M. le président. La parole est à Mme Corinne Bouchoux.

Mme Corinne Bouchoux. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je tiens au préalable à remercier le groupe CRC d’avoir porté ce sujet dans l’hémicycle. L’accès des enfants et adolescents aux vacances, dans une forme collective, demeure un sujet d’actualité et un enjeu central pour notre jeunesse et notre société. Je me demande d’ailleurs si, aux divers problèmes soulignés, fort justement, par Mme Pasquet, il ne faut pas ajouter celui du nom : le terme « vacances » fait toujours rêver, mais je ne suis pas certaine que ce soit encore le cas du mot « colonie » !

Selon l’Observatoire des vacances et des loisirs des enfants et des jeunes, un quart de la classe d’âge de cinq à dix-neuf ans est aujourd'hui exclue du départ en vacances, soit près de trois millions d’enfants et d’adolescents. C’est d’eux dont nous parlons aujourd'hui !

Dans un rapport, déjà cité, de juillet 2013, le député Michel Ménard dresse un état des lieux très alarmant de la fréquentation des colonies de vacances, en baisse depuis 1995, et ce indépendamment des indicateurs considérés : les journées, la durée ou le nombre d’enfants accueillis. Nous partageons ce constat d’une diminution des séjours collectifs corrélée à une très forte augmentation des inégalités.

Comment renforcer l’accès des mineurs aux loisirs et aux vacances ? Comment garantir un droit à des vacances pour tous sous une forme organisée ?

Selon nous, l’expérience du départ est fondatrice.

Partir ailleurs, en dehors de son milieu familial d’origine, ouvre à l’altérité, de même qu’à l’apprentissage de la vie collective à travers ses règles et ses contraintes. On trouve là des similitudes avec les classes de découverte, qui, malheureusement, sont également en diminution au sein de l’éducation nationale depuis 1999. Mais les colonies et les mini-camps, pour leur part, ont lieu pendant les vacances : les enfants et les adultes, rassemblés pendant plus de temps, peuvent entrer en relation à un autre rythme autour de projets coconstruits et ainsi échanger, y compris sur la construction d’un futur proche.

Partir, c’est aussi faire l’expérience d’un autre lieu, quitter son horizon quotidien pour découvrir d’autres espaces : la mer, la montagne, des pays étrangers parfois, ou encore les espaces ruraux avec leur faune et leur flore. Des enfants qui découvrent d’autres lieux, d’autres cultures, qui font l’expérience de la vie en collectivité et participent à des projets collectifs pourront mieux se projeter et imaginer un parcours de vie. Ils auront plus de facilité à entrer dans cette dynamique de « projet » si souvent valorisée de nos jours, y compris à l’école.

La baisse de la durée des vacances et du nombre de séjours frappe plus fortement les familles aux revenus les plus faibles et s’étend aujourd’hui aux classes moyennes, voire parfois aux classes supérieures, les parents renonçant à ce type de séjours pour leurs enfants en cas de chômage. Les difficultés économiques sont plus fortement ressenties par les familles des milieux populaires et modestes, c’est une évidence.

Comme cela a déjà été dit ici, il est probable que le changement de système mis en place pour les animateurs depuis 2011 ait quelque peu fragilisé le système. Ce changement a de fait induit une hausse des coûts des colonies de vacances, lesquelles sont peut-être devenues plus chères pour un certain nombre de familles. Cette explication vient s’ajouter à celles qu’a déjà données Mme Pasquet.

Pour nous, écologistes, deux leviers sont à actionner en priorité : refondre le paysage de l’animation et, dans un second temps, réfléchir à l’accompagnement et à l’aide au départ.

La réflexion sur la nécessaire refonte du paysage de l’animation doit aller de pair avec celles sur l’évolution des activités périscolaires et sur la professionnalisation des auxiliaires pour les enfants et les jeunes en situation de handicap, sans oublier celle sur les ESPE, les écoles supérieures du professorat et de l’éducation. Dans ce contexte, le statut d’animateur volontaire pourrait trouver toute sa place. Il s’agirait d’un parcours limité dans le temps, permettant de découvrir une logique d’engagement dans des projets.

Un autre aspect mérite d’être souligné : les animateurs aujourd'hui souhaitent non pas plus de temps de repos, mais des rémunérations décentes. Peut-être la crise des vocations dans les colonies de vacances s’explique-t-elle par la faiblesse de leur rémunération ? Les directeurs de séjours préfèrent des animateurs impliqués, qui restent plus longtemps. Ils ne veulent pas passer leur temps à faire et à refaire des plannings, ce qu’ils font déjà beaucoup.

En outre, les associations, en tout cas celles qui nous ont contactés, sont favorables au statut de volontaire de l’animation. Elles souhaitent dans un premier temps une phase transitoire, durant laquelle plusieurs systèmes d’animation coexisteraient. Il est selon nous grand temps de repenser le statut des animateurs.

Il faut ensuite revoir l’accompagnement et l’aide au départ. L’accompagnement au départ doit se faire localement, en coconstruction avec tous les acteurs. Cette démarche nous semble extrêmement importante. Il faudrait organiser plus de coopération de proximité.

Le rôle des communes est essentiel. Les caisses d’allocations familiales jouent un rôle stratégique, cela a déjà été dit. Or le modèle économique et social des CAF a été très fortement fragilisé, comme l’a expliqué la première intervenante.

L’État prétendant ne plus avoir les moyens de financer les séjours en colonie de vacances, il faut se tourner vers d’autres acteurs et les associer à ces séjours collectifs : les fondations, même si nous avons des réserves les concernant, et les comités d’entreprise, qui jouent un rôle stratégique. Or si nous allons trop loin dans la modification des seuils sociaux, de moins en moins de comités d’entreprise seront opérationnels et de moins en moins de structures pourront aider les enfants à partir.

En conclusion, nous considérons qu’il est important de redonner aux vacances collectives que l’on appelait autrefois les colonies de vacances un rôle de premier plan. À cet égard, nous sommes favorables à la proposition n° 11 du rapport de Michel Ménard, qui préconise de « développer des réseaux territoriaux de départs des jeunes en séjours collectifs, permettant le partage du coût des séjours par le jumelage des collectivités, dans le cadre des projets éducatifs territoriaux ou bien en ravivant les jumelages européens et internationaux dans ce domaine ». Nous jugeons cette proposition intéressante, même si, comme toujours, les initiatives à l’international profitent davantage aux jeunes de milieux privilégiés qu’à ceux de milieux modestes.

En fait, le véritable problème de fond est celui des inégalités, lesquelles ont massivement explosé dans notre société. La question des colonies de vacances ne fait que refléter ces inégalités. Le non-départ « relègue » une partie de la jeunesse, celle qui a pourtant le plus besoin d’un espoir et d’un horizon. En tout cas, merci à nos collègues du groupe CRC d’avoir demandé l’organisation d’un débat sur cette question ! (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE.)

M. le président. La parole est à M. Alain Dufaut.

M. Alain Dufaut. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, il est vrai que les colonies de vacances ont connu par le passé un grand succès. Créées à la fin du XIXe siècle pour des raisons de santé publique – il s’agissait d’envoyer des enfants au grand air –, elles ont pris au XXe siècle un sens éducatif, qu’il soit d’ordre laïque ou confessionnel. À partir de la Libération, l’État s’est impliqué dans leur développement, en transférant leur tutelle à l’éducation nationale et en leur consacrant des moyens importants.

Dans les années soixante, près de 1 400 000 enfants fréquentaient les séjours collectifs, soit 11 % des enfants âgés de cinq à dix-neuf ans. Nous sommes nombreux, cela a été dit ici, à avoir fréquenté à cette époque la « colo », moi le premier.

À partir des années soixante-dix, l’éducation nationale s’est désengagée de leur fonctionnement en faveur du ministère des sports, la fonction éducative des colonies étant passée de mode. La société ayant évolué et les familles partant de plus en plus en vacances, le nombre de séjours d’été a considérablement diminué.

Une seconde phase de croissance a succédé à la première, les colonies prenant cette fois la forme de courts séjours pendant l’année. Soumises à un nouvel impératif de rentabilité, elles ont dû s’adapter aux demandes des parents, qui recherchaient pour leurs enfants non plus seulement l’apprentissage de la vie en collectivité, mais un accès à des activités culturelles et sportives ou à des loisirs. Les offres sur catalogue se développèrent.

Leur économie prospéra, le taux de départ des enfants âgés de cinq à dix-neuf ans atteignant 14 % en 1995, comme l’a indiqué François Fortassin. Pourquoi ce taux n’était-il plus que de 7,5 % en 2011 ? Que s’est-il passé et quelles sont les conséquences de cette désaffection ?

Une mission d’information créée par la commission des affaires culturelles de l’Assemblée nationale s’est penchée sur cette question et a rendu ses conclusions en juillet 2013, ce qui a conduit à l’inscription de ce débat à l’ordre du jour du Sénat par nos collègues du groupe CRC.

Le rapport identifie plusieurs causes à la baisse de fréquentation des colonies de vacances.

Tout d’abord, il y a des raisons d’ordre financier. L’augmentation du prix des séjours en colonie de vacances, la suppression des subventions de l’État et de la sécurité sociale, ainsi que le retrait des comités d’entreprise, dernier soutien des colonies, qui abandonnent souvent l’achat de séjours collectifs au profit de l’octroi de chèques-vacances, expliquent cette baisse de fréquentation.

Ensuite, il est vrai que les parents sont devenus réticents à envoyer leurs enfants en colonie, car ils craignent pour leur sécurité et doutent parfois des conditions d’accueil. Ils privilégient bien souvent les centres de loisirs des communes, qui accueillent habituellement leurs enfants et proposent des mini-camps de vacances.

Enfin, les contraintes administratives et réglementaires sont devenues de plus en plus importantes, notamment en matière de sécurité ou pour appliquer les nouvelles normes d’accessibilité. Dans le domaine de l’animation, les contrats d’engagement éducatif ont été mis en cause par la jurisprudence européenne et par celle du Conseil d’État, car ils ne garantissaient ni un statut ni un temps de repos satisfaisants pour le personnel encadrant. Il en a résulté une insécurité juridique et des surcoûts pour les organismes qui se sont mis aux normes. Aujourd’hui, le public des colonies de vacances est donc de plus en plus segmenté. Une population en grande difficulté bénéficie d’aides ciblées pour des séjours peu onéreux, tandis que les familles aisées s’adressent à des opérateurs privés proposant des prestations attrayantes.

M. Alain Dufaut. Quant aux classes moyennes, privées d’aides et de ressources suffisantes, elles ne trouvent finalement pas leur place dans ces dispositifs.

Les colonies de vacances sont donc manifestement en perte de vitesse. Cette situation, nous le pensons tous, est infiniment regrettable : tout d’abord, parce que les colonies sont un espace de socialisation et d’expérimentation important pour les jeunes ; ensuite, parce qu’elles sont bien sûr un outil de mixité sociale, comme l’était autrefois le service militaire. N’oublions pas non plus qu’elles participent au développement du tourisme et à l’économie des territoires, notamment ruraux ou de montagne. Enfin, leur perte de vitesse est regrettable sachant que près de trois millions d’enfants et de jeunes aujourd'hui ne partent pas en vacances. Ce phénomène est grave. Je pense donc que l’État doit retrouver un rôle actif d’incitateur au départ en colonie de vacances et assurer le maintien des centres de vacances sur l’ensemble du territoire national.

Cependant, les solutions préconisées dans le rapport de l’Assemblée nationale à ce sujet reposent parfois sur des financements difficilement mobilisables, qu’il s’agisse d’une taxe supplémentaire sur les vacances familiales ou de la récupération des aides sociales distribuées par la CAF. L’obligation pour les très petites entreprises de proposer des chèques-vacances me semble également difficilement envisageable, surtout en cette période de crise.

Quant à la taxation de l’hôtellerie de luxe, outre le fait que cette proposition me semble particulièrement démagogique et stigmatisante, elle viendrait incontestablement fragiliser un secteur économique dont les activités participent au développement du tourisme en France. Que proposez-vous à ce sujet, madame la ministre ? Je sais que la réponse n’est pas facile. Sans doute faut-il travailler dans une nouvelle direction et innover afin de rendre de nouveau ces séjours plus attractifs. Le succès, pour ne pas dire le regain des camps de scoutisme, qu’ils soient confessionnels ou laïques, doit nous faire réfléchir aux valeurs et à la forme de loisirs que les familles privilégient aujourd’hui.

Si je suis réticent concernant certaines propositions du rapport, je m’associe volontiers à la demande de repenser le statut des animateurs. Ce point est certainement l’un des plus cruciaux.

L’épisode juridique concernant les repos journaliers a bien montré la nécessité d’une réforme. Pour être en conformité avec le droit européen et la jurisprudence du Conseil d’État, les centres doivent garantir aux animateurs onze heures consécutives de repos quotidien, ce qui est bien sûr incompatible avec la réalité, leur présence auprès des enfants incluant habituellement les nuits. Compte tenu des coûts, que vous connaissez, madame la ministre, qu’entraîne le respect de la législation, de nombreux centres préfèrent aujourd’hui être en situation irrégulière ou même annuler des séjours.

Les mouvements d’éducation populaire demandent donc la création d’un statut de volontaire de l’animation, rompant ainsi avec la réglementation du travail salarié, ce qui clarifierait la situation et constituerait par ailleurs une certaine reconnaissance de leur expérience. Que pensez-vous de cette proposition, madame la ministre ? Plus globalement, quelles mesures envisagez-vous de prendre afin de permettre à tous les enfants d’accéder à des vacances, qu’elles soient d’ailleurs collectives ou familiales ?

Les colonies de vacances sont un modèle ayant déjà beaucoup évolué. Comment comptez-vous les aider à surmonter la crise qu’elles traversent actuellement ? Indépendamment d’une certaine nostalgie des « jolies colonies de vacances », je pense que le sujet mérite que l’on s’y intéresse. Il représente un enjeu important pour notre jeunesse et l’économie de nos collectivités. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l’UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Joël Guerriau.

M. Joël Guerriau. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, dans le contexte économique, social et politique que nous connaissons, la tenue d’un débat sur les colonies de vacances peut surprendre. Est-il opportun, à la veille des vacances d’été, de s’interroger sur ce sujet alors que nos concitoyens attendent des réponses aux questions les plus urgentes liées à leur quotidien ? Autrement dit, la question première n’est-elle pas « comment boucler les fins de mois ? », plutôt que « où et comment partir en vacances ? ». De plus, à l’heure où l’on nous reproche un excès de lois et de réglementations et où une simplification se fait attendre, le législateur doit-il intervenir aussi sur le fonctionnement des colonies de vacances ?

M. Joël Guerriau. Je pense que oui, aussi surprenant que cela puisse vous paraître, chère collègue (Sourires.), tant les colonies de vacances sont d’un intérêt national. Elles sont un prolongement de l’éducation et une possibilité de nivellement des différences sociales pour les enfants dont les parents ne partent pas en congés. Un quart des enfants, cela a déjà été dit, ne partent pas en vacances. C’est le cas de 34 % des enfants d’ouvriers et de 50 % des enfants des familles les plus modestes.

Les colonies de vacances présentent un intérêt collectif double. D’une part, dans le prolongement de l’école, elles permettent un apprentissage privilégié de la vie en collectivité. Les séjours collectifs de mineurs apportent beaucoup aux enfants individuellement : une aération, une ouverture sur des activités nouvelles et de la sociabilité. D’autre part, et c’est fondamental, elles devraient constituer un temps de partage dans le cadre d’une mixité sociale.

Toutefois, au XXIsiècle, les colonies de vacances ont bien changé. Elles ne sont plus forcément ce lieu et ce moment de brassage socioculturel, au contraire. Il semble ainsi que deux formes distinctes de colonies aient évolué : les unes, plus lucratives et thématiques, les autres de plus en plus réservées à un public social. Une autre réalité justifie notre action : l’érosion de la fréquentation des centres de vacances.

Le taux de départ des jeunes âgés de cinq à dix-neuf ans en séjours collectifs de vacances de plus de cinq nuits n’excède pas 7 %, alors qu’il s’élevait à 14 % en 1995. Les comités d’entreprise se sont progressivement désintéressés de cette formule, tandis que les offres devenaient plus spécialisées, sur des thèmes assez variés, et de plus en plus chères. À cela s’ajoute la suppression des subventions qui compensaient les écarts de revenus en aidant les familles modestes.

La mixité sociale n’est plus le point fort des colonies de vacances. Pour répondre aux attentes des clients, elles se sont spécialisées, et, en se spécialisant, elles ont segmenté l’offre et donc la fréquentation. L’essor des séjours thématiques provoque des tarifs élevés liés à la surenchère des offres. Par exemple, les séjours linguistiques sont hors de portée des enfants issus d’un milieu modeste. De leur côté, les familles aisées se détournent des colonies de vacances qui ne proposent pas un niveau d’activités répondant à leurs attentes. La conséquence est l’instauration d’un entre soi social des séjours, au détriment des enfants des classes moyennes, qui sont pourtant les garants de la mixité sociale.

Autre problématique de taille sur laquelle repose le débat d’aujourd’hui : le statut de l’animateur. La remise en cause du modèle économique des colonies de vacances s’accompagne d’une hausse des tarifs, puisque le coût d’un animateur salarié n’a rien à voir avec les pratiques de rémunération traditionnelle. Le statut de l’animateur s’est professionnalisé, ce qui entraîne des obligations contractuelles générant obligatoirement une hausse des coûts pour les organisateurs et une augmentation du prix des séjours pour les parents, d’où une baisse de la fréquentation.

Face à cette situation, trois propositions nous semblent prioritaires. La première a pour objectif de réinsérer la mixité sociale dans les colonies de vacances. Elle correspond aux cinq premières propositions du rapport du député socialiste Michel Ménard, qui est lui aussi nantais. Je tiens à rappeler que les colonies de vacances n’ont pas vocation à accueillir uniquement des publics segmentés. Pourtant, selon la puissance d’un comité d’entreprise ou les moyens d’une commune, le niveau des activités et la qualité des lieux d’accueil créent une hiérarchie sociale. Il me paraît donc primordial de faciliter l’accès du plus grand nombre, et notamment des classes moyennes, aux séjours collectifs. Même si, dans le contexte que nous connaissons, les marges de manœuvre financières restent faibles, il est de notre devoir de ne pas en faire supporter les conséquences aux jeunes générations.

Michel Ménard propose de créer un fonds national d’aide au départ en vacances collectives financé par une nouvelle taxe sur l’hôtellerie de luxe. La question est de savoir si ce fonds servira réellement la cause des séjours des jeunes des classes moyennes ; espérons-le.

Une autre piste, plus opérationnelle pour soutenir les départs en vacances, est l’adaptation des chèques-vacances. Le fait que les chèques-vacances soient maintenant accessibles à tous les salariés, y compris ceux des entreprises de moins de cinquante salariés, qui ne possèdent pas de comité d’entreprise, est encore trop méconnu. Une visibilité plus large de cette offre permettrait d’optimiser le financement des séjours des enfants de salariés. Négocier avec l’Agence nationale pour les chèques-vacances, la création d’un chèque spécifique aux séjours collectifs pour les mineurs me semble une piste intéressante. Une campagne nationale de promotion des colonies de vacances couplée à l’instauration de chèques-vacances dédiés permettrait de donner un nouvel élan à la mixité sociale et à la fréquentation des séjours collectifs.

Le rapport de Michel Ménard propose également de demander à la SNCF de présenter une offre commerciale favorable au transport de groupes de mineurs plus adaptée aux contraintes des organisateurs de séjours. En tant que fils de cheminot ayant été à la fois colon et animateur, j’estime que la SNCF devrait en effet apporter sa pierre à l’édifice.

Le rapport formule ensuite huit propositions pour réorganiser les trop nombreux acteurs du secteur dans un réseau plus dynamique, mutualisant les moyens et bénéficiant de labels. C’est un immense chantier de concertation, d’association et d’entente. Qui pourra coordonner ces travaux sans créer de contraintes nouvelles dans un secteur où tous les acteurs se connaissent déjà bien mais n’ont pas, jusqu’à ce jour, manifesté la volonté de se regrouper ?

Se pose aussi le problème des infrastructures. Les associations, les comités d’entreprise et les municipalités peinent à entretenir et à garder aux normes leur patrimoine immobilier destiné à accueillir les jeunes. Ces « colos » du bord de mer ou de la montagne sont vieillissantes et deviennent au fil du temps de véritables friches de loisirs ; des exemples existent autour de nous. C’est toute la problématique des lois de mise aux normes concernant les bâtiments, l’accessibilité ou le littoral, qui engendrent des frais importants pour un usage saisonnier.

Il est frappant de comparer les moyens des colonies privées avec ceux des colonies qui dépendent de la gestion publique. Parlons du coût pour les parents qui ne bénéficient pas d’un comité d’entreprise puissant et doivent faire le choix entre un départ estival familial et l’inscription de leurs enfants dans un centre de vacances. Pour les familles les plus modestes, l’intervention coordonnée des caisses d’allocations familiales, les CAF, et des centres communaux d’action sociale, les CCAS, reste très efficace et permet le départ du plus grand nombre. En Loire-Atlantique, le dispositif VACAF prend en charge une part non négligeable des coûts : pour un quotient familial de 475 euros, c’est 75 % de la facture ; pour un quotient familial compris entre 476 et 625 euros, c’est 65 %. Les municipalités et les comités d’entreprise ne répercutent pas entièrement le coût réel des prestations sur les usagers et modulent les participations en fonction de leurs quotients familiaux, mais les associations n’ont pas les moyens de procéder de la même façon.

La deuxième proposition est la réintroduction des finalités éducatives au cœur des projets portés par les colonies de vacances. Il est avéré que les colonies de vacances relèvent d’une forme d’éducation active. En parallèle à la reconquête de la mixité sociale, la réhabilitation de la finalité pédagogique de ces séjours sera complémentaire avec l’offre commerciale qui se développe pour un autre public.

Il semble pertinent d’engager une réflexion sur la complémentarité éventuelle entre les séjours collectifs des mineurs en période estivale et l’année scolaire, qui est désormais soumise aux activités pédagogiques périscolaires, lesquelles pourraient être regroupées lors de mini-camps. Concrètement, il faut soutenir les colonies de vacances qui mettent au cœur de leur projet des activités éducatives reconnues par l’État. Il est crucial de mettre en avant des activités qui répondent à l’objectif de favoriser le développement de l’enfant, comme l’apprentissage du vivre ensemble, les jumelages, déjà cités, ou encore l’initiation au développement durable. Des activités de proximité et de plein air ayant une valeur ajoutée éducative permettraient de rendre les séjours collectifs accessibles au plus grand nombre.

La troisième proposition concerne le statut de l’animateur. Faut-il instaurer un volontariat de l’animation, conformément à la proposition n° 20 du rapport de Michel Ménard ? Un arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne en octobre 2010 a mis à mal le contrat d’engagement éducatif, qui donnait un statut dérogatoire aux moniteurs et directeurs de colonie de vacances et de centre de loisirs.

Je suis attaché à ce que les colonies de vacances restent encadrées par des jeunes qui souhaitent s’engager. Il faudrait au moins rester dans un cadre de mission d’intérêt général à partir du brevet d’aptitude aux fonctions d’animateur, le BAFA, et du brevet d’aptitude aux fonctions de directeur, le BAFD, avec des rémunérations et des cotisations encadrées par la loi pour ces emplois saisonniers. Les titres ou équivalences nécessaires à l’encadrement des accueils sont nombreux. Si l’on s’arrête aux deux principaux, le BAFA et le BAFD, on constate que ces deux diplômes ont un coût élevé – il faut par exemple compter 1 060 euros pour les deux stages nécessaires à l’obtention du BAFD – au regard de leur temps d’utilisation relativement court : le maximum est de huit ans pour le BAFA – ce maximum est très rarement atteint – et de quatre ans pour le BAFD. Ces titres sont périssables et doivent être réactualisés régulièrement. Ils ne sont pas des diplômes professionnels et ne concernent que les animateurs et directeurs occasionnels.

Les conditions actuelles d’emploi sont problématiques. La législation est trop lourde et complexe, et son inspiration est exagérément sécuritaire. Le repos compensateur entraîne une augmentation de 20 % de la masse salariale. Revenons à l’esprit des colonies, qui repose sur le temps partagé entre les animateurs et les enfants. Avant de légiférer, il faut privilégier la négociation avec les partenaires sociaux.

Concernant le statut d’animateur bénévole, le rapport de Michel Ménard propose un volontariat de l’animation réservé au milieu associatif. Le moniteur s’acquitterait de manière désintéressée d’une mission d’intérêt général et recevrait en compensation une indemnité et une formation. Bien entendu, cette activité devrait rester occasionnelle, et il faudrait pouvoir valoriser l’expérience et les compétences acquises au cours de ce volontariat dans le parcours scolaire et professionnel.

Pour terminer, je veux dire que je regrette que le projet de loi relatif à l’économie sociale et solidaire, qui vient d’être discuté dans notre assemblée, n’aborde pas le sujet des colonies de vacances. Celles-ci peuvent devenir un secteur phare de l’économie sociale et solidaire si elles se regroupent, se structurent et se fédèrent, et si nous les faisons sortir du champ d’application des marchés publics ou, à défaut, si nous étendons aux appels d’offres les critères de mixité sociale et de finalité éducative des séjours.

Mes chers collègues, la situation des colonies de vacances est préoccupante. La prépondérance d’opérateurs à but lucratif contribue à l’augmentation des prix et à une course à la surenchère au niveau des offres, au détriment du sens premier des colonies de vacances, qui repose sur le vivre ensemble d’enfants de tous horizons sociaux et culturels. Les associations organisatrices auraient tout intérêt à adopter un statut juridique de groupement économique solidaire et à se recentrer sur des activités pédagogiques assumées.

Note groupe participera à la recherche de réponses permettant aux colonies de reprendre vigueur et de perdurer. Nous pensons que plusieurs pistes devraient être davantage creusées. Il s'agit en particulier d’accentuer l’aide aux familles les plus modestes, d’intervenir sur le coût de formation des animateurs et de faire en sorte que leurs diplômes deviennent une réelle valeur ajoutée en les incluant dans un dispositif de validation des acquis professionnels, et enfin de soutenir la réhabilitation du patrimoine. Nous remercions le groupe CRC d’avoir pris l’initiative de cet excellent débat. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC, du groupe écologiste et du RDSE, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)