M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. C’est qu’elles investissent !

M. Francis Delattre. Monsieur le rapporteur général, vous avez fait référence à quelques éléments de lucidité en ce qui concerne la nécessité d’améliorer notre rapport avec les décideurs européens, nous sommes tous d’accord : opposition et majorité pourraient donc trouver sur certains sujets des solutions d’avenir consensuelles !

La France s’asphyxie lentement sous le poids de la dette et d’une gouvernance inapte à entreprendre un vrai effort de redressement. À cela s’ajoute la certitude de la surimposition. La France surprotège des secteurs qu’elle subventionne et qui se mettent en grève, prenant en otage l’ensemble du pays, notamment le secteur privé, qui est exposé à la compétitivité internationale, n’a pas la possibilité de faire grève et subit pour le moment en silence. Mais cela durera-t-il ?

L’esprit d’entreprise s’assèche, les investisseurs quittent le navire et les jeunes diplômés s’installent à l’étranger. Nos entreprises s’en trouvent naturellement fragilisées. La production industrielle est inférieure de 16 % à celle de 2008 alors que la plupart de nos partenaires européens ont retrouvé les niveaux d’avant la crise. C’est un constat, monsieur le rapporteur général !

« L’absence d’amélioration globale du climat des affaires au cours des derniers mois renforce cette impression d’une économie française de nouveau à l’arrêt », soulignent les économistes de tous horizons.

Le Haut Conseil des finances publiques, avec un sens de la mesure inégalable, juge peu probable la croissance de 1 % attendue en 2014 par le Gouvernement, tout en soulignant qu’elle n’est pas totalement hors d’atteinte.

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Elle est plausible !

M. Francis Delattre. Pour M. Sapin, ministre des finances qui repeint notre vie en rose, « la prévision de 1 % peut parfaitement être atteinte grâce à […] deux moteurs qui s’allument », à savoir le pacte de responsabilité, qui prévoit des aides à la compétitivité des entreprises, et la politique monétaire accommodante de la Banque centrale européenne, la BCE. Dont acte, mais le CICE commence tout juste à jouer sur les comptes des entreprises, d’où l’erreur d’avoir supprimé la TVA dite « sociale ».

M. Philippe Marini, président de la commission des finances. Tout à fait juste !

M. Francis Delattre. M. Draghi n’est pas M. Renzi. Selon M. Migaud, nous n’avons plus aucune marge de manœuvre. Il n’est plus possible d’augmenter les impôts et les prélèvements. La Cour des comptes préconise donc de freiner les dépenses.

Sur les bases actuelles, entre 2015 et 2017, nos 1 200 milliards d’euros de dépenses publiques continueront de croître de 20 milliards d’euros chaque année, ce qui représente 60 milliards d’euros sur trois ans. En réalité, les économies s’inscrivent dans le ralentissement des dépenses.

Affirmer qu’on réalisera 50 milliards d’euros d’économies parce que l’augmentation de la dépense ne sera pas de 110 milliards d’euros en trois ans, mais s’élèvera à 60 milliards d’euros seulement n’est pas raisonnable ni acceptable.

M. le président. Veuillez conclure, mon cher collègue !

M. Francis Delattre. Permettez-moi de clore mon intervention en faisant référence à une tribune du journal L’Opinion du 26 mai dernier dont l’auteur dénonçait l’absence de politique à court et long terme : pas de projets de réforme de la formation professionnelle, absence de projets de modernisation du système social. Quant à ce qui a été mis en place, elle citait notamment un exemple, le logement, et précisait que les effets de la politique menée sont tellement désastreux que le Gouvernement réfléchit déjà à des modifications. Cet auteur est désormais la conseillère économique de M. Hollande à l’Élysée...

Mes chers collègues, aurions-nous perdu deux ans ? Selon moi, le présent projet de loi de finances rectificative le démontre à l’envi. Voilà pourquoi mon groupe votera contre ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, la politique économique et budgétaire doit être aujourd'hui envisagée à l’aune non seulement de la France, mais aussi de l’Europe forte de 500 millions d’habitants, puisque c’est à la fois la démographie et l’avancée technologique qui font la différence entre les États-continents. Notre débat le montre, nous n’avançons pas assez vite dans la construction européenne.

Pour ma part, je ne partage pas les incertitudes de certains sur le présent projet de loi de finances rectificative que je trouve parfaitement clair, à tout le moins ses objectifs.

Ce texte constitue évidemment une étape importante de la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité annoncé par le Président de la République et par le Premier ministre. Ce pacte s’articule autour de trois axes : la France doit retrouver sa compétitivité, car notre pays souffre depuis de nombreuses années d’un terrible déficit du commerce extérieur ; la pression fiscale et sociale doit être allégée ; enfin, la politique d’assainissement budgétaire et financier doit être poursuivie pour parvenir le plus rapidement possible, mais sans tuer la croissance, à résorber le stock de la dette et les déficits, dont certains nous ont été légués.

Pour ce qui concerne la compétitivité et les dispositions qui y sont liées, les entreprises, les acteurs économiques ont besoin que certaines mesures soient prises, mais également de visibilité. Le projet de loi de finances rectificative que nous examinons prouve que le Gouvernement ne se donne pas comme seul horizon la période 2014-2015, mais dresse une perspective jusqu’en 2017, puisque se trouvent inscrites dans ce texte un certain nombre de baisses de cotisations ou d’impôts applicables en 2014 et en 2015. Cette démarche permet de dire que les choix opérés sont cohérents. Figurent dans ce projet de loi un certain nombre de mesures favorables à la croissance et à l’investissement, afin de peser en faveur de la reprise économique au moment où celle-ci semble se dessiner, du moins sur le continent européen.

Oui, dans la suite du rapport Gallois et des annonces du Président de la République, ainsi que du Gouvernement, les entreprises bénéficieront d’un ensemble d’allégements destinés à leur permettre de retrouver des marges de manœuvre facilitant l’embauche – c’est ce que nous souhaitons –, l’innovation – c’est ce qu’il faut – et l’investissement – c’est nécessaire.

Ainsi, 4,5 milliards d’euros seront consacrés à l’allégement des cotisations patronales relatives aux salariés percevant entre 1 et 1,6 SMIC, nous y reviendrons. Ces mesures seront complétées par des baisses de charges en faveur des indépendants dont le revenu est inférieur à 3 SMIC. Il s’agit donc d’un soutien très clair à l’investissement et à l’innovation qui, espérons-le, se poursuivra dans les années à venir grâce à un certain nombre de dispositions également présentées dans ce texte : je pense à la suppression de la contribution sociale de solidarité des sociétés à l’horizon de 2017, avec dès 2015 une première phase d’abattements, et à la diminution progressive du taux de l’impôt sur les sociétés. La contribution exceptionnelle sur ce dernier sera supprimée en 2016, ouvrant la voie, à partir de 2017, à une diminution du taux normal qui sera porté à 28 % à l’horizon de 2020.

Parmi toutes ces mesures, le Gouvernement prévoit de mettre en œuvre dès 2015 celles qui sont les plus créatrices d’emplois, et les plus favorables aux PME et aux entreprises de taille intermédiaire.

Le présent projet de loi de finances rectificative contient également un certain nombre de dispositions qui permettront d’assurer le suivi par la représentation nationale de la bonne mise en œuvre des contreparties attendues des entreprises. Certaines mesures ont évidemment été ajoutées lors du débat à l’Assemblée nationale.

De leur côté, les partenaires sociaux auront la possibilité d’assurer le suivi de l’utilisation des marges de manœuvre accordées aux entreprises.

C’est une stratégie qui me semble cohérente. Elle se situe dans le prolongement du crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, qui se déploie en ce moment même. Les premières entreprises concernées ont déjà bénéficié de 7 milliards d’euros de baisse de leur impôt sur les bénéfices. D’ici à la fin de l’année, ce chiffre s’élèvera au total à 12 milliards d’euros. C’est donc un engagement important en faveur des entreprises. Mais gardons l’œil ouvert sur le monde tel qu’il est : c’est aussi un engagement vis-à-vis des salariés puisqu’il ne s’agit pas en matière de création d’emplois d’opposer les entreprises et ceux qui y travaillent. Je fais partie de ceux qui pensent que c’est l’entreprise qui crée la richesse, qui détermine notre niveau de vie et notre place dans la hiérarchie mondiale. Le premier objectif visé, à savoir la compétitivité, me paraît clairement déterminé dans ce projet de loi de finances rectificative.

Le deuxième objectif visé, c'est-à-dire le pouvoir d’achat des ménages, fait partie intégrante du pacte de responsabilité et de solidarité. Évidemment, il est nécessaire que les Françaises et les Français ayant pris toute leur part à l’effort d’assainissement des comptes publics depuis de nombreuses années, notamment ceux dont les revenus sont les plus modestes, voient leurs efforts fiscaux et sociaux atténués. Les premières mesures se trouvent dans ce texte, mais d’autres suivront dans le projet de loi de financement rectificative de la sécurité sociale que nous examinerons d’ici à quelques jours.

Par ailleurs, le présent projet de loi de finances rectificative prévoit une mesure d’allégement de l’impôt sur le revenu dès l’automne 2014. C’est une priorité donnée aux revenus modestes et aux classes moyennes, 3,7 millions de foyers se situant dans le bas du barème de l’impôt sur le revenu. C’est donc une mesure claire et facile à comprendre.

En fait, il faut non pas opposer les catégories de Français les unes aux autres, mais simplement redonner à nos concitoyens des possibilités à la mesure de leurs revenus. C’est ce à quoi tend ce projet de loi de finances rectificative.

Nous le savons, des craintes sont apparues quant à l’effet des économies prévues par ce texte sur la croissance. Elles se sont exprimées à l’Assemblée nationale, elles sont exprimées dans cette enceinte, mais également dans différents articles de presse. Pour ma part, je considère que, eu égard au pacte de responsabilité et aux récentes annonces de la Banque centrale européenne, la diminution des dépenses qui nous est proposée peut être conduite sans incidence négative sur la croissance compte tenu de son caractère raisonnable et du rythme qui est prévu.

Nous avons eu à l’envi des débats sur les politiques de l’offre ou de la demande. Tout cela est très théorique. Le sujet majeur, c’est la reprise de la croissance pour créer de nouveau des emplois, car c’est bien la croissance qui crée des emplois. En même temps, la dépense publique est-elle à elle seule facteur de croissance ? Avec un taux de dépenses publiques supérieur à 57 % de la richesse nationale, notre pays peut faire des économies sans remettre en cause ni l’État, ni le service public, ni la croissance. Il faut évidemment agir de façon sérieuse et cohérente.

Comme l’a indiqué un orateur précédent, un certain nombre de mesures ont été adoptées par l’Assemblée nationale. Il ne serait pas convenable de critiquer outre mesure ce qu’a décidé une assemblée qui n’est pas la nôtre, mais, s’agissant de la taxe de séjour, j’ai moi aussi le sentiment que cette décision a été prise quelque peu rapidement et même précipitamment. Nous aurons l’occasion d’y revenir.

Ces mesures adoptées tout d’un coup le soir sans concertation préalable avec les acteurs économiques font beaucoup de mal et sont très perturbantes.

Tels sont l’esprit et les grands axes de ce projet de loi de finances rectificative, qui constitue une étape importante et va dans le bon sens. Ce qui a guidé le Gouvernement dans la préparation de ce texte, c’est l’objectif qui structure toute sa politique économique et sociale depuis deux ans, à savoir le retour à une croissance créatrice d’emplois, que nous attendons tous.

Évidemment, les membres du groupe socialiste apporteront leur soutien à ce projet de loi de finances rectificative. Au cours de l’examen des articles, nous défendrons ou soutiendrons un certain nombre d’amendements relatifs à l’investissement. En effet, l’investissement tant de l’État que des collectivités territoriales doit être protégé.

Pour finir, à notre collègue Francis Delattre, qui affirmait que Michel Sapin peignait notre vie en rose, je lui répondrai qu’il ne faut pas exagérer. De manière plus philosophique, je lui rappellerai les propos qu’avait tenus François Mitterrand à une personne qui, un jour, l’avait interpellé et qu’il avait estimée un peu trop défaitiste : « Comme d’autres le cannabis, on cultive chez nous le vague à l’âme, petite drogue douce et délétère. » Je pense que certains, dans notre enceinte, cultivent le cannabis… (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Éric Doligé.

M. Éric Doligé. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je ne ferai peut-être pas preuve d’un optimisme aussi béat que l’orateur précédent…

M. François Marc, rapporteur général de la commission des finances. Un optimisme réfléchi !

M. Éric Doligé. Je formulerai quelques remarques allant à l’encontre de ses propos.

Je commencerai néanmoins par une maigre satisfaction : le fait d’étudier, contrairement aux années passées, un collectif budgétaire en milieu d’année.

Comme l’a fait tout à l’heure Francis Delattre, j’ai bien noté votre satisfaction, monsieur le secrétaire d'État, et celle du rapporteur général, que soient reportées les baisses de l’impôt sur les sociétés, lesquelles devraient intervenir jusqu’en 2020

Le présent collectif est en effet absolument nécessaire, car les comptes publics de cette année sont en train de déraper, et ce pour deux raisons : des prévisions macroéconomiques peu prudentes, en termes tant de croissance que d’inflation – vous avez certainement pris connaissance des estimations récentes de croissance à 0,7 %, alors que vous en êtes toujours à 1 % –, et une baisse des dépenses publiques qui ne se concrétise pas.

Mais, lorsque l’on regarde attentivement ce collectif, on en perçoit toutes les contradictions, si bien que l’on peut douter qu’il traduise véritablement la politique de l’offre que le Président de la République annonçait en début d’année, effectuant un grand virage qui en a surpris beaucoup dans sa majorité.

Nous constatons aujourd’hui, comme en 1981, les conséquences désastreuses de choix économiques erronés et à contretemps.

En 2012, vous avez choisi d’augmenter la fiscalité pour combler les déficits à un moment où nos partenaires décidaient de contracter leur dépense publique ; il n’y a donc pas eu de soutien extérieur à la conjoncture française. De plus, vous avez fait naître un sentiment d’exaspération fiscale. Les mesures que vous avez égrenées, et qui vous réjouissent, n’ont pas porté leurs fruits puisque nous observons une baisse très préjudiciable du rendement de l’impôt. À ce stade de l’année, il manque ainsi 5 milliards d’euros de recettes par rapport à vos prévisions.

Aujourd’hui, face à la dégradation de nos comptes, face à un niveau de dette qui continue d’augmenter – nous allons atteindre les 2 000 milliards d’euros – et face à une croissance en berne, vous tentez de proposer une autre politique économique. Mais, là encore, nous sommes obligés de constater un grand nombre de contradictions et d’incertitudes.

Vous faites un geste fiscal à l’égard des ménages modestes. Soit ! Mais c’est bien parce que vous les avez fait entrer dans l’impôt en refiscalisant les heures supplémentaires, en baissant le plafond du quotient familial, en intégrant dans le revenu la participation de l’employeur à la complémentaire santé.

Est-ce là une politique lisible ? N’est-ce pas un mitage supplémentaire de l’impôt sur le revenu ?

Quant aux entreprises, après avoir vilipendé la TVA sociale – à cet égard, je me souviens des propos de Jérôme Cahuzac, alors ministre –, vous avez finalement augmenté la TVA et, aujourd’hui, vous baissez les charges sociales, sachant que, demain, le compte pénibilité renchérira le coût du travail.

Parallèlement, après avoir augmenté les impôts des entreprises d’une vingtaine de milliards d’euros, vous annoncez maintenant des baisses d’impôt, mais la part la plus importante de celles-ci ne sera effective que dans les années à venir ; entre-temps, vous avez profondément déstabilisé le monde économique et vous pérennisez d’un an la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés.

Certes, vous allez me répondre qu’il y a le CICE ! Mais c’est un dispositif complexe dont la montée en charge est progressive et qui n’est que partiellement financé.

Côté dépenses, vous n’adaptez pas votre objectif de réduction qui reste inexorablement fixé à 50 milliards d’euros depuis la loi de finances pour 2014 ; ce qui change – et encore, très légèrement –, c’est la ventilation annuelle.

Cinquante milliards d’euros, c’est insuffisant, comme le remarque la Cour des comptes, qui estime que pour garder le même montant d’économies, « le Gouvernement a donc implicitement révisé à la baisse son estimation de la croissance tendancielle des dépenses. »

C’est d’autant plus insuffisant que, si, au départ, ces mesures d’économie étaient destinées au rétablissement de nos comptes publics, vous avez désormais un nouvel objectif : celui de la baisse de la fiscalité.

Et, au-delà du volume, il y a la méthode : ce plan d’économies de 50 milliards d’euros est encore mal documenté et vous utilisez les vieilles techniques du gel et du rabot qui ont une efficacité toute relative et de court terme.

Aujourd’hui, il est nécessaire, monsieur le secrétaire d'État, de faire des choix, de marquer des priorités, d’avoir le courage de ne pas maintenir certaines structures, de poser la question du périmètre de l’État et des missions de service public.

Je pense que vous pourriez rechercher des économies du côté des centaines d’agences qui sont des excroissances non contrôlées et sur lesquelles les informations sont difficiles à obtenir.

Comme vous n’opérez pas ces choix, vous faites pression sur le budget de la défense – mon collègue Dominique de Legge en parlera probablement tout à l’heure – et sur les collectivités locales.

À ces dernières, d’ici à 2017, vous demandez de consentir un effort de 11 milliards d’euros, effort d’autant plus important que vous n’hésitez pas à continuer d’accroître leurs responsabilités, donc leurs dépenses, par le biais de la réforme des rythmes scolaires ou de la poursuite de l’accumulation de normes.

Ainsi, malgré la bonne volonté de ces collectivités à concourir au redressement de notre pays, vous ne pouvez ignorer les conséquences macroéconomiques que pourrait avoir une mesure aussi brutale, à savoir la hausse des impôts locaux, la hausse de l’endettement ou la chute des investissements.

Vous pouvez annoncer 11 milliards d’euros d’effort pour les collectivités, soit près de 22 milliards d’euros cumulés en quelques années, mais chacun sait que cette somme que vous comptez comme acquise dans les économies ne le sera jamais. Les collectivités ne pouvant plus s’autofinancer, elles vont devoir procéder à des emprunts, qu’il faudra déduire de ces 11 milliards d’euros attendus.

Par ailleurs, il y aura moins d’investissement et donc plus de chômage.

Pour conclure, si un relatif consensus se dégage sur le diagnostic et sur la nécessité que notre pays engage une politique qui favorise le développement des entreprises, le Gouvernement reste au milieu du gué, et ce, en particulier, parce que vous avez deux difficultés conceptuelles – certes délicates – à surmonter : premièrement, la baisse de la dépense publique continue d’être calculée par rapport à un tendanciel de croissance, par conséquent, quand on dit baisse, on dit poursuite de la hausse, mais à moindre régime ; deuxièmement, vous tablez sur des prélèvements obligatoires qui continuent d’augmenter – 111 milliards d’euros entre 2014 et 2017 –, mais ces recettes seront-elles effectivement encaissées ?

Monsieur le secrétaire d'État, notre pays est encalminé dans une crise qui n’est plus seulement une crise économique, mais qui est devenue une crise de confiance, née du manque de lisibilité de votre politique. Seule une action résolue, claire et avec un minimum d’efficacité peut permettre de le sortir de cette situation – je n’ai pas évoqué l’écotaxe, qui était inscrite au budget pour plus de 1 milliard d’euros, et qui devrait rapporter la moitié seulement en 2015.

C’est pourquoi nous aurions souhaité que ce collectif en donne les premiers signes et qu’il ne se contente pas d’être un ajustement a minima et, peut-être, insuffisant, comme le souligne le Haut Conseil des finances publiques.

Face à la dégradation annoncée par le président de la commission, Philippe Marini, et au flou qu’il a dénoncé, nous ne pourrons vous suivre. Nous ne pouvons avoir la foi sur de simples annonces. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Vincent Delahaye.

M. Vincent Delahaye. Monsieur le secrétaire d'État, pourquoi proposer un collectif budgétaire alors que, l’an dernier, le Gouvernement avait toujours refusé d’accepter la demande de nombreux parlementaires de modifier le budget en raison de recettes bien inférieures à ce qui avait été prévu et d’un déficit qui filait ? S’agit-il cette année d’un effort de sincérité et de transparence louable ? Visiblement non !

Sont annoncés un déficit de 3,8 %, contre 3,6 % dans le budget initial, et une hypothèse de croissance de 1 % sur l’année. L’INSEE et le FMI ont récemment tablé sur une croissance de 0,7 % et la Cour des comptes a déclaré clairement que le déficit serait, selon elle, bien supérieur à 4 %. Dommage que le Gouvernement ne tienne pas compte des prévisions de ces organismes sérieux et continue de nous présenter une vision bien optimiste, qui ne trompe plus personne aujourd’hui !

Malgré cette vision optimiste, le déficit atteindra au minimum 84 milliards d’euros, soit près de 10 milliards d’euros supplémentaires par rapport à 2013. On est loin de la trajectoire vertueuse dont le Gouvernement ne cesse de parler et encore plus de la stabilisation des déficits et de la dette.

Alors, pourquoi ce collectif ? Il s’agit visiblement de prendre en compte un cadeau électoral du Premier ministre qui ne lui a d’ailleurs pas vraiment réussi. En fait, c’est un peu « panique à bord » : le Gouvernement cherche à éviter une fin d’été semblable à celle de l’an dernier, moment auquel certains de nos concitoyens qui ne payaient pas d’impôt ont découvert à la réception de leur feuille d’impôt qu’ils en payaient, quand l’effet de la fiscalisation des heures supplémentaires jouait à plein.

Panique et en même temps aveu : le Premier ministre Jean-Marc Ayrault promettait dans cette enceinte même au mois d’octobre 2012 que neuf contribuables sur dix ne seraient pas concernés par les hausses d’impôt. Votre ajustement soudain manifeste l’aveu que ce sont en fait bien les classes modestes et moyennes qui ont été le plus affectées. Une année, on augmente fortement les impôts, sans résultat tangible sur le déficit, comme on l’a vu, et l’année suivante, on essaye de corriger.

S’agissant des recettes, vous avez augmenté les impôts des Français de 20 milliards d’euros en deux ans. Aujourd’hui, vous proposez de leur rendre 1,1 milliard d’euros, soit 6 %. Avouez que c’est bien peu !

Vous proposez d’alléger l’impôt sur le revenu des plus modestes en profitant des recettes liées aux amendes des riches fraudeurs. Exposé comme cela, comment être contre un tel dispositif ? Sauf que vous présentez l’allégement comme durable, alors que vous savez très bien que le surplus de recettes liées à la fraude restera exceptionnel. On finance une mesure pérenne par une recette exceptionnelle : tout le contraire de la bonne gestion. Nous ne pouvons l’accepter.

Dernière remarque sur les recettes : vous diminuez dès cette année l’impôt sur le revenu des ménages modestes et vous reportez de 2017 à 2020 – après les élections de 2017 – la baisse d’impôt sur les entreprises. Pensez-vous que celles-ci vont être dupes ? La seule mesure les concernant dans le présent collectif budgétaire est le report de la suppression de la contribution exceptionnelle sur l’impôt sur les sociétés au début de 2017. Une année supplémentaire de contribution exceptionnelle : pas vraiment de quoi rassurer les entreprises !

J’en viens maintenant aux dépenses. Ce projet de loi de finances rectificative affiche des annulations de crédits, mais oublie bizarrement d’incorporer des dépenses supplémentaires que nous savons d’ores et déjà devoir comptabiliser. Je pense en particulier aux opérations extérieures au Mali et en Centrafrique : nous savons que leur montant approchera 1 milliard d’euros en 2014, alors que nous n’avons inscrit au budget que 450 millions d’euros. Je pense également aux 400 millions d’euros, au bas mot, qui n’ont pas été budgétés dans le cadre de la mission Agriculture, alimentation, forêt et affaires rurales au titre des refus d’apurement communautaire.

Alors, pourquoi ne pas aller plus loin dans le programme d’économies et prélever d’ores et déjà davantage sur la réserve dite « de précaution », qui s’élevait à 7 milliards d’euros et que vous ponctionnez à hauteur de 600 millions d’euros ? D’ailleurs, monsieur le secrétaire d’État, j’aimerais que vous me fassiez part de votre politique de gestion de cette réserve de précaution et des principes qui la régissent.

Pour vous, on le sait maintenant très bien, économiser, c’est dépenser moins vite que notre tendance naturelle ne nous y porte. Une exception doit être relevée : les collectivités locales ont ce « privilège » de voir leurs dotations diminuer réellement, ce dans des proportions non négligeables.

La réalité, c’est que nous sommes drogués à la dépense publique…

M. Richard Yung. Ça, c’est le cannabis !

M. Vincent Delahaye. … et que nous n’avons pas le courage de sortir de cette dépendance. Si cette dépense publique était favorable à la croissance, nous serions champions du monde !

La Cour des comptes a montré que l’écart de dépenses publiques entre la France et l’Allemagne a nettement augmenté entre 2001 et 2013. Pourtant, les résultats de l’Allemagne en matière de croissance sont bien supérieurs aux nôtres.

Monsieur le secrétaire d’État, faisons de véritables économies ! On peut facilement vous en proposez. Tenez, au hasard : annulez la réforme des rythmes scolaires, contestée à juste titre, et vous économiserez 500 millions d’euros ;…