M. Louis Nègre. Cela pose des problèmes !

Mme Virginie Klès, rapporteur. Je vais essayer de vous convaincre, mon cher collègue.

Pourquoi supprimer cette superposition ?

Le conseil local de sécurité et de prévention de la délinquance est une instance très formalisée, qui doit être présidée par des personnes aux fonctions clairement définies. Si se superpose un conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance, les mêmes personnes n’assureront jamais la présidence de toutes les sessions. Ce ne seront que des espèces de grands-messes, fonctionnant de façon bancale.

Mieux vaut un seul conseil intercommunal de sécurité et de prévention de la délinquance qui, sur un territoire rationnellement défini, veillera à l’organisation et à la répartition des moyens, s’informera sur l’évolution des formes de la délinquance et sur ses glissements géographiques. Ensuite, si sa trop grande taille le justifie, il confiera à des commissions infra-intercommunales, qui ne seront pas forcément présidées par le président de l’EPCI, le procureur ou le préfet, le travail de terrain effectif et opérationnel. C’est ce niveau de relation et de travail qui est efficace. Cela suppose de faire remonter les informations au conseil intercommunal, échelon de l’organisation, afin de faire le point sur l’évolution de la délinquance en termes tant de géographie que de nature.

Je suis tout à fait d’accord avec ceux qui disent que l’intercommunalité, l’EPCI, n’est pas forcément l’échelon de l’action efficace, mais c’est bien l’échelon de l’organisation, de la répartition des moyens et de la transmission des informations générales.

Telle est la raison fondamentale pour laquelle nous ne souhaitons pas que ces deux niveaux se superposent.

Les conventions de coordination, qui régissent à cet égard les rapports entre l’État et les collectivités territoriales, nous semblent primordiales. La commission est allée encore plus loin que ne le souhaitaient François Pillet et René Vandierendonck, proposant une réciprocité et une égalité de pouvoir de décision en la matière, chaque fois que c’était possible et jusqu’au maximum des possibilités.

Nous souhaitons que ces conventions de coordination se généralisent. Néanmoins, nous ne voulons pas bousculer les petites communes rurales qui n’avaient, hier, qu’un seul garde champêtre et qui auront, demain, un policier territorial. Elles risqueraient, en plus, de devoir conclure une convention de coordination, alors que ni le travail de nuit ni l’armement ne sont nécessaires dans ces territoires ruraux.

Incitons les communes ou les intercommunalités à conclure ces conventions de coordination, mais n’allons pas trop vite ! Laissons-leur le temps de souffler et d’avoir besoin d’utiliser leurs policiers territoriaux au maximum de leurs compétences.

Autrement dit, les conventions de coordination telles que nous les proposons seront obligatoires dès lors que les agents de police territoriale devront travailler de nuit, être armés ou mener des actions communes avec la police nationale ou la gendarmerie.

Je le répète, nous devons inciter fortement les collectivités à suivre cette voie, mais il convient de ne pas précipiter les choses et de laisser du temps avant de rendre les conventions obligatoires.

J’évoquerai les mesures supplémentaires relatives aux fichiers.

Les policiers territoriaux doivent avoir un accès direct aux fichiers lorsque cela est indispensable à l’exercice de leurs seules missions et dans le cadre de leurs seules attributions. Telle est la position de la commission des lois.

Nous devons aussi prévoir, s’agissant des conventions de coordination, les modalités de transmission des informations. Il arrive en effet que la police nationale et la gendarmerie soient quelque peu réticentes quant à la transmission des informations dont elles estiment qu’elles relèvent de leur pré carré. C’est humain, c’est légitime. Nous devons donc les inciter à instaurer davantage de coordination et un réel partenariat. Les uns ne doivent pas être les supplétifs ou les subordonnés des autres !

En matière de centres de surveillance urbaine, nous vous proposons essentiellement, là encore, de former les opérateurs, car c’est une nécessité.

Je ne parlerai pas des brigades vertes du Haut-Rhin, sachant que Catherine Troendlé, qui y est très attachée et qui connaît le sujet sur le bout des doigts, ne manquera pas de l’évoquer.

S’agissant des tenues, les textes prévoient qu’elles doivent permettre de distinguer parfaitement policiers municipaux, policiers nationaux, ASVP et ATPM. Or, selon de très nombreux témoignages concordants, y compris le mien, il s’avère que les uniformes et les véhicules se ressemblent tous. Peut-être ce texte et les décrets qui vont suivre donneront-ils l’occasion de mettre un terme à la confusion…

Je sais que le volet social relève non pas de la loi mais du règlement. Je vous ferai néanmoins part, monsieur le ministre, de quelques réflexions que nous avons entendues et sur lesquelles nous aimerions connaître votre avis. Sur deux points, la commission n’a pas trouvé de solution, mais elle considère que les remarques émises par certains syndicats sont assez justifiées.

Le premier sujet concerne les détachements des policiers nationaux ou des gendarmes vers la police municipale, lesquels concernent presque exclusivement des postes d’encadrement. Ces postes sont pourtant peu nombreux à être proposés aux policiers territoriaux, et ceux-ci en retirent un sentiment d’injustice, éprouvant même une certaine amertume.

Le deuxième sujet est le contingentement de certains indices, en matière de carrière des policiers territoriaux, au bénéfice des collectivités de 10 000 habitants. Autant le contingentement et la nécessité d’exercer des responsabilités pour atteindre ces indices nous semblent normaux et naturels, autant nous pensons qu’ils ne sont pas forcément liés à la taille de la commune. Sans doute faudrait-il plutôt les lier à l’exercice effectif de responsabilités, sous l’autorité du maire, qui est leur employeur, ou éventuellement à une taille de brigade de police municipale, mais non pas à la taille de la ville.

Certaines communes de 10 000 habitants peuvent n’avoir que deux ou trois policiers municipaux, voire aucun, quand d’autres, de 5 000 ou 6 000 habitants, disposent d’une véritable brigade de policiers municipaux qui exercent toutes les fonctions et missions attachées à leur statut.

Telles sont les questions sur lesquelles, même si elles ne relèvent sans doute pas du domaine législatif, la commission des lois souhaitait appeler votre attention, monsieur le ministre.

L’amendement n° 90 nous étant parvenu trop récemment, vous comprendrez que je n’aie pas eu le temps d’en faire une synthèse précise et parfaite. Nous y reviendrons au cours de la discussion des articles.

En tout état de cause, la commission des lois a émis un avis très favorable sur cette proposition de loi, qui a fait en son sein l’objet d’un large consensus. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE, de l'UDI-UC et de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Bernard Cazeneuve, ministre de l'intérieur. Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, c’est aujourd'hui la première fois que, en tant que ministre de l’intérieur, il m’est donné de m’exprimer devant vous pour l’examen d’un texte législatif. J’en suis particulièrement heureux.

Je voudrais, en préambule, rendre hommage au travail très remarquable des sénateurs, mené dans un esprit républicain dont nous sommes très nombreux ici à souhaiter qu’il serve de modèle pour d’autres travaux.

Je tiens à saluer MM. René Vandierendonck et François Pillet, coauteurs du texte, mais également Mme la rapporteur, Virginie Klès, pour leur implication dans l’élaboration de ce texte, qui a fait l’objet d’un travail ancien puisque le rapport d’information intitulé « De la police municipale à la police territoriale : mieux assurer la tranquillité publique », remis en octobre 2012, a nourri la présente proposition de loi.

Mon prédécesseur avait déjà engagé avec vous, sur ce texte et ces propositions, un dialogue très fructueux, que j’ai naturellement poursuivi dès mon arrivée au ministère de l’intérieur.

Les services du ministère, en particulier la direction des libertés publiques et des affaires juridiques, la direction générale des collectivités locales et la délégation aux coopérations de sécurité ont contribué très utilement, je le crois, à entourer le texte de garanties juridiques et techniques qui nous permettent de nous féliciter d’une proposition de réforme cohérente et complète.

Votre proposition de loi avait été au cœur des échanges de la précédente commission consultative des polices municipales – CCPM –, et je sais que vous attendez avec impatience la prochaine réunion de cette commission. Je vous annonce qu’elle sera convoquée avant l’été.

Votre ambition paraissait simple, et je dois dire qu’elle relevait du bon sens : créer un cadre d’emplois unique par la fusion des cadres de la police municipale et des gardes champêtres.

Sur le plan juridique cependant, la tâche a été nettement plus complexe qu’on ne l’avait imaginé. Ainsi fallait-il préserver les attributions spécifiques et les prérogatives des gardes champêtres, tout en permettant l’exercice de toutes les missions par l’ensemble des agents du nouveau cadre d’emplois. Les agents des cadres d’emplois ainsi fusionnés devront donc bénéficier d’une formation identique d’une durée de six mois. Actuellement, la formation initiale des agents de police municipale dure six mois, contre trois mois pour les gardes champêtres.

La fusion des deux cadres d’emplois permettra donc aux gardes champêtres de bénéficier de dispositions plus favorables pour leur carrière : avancement au troisième grade possible après six années, contre onze actuellement, possibilité de bénéficier à terme du futur échelon spécial de fin de catégorie C, possibilité d’accéder à la catégorie B. En outre, le taux maximal de l’indemnité spécifique de fonction passera de 16 % à 20 %, ce qui n’est pas négligeable.

Dès la promulgation de la loi et après consultation des organisations syndicales et des représentants des employeurs territoriaux, les dispositions réglementaires, sur lesquelles les services ont déjà travaillé, pourront être publiées et la fusion pourra devenir effective.

Mesdames, messieurs les sénateurs, vous avez également souhaité que l’ensemble des agents qui concourent à l’exercice des missions de police municipale trouvent dans cette loi la reconnaissance de la place qu’ils occupent ; je m’en félicite.

Ce texte permet la clarification du rôle et des missions des ASVP, au nombre de 6 500 en 2013. Mme la rapporteur a eu le souci de renforcer leur statut par une disposition législative qui prévoit l’acquisition d’une formation préalable les préparant à l’exercice des fonctions d’agent de police judiciaire sur la voie publique. Cette formation devrait être assurée par le CNFPT, qui dispose d’un monopole en la matière. Le décret d’application en définira les modalités, le contenu et la durée. Il déterminera également la teneur des équipements attachés à la fonction, tels que la carte professionnelle, la tenue, les véhicules utilisables.

Cette proposition de loi doit permettre la reconnaissance du rôle des agents qui apportent leur contribution à la mise en œuvre de la sécurité publique locale. Ainsi, et je ne doute pas que nous y reviendrons au cours de ce débat, ce texte pourra être un vecteur utile pour reconnaître la fonction des centres de supervision urbaine – CSU –, qui apportent un soutien précieux aux policiers municipaux dans leurs tâches quotidiennes. En 2013, environ 400 centres de supervision urbaine communaux ou intercommunaux étaient en fonction sur le territoire national. Leur déploiement doit être encouragé, tout comme leur raccordement aux salles de commandement des forces de sécurité de l’État pour permettre le déport d’images, notamment en cas d’événement grave affectant la sécurité publique, l’ordre public ou la sécurité civile.

Pour avoir effectué plusieurs déplacements en province, y compris dans des grandes villes comme Marseille, j’ai pu mesurer combien ces outils peuvent rendre des services. Ils ne se substituent pas à la police nationale ou à la gendarmerie nationale, mais ils leur apportent un concours très précieux dans l’élucidation des faits délictueux.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il faut également saisir l’opportunité qu’offre cette proposition de loi pour exiger des opérateurs le professionnalisme qui s’impose aux acteurs d’une tâche aussi stratégique. Il est ainsi proposé que l’exercice de ces missions soit subordonné à l’accomplissement d’une formation préalable, disposition à laquelle le Gouvernement est tout à fait favorable.

La proposition de loi, dans la mesure où elle entend, à travers les conventions de coordination, renforcer et rénover les relations entre les polices municipales et les forces de sécurité nationales, contribue également à l’émergence de nouvelles formes de coopération sur le terrain entre les différents acteurs de la sécurité, ce qui constitue également une excellente mesure. J’en suis convaincu, la notion de « coproduction » de la sécurité doit structurer notre approche de la sécurité dans les territoires et je place d’ailleurs cette préoccupation au cœur de mon action au ministère de l’intérieur.

L’expérience prouve que la signature d’une convention de coordination, à condition bien sûr qu’on lui donne vie et qu’on en assure un suivi attentif, est le meilleur moyen de parvenir à une complémentarité efficace des forces de sécurité. C’est là l’un des piliers de la lutte contre l’insécurité.

Mme la rapporteur a d’ailleurs souhaité abaisser à quatre agents le seuil au-delà duquel une convention de coordination est obligatoire. Je m’en réjouis, car nous savons tous que ce document constitue un outil pour le maire, qui peut y préciser les missions qu’il entend confier à sa police municipale, décliner la doctrine d’emploi pour mieux centrer son action sur son cœur de métier, à savoir la tranquillité publique.

Le ministère de l’intérieur veillera à faciliter la tâche des petites communes qui souhaiteront signer ces conventions en faisant élaborer par ses services des conventions types tenant compte des caractéristiques locales, qu’il s’agisse de stations balnéaires, de villages de montagne ou de bourgs ruraux. Ce pourra être un outil utile aux maires des collectivités concernées. Il s’agit non pas de les enfermer dans des normes trop contraignantes qui ne correspondraient pas à la spécificité de leur territoire, mais de leur offrir au contraire un cadre facilement adaptable et, par conséquent, de nature à leur permettre d’élaborer facilement les textes conventionnels qu’ils souhaitent mettre en œuvre.

En revanche, je l’ai déjà dit aux auteurs de la proposition de loi et à Mme la rapporteur, je suis très réservé sur la proposition de faire signer le projet de convention de coordination par le procureur de la République. Je préfère le dispositif de transmission du projet de convention pour avis, qui est actuellement en vigueur.

En effet, ce dispositif sauvegarde une flexibilité de la procédure d’élaboration et ménage le principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, principe très important pour les juges comme pour les acteurs publics et administratifs.

Cependant, il est souhaitable de prévoir la mise en place d’une instance de pilotage qui, elle, associerait le maire, le préfet et le procureur, une fois la convention de coordination signée. Il ne s’agit pas pour moi de laisser de côté le procureur de la République, acteur dont on a grandement besoin. Je me souviens d’avoir toujours veillé, quand j’étais maire, à associer étroitement le procureur de la République à nos démarches, que ce soit au sein des groupes locaux de traitement de la délinquance ou eu égard à la convention police municipale-police nationale que nous avions signée.

Par conséquent, pour le confort tant des procureurs de la République que des maires, il faut que l’association des procureurs de la République au dispositif de pilotage n’aille pas jusqu’à l’agrément ou à la signature de la convention par eux.

Je tiens également à souligner que, si les conventions supposent des engagements réciproques de la part des signataires, il n’est en revanche pas possible que la police et la gendarmerie nationales précisent la nature et les lieux de leurs interventions. En effet, l’organisation des forces de sécurité intérieure, lesquelles ont vocation à intervenir sur tout le territoire qu’elles couvrent, ne permet pas de répondre à cette demande.

En outre, comme le savent bien ceux d’entre vous qui exercent des responsabilités locales, l’assiette territoriale d’un commissariat de police ou plus encore d’une unité territoriale de la gendarmerie se compose de plusieurs communes, ce qui rend la mise en œuvre de ce dispositif complexe. Cette organisation ne permet donc pas un engagement « contractualisé » sur une seule commune, car le service doit être adapté dans le temps et l’espace en fonction de l’analyse d’une situation à un moment donné.

En vous mettant ainsi en garde, j’exprime ma préoccupation de faire en sorte que les territoires conservent des forces de sécurité vraiment efficaces, en leur permettant de se déployer à tout moment là où sont les urgences, sans que l’évocation de cette convention, qui n’a qu’un périmètre municipal, puisse venir contrarier la relation entre les maires et les préfets, les maires pouvant se réclamer de la convention pour regretter que les gendarmes ne soient pas là au moment où ils l’auraient souhaité et les préfets pouvant justifier de l’urgence ou de la priorité qui apparaît à un moment donné en tel ou tel point du territoire pour expliquer l’affectation de gendarmes ou de policiers à cet endroit.

Ce ne sont pas davantage les conventions de coordination qui doivent préciser les modalités d’accès des agents de police municipale aux traitements de données personnelles. Ces modalités sont approuvées par décret ou arrêté, après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés.

Un important travail a été entrepris sur ce point par le comité de pilotage chargé du dossier des polices municipales au sein du ministère de l’intérieur. Il sera complété par celui d’un groupe de réflexion, émanation de la commission consultative des polices municipales. Il s’agit en effet de préciser les conditions juridiques et techniques dans lesquelles les policiers municipaux pourraient avoir, le cas échéant, un accès direct à certains fichiers en vue d’obtenir des informations utiles à l’exercice de leurs missions.

Il convient de concevoir des procédures d’authentification de l’appelant, de définir le spectre des informations accessibles et de veiller à l’exercice d’un réel contrôle de l’officier de police judiciaire, comme cela est exigé par le Conseil constitutionnel.

Je sais que nous aurons à en débattre plus précisément au cours de l’après-midi, mais je tiens néanmoins à dire d’emblée mon attachement à la dénomination actuelle de « police municipale ».

M. Vincent Capo-Canellas. Ah ! Très bien !

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Il est toujours bon que le Sénat consacre une partie des débats à une réflexion sémantique... (Sourires.) À mon sens, la charge symbolique que revêt l’appellation ne doit pas être négligée.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Les polices municipales bénéficient de l’attachement que nos concitoyens témoignent à l’échelon local et à l’institution municipale.

Par ailleurs, les policiers municipaux ne sont pas compétents sur un territoire, mais peuvent l’être sur le ressort d’une ou plusieurs communes.

J’ajoute – et vous savez combien mes anciennes fonctions me rendent sensible à cette question – que ce changement d’appellation n’est pas neutre financièrement. Dans le contexte actuel, c’est loin d’être anodin.

M. Bernard Cazeneuve, ministre. Me laissant aller à mon ancienne nature, je me suis d’ailleurs livré à de petits calculs. Comme vous le savez, passé 50 ans, la nature des êtres ne change pas ! (Sourires.) D’après mes premières estimations, le coût de ce changement d’appellation serait de plus de 15 millions d’euros. Ce paramètre a d’ailleurs suscité des réserves, y compris de la part de l’Association des maires de France.

À l’inverse, il peut se révéler intéressant d’accompagner le mouvement progressif et, à terme, incontournable vers une mutualisation intercommunale plus affirmée. Je peux le comprendre et, pour les mêmes raisons budgétaires, ce peut être souhaitable.

De telles mutualisations, tout en s’opérant dans le respect des pouvoirs de police du maire, peuvent permettre d’incontestables économies d’échelle et de structure. Elles garantissent également une action de la police municipale mieux adaptée aux variations dans l’espace et dans le temps des besoins de présence et d’intervention.

Là où les polices municipales interviennent sur un périmètre plus large, ne faut-il pas permettre, sans forcément imposer de changement à l’échelon national, que leur appellation fasse également référence à leur territoire d’exercice, c'est-à-dire au « territoire de l’intercommunalité » ? Cette idée me paraît de nature à répondre à vos préoccupations sans pour autant entraîner les effets collatéraux que je redoute et qui motivent ma réticence.

Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que, en tant qu’élus, vous êtes confrontés à la violence de plus en plus prégnante au sein de la société et particulièrement sensibles à l’exigence accrue de sécurité exprimée par nos concitoyens. Je me réjouis donc de l’examen, aujourd’hui, d’un texte qui valorise des professions exposées, qui exercent avec talent et abnégation des fonctions de prévention, de présence dissuasive, de médiation, mais également, lorsque c’est nécessaire, de contrôle et de répression. Je ne doute pas du sort que vous réserverez à ce texte équilibré, complet, mûri et concerté, qui aura, j’en suis certain, un avenir au-delà de cet hémicycle.

Je remercie une nouvelle fois les sénateurs et sénatrices qui se sont impliqués dans l’élaboration de ce texte et forme le vœu que le débat qui s’engage soit aussi riche que le travail de préparation qui l’a permis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE. – M. Vincent Capo-Canellas applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Vincent Placé.

M. Jean-Vincent Placé. Monsieur le président, monsieur le ministre, madame la rapporteur, mes chers collègues, je me réjouis que nous soyons réunis aujourd’hui pour discuter de l’avenir des polices municipales. Ce débat prolonge la réflexion que j’ai pu moi-même mener, en tant que rapporteur spécial de la commission des finances, sur le budget de la police et de la gendarmerie au sein de la mission « Sécurités ».

Je salue le travail de nos collègues François Pillet et René Vandierendonck, qui ont su œuvrer de concert, loin des querelles partisanes – cela les honore –, une première fois en 2012 lors de la rédaction de leur rapport d’information sur la police municipale, une deuxième fois avec cette proposition de loi qui découle dudit rapport.

À titre liminaire, monsieur le ministre, je précise que notre souci principal, largement partagé sur ces travées, me semble-t-il, reste que les moyens soient prioritairement alloués à la police et à la gendarmerie, qui assument la fonction régalienne d’assurer la sécurité des biens et des personnes sur l’ensemble du territoire national.

On se souvient de la polémique à laquelle a donné lieu l’évolution des effectifs de la police et de la gendarmerie sous le précédent quinquennat. La situation s’est améliorée depuis deux ans, et je sais que, conformément à l’objectif quinquennal du Président de la République François Hollande, vous poursuivrez, monsieur le ministre, le travail de restauration des effectifs de la police et de la gendarmerie engagé par votre prédécesseur, afin de garantir une présence normale et équitable des forces de l’ordre sur l’ensemble de nos territoires, qu’ils soient urbains ou ruraux.

Je vois Louis Nègre sourire, mais je suis sûr que notre collègue apprécie qu’il y ait davantage de policiers et de gendarmes dans les Alpes-Maritimes depuis deux ans ! (Sourires.)

Cette police municipale ne doit donc pas servir de palliatif et ses fonctions, ses objectifs et ses activités ne doivent pas se substituer à celles et ceux de la police nationale et de la gendarmerie. Elle doit avoir une mission propre : assurer la sécurité et le « vivre ensemble », sans prétendre remplacer la police nationale ou de la gendarmerie et n’être en fait qu’un outil moins efficace. Par rapport à ces forces nationales, son rôle doit être complémentaire, et non subsidiaire. Sa mission, notamment de prévention et de dissuasion, doit s’inscrire dans une perspective de préservation de la tranquillité et de la salubrité publiques, comme le précise d’ailleurs fort opportunément l’article 13 de cette proposition de loi.

Dans ces conditions, je le dis au passage, la mission de la police municipale ne me semble en aucun cas imposer que celle-ci soit dotée d’armes de quatrième catégorie. Je reviendrai bien évidemment sur ce point qui fait débat, mais je tenais à apporter cette précision à ce stade de la discussion.

Bien sûr, j’ai conscience que, avec cette proposition de loi, le débat porte essentiellement sur la coopération entre les acteurs publics de la sécurité, et non sur le rôle même de la police municipale, qui est acté de longue date. Je me permets toutefois de rappeler que la fusion qui est proposée ici entre les agents de police municipale et les gardes champêtres ne change en rien notre position de fond sur le rôle des agents de police municipale, ou territoriale, et notre opposition à ce qu’ils soient armés dans leur mission de proximité auprès des citoyens.

Je souhaite également saluer l’effort des auteurs de cette proposition de loi pour redonner toute sa place au garde champêtre.

Dans les circonstances actuelles de déclin du nombre de gardes champêtres, il est intéressant d’envisager une fusion des deux statuts, accompagnée d’une formation de tous les agents aux enjeux de protection des espaces naturels, de biodiversité et de lutte contre les délits environnementaux. Je veux voir là un signe de ce renforcement de la police environnementale que j’appelle de mes vœux.

Le volet « formation » de ce texte prend ici tout son sens. Nous insistons, pour notre part, sur la formation aux enjeux environnementaux, en particulier ceux qui touchent le littoral, le monde rural et la forêt.

Quant à la formation à l’usage des armes, je ne le répéterai jamais assez, elle devrait surtout s’accompagner d’une formation à leur non-usage, afin de se concentrer sur le rôle préventif de la police territoriale.

Jusqu’alors, les polices municipales, instaurées à la discrétion des maires, étaient trop souvent le reflet des inégalités entre communes pauvres et communes riches. Les communes pauvres subissaient ainsi une double peine : celle de ne pouvoir ni financer une police municipale ni bénéficier du soutien de la police nationale dans les mêmes conditions que les communes riches, comme le voudrait pourtant le principe d’égalité. (M. Claude Dilain marque son approbation.)

J’apprécie le soutien de l’ancien maire de Clichy-sous-Bois ! On a en effet l’impression que les commissariats sont plutôt implantés dans les zones riches, alors même que les communes pauvres peuvent difficilement assumer la dépense que représente une police municipale.

C’est pourquoi je considère de façon extrêmement positive le volet « mutualisation » de ce texte, qui permettra aux communes de gagner en efficacité. Pour cela, il faut toutefois que la mutualisation ne soit pas seulement entendue comme un transfert de compétences, mais plutôt comme une optimisation des moyens. Et la mutualisation ne doit pas s’accompagner non plus d’une extension des pouvoirs des agents de police territoriale.

Nous saluons à cet égard l’ambition de mettre en place une police territorialisée, qui s’appuierait sur une grande connaissance des quartiers et sur une relation de confiance et de proximité avec les habitants. Nous avons déjà eu ce débat à propos de la police de proximité, supprimée par nos prédécesseurs.

La mutualisation des moyens de police à l’échelle intercommunale permettra, je l’espère, de développer une réflexion sur la cohésion territoriale et sur l’aménagement des missions de sécurité à l’échelle des territoires. Il s’agit là d’un noble débat.

Néanmoins, vous l’aurez compris, mes chers collègues, les écologistes, en raison de leur position historique sur la question des polices municipales, ou territoriales, ont choisi de ne pas voter en faveur de cette proposition de loi.

Nous nous abstiendrons cependant au regard de l’indéniable cohérence du texte et des éléments extrêmement intéressants qui y ont été ajoutés pour ancrer davantage la question de la sécurité au plus près des territoires et faire en sorte que nous puissions collectivement œuvrer pour l’intérêt général. C’est l’avantage du bicamérisme, avec un Sénat qui peut, plus facilement que l’Assemblée nationale, s’éloigner des querelles partisanes.

Je tiens d’ailleurs, pour finir, à saluer les deux coauteurs de ce texte, qui va plus dans le bon sens que dans le mauvais ! (Mme Éliane Assassi et M. Claude Dilain applaudissent.)