Mme Cécile Cukierman. Rassurez-vous, l’or blanc des sommets restera attractif !

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour présenter l'amendement n° 20 rectifié.

M. Jacques Mézard. J’ai déjà élevé une protestation solennelle contre l’annexion de l’Auvergne par Rhône-Alpes, car, si nous votons la loi, nous avons aussi vocation à représenter le territoire qui nous a élus.

Je parle d’« annexion », car nous ne pouvons vivre autrement la démarche projetée. On nous objecte aujourd’hui que les présidents de région sont d’accord, mais, en fait, ils le sont devenus.

M. Jacques Mézard. Pour avoir eu le privilège de recevoir ici, dans les heures qui ont suivi l’annonce de la fusion, le président du conseil régional d’Auvergne, mon ami René Souchon, je puis témoigner qu’il n’était guère enthousiaste. C’est un euphémisme !

M. Michel Bouvard. Tout à fait !

M. Jacques Mézard. Depuis, une opération de cocooning a sans doute contribué à le mettre dans de meilleures dispositions à l’égard de ce projet… (Sourires.)

Il n’en reste pas moins que la mise en œuvre de ce qui nous est proposé emportera des conséquences néfastes pour de très longues années. En effet, les deux régions ont un poids très différent : puisque vous parlez à l’envi de pouvoir, de puissance, d’économie, sachez que la région Rhône-Alpes est six fois plus « puissante » que l’Auvergne. C’est pourquoi on ne peut pas parler de fusion.

Surtout, dès lors que vous entendez raisonner, monsieur le secrétaire d'État, uniquement en fonction de la carte actuelle, en bloquant pratiquement l’exercice du droit d’option, il faut tenir compte du fait que, au sein de ces deux régions, on trouve des territoires différents.

La préfecture de mon département est la plus enclavée de France ; je sais que vous vous en souciez peu, monsieur le secrétaire d’État, j’ai déjà eu l’occasion de m’en rendre compte. Pour rejoindre Paris, il nous faut quatorze heures aller-retour par le train et douze heures par la route. Un aller-retour à la future métropole régionale nous prendra onze heures par le train et neuf heures par la route. Autrement dit, votre projet signera la fin d’un territoire ! En effet, vous n’allez pas nous annoncer aujourd’hui, comme vos camarades locaux, que la nouvelle grande région va nous construire les routes que la République n’a pas pu nous faire depuis cinquante ans ! (M. Michel Bouvard acquiesce.) Il faut être sérieux ! On ne peut pas faire croire n’importe quoi à nos concitoyens !

Je comprends bien que vous vous désintéressiez totalement du sort d’un petit département : vous avez des préoccupations autrement plus importantes. Il n’en reste pas moins que ceux qui vivent dans ce territoire condamnent des méthodes qui excluent l’écoute, qui font bien peu de cas d’eux. Mon devoir est de vous le dire, monsieur le secrétaire d'État, car je sais que vous ferez état de grandes considérations, sans rien répondre sur le fond, si ce n’est « on verra », « il faut être confiants », « on trouvera des solutions »…

Je demande donc à mes collègues de voter cet amendement. (Applaudissements sur certaines travées de l'UMP.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur ces amendements identiques.

La réunion des régions Rhône-Alpes et Auvergne n’a pas fait l’objet de très longs débats au sein de la commission spéciale, qui a estimé le nouveau périmètre tout à fait possible.

Nous avons bien entendu ce qu’a dit M. Mézard, mais si l’Auvergne n’était pas rattachée à Rhône-Alpes, à quelle région le serait-elle ? Resterait-elle seule ?

Étant moi-même élu de Lyon, je voudrais souligner, sortant de mon rôle de rapporteur, que nous n’avons eu de cesse depuis des années, à l’échelon de l’agglomération lyonnaise, d’essayer de travailler en direction de l’Auvergne, en particulier de Clermont-Ferrand, et de relier nos territoires par des infrastructures importantes.

M. Michel Bouvard. Et voilà !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. À M. Bouvard, qui, pour paraphraser l’objet de son amendement, craint que cette fusion ne se fasse au détriment des départements alpins qui se trouveraient alors marginalisés (M. Michel Bouvard approuve.), je répondrai avec beaucoup d’amitié et de calme que l’on a beaucoup reproché aux Alsaciens de ne pas vouloir jouer collectif…

Nous connaissons la diversité et la richesse du territoire de Rhône-Alpes, première région française après l’Île-de-France. Elle représente 10 % de la population nationale, 11 % du PIB national… Il s’agit d’un territoire riche, quasiment dans toutes ses composantes. S’il advenait que la fusion avec l’Auvergne aboutisse, je ne crois pas que ce serait à son détriment, loin de là.

Par ailleurs, un certain nombre d’habitants des bassins de vie auvergnats profitent déjà beaucoup des atouts de notre région Rhône-Alpes.

Mme Cécile Cukierman. Ce n’est pas un argument !

M. François-Noël Buffet, rapporteur. Enfin, nous savons l’enjeu essentiel que représente la région genevoise pour Rhône-Alpes.

Concernant la situation plus spécifique du département de notre collègue Mézard, l’honnêteté intellectuelle nous impose de nous interroger sur des difficultés que l’on ne peut passer sous silence. Peut-être une solution pourra-t-elle être trouvée à travers l’exercice du droit d’option… Quoi qu’il en soit, on ne peut rester sourd aux propos qu’a tenus M. Mézard, car ils sont justes sur le fond.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Plusieurs arguments plaident en faveur de cette fusion, ou plutôt de cette « union », pour reprendre un terme employé hier par Éliane Giraud, aboutissant à créer une région Rhône-Alpes-Auvergne ou Auvergne–Rhône-Alpes. Votre commission spéciale, comme en première lecture, et l’Assemblée nationale, en juillet dernier, y ont d’ailleurs souscrit, ainsi que les deux présidents de région concernés. Je ne sais quelle a été la réaction de René Souchon à l’origine, mais je peux vous dire que, lors d’une réunion récente, Jean-Jack Queyranne et lui se sont déclarés enthousiastes à l’idée de cette union.

M. André Vallini, secrétaire d'État. Pour être tout à fait honnête, je crois que René Souchon aurait préféré une région Massif central. À défaut, il estime que l’union avec Rhône-Alpes ne peut que profiter à l’Auvergne.

Quant à Jean-Jack Queyranne, je me permets de dire que, s’il n’était pas demandeur, il est aujourd’hui favorable à cette union avec l’Auvergne. Certes, Rhône-Alpes est une région rayonnante, puissante, qui se développe déjà bien sans l’Auvergne, mais Jean-Jack Queyranne pense que les choses iront encore mieux avec celle-ci, qu’une véritable synergie s’établira entre les territoires.

Les maires de Saint-Étienne, ville de Rhône-Alpes proche de l’Auvergne, et de Clermont-Ferrand, capitale de l’Auvergne, sont également très favorables à cette union.

Certaines choses fonctionnent déjà très bien entre les deux régions : je citerai le pôle de compétitivité ViaMéca, le cancéropôle, les deux écoles vétérinaires…

M. Jacques Mézard. Pas chez nous !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Bien sûr, monsieur Mézard, le Cantal est un cas particulier. Ce département du sud de l’Auvergne est déjà quelque peu éloigné de Clermont-Ferrand et il le sera encore plus de Lyon. C’est un véritable problème, dont nous sommes conscients. Toutefois, le fait d’être intégré à une grande région puissante et riche devrait vous permettre de bénéficier de retombées économiques et financières. (M. Jacques Mézard manifeste son scepticisme.)

Monsieur Bouvard, j’ai parlé tout à l'heure des identités régionales : l’identité savoyarde existe, et personne ne la remet en cause.

Vous partagez l’objectif, évoqué par Hervé Gaymard en juillet dernier, de fusionner les deux départements de Savoie,…

M. André Vallini, secrétaire d'État. … ce qui permettra aux Savoyards de peser davantage au sein de Rhône-Alpes et de mieux valoriser leurs atouts, notamment touristiques.

Or souvenez-vous que, au moment de la création de Rhône-Alpes, dans les années soixante, personne ne croyait à la cohérence d’une région s’étendant des portes de Genève, au bord du lac Léman, jusqu’à celles d’Avignon. S’il n’y a pas d’identité rhônalpine, il y a un dynamisme rhônalpin, une cohérence de la région Rhône-Alpes, qui avance et se développe par-delà les identités savoyarde, dauphinoise ou même provençale, au sud de la Drôme. (M. Michel Bouvard acquiesce.)

Il n’y a pas de contradiction. Les deux Savoie pourront évidemment continuer à se développer au sein de la nouvelle région Rhône-Alpes-Auvergne, et l’Auvergne, à mon avis, a tout à gagner à une union avec Rhône-Alpes.

Quant au département du Cantal, monsieur Mézard, nous sommes conscients, je le redis, de l’existence d’une problématique particulière, qui rejoint d’ailleurs celle de la plupart des départements situés aux frontières des futures grandes régions, a fortiori s’ils sont enclavés et ruraux. Comme vous le savez, des dispositions vont être prises – le Gouvernement l’a donné à entendre – pour adapter la future architecture administrative à la spécificité des départements ruraux. Il en a notamment été question lors des discussions entre le Premier ministre et le président de votre parti, M. Jean-Michel Baylet.

Mme la présidente. La parole est à M. Henri Tandonnet, pour explication de vote.

M. Henri Tandonnet. Je me fais ici le porte-parole de mes collègues Gérard Roche, sénateur de Haute-Loire, et Pierre Jarlier, sénateur du Cantal.

La fusion entre Rhône-Alpes et l’Auvergne peut constituer une réelle chance pour cette dernière. La nouvelle région se classera au deuxième rang en France et au sixième en Europe. Mes collègues tiennent à rappeler que beaucoup d’acteurs économiques, de nombreuses collectivités souhaitent cette fusion.

Il faut saisir cette opportunité de mettre en réseau la région Auvergne et la ruralité avec une métropole. C’est le meilleur moyen d’unir de façon plus forte les secteurs métropolitains, où se crée aujourd’hui l’essentiel des richesses, et les territoires ruraux, qui disposent eux aussi de nombreux atouts, mais doivent pouvoir bénéficier d’une forte solidarité pour être en mesure de les valoriser. Opposer aujourd’hui les métropoles à la ruralité ne profiterait qu’aux territoires urbains les plus riches et pourrait être fatal aux territoires ruraux, qui souffriraient encore plus de leur isolement.

Une telle opposition n’a plus de sens : ces territoires, certes très différents, doivent être conçus comme complémentaires au sein d’une vraie stratégie d’aménagement du territoire, de dimension régionale. C’est à ce prix qu’une réelle solidarité territoriale pourra se mettre en place.

Quelle est cette fameuse solidarité que les élus ruraux appellent de leurs vœux ? Elle doit permettre un juste équilibre entre le développement des métropoles et celui des massifs, qu’il s’agisse des Alpes ou d’une grande partie du Massif central.

Ce qui est certain, c’est que même si nous conservons les compétences de solidarité territoriale aux seuls départements, ce qui serait en soi légitime, les plus pauvres d’entre eux ne seront pas en mesure d’assurer cette mission essentielle, visant à garantir un aménagement équilibré du territoire.

C’est bien au sein de grandes régions que pourront être mis en œuvre politiques spécifiques de montagne, grandes infrastructures, équipements et projets structurants ; ils trouveront leur place dans les schémas régionaux d’aménagement du territoire.

Voilà une belle occasion, pour les territoires les plus ruraux, les plus isolés, de rompre avec un sentiment d’abandon trop souvent ressenti actuellement, en mobilisant les capacités d’action de cette future grande région Rhône-Alpes-Auvergne.

Mes deux collègues n’éprouvent aucune crainte : cette fusion constitue une opportunité de développement, mais elle sera surtout ce que les élus en feront.

Le groupe UDI-UC votera contre ces deux amendements, dont l’adoption isolerait l’Auvergne. Je rappelle que mon collègue Jarlier est un élu du nord du Cantal.

M. Jacques Mézard. Eh oui, du nord !

Mme la présidente. La parole est à Mme Michèle André, pour explication de vote.

Mme Michèle André. On dit que les gens heureux n’ont pas d’histoire. Ils débattent tranquillement, sans se répandre dans la presse nationale. C’est ce qu’il s’est passé en Auvergne, lorsque la proposition d’une union avec Rhône-Alpes a été avancée.

Certes, j’ai bien entendu notre collègue Mézard indiquer que le président Souchon avait peut-être, initialement, une autre idée, celle de constituer une grande région Massif central. Mais ce projet n’est plus d’actualité, et nous savons bien que le Massif central est autant une barrière qu’un facteur commun pour les territoires concernés.

Les parlementaires et les membres du conseil général du Puy-de-Dôme, département qui regroupe environ la moitié de la population de la région Auvergne, ont mené avec René Souchon une réflexion, à laquelle se sont associés Pierre Jarlier, Gérard Roche et le nouveau maire de Clermont-Ferrand, Olivier Bianchi. Nous avons vu tout l’intérêt qu’il y avait à s’insérer dans ce nouvel espace. Il n’est d’ailleurs pas si nouveau que cela : chez nous, les jeunes, lorsqu’ils veulent voir un beau match de football, n’hésitent plus à se rendre à Saint-Étienne ou à Lyon. Par l’autoroute, cela va vite ; la situation est moins favorable pour le train, mais je suis certaine que nous l’améliorerons.

Je suis donc un peu étonnée d’entendre parler d’annexion… (Mme Cécile Cukierman s’exclame.) Je suis également étonnée d’entendre notre collègue Bouvard dire que nous avons besoin de solidarité. Ce n’est pas parce qu’ils sont discrets que les Auvergnats sont pauvres ! Clermont-Ferrand est la capitale d’une région où se trouvent la manufacture Michelin, Limagrain, et où le secteur agricole se porte bien. Vous savez très bien que nous ne sommes pas une région pauvre ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. Bruno Retailleau. Et c’est la présidente de la commission des finances qui parle !

Mme Michèle André. Certes, la ruralité tient une place importante dans nos territoires, et je sais bien qu’il n’est déjà pas aisé de se rendre d’Aurillac à Clermont-Ferrand. (M. Jacques Mézard opine.) Cependant, laisser l’Auvergne isolée ne résoudrait rien. Il est clair qu’il faudra améliorer les infrastructures.

Mme Michèle André. Nous, parlementaires du Puy-de-Dôme ou de l’Allier – Vichy est tout proche de Lyon –, estimons que Clermont-Ferrand et son agglomération peuvent représenter un pôle d’équilibre, au sein de la nouvelle région, en face de Grenoble, sans que cela enlève rien aux deux Savoie. Notre identité ne pâtira pas non plus de la fusion. Nous resterons ce que notre histoire a fait de nous.

Il y a déjà des échanges entre les universités, les hôpitaux des deux régions, qui relèvent en outre de la même zone de défense. Doit-on craindre que Lyon ne devienne trop puissante ? Non, bien évidemment ! Il s’agit simplement de nous inscrire ensemble dans une même dynamique.

En conclusion, j’appelle à ne pas voter ces deux amendements.

Mme la présidente. La parole est à Mme Éliane Giraud, pour explication de vote.

Mme Éliane Giraud. Je voudrais simplement dire à Michel Bouvard, avec qui j’ai beaucoup travaillé et travaille encore, que l’idée alpine perdurera. Elle n’est pas remise en cause par le travail qu’accomplit Jean-Jack Queyranne à la tête du groupe d’intérêt public du Massif central, qu’il préside aujourd’hui, ayant succédé à René Souchon.

L’idée du Grand Genève est déjà en marche, notamment à travers le projet CEVA – Cornavin-Eaux-Vives-Annemasse –, qui vise à relier les réseaux ferroviaires du canton de Genève et de la Haute-Savoie. Jean-Jack Queyranne dit d’ailleurs souvent que Genève est l’autre capitale de Rhône-Alpes.

Je ne crois donc pas que les projets s’opposent. Au contraire, nous avons l’occasion de constituer, en fusionnant avec l’Auvergne, une région extrêmement attractive, en termes non pas de pouvoir, monsieur Mézard, mais d’atouts. En effet, elle comptera des métropoles importantes, des pôles de recherche de premier plan, de grandes universités, et son territoire sera très équilibré entre l’urbain et le rural, entre la montagne et la plaine. Avec trois massifs, nous pourrons les uns et les autres, élus nationaux et élus locaux, travailler sur les réalités du monde rural et de la vie en zones de montagne. Je ne nie pas, monsieur Mézard, que l’on éprouve dans certains territoires un sentiment d’éloignement : il en est ainsi parfois en Chartreuse, dont je préside le parc naturel régional.

Nous élus devons donc travailler à rapprocher les territoires et à renforcer la proximité, notion qui, à mon sens, ne se résume pas à une question de kilomètres ; bien plus largement, elle doit s’inscrire dans nos politiques.

Le travail de rapprochement qui a été engagé entre l’Auvergne et Rhône-Alpes est très respectueux de l’identité de chacun. Il est fondé sur la réciprocité. C’est dans cet esprit que nous entendons travailler tous ensemble, comme nous y incitent les deux présidents de région.

M. le secrétaire d’État l’a souligné, les identités perdureront ; elles aussi feront la force d’une nouvelle région puissante, dotée de moyens importants, visible à l’échelon international, où toutes les solidarités devront jouer, y compris au sein des départements. Dans l’Isère, par exemple, nous étudions comment renforcer la proximité.

Nous avons la responsabilité de construire une région inclusive, pour en faire progressivement, avec l’ensemble des acteurs économiques, des associations, des forces vives, un levier pour reconquérir des parts de marché, retrouver une dynamique économique, acquérir une visibilité à l’international.

Ce pari, j’ai envie de le prendre, avec les Auvergnats et l’ensemble des acteurs. Des synergies existent déjà : on a cité ViaMéca, Limagrain, mais je pense également, dans le secteur agricole, aux complémentarités entre les circuits courts et les cultures bio. Nous disposons de tous les éléments pour bâtir une très belle région, solidaire et dynamique. C’est en tout cas ce à quoi je compte m’atteler, avec vous aussi, monsieur Bouvard ! (Mme Patricia Schillinger applaudit.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Cécile Cukierman, pour explication de vote.

Mme Cécile Cukierman. J’entends bien les inquiétudes que suscite ce projet de fusion. Cela étant, il y aura toujours de la neige dans les Alpes, de l’aligot dans le Cantal ou de la fourme dans la Loire… Les spécificités territoriales demeureront quelle que soit la taille de la région, tout le monde en est convaincu.

En réalité, nous le savons tous, le problème tient au fait que ce texte, qui n’en dit pas beaucoup, sera suivi d’un autre qui affirme une volonté de renforcer la compétitivité et l’attractivité des territoires, passant par la constitution de régions plus fortes, sans que soit aucunement évoquée la correction des inégalités territoriales. Or, en l’occurrence, la fusion entre la région Rhône-Alpes et l’Auvergne en créera de très fortes !

À ce titre, monsieur le secrétaire d’État, permettez-moi de vous faire remarquer que lorsque vous évoquez les différents territoires de la région Rhône-Alpes, vous n’en citez pas un qui soit situé à l’ouest du Rhône. Pourtant, cette région comprend bien les départements de l’Ardèche et la Loire. Cet oubli est sans doute dû à un souci de concision…

M. André Vallini, secrétaire d’État. J’ai parlé de Saint-Étienne !

Mme Cécile Cukierman. Il est vrai que vous avez ensuite évoqué la position des maires des communes situées dans les territoires proches de l’Auvergne. Néanmoins, la vision géographique, très générale à mon avis, que vous venez de présenter ne rend pas compte de la réorientation des politiques régionales vers l’ouest de Rhône-Alpes, qui fut, je tiens à le souligner, une des réussites de la majorité régionale conduite depuis 2004 par Jean-Jack Queyranne. D’ailleurs, il n’est sans doute pas anodin que l’on s’accorde à nommer la future région, dans la presse régionale par exemple, « Rhône-Alpes-Auvergne » plutôt qu’« Auvergne–Rhône-Alpes », comme le voudrait l’ordre alphabétique, qui prévaut habituellement. Cela augure mal de la suite !

On est en droit de douter de l’efficacité d’une fusion envisagée dans la précipitation. Je le rappelais ce matin encore, un certain nombre d’administrations et de grands organismes ont anticipé le processus et se préparent à réduire leur présence dans certains territoires de la future grande région. En effet, ce projet de création d’une grande région intervient dans un contexte de baisse des dépenses publiques, de diminution des dotations aux collectivités territoriales, de grande incertitude. Vous dites que l’on verra après comment régler les problèmes. M. le ministre de l’intérieur déclarait hier soir que la confiance devait prévaloir entre le Parlement et le Gouvernement, mais permettez-moi tout de même de douter que ce texte, dans sa rédaction actuelle, ou celui qui suivra remédieront aux difficultés rencontrées par certains territoires…

Enfin, je ferai observer que ce projet de fusion, comme d’autres, n’a pas fait l’objet d’une consultation démocratique digne de ce nom. En outre, l’harmonisation des régimes indemnitaires des agents des deux collectivités posera des problèmes.

En conclusion, nous soutiendrons, là encore, les amendements tendant à s’opposer à la fusion projetée.

Mme la présidente. La parole est à M. Jacques Mézard, pour explication de vote.

M. Jacques Mézard. Je voudrais rappeler à M. le secrétaire d’État que le conseil régional d’Auvergne s’est prononcé par un vote sur la fusion avec la région Rhône-Alpes, projet qu’il a rejeté par quinze voix contre quatorze et dix abstentions. Si l’on suit le principe posé tout à l’heure par un de nos collègues, cela signifie sans doute que quatorze conseillers régionaux ne souhaitent pas voir renouveler leur mandat… (Sourires.)

Mme Cécile Cukierman. C’est un raccourci !

M. Jacques Mézard. Il faut, me semble-t-il, en revenir à la géographie. Vous vous contentez de nous dire, monsieur le secrétaire d’État, que, effectivement, nous avons un problème.

Mme Éliane Giraud. On va le régler !

M. Jacques Mézard. C’est cela ! Vous savez, nous n’avons pas pour habitude de croire n’importe quoi ! Cela fait des décennies que nous sommes confrontés à un problème qu’aucun gouvernement n’a voulu résoudre, parce que la population de notre territoire n’est pas suffisamment nombreuse ! Je n’ai rien contre Lyon, mais nous n’avons rien à voir avec cette métropole : nous sommes de l’autre côté des montagnes !

Mme Éliane Giraud. Il y a le droit d’option !

M. Jacques Mézard. Le droit d’option n’existe pas, chère collègue ; il est bloqué, nous le savons bien !

Que fera le Gouvernement ? Si vous m’aviez promis, monsieur le secrétaire d’État, dans votre grande sagesse, la résolution de notre problème d’enclavement, nous aurions pu discuter. Mais vous ne l’avez pas fait, et je sais que vous ne le ferez pas, puisque vous bloquez depuis deux ans le programme de modernisation des itinéraires routiers, le PDMI. Et l’abandon de l’écotaxe ne va pas arranger les choses…

Par conséquent, vous n’avez rien à nous proposer. Rien ! Vous vous bornez à reconnaître que nous avons un problème. Pour le reste, nous devrions nous estimer heureux de garder un conseil général, à la suite des discussions qui se sont tenues entre le Premier ministre et le président Baylet ! Eh bien non, nous ne pouvons pas être heureux avec de telles méthodes antidémocratiques – je l’affirme –, qui ne tiennent pas compte des réalités géographiques, humaines, économiques et sociales ! Je sais bien que la situation de mon territoire ne vous empêchera pas de dormir, monsieur le secrétaire d’État, mais nous n’avons pas la chance de mon collègue élu de Saint-Flour, qui voit l’autoroute passer sous ses fenêtres et est lui aussi tout à fait indifférent aux difficultés que rencontrent la préfecture et les trois quarts du département…

Face à un vrai problème, il faut proposer des solutions. Or vous ne m’en présentez aucune, monsieur le secrétaire d’État. Telle est la réalité !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. André Vallini, secrétaire d’État. Madame Cukierman, il est vrai que j’aurais dû parler tout à l’heure, outre de Saint-Étienne, du Forez et de l’identité forézienne.

Monsieur Mézard, j’entends votre argumentation ; elle est tout à fait recevable et pertinente. Je connais, je le répète, le problème de l’enclavement du sud du département du Cantal. Cependant, vous dites vous-même que, depuis quarante ans, rien n’a été fait pour y remédier, ni par l’État, ni par la région Auvergne,…

M. Jacques Mézard. Tout à fait !

M. André Vallini, secrétaire d’État. … ni même par le conseil général, ou si peu.

M. Jacques Mézard. Malheureusement !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Dans ces conditions, plutôt que de défendre le statu quo, pourquoi ne pas saisir la chance de vous intégrer dans une grande région plus riche ? Monsieur Mézard, vous dites vous-même que les choses vont très mal aujourd’hui.

M. Jacques Mézard. Elles peuvent aller encore plus mal !

M. André Vallini, secrétaire d’État. Qui vous dit qu’elles iront encore plus mal ? Je crois vraiment à la chance que peut représenter, pour tout le Cantal, l’appartenance à une grande région puissante et plus riche.

M. Jacques Mézard. Vous ne prenez aucun engagement !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Comment pourrais-je prendre des engagements au nom des futurs élus régionaux, qui auront à répartir les crédits entre les départements ?

Je le répète, c’est une chance à saisir pour tout le Cantal. Je fais confiance à tous les élus du sud du Cantal pour se faire entendre dans la grande région Rhône-Alpes-Auvergne.

M. Jacques Mézard. Nous n’aurons pratiquement pas d’élus !

Mme la présidente. La parole est à M. Michel Bouvard, pour explication de vote.

M. Michel Bouvard. Je prends acte, monsieur le secrétaire d’État, de l’accueil positif réservé par le Gouvernement au projet de fusion des deux départements savoyards, qui est pour nous très important. En plus d’être vecteur d’économies, la fusion nous permettra de recevoir demain, de la part de la région, des délégations de compétences sur des sujets qui nous concernent directement.

Par ailleurs, je regrette que Mme André ait pu considérer comme blessant que je parle de solidarité ; ce n’était surtout pas mon intention ! Je pense simplement que la solidarité a vocation à s’exercer aussi bien à l’échelon national qu’au plan régional. Cela étant, il faut aussi prendre en compte les charges de chacun des territoires, ainsi que la réalité de leur géographie. Nous n’allons pas aborder ici, car ce n’est pas le lieu, la question de la gouvernance des régions, mais si les élus alpins avaient été associés au débat entre les présidents des régions Rhône-Alpes et Auvergne, au travers de la conférence des exécutifs régionaux, cela aurait pu aider à la bonne compréhension de ce projet par tous. (Mme Éliane Giraud marque son approbation.)