compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Claude Carle

vice-président

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

M. Jean-François Humbert.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à seize heures cinq.)

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Procès-verbal

M. le président. Le compte rendu intégral de la séance du vendredi 4 juillet 2014 a été publié sur le site internet du Sénat.

Il n’y a pas d’observation ?…

Le procès-verbal est adopté.

2

 
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2014
Discussion générale (suite)

Loi de finances rectificative pour 2014

Discussion d’un projet de loi

Discussion générale (début)
Dossier législatif : projet de loi de finances rectificative pour 2014
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. le président. L’ordre du jour appelle la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de finances rectificative pour 2014 (projet n° 671, rapport n° 672).

Dans la discussion générale, la parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le président, monsieur le président de la commission des finances, monsieur le rapporteur général, mesdames, messieurs les sénateurs, tous les projets de loi de finances que vous avez examinés depuis 2012 ont visé trois objectifs : l’assainissement des finances publiques, le rétablissement de la progressivité du système fiscal et la mobilisation de la fiscalité pour soutenir l’emploi.

Le présent projet de loi de finances rectificative, complété par le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que vous examinerez prochainement, ne déroge pas à cette règle : le Gouvernement vous propose de poursuivre et d’amplifier les mesures prises depuis deux ans. Ces deux textes forment un ensemble : ils déclinent tous deux les premiers éléments du pacte de responsabilité et de solidarité.

Depuis deux ans, le déficit public s’est réduit, passant de 5,2 % du PIB en 2011 à 4,3 % en 2013. Je veux redire ici que cette politique d’assainissement budgétaire porte ses fruits. Contre les critiques systématiques, qui perdent de vue l’essentiel et minent notre capacité collective à atteindre l’objectif d’assurer la pérennité de nos services publics et de notre modèle social – un objectif commun à tous, me semble-t-il –, je tiens à réaffirmer aux Français que leurs efforts paient.

Les déficits diminuent, les mesures prévues dans les lois de finances successives ont permis de réduire, dès la fin de l’année 2013, le déficit structurel à un niveau proche de son plus bas niveau depuis 2002 : en dix-huit mois, les déséquilibres budgétaires accumulés pendant une décennie ont été corrigés.

Ce projet de loi de finances rectificative illustre notre volonté de poursuivre dans cette voie. Le déficit budgétaire, hors investissements d’avenir prévus dans le cadre du second programme d’investissements d’avenir, dit PIA 2, sera de 71,9 milliards d’euros en 2014, en diminution de 2,9 milliards d’euros par rapport à l’exécution de 2013.

Comme le rappelle l’article liminaire du projet de loi de finances rectificative pour 2014, le déficit public connaîtrait une diminution, pour s’établir à 3,8 % du PIB, soit une baisse continue depuis 2012, et le déficit structurel atteindrait 2,3 % du PIB, son plus bas niveau depuis 2001.

Pour maintenir cette orientation, le Gouvernement a annoncé, lors de la présentation du programme de stabilité en avril dernier, la réalisation de 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires dès l’exercice 2014.

Ces réductions de dépenses en cours de gestion apportent une première réponse à la procédure de correction des écarts qui a été enclenchée à la suite du dépôt du projet de loi de règlement pour 2013. Le Gouvernement aurait pu se contenter de respecter à la lettre la loi organique du 17 décembre 2012 et attendre jusqu’à l’examen du projet de loi de finances pour 2015 pour proposer des mesures de correction. Mais il a décidé de ne pas attendre, et ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit dès maintenant les premières mesures visant à corriger les écarts constatés en 2013.

Les 4 milliards d’euros d’économies supplémentaires concernent toutes les administrations, sauf les collectivités territoriales, qui, elles, prendront leur part dans les économies prévues dans les trois ans à venir.

Tout d’abord, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit 1,6 milliard d’euros d’annulations de crédits sur le budget de l’État ; j’y reviendrai dans un instant.

Ensuite, le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014 prévoit une économie de 1,1 milliard d’euros sur les régimes obligatoires de base, notamment au travers d’une mesure de gel des retraites dépassant 1 200 euros mensuels.

Enfin, un ensemble d’économies ne nécessite pas de traduction législative.

Il s’agit, en premier lieu, des moindres dépenses du Fonds national d’action sociale, financé par la branche famille de la sécurité sociale, d’une part, et de l’UNEDIC, d’autre part, constatées en fin d’année 2013 et qui sont pérennisées en 2014, pour un montant de 0,9 milliard d’euros au total, dont 0,6 milliard pour ce qui concerne l’UNEDIC.

En second lieu, les décaissements au titre du programme d’investissements d’avenir sont moins importants que prévu, pour 0,4 milliard d’euros. Ces moindres dépenses sont une bonne nouvelle, non pas tant pour leurs conséquences budgétaires finalement assez limitées, mais pour ce qu’elles révèlent de l’action du Commissariat général à l’investissement, qui ne se précipite pas dans la sélection des projets qu’il finance et prend le temps nécessaire pour retenir les plus prometteurs d’entre eux : c’est une garantie de bonne gestion, concernant des investissements qui mobiliseront les deniers publics pendant plusieurs années.

J’en reviens aux annulations prévues dans le projet de loi de finances rectificative pour 2014.

L’annulation d’un montant de 1,6 milliard d’euros en cours de gestion, dont 1 milliard d’euros sur des crédits « frais », c’est-à-dire au-delà de la réserve de précaution, a rarement été vue dans notre histoire budgétaire ; elle est peut-être même sans précédent. Elle est l’illustration de notre volonté, qui porte ses fruits, de tenir la dépense et d’engager sans tarder des économies.

Vous avez sans doute en tête, mesdames, messieurs les sénateurs, les annulations de crédits programmées dans la loi de finances rectificative de mars 2012. Ce précédent est peut-être intéressant, mais on ne saurait le comparer, du point de vue de l’ambition, aux annulations proposées dans ce collectif.

En effet, en mars 2012, le montant des annulations était de 1,2 milliard d’euros, contre 1,6 milliard d’euros aujourd’hui. Ces annulations portaient uniquement sur des crédits gelés, alors que celles qui vous sont soumises portent sur 1 milliard d’euros de crédits situés hors réserve de précaution.

De plus, le gouvernement d’alors proposait des annulations sans savoir s’il lui reviendrait de tenir la norme en fin d’année, alors qu’il diminuait nettement la réserve de précaution. En réalité, il prenait le risque, dans le cadre d’un « coup de rabot », que les annulations s’avèrent insoutenables en fin d’année. Pour notre part, nous prévoyons des annulations qui maintiennent la réserve de précaution à un niveau élevé, de l’ordre de 6,8 milliards d’euros, afin de garantir la bonne exécution du budget en fin d’année.

Au final, les dépenses de l’État sous norme en valeur seraient inférieures de 3,1 milliards d’euros à l’exécution de 2013 à périmètre constant, compte tenu de la baisse intervenue en loi de finances initiale et des annulations qui vous sont aujourd’hui proposées.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 anticipe, par ailleurs, une charge de la dette inférieure de 1,8 milliard d’euros à la prévision de la loi de finances initiale. Les taux d’intérêt, notamment, sont plus bas qu’attendu : c’est le signe que la politique économique et budgétaire du Gouvernement inspire confiance aux créanciers de l’État.

Je remarque que, en d’autres temps, certains gouvernements auraient pu être tentés de présenter cette moindre dépense comme une économie supplémentaire, fruit de mesures de redressement. Tel n’est pas le choix qui a été fait, car cette économie n’est pas forcément pérenne : une remontée progressive des taux d’intérêt et de l’inflation peut se produire.

M. Philippe Dallier. C’est vrai !

M. Christian Eckert, secrétaire d’État. Par prudence, nous nous contentons donc de constater cette moindre dépense, sans en tirer la moindre conséquence pour l’avenir.

Ce projet de loi de finances rectificative pour 2014 révise également les recettes fiscales nettes de l’État de 5,3 milliards d’euros à la baisse. Cette réévaluation tire les conséquences de l’exécution de 2013.

L’« effet base », c’est-à-dire les moindres recettes constatées en fin d’année 2013 par rapport à la prévision, vient minorer mécaniquement la prévision pour 2014 à hauteur de 4 milliards d’euros. Compte tenu de l’exécution de 2013, nous proposons également de revoir à la baisse de 2 milliards d’euros la croissance spontanée des recettes fiscales, en particulier celles de l’impôt sur le revenu et celles de l’impôt sur les sociétés.

Il faut garder une certaine humilité quand on parle de prévisions et accepter le fait que l’exercice est difficile : il est possible que le rendement de la taxe sur la valeur ajoutée ou celui de l’impôt sur les sociétés soient moindres que nous ne l’escomptons, mais il est également possible que le produit de l’impôt sur le revenu soit plus important que prévu ou que la charge de la dette soit inférieure à nos prévisions. Les informations nouvelles qui paraîtront dans les mois à venir, en particulier le niveau des recouvrements et l’évolution de la situation économique, nous permettront d’affiner nos estimations avant que nous ne déposions le projet de loi de finances pour 2015 puis le projet de loi de finances rectificative de fin d’année.

Ainsi, compte tenu de ces mouvements en recettes et en dépenses, le solde de l’État est revu à la baisse de 1,4 milliard d’euros par rapport à la prévision de la loi de finances initiale.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures adoptées dans toutes les lois de finances depuis le début de la législature ont eu pour objet de réduire progressivement le déficit public. Ces mesures, je le répète, ont également permis de rétablir la progressivité de l’impôt.

Depuis le début de cette législature, les mesures adoptées ont, certes, mis chacun à contribution, mais l’effort demandé a été proportionné aux revenus de chacun.

Ainsi, nous avons rétabli l’impôt de solidarité sur la fortune, l’ISF, qui avait été vidé de sa substance par la funeste réforme de 2011. Nous avons aussi rétabli les droits de succession et de donation, que la loi en faveur du travail, de l’emploi et du pouvoir d’achat, dite loi TEPA, avait exagérément minorés. Nous avons mis en place une tranche d’impôt sur le revenu à 45 %. Nous avons abaissé le plafond du quotient familial, qui profite très largement aux ménages les plus aisés et pas du tout aux ménages les plus modestes. Dans le même temps, nous avons limité les effets pervers des mesures prises précédemment, en particulier le gel du barème, avec le renforcement de la décote et avec, désormais, l’allégement d’impôt sur le revenu proposé par ce projet de loi de finances rectificative et l’allégement de cotisations salariales prévu par le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale. Ces deux dernières mesures profiteront aux ménages moyens et modestes.

Enfin, pour que personne n’échappe à l’effort demandé à tous, nous avons renforcé les moyens de la lutte contre la fraude fiscale, avec le succès que l’on peut aujourd’hui mesurer, nos compatriotes qui avaient jusqu’ici « omis » de déclarer des comptes à l’étranger ayant pris conscience que les temps avaient changé. Cette politique nous permet, en faisant payer l’impôt par tous, d’en répartir plus justement la charge, avec la mesure d’allégement dès 2014 que propose ce texte.

Il est vrai que nous avons augmenté les prélèvements obligatoires pour réduire le déficit, mais ces augmentations ont permis de renforcer la progressivité du système fiscal et de demander une plus grande contribution à ceux qui ont davantage de revenus ou de patrimoine.

Dans le même temps, les augmentations touchant les plus aisés s’accompagnent d’allégements en faveur des plus modestes. Dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité, le Gouvernement vous propose plusieurs mesures : l’allégement d’impôt sur le revenu prévu par le présent projet de loi de finances rectificative d’un montant de 1,1 milliard d’euros et l’allégement de cotisations salariales que vous examinerez dans le cadre du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, pour un montant de 2,5 milliards d’euros. Pour un salarié rémunéré au SMIC, il en résultera un gain de l’ordre de 500 euros par an, directement mesurable sur sa fiche de paie. Au total, la hausse du pouvoir d’achat, pour les ménages modestes et moyens, s’établira à 5 milliards d’euros à l’horizon de 2017.

Du début à la fin de la législature, notre politique fiscale restera conforme à notre objectif : rétablir la progressivité du système fiscal pour réduire les inégalités.

Enfin, le Gouvernement s’est fixé comme priorité le retour à l’emploi des personnes qui en sont aujourd’hui dépourvues. Pour cela, il mobilise l’ensemble des moyens dont il dispose, notamment l’outil fiscal. Le Gouvernement vous propose ainsi d’alléger le coût du travail de 30 milliards d’euros sur l’ensemble de la législature : 20 milliards d’euros au titre du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le CICE, dont toutes les entreprises profitent aujourd’hui – certaines le touchent, mais toutes bénéficient à ce titre de réductions de paiement de l’impôt sur les sociétés, parfois même d’impôt sur le revenu – et 10 milliards d’euros au titre des allégements de cotisations patronales proposées dans le cadre du pacte de responsabilité et de solidarité. Seules seront inscrites dans les deux textes que vous examinerez, mesdames, messieurs les sénateurs, les mesures qui entreront en vigueur en 2015. De nouveaux moyens au service de l’emploi seront donc ainsi mobilisés.

Dans le même temps, le Gouvernement vous proposera de supprimer progressivement la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S. Je ne développe pas davantage, car le débat sur ces sujets aura lieu dès la semaine prochaine.

Monsieur le président, mesdames, messieurs les sénateurs, avec ce projet de loi de finances rectificative pour 2014, le Gouvernement vous propose de poursuivre à la fois l’assainissement des finances publiques, le rétablissement de la progressivité du système fiscal et l’effort mené en faveur de l’emploi.

Le débat autour des propositions du Gouvernement commence donc aujourd’hui et se poursuivra la semaine prochaine avec l’examen du projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014. Nous avons donc plusieurs jours – et peut-être plusieurs nuits ! – de débats passionnants en perspective, ce dont je me réjouis. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, ainsi que sur certaines travées du RDSE. – M. André Gattolin applaudit également.)

M. le président. La parole est à M. le rapporteur général.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 qui nous est soumis constitue, avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale pour 2014, que nous examinerons dans les prochains jours, la première traduction législative du pacte de responsabilité et de solidarité. Celui-ci vise à concilier le soutien à la croissance et à l’emploi, à l’aide de baisses ciblées de prélèvements, et la consolidation des finances publiques, qui prend la forme d’un plan d’économies de 50 milliards d’euros sur la période allant de 2015 à 2017.

Ces deux textes, s’ils ne comprennent pas l’ensemble des mesures législatives prévues par le pacte, permettent de tracer une perspective pour l’évolution des dépenses publiques, mais aussi pour celle des prélèvements obligatoires, pour la suite de la législature et au-delà. Nous le savons, cette visibilité est essentielle pour le retour de la confiance des acteurs économiques, après une période qui a contraint les gouvernements successifs à procéder à des ajustements fréquents, compte tenu de l’ampleur de la crise et de ses effets sur les finances publiques.

Ainsi, le pacte prévoit la poursuite de l’allégement du coût du travail reposant, dès 2015, sur la suppression des cotisations patronales au niveau du SMIC et la révision du barème des allégements. Compte tenu du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, le coût du travail serait allégé d’environ 30 milliards d’euros au total en 2017.

Ce pacte engage une modernisation de la fiscalité des entreprises, qui fait suite aux concertations intervenues dans le cadre des assises de la fiscalité. Est privilégiée la diminution des impôts assis sur les facteurs de production avec, notamment, la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés, la C3S, programmée sur plusieurs années, une première réduction de 1 milliard d’euros intervenant dès 2015. Le pacte prévoit également la fin de la contribution exceptionnelle, dite « surtaxe », sur l’impôt sur les sociétés, dont la suppression en 2106 est entérinée par le présent projet de loi de finances rectificative, et la diminution du taux d’impôt sur les sociétés de 33,1/3 % à 28 % d’ici à 2020, avec une première étape en 2017.

Ce pacte comprend enfin des mesures de solidarité pour les ménages modestes, d’un montant total de plus de 6 milliards d’euros, avec une mesure provisoire d’allégement de l’impôt sur le revenu, qui figure dans le projet de loi de finances rectificative et à laquelle devrait succéder, pour 2015, une mesure pérenne portant sur le « bas de barème ».

La prévision de recettes fiscales nettes pour 2014 est revue à la baisse de 5,3 milliards d’euros par rapport à la loi de finances initiale et s’élève à 279 milliards d’euros. Cette évolution résulte essentiellement du rendement moins élevé qu’anticipé de l’impôt sur le revenu et de l’impôt sur les sociétés, compte tenu, pour une large part, de la reprise en base des moins-values de recettes fiscales de 2013, pour un montant de 4 milliards d’euros.

S’agissant des dépenses de l’État, des annulations de crédits pour un montant de 1,6 milliard d’euros sont prévues sur le périmètre « zéro valeur », c’est-à-dire hors charge de la dette et des pensions, afin de contribuer à l’effort supplémentaire en dépenses de 4 milliards d’euros.

Les dépenses totales de l’État en 2014 relevant du périmètre « zéro volume » seraient, quant à elles, inférieures de 3,4 milliards d’euros à la prévision initiale, en raison de la révision à la baisse de la charge de la dette – de l’ordre de 1,8 milliard d’euros – permise par la faiblesse de l’inflation et des taux d’intérêt. On rappellera à cet égard que les taux sont historiquement bas, avec un taux à dix ans autour de 1,6 % pour la dette française et un spread avec l’Allemagne de l’ordre de 40 points de base.

Cette situation témoigne de la crédibilité de notre politique, mais aussi, car l’ensemble des taux d’intérêt se sont rapprochés dans la zone euro, des progrès que cette dernière a réalisés tant du point de vue des efforts accomplis que des avancées en termes de gouvernance au cours des derniers mois.

Les annulations de crédits portent essentiellement, à hauteur de 965 millions d’euros, sur des crédits qui n’avaient pas été mis en réserve en début d’année, et 635 millions d’euros sont annulés au sein de la réserve de précaution. Elles n’ont pas porté sur les dépenses obligatoires et pratiquement pas sur les dépenses de personnel, seules les dépenses pleinement maîtrisables par les gestionnaires étant concernées.

D’importantes marges de manœuvre sont, malgré tout, conservées afin d’assurer le respect de la norme de dépense en exécution, puisque les crédits mis en réserve s’élèveraient encore à 6,8 milliards d’euros après les annulations du projet de loi de finances rectificative pour 2014. Cette réserve devrait permettre de faire face aux différents aléas de l’exécution budgétaire, comme les dépenses qui pourraient résulter des contentieux agricoles avec la Commission européenne.

Au total, le projet de loi de finances rectificative pour 2014 prévoit un déficit budgétaire de 83,9 milliards d’euros, incluant les investissements d’avenir. Certes, cela correspond à un déficit accru de 1,4 milliard d’euros par rapport à la loi de finances initiale, mais à une amélioration d’environ 3 milliards d’euros par rapport à l’exercice 2013, sur lequel nous reviendrons dans quelques jours.

Le présent projet de loi de finances rectificative poursuit, avec le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale, l’effort de consolidation des comptes publics engagé par le Gouvernement en 2012. Cet effort a été considérable. Il n’a toutefois pas produit les effets escomptés compte tenu de la conjoncture économique, déprimée à l’échelle mondiale et tout particulièrement au sein de la zone euro. C’est la raison pour laquelle a été déclenché le mécanisme de correction budgétaire, le Haut Conseil des finances publiques ayant identifié, dans son avis du 23 mai 2014, un « écart important » entre le solde structurel constaté en 2013 et les orientations arrêtées par la loi de programmation des finances publiques pour les années 2012 à 2017.

L’effort projeté en 2014, plus important que ne le prévoit la loi de programmation, permet d’engager la correction de cet écart. Cette évolution est mise en évidence par l’article liminaire, qui retrace les prévisions de soldes effectif et structurel.

L’Assemblée nationale a modifié cet article – la commission des finances en a débattu et nous aurons l’occasion d’y revenir tout à l’heure – en dégradant la prévision de solde conjoncturel et en améliorant celle de solde structurel. Cela revient à modifier notre croissance potentielle et à nous rapprocher du retour vers l’équilibre structurel.

J’indique d’emblée qu’une telle réévaluation en cours de route n’est pas souhaitable. Une permanence dans les méthodes et les hypothèses fondamentales utilisées pour le calcul du solde structurel me paraît au contraire indispensable.

C’est d’ailleurs pour cette raison que nous avons défini une trajectoire de PIB potentiel dans la loi de programmation des finances publiques et que le Haut Conseil des finances publiques, à la suite d’une modification apportée par le Sénat sur l’initiative de notre collègue Jean-Pierre Caffet, est tenu de retenir « la trajectoire de produit intérieur brut potentiel figurant dans le rapport annexé [à la loi de programmation] ».

Au surplus, le non-respect de ce cadre budgétaire que nous suggère l’Assemblée nationale pourrait porter atteinte à la crédibilité de la France auprès de nos partenaires et fragiliser les règles de gouvernance économique et financière. En effet, si elles s’écartaient des méthodes définies dans leurs propres textes, les autorités françaises donneraient le sentiment qu’elles s’arrogent le droit d’améliorer comme bon leur semble leur trajectoire de solde structurel.

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Ces éléments expliquent que la commission des finances ait adopté …

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. À l’unanimité !

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. … à l’unanimité, effectivement, un amendement visant à revenir au texte initial du Gouvernement.

En dépit des nombreux articles insérés dans le texte par l’Assemblée nationale – je rappelle que leur nombre a été multiplié par cinq ! –, le solde budgétaire pour 2014 n’a pas été modifié.

À cet égard, j’évoquerai en particulier deux articles adoptés par l’Assemblée nationale, qui me semblent importants pour la vie de nos territoires.

L’article 5 bis prévoit le remplacement de l’écotaxe par un péage de transit poids lourds. Cette solution permet de préserver la logique pollueur-payeur tout en évitant de mettre en place un dispositif qui n’était ni compris ni accepté. Je me félicite que, sur ce sujet sensible, une solution équilibrée ait été trouvée.

L’article 5 sexies porte sur les modalités de répartition de la taxe communale sur la consommation finale d’électricité. J’avais, dès l’examen du projet de loi de finances pour 2014, contesté la réforme proposée par le Gouvernement. Le Sénat m’avait suivi et il a, au printemps dernier, adopté à l’unanimité une proposition de loi de notre collègue Jacques Mézard et du groupe RDSE allant dans le même sens. Le Sénat ne peut donc que s’estimer satisfait du maintien de la situation actuelle prévu dans le projet de loi de finances rectificative qui nous est aujourd’hui soumis.

La poursuite du redressement de nos finances publiques est un impératif. Ce redressement requiert des efforts importants dès cette année. En 2015, des économies d’économies devront être réalisées à hauteur de 21 milliards d’euros. Les dépenses publiques devraient ainsi progresser moins vite que l’inflation, ce qui constitue un effort inédit. Ce redressement repose en outre sur des réformes permettant de garantir sa pérennité et de réduire structurellement la dépense publique.

La mise en œuvre des réformes, le Premier ministre l’a rappelé voilà quelques jours, demande du courage, de la cohésion et de la constance.

Les économies programmées nécessiteront en effet de réformer en profondeur nos manières de piloter et de mettre en œuvre les politiques publiques. N’ayons pas la faiblesse de croire que nous y arriverons seulement en réduisant le train de vie de l’État ou en supprimant ici ou là des structures publiques. De telles mesures sont sans doute nécessaires, mais c’est d’une révision plus profonde de la mise en œuvre des politiques que doit résulter l’essentiel des économies qu’il nous faut consentir. Cette révision doit également contribuer à une plus grande équité, à une modernisation de nos services publics et à une simplification de nos règles et de nos procédures.

La méthode sera déterminante. Il faudra de la transparence sur les objectifs, de la concertation sur le choix des moyens pour les atteindre et de la fermeté dans la mise en œuvre des décisions.

Il me semble enfin que notre effort d’ajustement doit prendre en compte deux éléments essentiels : l’investissement, soit la préparation de l’avenir, et la lutte contre les inégalités, condition de notre cohésion sociale. Or, nous le savons, les politiques d’ajustement ont des conséquences négatives sur ces deux dimensions, y compris dans toute l’Europe. Il faut en tenir compte à plusieurs niveaux de l’action publique.

Ainsi, des politiques redistributives efficaces doivent être mises en œuvre. Tel est le sens des mesures fiscales et sociales prises par le Gouvernement dont j’ai parlé tout à l’heure.

Quant aux dépenses d’investissement – on a pu parler aussi de « dépenses d’avenir », car il est vrai que la notion comptable d’investissement n’est pas nécessairement adaptée –, elles ne doivent pas être sacrifiées sur l’autel de la contrainte budgétaire. Tel est le sens, notamment, du deuxième programme d’investissements d’avenir engagé par le Gouvernement, dont il faut sans doute simplifier les procédures pour accélérer sa mise en œuvre.

De la même manière, il est indispensable que la réduction programmée des concours financiers de l’État aux collectivités territoriales prenne en compte ces deux éléments. Il faut inventer des dispositifs permettant de favoriser des économies structurelles, mais aussi de préserver l’investissement, tout en poursuivant la montée en charge des mécanismes de péréquation.

Enfin, il convient de faciliter et d’encourager l’investissement des entreprises, qui est une source essentielle de croissance et qui sera demain, avec la diminution du coût du travail, le principal outil de la compétitivité de notre économie. C’est ce qui guide l’action du Gouvernement, qui a mis en œuvre le CICE et le Pacte de responsabilité et de solidarité. Telle est également la vocation de la Banque publique d’investissement et des autres dispositifs publics destinés à financer les entreprises innovantes. La visibilité donnée par le Gouvernement sur l’évolution des prélèvements obligatoires est également de nature à favoriser la confiance et, par conséquent, une reprise plus vigoureuse de l’investissement.

Mes chers collègues, chacun le comprend, la croissance est à la fois la clé du redressement de nos finances publiques et la condition de la préservation de notre système productif. C’est elle qui nous permettra de nous désendetter, d’investir, de réduire le chômage et de dégager des marges de manœuvre pour mettre en œuvre nos priorités.

En cela, il est nécessaire de s’interroger sur nos règles et sur nos modes de fonctionnement au sein de la zone euro. C’est pourquoi je salue la convergence de vues qui se dessine entre le gouvernement français et le président du Conseil italien, Matteo Renzi.

Le débat sur le rythme des ajustements dans l’Union européenne et ses effets sur l’emploi, l’investissement et la croissance est pleinement légitime, de même que celui portant sur notre politique monétaire commune. Ce sont d’ailleurs autant les instances internationales, le Fonds monétaire international et l’OCDE, que les pays membres de la zone euro qui le posent. Ce débat conduit à évoquer de nombreuses questions essentielles pour l’avenir de la zone euro, au-delà des enjeux de court terme : l’assouplissement des conditions d’application du pacte de stabilité et de croissance, la création d’une capacité budgétaire propre au sein de la zone euro, la mise en place d’un salaire minimum, différencié, dans l’ensemble de la zone …