire.

Je veux, tout d’abord, exprimer mes regrets, ainsi que ceux de l’ensemble de mes collègues du groupe CRC, de n’avoir pas eu l’occasion de rencontrer la secrétaire d’État chargée du dossier, Mme Fourneyron, qui vient de démissionner de ses fonctions et à qui je souhaite un prompt rétablissement.

Puisque beaucoup a déjà été dit sur le contenu de cette réforme, dont le niveau d’ambition reste faible par rapport aux enjeux de développement du commerce de proximité, je m’attacherai essentiellement à la méthode retenue pour son examen.

Le temps du travail parlementaire a été court et les auditions peu nombreuses, alors même que la procédure accélérée a été engagée sur ce projet de loi. Nous contestons d’autant plus ces conditions de travail que, il n’y a pas si longtemps, le groupe socialiste s’opposait – avec raison – aux recours intempestifs à cette procédure, par laquelle le Parlement se voit amputé de son rôle de législateur. (M. Robert Tropeano approuve.)

Toutefois, nous regrettons encore plus le climat qui a présidé à la tenue de la commission mixte paritaire le 21 mai dernier. Trop souvent, dorénavant, la CMP se transforme en une sorte d’examen en troisième lecture : elle ne fait pas que procéder à de simples ajustements, elle retravaille en profondeur le texte issu des débats parlementaires tenus en séance publique. C’est particulièrement le cas avec ce projet de loi : le texte du Sénat a été détricoté pour en revenir, pour l’essentiel, au texte de l’Assemblée nationale.

Pourtant, les débats au sein de cet hémicycle ont été constructifs et intéressants. D’ailleurs, nous y avons, pour notre part, largement contribué, grâce à l’adoption de certains de nos amendements. Cela a été rendu possible parce que nous avons su, notamment, instaurer des conditions favorables de dialogue avec M. le rapporteur, que je salue, et M. Montebourg.

La disparation de ces amendements en commission mixte paritaire nous interpelle, alors même qu’ils avaient obtenu un avis favorable du rapporteur et du ministre. Nous ne nous l’expliquons pas : au nom de quoi les avancées obtenues au Sénat ont-elles été mécaniquement supprimées ?

Nous le savons tous, les conditions pour réunir la majorité au Sénat sont différentes de celles qui s’appliquent à l’Assemblée nationale. Cette configuration spécifique conduit à un travail parlementaire particulier, que nous jugeons souvent riche et constructif. Cette caractéristique est, à nos yeux, non pas une faiblesse pour le Gouvernement, mais le gage d’un travail de convictions, qui respecte la diversité des groupes parlementaires.

Malheureusement, ces équilibres n’existent pas en commission mixte paritaire. Il est donc facile d’y défaire ce qui a été construit pierre par pierre en ces lieux. Cela me désole d’autant plus que, pour justifier la suppression de dispositions utiles, ou tout simplement de bon sens, adoptées au Sénat, on nous explique chaque fois que cette éviction permet le maintien d’un équilibre. Cependant, de quel équilibre parle-t-on ?

Une telle démarche conduit le plus souvent à ce que la montagne accouche d’une souris. Ainsi, la plupart des mesures contenues dans le présent texte sont tellement consensuelles et timides qu’elles ne seront pas de nature à répondre aux enjeux du développement et du dynamisme économique local.

Un seul point pouvait cristalliser le débat : celui qui a trait aux autoentrepreneurs. Sur cet aspect, le Gouvernement s’est totalement conformé aux conclusions du rapport rédigé par le député Laurent Grandguillaume, ce qui a conduit à réduire considérablement la marge de manœuvre des sénateurs. Ce faisant, il a renoncé à toute réforme en profondeur de ce dispositif.

Pourtant, mes chers collègues, sur les travées de la gauche nous étions tous d’accord, en 2008, pour nous élever contre ce statut.

Mme Élisabeth Lamure. Eh oui ! On s’en souvient.

Mme Mireille Schurch. Nous le jugions néfaste pour les droits de l’ensemble des salariés, car il contribue à individualiser encore davantage les travailleurs dans un monde où la précarité est devenue la règle. À l’époque, vous n’aviez pas de mot assez dur pour qualifier ce statut. Où sont passées vos convictions ? Car c’est bien de cela qu’il s’agit.

Plus précisément, nous demandions alors la suppression de la présomption de non-salariat pour les autoentrepreneurs. Alors que l’amendement que nous avions déposé en ce sens a été adopté au Sénat par l’ensemble de la gauche, après avoir recueilli les avis favorables de la commission et du Gouvernement, un accord de dernière minute s’est fait en CMP pour supprimer cette avancée, pourtant largement attendue par le secteur du bâtiment.

Or, au travers de cet amendement, nous souhaitions simplement renverser la charge de la preuve ; il serait revenu non plus à l’URSSAF, mais à l’autoentrepreneur lui-même, de prouver que ce dernier n’est pas un salarié déguisé.

Que s’est-il passé entre-temps ? Pourquoi un tel revirement ? Je n’ose pas croire que l’intervention du MEDEF, qui a manifesté son mécontentement à grand renfort de médias et demandé la suppression de cette disposition, soit la raison de ce changement de pied…

Nous constatons aujourd’hui que la gauche, dans sa diversité, n’est pas capable de défaire ce qu’avait fait la droite en 2008… C’est un mauvais signe adressé à nos concitoyens, qui attendent si désespérément le changement.

La CMP a également fait le choix de supprimer une disposition insérée dans le projet de loi grâce à l’adoption d’un amendement de notre groupe et portant sur un droit de succession sur le domaine public pour les emplacements de halles et de marché. Cet amendement avait pourtant été longuement débattu par la commission des affaires économiques, qui l’avait adopté à l’unanimité.

M. Daniel Raoul, président de la commission des affaires économiques. C’est vrai !

Mme Mireille Schurch. Nous considérons, pour notre part, qu’il revient aux élus locaux, par la voie des règlements de marché, de régler cette question. Nous regrettons donc la suppression de cet article.

Nous déplorons aussi que la commission mixte paritaire ait supprimé l’article 23 quater, qui permettait de baisser le seuil d’autorisation d’équipement commercial. Cette avancée, dont nous avons longuement débattu et qui recueillait, là encore, un large consensus, redonnait des outils aux collectivités pour maîtriser leur aménagement commercial. Sa suppression, au contraire, va à l’encontre de la protection du petit commerce en centre-ville et centre-bourg.

Pour conclure, j’indique que, pour aider le tissu économique local bien plus que cette loi ne le permet, il faudrait revenir sur les augmentations de TVA, redonner des missions et des moyens à la Banque publique d’investissement et, surtout, doter la France d’un réel maillage de services publics.

Dès lors, même si nous avons salué, lors de l’examen du texte en première lecture, les mesures positives qu’il contenait, nous devons lancer un signal. Par conséquent, les sénateurs du groupe CRC ne voteront pas les conclusions de la commission mixte paritaire, qui témoignent d’un profond mépris pour le travail de notre groupe et, au-delà, du Sénat.

M. le président. La parole est à Mme Delphine Bataille.

Mme Delphine Bataille. Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, monsieur le président de la commission des affaires économiques, monsieur le rapporteur, mes chers collègues, donner les moyens à l’artisanat, au commerce et aux très petites entreprises de développer leur activité et de s’adapter à l’environnement économique actuel, redonner aux élus la maîtrise de l’aménagement commercial sur leurs territoires : telles sont les ambitions de ce projet de loi, qui recueille aujourd’hui, malgré quelques manifestations de mauvaise humeur, un large consensus.

Nous avons beaucoup rappelé l’importance de ce secteur pour l’activité économique de notre pays et le développement de nos territoires : les commerçants et artisans créent des emplois ; ils apportent une offre de proximité essentielle ; ils contribuent à maintenir le lien social et la cohésion humaine dans nos villes et nos villages.

Avec 770 000 entreprises dans le secteur commercial et un million d’entreprises dans l’artisanat, qui emploient en tout près de neuf millions de salariés, les commerçants, les artisans et les très petites entreprises sont les garants d’un savoir-faire de qualité et de proximité.

Ces secteurs d’activité doivent donc être soutenus et encouragés. Le texte proposé aujourd’hui, qui a fait l’objet d’une large concertation, est une réponse forte à leurs attentes.

Tout d’abord, il faut le souligner, le présent projet de loi rétablit l’équilibre dans les relations contractuelles comme dans les relations économiques, pour que chacun puisse lancer et développer son activité dans des conditions de concurrence équilibrée. Cela se traduit par une meilleure protection des petits commerçants et par des exigences de qualification des artisans, et ce pour conforter l’image de qualité attachée à l’artisanat.

Ensuite, pour répondre aux questions relatives à l’auto-entreprenariat, le texte fusionne le régime de la microentreprise avec celui de l’autoentrepreneur, en conservant le principe essentiel de la simplification, ce qui passe notamment par la simplicité d’inscription et par le calcul de l’impôt et des cotisations sociales en fonction du chiffre d’affaires réalisé.

Je salue les arbitrages trouvés en CMP sur l’ensemble de ces questions, qui avaient largement animé nos débats. Je remercie également M. le rapporteur Yannick Vaugrenard d’avoir, tout au long des discussions et jusqu’à cette CMP, maintenu le cap et défendu cet équilibre.

M. Roland Courteau. Très bien !

Mme Delphine Bataille. Par ailleurs, s’agissant de l’aménagement commercial, le texte réforme la procédure d’autorisation commerciale pour plus de simplicité et de cohérence. Il renforce également les capacités d’intervention des collectivités et des élus. C’est bien le moins que nous pouvions faire compte tenu de l’engagement quotidien de ces derniers.

Enfin, le groupe socialiste est particulièrement satisfait de l’accord trouvé au sein de la CMP sur la possibilité d’intégrer aux schémas de cohérence territoriale un document d’aménagement commercial. Ce document pourra, d’une part, localiser des secteurs d’implantation, et, d’autre part, prévoir des conditions d’implantation spécifiques pour les équipements commerciaux.

Comme le soulignait Claude Bérit-Débat, qui a défendu cette mesure avec force, ce document permettra « aux intercommunalités de prendre en compte plus finement, dans leur stratégie, la réalité économique territoriale ».

Madame la secrétaire d’État, nous l’avons souligné hier lors de l’examen en deuxième lecture du projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, la relance de notre économie passe par une stratégie de croissance plus forte, plus riche en emplois et plus juste.

Dans cet exemple précis, elle passe assurément par le développement de nos très petites entreprises, des commerces de proximité et du savoir-faire de l’artisanat. Ces secteurs, qui constituent aujourd’hui la plus grande entreprise de France, jouent un rôle essentiel dans la vie quotidienne de nos concitoyens.

Le groupe socialiste votera donc ce texte avec enthousiasme. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du RDSE.)