compte rendu intégral

Présidence de M. Jean-Pierre Bel

Secrétaires :

Mme Michelle Demessine,

Mme Marie-Noëlle Lienemann.

M. le président. La séance est ouverte.

(La séance est ouverte à quinze heures cinq.)

1

Ouverture de la seconde session extraordinaire de 2013-2014

M. le président. Je vous rappelle que la seconde session extraordinaire de 2013-2014 a été ouverte le 9 septembre.

2

Procès-verbal

M. le président. Le procès-verbal de la séance du 24 juillet 2014 a été distribué.

Il n’y a pas d’observation ?...

Le procès-verbal est adopté.

3

Décès d’un sénateur

M. le président. J’ai le très profond regret de vous faire part du décès de notre ami et collègue Christian Bourquin, survenu le 26 août dernier. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs se lèvent.)

Il avait été élu sénateur des Pyrénées-Orientales le 25 septembre 2011.

Son éloge funèbre sera prononcé ultérieurement, mais je tiens d’ores et déjà à saluer sa mémoire.

Au nom du Sénat tout entier, je souhaite exprimer notre sympathie et notre profonde compassion à sa famille, à ses proches et au groupe du RDSE.

Je vous propose d’observer un instant de recueillement. (Mmes et MM. les ministres, Mmes et MM. les sénateurs observent une minute de silence.)

4

Décès d’anciens sénateurs

M. le président. J’ai le regret de vous faire part du décès de nos anciens collègues :

- Jacques Larché, qui fut sénateur de la Seine-et-Marne de 1977 à 2004 et président de la commission des lois de 1983 à 2001 ;

- Pierre Noé, qui fut sénateur de l’Essonne de 1977 à 1986.

- et Francis Cavalier-Benezet, qui fut sénateur du Gard de 1992 à 1998.

5

Remplacement d’un sénateur décédé

M. le président. Conformément aux articles L.O. 325 et L.O. 179 du code électoral, M. le ministre de l’intérieur m’a fait connaître que, en application de l’article L.O. 319 du code électoral, Mme Hermeline Malherbe est appelée à remplacer, en qualité de sénatrice des Pyrénées-Orientales, M. Christian Bourquin, décédé le 26 août 2014.

Son mandat a débuté le mercredi 27 août, à 0 heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue.

6

Démission et remplacement d’un sénateur

M. le président. J’ai reçu de Mme Gisèle Printz une lettre par laquelle elle s’est démise de son mandat de sénatrice de la Moselle, à compter du dimanche 31 août, à minuit.

En application de l’article L.O. 320 du code électoral, elle a été remplacée par M. Jean-Pierre Masseret, dont le mandat de sénateur de la Moselle a commencé le lundi 1er septembre, à 0 heure.

Au nom du Sénat tout entier, je lui souhaite une cordiale bienvenue pour son retour au Sénat.

7

Déchéance d’un sénateur

M. le président. J’ai reçu du Conseil constitutionnel une décision en date de ce jour, constatant la déchéance de plein droit de M. Gaston Flosse de sa qualité de membre du Sénat.

Acte est donné de cette communication.

Cette décision sera publiée en annexe au compte rendu intégral de la présente séance.

8

Fin de mission d’un sénateur

M. le président. Par lettre en date du 5 août 2014, M. le Premier ministre a annoncé la fin, à compter du 10 août 2014, de la mission temporaire sur le soutien au développement économique dans les territoires ruraux confiée à M. Alain Bertrand, sénateur de la Lozère, auprès de Mme la ministre du logement et de l’égalité des territoires, dans le cadre des dispositions de l’article L.O. 297 du code électoral.

Acte est donné de cette communication.

9

Politique générale

Lecture d’une déclaration du Gouvernement

M. le président. L’ordre du jour appelle la lecture de la déclaration de politique générale du Gouvernement.

La parole est à M. le ministre des affaires étrangères et du développement international.

M. Philippe Marini. Il n’y a pas d’applaudissements ?

M. Laurent Fabius, ministre des affaires étrangères et du développement international. « Monsieur le président, mesdames, messieurs, il est rare sous la Ve République, à cinq mois d’un précédent vote, de solliciter à nouveau la confiance du Parlement. C’est pourtant ce que je fais, aujourd’hui, en me présentant devant vous.

« Avec le Président de la République, nous avons fait ce choix exigeant, dès la constitution du nouveau gouvernement. Car la clarification apportée au sein de l’exécutif devait trouver sa traduction ici même, à l’Assemblée nationale, par respect à votre égard, par respect pour le peuple français, par respect de l’éthique de responsabilité qui m’anime.

« Dans ce moment de vérité pour la France, je viens, avec mon équipe gouvernementale, rechercher votre confiance pour poursuivre notre action, et cela compte tenu de l’évolution exceptionnelle de la conjoncture économique européenne. Elle se caractérise par une croissance faible et un risque de déflation inquiétant qui remettent en cause nos prévisions les plus raisonnables. J’y reviendrai. Voilà l’exigence que je me suis fixée : la clarté, la cohérence et la vérité vis-à-vis du Parlement et donc des Français.

« Voilà pourquoi le vote de confiance d’aujourd’hui n’est pas un vote banal. C’est un vote déterminant qui engage chacun d’entre nous.

« La gauche gouverne, depuis le 6 mai 2012, depuis que les Français, par leurs suffrages, ont porté à la tête de l’État François Hollande et lui ont donné une majorité, notre majorité. Oui, nous gouvernons ! C’est un honneur. C’est une immense responsabilité. Et l’importance du moment nous oblige, tous ici, à nous hisser à la hauteur des événements.

« Le contexte international est rempli de menaces. La crise en Ukraine et les tensions avec la Russie ramènent l’Europe aux heures de la guerre froide. Cet été, la guerre à Gaza a repoussé encore plus loin les perspectives de paix entre Israéliens et Palestiniens. En Afrique de l’Ouest, les ravages d’Ebola éreintent des États déjà fragiles. Et la Méditerranée est toujours un cimetière pour des milliers de migrants.

« Mais le monde est d’abord confronté à une menace terroriste dont l’ampleur et l'évolution sont inédites. Aujourd'hui même, en Syrie et en Irak, les groupuscules éclatés d'hier sont en passe de s'accaparer des États et l'ensemble des moyens qui vont avec, dans le seul but de démultiplier leur capacité d'action et leur logique de terreur.

« Au moment où je vous parle, 930 Français ou résidents sur notre territoire sont impliqués dans le terrorisme en Syrie et en Irak. Ils représentent, vous le savez, une menace majeure pour la France.

« La France – le chef de l'État, sa diplomatie, ses armées – est pleinement mobilisée pour répondre à ce défi de sécurité, qui est certainement le plus grand de ce début de XXIe siècle. Elle assume totalement ses responsabilités, celles que l'Histoire lui a données, celles d'un membre permanent du Conseil de sécurité. Elle porte assistance aux chrétiens d'Orient et aux minorités victimes de la terreur. Elle travaille à une riposte globale sur le plan intérieur comme sur le plan extérieur. C'est l'enjeu du plan de lutte contre les filières djihadistes qui vous est présenté en ce moment. C'est aussi l'un des enjeux de la conférence sur l'Irak, organisée hier à Paris.

« Et dans ces moments, face à ces menaces, sur ces sujets, l'unité nationale s'impose. Je ne doute pas un seul instant qu'elle sera au rendez-vous.

« Il y a aussi la crise économique, bien sûr, qui frappe l’Europe et la France depuis six ans. Elle brise toutes les certitudes et alimente tous les malaises : malaise social, malaise démocratique, malaise identitaire. La crise économique ne se résume pas à des chiffres ou à des indicateurs : elle tourmente les vies, les quotidiens, les repères, les familles, les quartiers populaires, les territoires ruraux et les liens qui nous unissent.

« Je comprends les impatiences, les doutes, les colères. Ils sont légitimes quand le chômage atteint des niveaux aussi élevés, et depuis si longtemps.

« Mais face à cela, quelle attitude faut-il adopter ? La fébrilité ? Le virage ? Le zigzag ? Le renoncement ? Non !

« Gouverner, c’est résister. Gouverner, c’est tenir. Gouverner, c’est réformer. Gouverner, c’est dire la vérité. Gouverner, mesdames, messieurs, c’est aller chercher la confiance, surtout quand c’est difficile.

« Je sollicite votre confiance afin de poursuivre notre politique économique. Je sollicite votre confiance, car la politique de mon gouvernement est guidée par les valeurs de la République, des valeurs chères à la gauche – la nation, le principe d’égalité et de justice –, qui s’adressent à tous les Français.

« Gouverner, c’est mener une politique économique adaptée à la réalité du pays.

« Personne n’ignore sur ces bancs que la France et la zone euro font face à une situation exceptionnelle. La croissance ne redémarre pas. Et s’ajoute à cela une quasi-absence d’inflation que personne n’avait anticipée.

« Pour 2014, en ce qui nous concerne, l’inflation très faible de 0,5 % et une croissance tout aussi faible de 0,4 % conduiront à des recettes publiques moins élevées qu’attendu.

« Cet été, nous avons fait un choix clair : ni hausse d’impôts ni économies budgétaires supplémentaires. »

M. Laurent Fabius, ministre. « C’est un choix politique. C’est un choix économique, car nous ne voulons pas entrer dans une spirale dépressive. C’est un choix social, parce que les efforts demandés aux Français, et ce depuis des années, sont déjà considérables.

« Nous adaptons donc le rythme de réduction des déficits à cette situation.

« Par conséquent, le déficit des administrations publiques devrait se situer à 4,4 % du PIB cette année. Nous avons comme objectif, vous le savez, de le ramener à 4,3 % en 2015. » (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Jean-Claude Lenoir. Quelle ambition !

M. Alain Bertrand. C’est mieux que ce qui a été fait avant !

M. Laurent Fabius, ministre. « Mais rien ne doit nous faire dévier de notre engagement à réaliser 50 milliards d’euros d’économies en trois ans, dont 21 milliards d’euros en 2015. »

M. Joël Billard. Sur le dos des collectivités !

M. Laurent Fabius, ministre. « Il faut maîtriser l’évolution des dépenses publiques. Leur niveau trop élevé a nourri, depuis des années, l’augmentation du déficit et de la dette. Et, nous le savons tous, il y a des marges pour rendre la dépense plus efficace.

« Réduire la dépense, plutôt qu’augmenter les impôts ! Nous baissons la pression fiscale, car les impôts, par leur accumulation depuis 2010, ont atteint un niveau insupportable pour les Français. Un premier pas a été accompli en direction de plus de 4 millions de ménages, dès cette rentrée. Et nous poursuivrons ce mouvement en 2015 : 6 millions de ménages seront ainsi concernés par la baisse de l’impôt sur le revenu. Ce choix tire aussi les conséquences de la décision du Conseil constitutionnel sur les charges salariales.

« Le rythme de réduction du déficit doit être aussi adapté en Europe. Cela suppose d’utiliser toutes les flexibilités du pacte de stabilité et de croissance.

« Soutenir la croissance en Europe nécessite également une politique monétaire adaptée.

« Il y a cinq mois, à cette même tribune, je dénonçais les conséquences d’un euro trop cher. Les réactions ont été très vives. Mais je constate aujourd’hui que cette idée a fait son chemin. Les choses bougent ! Nous les avons fait bouger ! C’est ce gouvernement qui, en Europe, les a fait bouger !

« Les décisions de la Banque centrale européenne ont permis d’amorcer une baisse de 10 centimes de l’euro par rapport au dollar. Appliquée à toutes nos entreprises exportatrices, cette baisse représente, ne l’oublions pas, des dizaines de milliers d’emplois préservés. Il faut aller plus loin encore, car il y a urgence. La zone euro décroche par rapport au reste du monde.

« Le président de la Banque centrale européenne lui-même, Mario Draghi, a déclaré qu’il était prêt à d’autres types d’intervention pour soutenir la croissance. Il a aussi recommandé que les politiques nationales structurelles soient accompagnées au niveau européen par une politique globale de la demande. Ces positions, ce sont celles que n’a cessé de porter le Président de la République depuis 2012. Le FMI, l’OCDE, de nombreux économistes, les chefs d’entreprise, les syndicats européens ne disent pas autre chose.

« C’est par l’investissement que l’Europe retrouvera une croissance solide et durable. »

M. Éric Doligé. Ça, c’est vrai !

M. Laurent Fabius, ministre. « Jean-Claude Juncker a annoncé un plan de 300 milliards d’euros pour l’investissement en trois ans. Annoncer est une chose ; le concrétiser en est une autre. » (Exclamations ironiques et applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Christian Cointat. Vous en savez quelque chose !

M. Roger Karoutchi. Ils ne manquent pas d’humour !

M. Laurent Fabius, ministre. « Nous travaillons donc avec nos partenaires pour obtenir une action puissante de l’Europe en matière d’infrastructures, de grands projets, de numérique, ou encore de formation des jeunes.

« Mesdames, messieurs, mesurons le chemin parcouru !

« Cette action pour réorienter l’Europe est vitale, car, nous le voyons bien, le projet européen est menacé de toutes parts, dans tous les pays, par la défiance, par les populismes, par le rejet de cette grande aventure qui a uni des peuples et qui a garanti la paix.

« L’engagement de l’Europe doit répondre à l’attente des peuples. Cela impose un dialogue sincère et exigeant entre la France et l’Allemagne. Nous ne demandons aucune facilité ; la France décide elle seule de ce qu’elle doit faire. Mais l’accord entre nos deux pays est indispensable pour relancer la croissance et redonner au projet européen sa véritable ambition.

« L’Allemagne est une grande nation que nous respectons. Je rencontrerai la Chancelière Angela Merkel la semaine prochaine. Notre message, le message de la France, celui des peuples européens, doit être entendu. L’Allemagne doit assumer ses responsabilités. Notre responsabilité commune, celle de la France et de l’Allemagne, est donc historique.

« Mesdames, messieurs, la principale faiblesse de notre économie, c’est la perte de compétitivité de nos entreprises. »

M. Christian Poncelet. C’est vrai !

M. Laurent Fabius, ministre. « Comme l’a relevé le rapport Gallois dès novembre 2012, un véritable décrochage est intervenu il y a dix ans : perte de parts de marché à l’export et dégradation continue des marges de nos entreprises industrielles. Ainsi, il n’y a pas eu de créations d’emplois nettes dans l’industrie depuis la fin de 2001. »

M. Francis Delattre. À cause des 35 heures !

M. Laurent Fabius, ministre. « Dire la vérité, c’est assumer ses responsabilités et regarder réellement quelle est la situation. C’est pour cela que, par vos votes, vous avez engagé, dès décembre 2012, le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, puis, il y a quelques semaines, le pacte de responsabilité et de solidarité, annoncé par le Président de la République le 14 janvier dernier.

« Ces dispositifs commencent à produire leurs effets. Au 1er janvier prochain, le coût du travail baissera d’environ dix points de cotisations pour de nombreuses entreprises, et il n’y aura plus aucune cotisation de sécurité sociale au niveau du SMIC. Mais, soyons lucides, ces mesures nécessiteront du temps pour porter pleinement leurs fruits.

« Oui, nous devons être aux côtés de toutes nos entreprises, de nos entrepreneurs, nos PME, nos PMI, nos artisans, nos commerçants. Car enfin, ce sont les entreprises qui créent des richesses, et donc de l’emploi ! » (Exclamations et applaudissements sur les travées de l'UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)

M. François Grosdidier. Quelle découverte pour vous !

M. Christian Cointat. Mieux vaut tard que jamais !

M. David Assouline. Mais vous, vous êtes pour les banques !

Mme Brigitte Gonthier-Maurin. Et les salariés, ils y sont pour quelque chose ?

M. Laurent Fabius, ministre. Mesdames, messieurs les sénateurs de l’opposition, je vous remercie de vos applaudissements ! (Sourires sur les travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

« Et dans une concurrence mondiale qui ne fait aucun cadeau, pourquoi serions-nous le seul grand pays à ne pas aider nos entreprises pour qu’elles innovent, qu’elles partent à la conquête de nouveaux marchés ? » (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP et sur plusieurs travées de l’UDI-UC.)

Un sénateur du groupe UMP. Absolument !

M. Laurent Fabius, ministre. « Mais les entreprises, ce ne sont pas que des actionnaires. Ce sont des ouvriers, des salariés, des cadres, des ingénieurs qui travaillent ensemble. (Vifs applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe écologiste, du RDSE et du groupe UMP.) Aider nos entreprises, ce n’est pas un choix idéologique, c’est un choix stratégique pour la France. Je n’ai jamais cessé de le dire, quel que soit le lieu où je me suis exprimé, parce que ce choix s’impose à tous.

« Oui, la nation consent un effort sans précédent de 40 milliards d’euros sur trois ans. Mais cet effort exige que chacun soit à la hauteur de ses responsabilités. Le pacte, ce n’est pas un moyen d’augmenter les dividendes ou les plus hautes rémunérations. » (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste, du groupe écologiste et du RDSE.)

M. Christian Cointat. Toujours la même rengaine !

M. David Assouline. La droite n’applaudit plus ?

M. Laurent Fabius, ministre. « Le pacte est là pour créer un climat de confiance et pour redonner des marges de manœuvre aux entreprises. Elles en ont besoin. Et il doit se traduire en termes d’investissement, d’embauches, de formation ou d’accueil de jeunes en apprentissage. » (Applaudissements sur les mêmes travées.)

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Laurent Fabius, ministre. « Les partenaires sociaux ont décidé d’en discuter au niveau de chaque branche. Aujourd’hui, la majorité des branches professionnelles a engagé ou va engager les négociations. Mais pour dix-sept grandes branches, les discussions n’ont pas encore démarré. Il faut donc que les choses avancent ! »

M. Pierre Laurent. Dans les entreprises, il ne se passe rien !

M. Laurent Fabius, ministre. « La confiance doit être réciproque. Personne – je le dis clairement au patronat – ne doit prendre le risque d’affaiblir, par je ne sais quelle provocation, par je ne sais quelle surenchère, l’indispensable dialogue social qui est la marque de ce quinquennat. »

Mme Dominique Gillot. Tout à fait !

M. Laurent Fabius, ministre. « Dans ce domaine, comme dans bien d’autres, il faut savoir faire preuve de constance et respecter les règles du jeu.

« Je présiderai dans quelques semaines le nouveau comité de suivi des aides publiques. Il associera partenaires sociaux et parlementaires. Et je souhaite alors que nous fassions ensemble le constat qu’aucune des grandes branches professionnelles ne manque à l’appel, pour nos jeunes, pour l’emploi. Je sais que la représentation nationale est particulièrement engagée et vigilante sur ce point, notamment à travers la mission sur le CICE.

« Redresser notre économie passe aussi par un soutien direct à notre industrie. Moi, je crois en la main visible de l’État. Notre État a son rôle à jouer dans une économie de marché, et c’est ce qu’il a fait dans le cas d’Alstom. »

M. Philippe Marini. Et le redressement productif, qu’est-il devenu ?

M. Laurent Fabius, ministre. « L’État agit en aidant à l’émergence de leaders français, compétitifs au niveau mondial, dans des secteurs stratégiques. Dans les domaines du TGV du futur, des textiles intelligents, de la chimie verte, du big data, la France a des cartes en main.

« C’est vrai pour la transition énergétique, qui est une avancée majeure et impérieuse pour la préservation de notre environnement, mais aussi un formidable relais de croissance pour des emplois durables et non délocalisables. Elle fait l’objet d’un projet de loi que vous examinerez début octobre.

« L’avenir, c’est bien sûr le numérique, pour lequel s’ouvre une grande concertation, elle aussi préalable à un travail législatif.

« Enfin, l’État doit agir en orientant l’épargne des Français vers l’économie réelle et en favorisant le financement de l’innovation. Le crédit d’impôt recherche, le programme d’investissements d’avenir, la BPI ont fait leurs preuves.

« L’investissement, c’est la clef de la reprise. Un pays qui investit moins, ou qui n’investit plus, ne pourra pas trouver sa place dans la mondialisation.

« Redresser notre économie, c’est aider nos entreprises, notre industrie, notre agriculture, notre recherche, notre université, nos scientifiques. C’est favoriser aussi l’économie sociale et solidaire, qui représente un formidable gisement d’emplois. C’est également mener les réformes nécessaires.

« Elles commencent bien entendu par les administrations publiques. Nous venons de lancer un exercice de revue des missions de l’État. Il associera les collectivités locales, »…

M. Laurent Fabius, ministre. …« et les usagers, particuliers et entreprises, sans oublier bien sûr les fonctionnaires eux-mêmes.

« Nous réformons l’État. Nous réformons les entreprises publiques, comme nous venons de le faire avec succès pour la réforme ferroviaire. Nous réformons aussi les collectivités locales. (Exclamations sur les travées de l'UMP.)

« Vous avez déjà voté le passage de vingt-deux à treize régions. » (Protestations sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. David Assouline. Ce n’est pas la cour de récré !

M. Christian Cointat. Nous n’avons pas encore voté !

M. Laurent Fabius, ministre. Il s’agit de la représentation nationale !

« Ce qui, hier, c'est-à-dire voilà seulement quelques mois, semblait infaisable est donc en passe d’être accompli aujourd’hui. »

M. Didier Guillaume. L’opposition n’a jamais réussi à le faire !

M. Laurent Fabius, ministre. « Ces nouvelles régions, plus grandes, plus fortes, sont nécessaires pour répondre aux défis de l’aménagement et du développement du territoire. Ces nouvelles régions renforceront notre pays.

« Les intercommunalités seront renforcées, car elles sont à même de mener les politiques publiques de proximité qu’attendent les Français.

« Quant aux départements, vous le savez, »…

M. François Grosdidier. On ne sait plus rien !

M. Laurent Fabius, ministre. …« le pragmatisme nous guide vers trois solutions. (Ah ! sur plusieurs travées de l'UMP.)

« Dans les départements dotés d’une métropole – c’est l’exemple de Lyon –, la fusion des deux structures pourra être retenue.

« Lorsque le département compte des intercommunalités fortes, là, les compétences départementales pourront être assumées par une fédération d’intercommunalités. (Applaudissements sur les travées du RDSE. – M. Daniel Raoul applaudit également.)

« Enfin, dans les départements, notamment ruraux, où les communautés de communes n’atteignent pas la masse critique, le conseil départemental sera maintenu, avec des compétences clarifiées. » (Applaudissements sur plusieurs travées du groupe socialiste et du RDSE.)

Mme Éliane Assassi. Et la République ?

M. Laurent Fabius, ministre. « Je ne doute pas que le Parlement apportera toute son expertise dans ce débat. Les Assises des ruralités, que nous venons de lancer, y contribueront également. »

M. Francis Delattre. Il faudra changer la Constitution !

M. Laurent Fabius, ministre. « Dès lors, la concomitance des élections départementales et régionales n’est plus une obligation. Précisons le calendrier : les élections départementales sont maintenues en mars 2015, conformément à la loi votée en 2013. Les élections régionales, avec la nouvelle carte, auront bien lieu fin 2015.

« Mesdames, messieurs, réformer, c’est aussi libérer toutes les énergies créatives de ce pays, simplifier les normes.

« Le projet de loi “croissance” permettra de simplifier les formalités, les procédures et la vie quotidienne des Français. Ce n’est pas une loi qui stigmatise. Elle n’est pas contre les professions réglementées ; elle agit pour leur fournir les outils juridiques pour se moderniser. »

Un sénateur du groupe UMP. Plaisanterie !

M. Laurent Fabius, ministre. « Elle stimulera l’investissement en rendant plus lisible et plus stable l’environnement législatif et réglementaire. Elle contribuera également à l’attractivité de la France dans le monde avec l’ouverture des magasins le dimanche et en soirée dans les zones touristiques, en nous appuyant notamment sur le rapport Bailly. »

M. Éric Doligé. Eh bien !

M. Laurent Fabius, ministre. « Concernant la politique de l’emploi, il est possible de donner de la souplesse et de la visibilité aux entreprises, tout en améliorant les droits réels des salariés. Nous l’avons montré, au cours des deux dernières années, avec plusieurs lois issues d’un accord entre partenaires sociaux. Une nouvelle négociation, vous le savez, vient d’être lancée sur ce que l’on appelle les seuils. Il y a, d’ici à la fin de cette année, un chemin à trouver qui permette d’avoir un véritable dialogue social dans l’entreprise, en fonction de sa taille, sans entraver sa croissance. (M. Pierre Laurent s’exclame.) Progrès économique et progrès social sont intimement liés.

« Une politique de l’emploi plus efficace, c’est aussi un soutien plus fort et un suivi plus personnalisé, exigeant même pour les demandeurs d’emploi, qui, cependant, ne doivent pas être stigmatisés. Personne n’aspire à devenir chômeur ni à le rester ! Une nouvelle convention tripartite État-Unedic-Pôle emploi doit être signée d’ici à la fin de l’année : elle devra améliorer l’action de Pôle emploi pour mieux connaître les besoins des entreprises et utiliser toutes les potentialités du numérique.

« Nous devons aussi impérativement encourager l’apprentissage, qui recule depuis quelques années. » (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et sur plusieurs travées du RDSE. – Exclamations sur les travées de l'UMP.)

M. Éric Doligé. C’est très net !

M. Laurent Fabius, ministre. « La mobilisation des entreprises est essentielle : même lorsqu’il y a moins d’embauches du fait de la crise, il faut former davantage.

« Nous nous retrouverons à la fin de la semaine avec les partenaires sociaux et les régions pour cette relance de l’apprentissage. Et si certains blocages freinent la réussite de notre politique d’apprentissage, nous les lèverons !

« Oui, nous réformons, et nous allons continuer à le faire. »

Un sénateur du groupe UMP. Comment ?