Mme la présidente. Je mets aux voix les amendements identiques nos 4 rectifié bis et 20 rectifié.

J'ai été saisie d'une demande de scrutin public émanant du groupe de l'UDI-UC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable, de même que l’avis du Gouvernement.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 8 :

Nombre de votants 345
Nombre de suffrages exprimés 334
Pour l’adoption 34
Contre 300

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisie de quatre amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

Les deux premiers amendements sont identiques.

L'amendement n° 3 est présenté par M. Vaugrenard, Mme Meunier et M. Raoul.

L'amendement n° 67 rectifié est présenté par M. Zocchetto, Mmes Doineau, Billon et Gatel et M. Kern.

Tous deux sont ainsi libellés :

I. – Alinéa 9

Rédiger ainsi cet alinéa :

« – Bretagne et Pays de la Loire ;

II. – En conséquence, alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour présenter l'amendement n° 3.

M. Yannick Vaugrenard. Une large majorité semble se dégager, au sein de la Haute Assemblée, pour s’accorder sur la nécessité, eu égard à l’élargissement de l’Union européenne, d’avoir de grandes régions. Les difficultés commencent quand on aborde la question de leur délimitation…

Le rapport Raffarin-Krattinger, auquel il est souvent fait référence, se bornait d’ailleurs à affirmer qu’il convenait de ramener à huit ou à dix le nombre des régions, sans préciser leurs contours. C’est pourquoi j’aurais apprécié que notre collègue Jean-Pierre Raffarin fasse preuve ce matin d’un peu plus d’humilité.

J’évoquerai maintenant l’union des régions Bretagne et Pays de la Loire, qui me paraît nécessaire pour trois raisons.

D’abord, avec l’extension vers l’est de l’Union européenne, le caractère périphérique de ces régions se trouve aggravé. L’union des régions Bretagne et Pays de la Loire s’impose donc pour réaliser des infrastructures routières, ferroviaires ou aéroportuaires permettant de nous rapprocher de l’est de la France et du centre de l’Europe.

Ensuite, ces deux régions ont depuis de nombreuses années la bonne habitude de travailler ensemble, dans les domaines de l’agroalimentaire, de la pêche, des énergies marines et renouvelables ou encore de la formation : la première université commune à la Bretagne et aux Pays de la Loire ouvrira ses portes au mois de janvier 2016. Je pourrais également évoquer les interventions conjointes auprès de la Commission européenne ou du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER. Il conviendrait de renforcer encore cette coopération !

Enfin, une telle fusion correspond aux souhaits des acteurs économiques et des populations concernées. Selon un sondage récent, 42 % des Ligériens y sont favorables, quand 3 % seulement souhaitent une union avec la région Poitou-Charentes et 2 % penchent pour un rapprochement avec la région Centre.

Au demeurant, MM. Jean-Marc Ayrault et Edmond Hervé, anciens maires respectivement de Nantes et de Rennes, ont très longtemps œuvré de concert sur des projets communs aux deux régions. Quant aux maires nouvellement élus de ces deux villes, de Brest ou de Saint-Nazaire, ils se sont prononcés en faveur de la fusion entre les régions Bretagne et Pays de la Loire.

Sentant poindre le statu quo, je souhaiterais que nous prenions le temps de réfléchir à une telle union. Peut-être sera-t-il ensuite pertinent, voire indispensable, d’envisager la constitution d’un véritable espace régional de dimension européenne incluant le Val de Loire. Cessons de jouer « petit bras » !

Mme la présidente. La parole est à Mme Élisabeth Doineau, pour présenter l'amendement n° 67 rectifié.

Mme Elisabeth Doineau. Comme beaucoup, dans cet hémicycle et ailleurs, je regrette l’improvisation et la précipitation dont le Gouvernement a fait preuve sur un sujet aussi déterminant pour l’avenir de notre pays.

À mon sens, cette carte des régions subit des vicissitudes rocambolesques dignes du père Ubu, né sous la plume d’Alfred Jarry, auteur mayennais.

À vrai dire, nous sommes tous en train de faire de la pataphysique, discipline répondant au principe suivant : « Je m’applique volontiers à penser aux choses auxquelles je pense que les autres ne penseront pas. »

Je vais donc, à mon tour, défendre un amendement tendant à définir un périmètre différent de celui qui a été proposé par le Gouvernement, différent aussi de celui qui a été établi par l’Assemblée nationale.

Je souhaite la fusion de la Bretagne et de la région Pays de la Loire. Mais soyons clairs : non pas un cinquième ou deux cinquièmes des Pays de la Loire, mais bien l’ensemble de la région. Il s’agit d’ajouter l’intégralité des Pays de la Loire à l’intégralité de la Bretagne. Plus qu’un amendement, c’est un plaidoyer !

Cette proposition se fonde d’abord sur nos réussites respectives, sur de remarquables bilans et sur des liens tissés depuis plus de trente ans. Elle se fonde ensuite sur près de 400 mutualisations et coopérations, qui ont d’ailleurs fait l’objet d’un inventaire détaillé par le conseil économique, social et environnemental régional des Pays de la Loire. Elle se fonde enfin sur des réalités humaines, sociales et économiques partagées par les femmes et les hommes de l’Ouest.

Je ne me lancerai pas dans une énième énumération des arguments en faveur d’un tel rapprochement, dont mon collègue Yannick Vaugrenard a très bien montré l’intérêt. Chacun peut d’ailleurs consulter les nombreux rapports et études plaidant en ce sens.

Ainsi, tout nous rapproche. Nos obligations doivent s’énoncer clairement et simplement. Volonté, sincérité et identités : inscrivons ces mots, telle une devise, au fronton de nos ambitions. Volonté de réussir, de parier sur notre capacité à défier les difficultés d’un marché économique mondial chaotique ; sincérité de nos intentions, de nos engagements et de nos idéaux, autour de nos identités plurielles assumées.

La fusion de la Bretagne et des Pays de la Loire se justifie donc pleinement. Mes chers collègues, je vous invite à écrire ensemble l’histoire contemporaine de nos deux régions, en adoptant cet amendement. (M. Jean-Marie Bockel applaudit.)

Mme la présidente. L'amendement n° 132, présenté par MM. Guerriau et Canevet, Mme Gatel et MM. Paul et Cadic, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 9

Compléter cet alinéa par les mots :

et le département de la Loire-Atlantique

II. – En conséquence, alinéa 17

Compléter cet alinéa par les mots :

, sauf le département de la Loire-Atlantique

La parole est à M. Michel Canevet.

M. Michel Canevet. Nous aurions préféré que l’élaboration de la nouvelle carte des régions procède d’une autre démarche. Malheureusement, tel n’a pas été le choix du Gouvernement. Nombre d’orateurs avant moi l’ont déploré.

Il nous revient donc de travailler sur la nouvelle carte en gardant à l’esprit que les populations concernées n’ont pas été associées aux choix opérés. Il eût pourtant mieux valu les consulter, afin que la représentation nationale puisse élaborer une carte répondant à leurs aspirations.

La Normandie, qui va enfin être réunifiée, et l’Alsace ont obtenu satisfaction. J’espère également qu’une région Sud-Ouest répondant aux attentes des habitants de cette partie du pays verra le jour.

Pour ce qui concerne l’Ouest, les deux options en débat sont l’union des régions Bretagne et Pays de la Loire et la reconstitution de la Bretagne de toujours, par adjonction de la seule Loire-Atlantique. C’est ce choix que je défends.

Avec 4,6 millions d’habitants, la nouvelle région Bretagne à cinq départements aurait une taille tout à fait satisfaisante, puisqu’elle se classerait au vingt-deuxième rang européen. Elle aurait en outre beaucoup de sens pour ses habitants, dont bon nombre expriment depuis des décennies, via des enquêtes d’opinion ou les vœux des collectivités, leur souhait de voir la Bretagne réunifiée.

Par ailleurs, la Bretagne ainsi réunifiée deviendrait la première région maritime de France. Or j’ai la conviction que la politique maritime peut être l’un des axes de développement de notre pays, permettant de créer des emplois et de trouver des ressources pour bâtir un avenir meilleur. Une telle politique pourrait être construite à l’échelon d’une Bretagne à cinq départements.

Enfin, un débat public se tient actuellement chez nous sur la desserte ferroviaire de la Bretagne : ce sujet concerne à la fois Rennes, Nantes et la Bretagne occidentale. Pour nous, il ne s’agit pas, en reconstituant la Bretagne historique, d’établir des frontières avec nos voisins : nous pourrons mettre en place des coopérations avec d’autres régions.

Mme la présidente. L'amendement n° 26, présenté par MM. Germain, Filleul, Lorgeoux et Sueur, est ainsi libellé :

I. - Alinéa 10

Compléter cet alinéa par les mots :

et Pays de la Loire

II. - En conséquence, alinéa 17

Supprimer cet alinéa.

La parole est à M. Jean Germain.

M. Jean Germain. Monsieur le secrétaire d'État, mon intervention sera un peu désespérée, mais pas résignée.

Je voudrais rappeler le principe d’unicité du peuple français, car, on le voit bien, lorsque les particularismes sont lâchés, tout va très vite ! Les habitants de la région Centre n’ont pas moins de droits que d’autres.

On nous explique à l’envi qu’il faut de grandes régions. Vous le savez, monsieur le secrétaire d'État, dans la région Centre, nous étions d’accord. Dans un premier temps, on nous a annoncé que nous fusionnerions avec le Poitou-Charentes et le Limousin.

M. Éric Doligé. Et l’Auvergne !

M. Jean Germain. Puis, à la suite d’un certain nombre d’interventions – je n’y reviendrai pas, un fantassin comme moi accepte pas mal de choses, même s’il n’oublie pas les combats ! (Sourires.) –, on nous a dit que nous pourrions peut-être nous unir avec les Pays de la Loire. Cette dernière région n’ayant pas voulu d’une telle union, nous nous retrouvons donc seuls…

Pourtant, on explique depuis maintenant de nombreux mois à l’ensemble de la population qu’il faut constituer de grandes régions. Pourquoi ? Parce que ! Mais nous, nous ne serons qu’une petite région… Ce n’est pas grave, nous dit-on : le Centre n’est ni l’Alsace, ni la Corse, ni la Bretagne, ce n’est pas une région importante, il ne sert qu’à fournir des recrues à quelques régiments d’infanterie en temps de guerre !

Je ne retracerai pas l’histoire de ma région depuis Jules César jusqu’à la Renaissance et au-delà, mais nous existons, monsieur le secrétaire d'État ! On ne peut pas nous traiter comme on l’a fait, au motif qu’il faut respecter les desiderata d’importantes personnalités politiques, qui elles ne veulent pas que leur région fusionne avec d’autres pour en former une grande…

Alors nous allons faire silence dans les rangs, comme on nous le demande, mais si je suis un peu désespéré, je ne suis pas résigné. En effet, nous avons pris contact avec un certain nombre de députés de Bretagne et des Pays de la Loire. Quelles que soient les réformes, la Loire continuera de couler du mont Gerbier-de-Jonc jusqu’à l’Atlantique. Nous pensons que, un jour, la Loire-Atlantique usera du droit d’option pour demander son rattachement à la Bretagne. Alors s’opérera sans doute une réunion de ce qui restera des Pays de la Loire avec la région Centre. Si cela ne se fait pas, la région Centre éclatera, là aussi par l’exercice du droit d’option.

Je sais que vous connaissez la situation, monsieur le secrétaire d'État, je sais que les choses ne sont pas faciles, mais les Corses, les Bretons et les Alsaciens ne sont pas seuls à avoir des droits. Nous aussi, nous sommes Français. En vertu de l’unicité du peuple français, nous demandons justice ! (MM. Jean-Jacques Filleul et Jacques Mézard applaudissent.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

M. François-Noël Buffet, rapporteur. La commission spéciale a émis un avis défavorable sur l’ensemble de ces amendements.

Je rappelle que, à l’occasion des débats en première lecture et des consultations qui ont été menées par mon prédécesseur, aucun consensus n’a émergé. Ainsi, la Bretagne ne souhaitait pas fusionner avec les Pays de la Loire, en tout cas pas avec l’intégralité de cette région… Quant à l’idée d’un rapprochement entre le Centre et les Pays de la Loire, avancée alors par la commission spéciale, elle n’a pas prospéré.

Au vu de cette situation, la commission spéciale a maintenu la carte telle qu’issue des travaux de l’Assemblée nationale et a émis un avis défavorable sur l’ensemble des amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. André Vallini, secrétaire d'État. Nous touchons là à un problème compliqué. Tous le sont, mais celui-ci l’est particulièrement.

Le Gouvernement est défavorable à l’ensemble de ces amendements. Néanmoins, il pense, comme les sénateurs Vaugrenard et Germain, que les choses ne sont pas figées pour toujours.

Aujourd'hui, la fusion entre les Pays de la Loire et la Bretagne n’est pas suffisamment consensuelle pour être adoptée. Il en va de même pour le rattachement de la Loire-Atlantique à la Bretagne. Quant à la région Centre, c’est à bon droit qu’elle s’interroge sur son avenir. Comme vous, monsieur le sénateur Vaugrenard, nous pensons qu’il faut procéder par étapes. Comme vous, monsieur le sénateur Germain, nous croyons que le droit d’option pourrait s’exercer dans les années à venir et que la situation évoluera, peut-être plus vite que certains ne l’imaginent.

Cependant, pour l’heure, le Gouvernement pense préférable d’en rester aux trois régions actuelles.

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche, pour explication de vote sur les amendements identiques nos 3 et 67 rectifié.

Mme Catherine Deroche. Je m’exprimerai en tant que représentante du Maine-et-Loire et élue ligérienne.

J’ai entendu les propos de mes collègues Yannick Vaugrenard et Élisabeth Doineau. Je partage d’ailleurs leur vision des liens existant entre les Pays de la Loire et la Bretagne. Les enquêtes le montrent, notamment une récente étude du CESER, de tous les liens que les Pays de la Loire ont pu nouer avec d’autres régions, ce sont ceux avec la Bretagne qui sont le plus forts, même s’il ne faut nullement négliger ceux nous unissant à la région Poitou-Charentes ou, dans certains domaines, à la région Centre.

Je suis également d’accord avec mes collègues pour souhaiter que les Pays de la Loire ne soient pas démembrés ni démantelés. Nous élus du Maine-et-Loire sommes attachés à la préservation de l’unité d’une région qui s’est construite au fil des années et qui fonctionne bien. Elle a désormais une identité assez forte.

Si c’est donc avec la Bretagne que les liens sont le plus forts, je ne voterai néanmoins pas ces amendements, car mon groupe a adopté une position claire : celle de s’en tenir à la décision de la commission spéciale, dont François-Noël Buffet a bien retracé la réflexion, tant en première lecture qu’en deuxième lecture.

Cela étant, ce n’est pas une raison suffisante : je ne voterai pas ces amendements surtout parce que ne se manifeste pas une volonté unanime de la Bretagne de fusionner avec les Pays de la Loire. Je ne vois pas l’intérêt de contracter un mariage forcé avec une région qui ne veut pas forcément de nous, hormis certains élus.

Par ailleurs, ce point a été souligné tout au long du débat, les choses ont été faites à l’envers. La démarche engagée s’apparente à une mayonnaise dont les ingrédients auraient été mélangés en dépit du bon sens et qui, de ce fait, ne prend pas ! Tant que nous n’aurons pas examiné le texte relatif aux compétences des régions et des départements, il me semble prématuré de s’engager dans une fusion.

Mme la présidente. La parole est à M. Yannick Botrel, pour explication de vote.

M. Yannick Botrel. Je trouve la démarche des auteurs de ces amendements assez curieusement unilatérale. Jusqu’à aujourd'hui, il n’y a pas eu véritablement de négociation entre les deux régions ; je me garderai de parler d’« annexion », car je déteste les termes excessifs. Quoi qu’il en soit, les propos que je viens d’entendre me donnent le sentiment d’une improvisation à peu près totale. Çà et là, en Bretagne, des individualités ont pu manifester leur intérêt pour un rapprochement avec les Pays de la Loire, mais elles sont loin de représenter l’opinion majoritaire dans la région.

Beaucoup de questions se posent. Quelques-unes ont été évoquées par notre collègue Canevet. En particulier, que deviendrait l’extrémité de la péninsule dans le cas d’un rapprochement entre les deux régions ? Un problème de périphéricité se pose en Bretagne. Par ailleurs, des territoires du centre de la Bretagne ont besoin de la solidarité régionale, singulièrement dans la période de crise économique que nous traversons.

Dès lors, puisqu’il n’y a pas eu de discussions approfondies, tout ce qui est proposé relève d’une improvisation dangereuse. Ne nous exposons pas au même reproche que celui qui est adressé au Gouvernement, à savoir d’avoir redessiné la carte des régions sur un coin de table. Il ne faudrait pas que le rapprochement entre nos deux régions se fasse selon la même méthode, de manière impromptue.

Concernant toujours la méthode, j’ai été un peu étonné de voir le président des Pays de la Loire se tourner dans un premier temps vers la région Poitou-Charentes, avant de solliciter la région Centre, puis d’achever sa danse nuptiale en Bretagne ! Cela semble signifier qu’aucune solution ne s’impose spontanément, dans cette partie de la France, pour former une grande région : si le président des Pays de la Loire a adopté une telle attitude, c’est qu’il considérait qu’il y avait d’autres possibilités que la fusion avec la Bretagne. Dans ces conditions, j’estime que la proposition qui nous est faite au travers de ces amendements tient de l’OPA inamicale !

On a beaucoup parlé d’économie et de démographie. Il est exact qu’il existe des coopérations entre les régions, qui se poursuivront quoi qu’il arrive. De même, certaines réalités sont indéniables, telle l’expansion géographique des aires d’influence de Rennes et de Nantes, qui désormais ne sont plus séparées que par dix kilomètres, celle de Nantes remontant le long de la côte Atlantique jusqu’à Vannes, ville qui est en lien avec Rennes. On assiste ainsi à une métropolisation de l’est de la Bretagne.

On a aussi parlé de démocratie. Pour ma part, je constate que la majorité du conseil régional de Bretagne est défavorable à une fusion avec les Pays de la Loire. Quant à la population bretonne, si elle n’a pas été consultée, les sondages reflètent l’existence d’un fort sentiment régional en son sein, même s’il est sans exclusive, l’identité bretonne étant une identité ouverte.

Enfin, puisque l’on a beaucoup parlé d’histoire, je rappellerai que la Bretagne est la seule province française dont les limites aient été intégralement respectées quand les départements ont été constitués, à la fin de 1789 et au début de 1790. Cela étant, concernant la proposition d’un rapprochement entre la Bretagne et la Loire-Atlantique, même si je rejoins les propos de mon collègue Michel Canevet, il me semble que, en l’état, son amendement a fort peu de chances de prospérer. Il faudrait d’abord que la Loire-Atlantique manifeste clairement une volonté de fusion. Or ses élus, à ce jour, ne se sont pas exprimés en ce sens. Peut-être cela viendra-t-il ? Il ne faut pas insulter l’avenir… Sur ce point, je rejoins tout à fait notre collègue Jean Germain. Tout en déplorant, à titre personnel, qu’un accord de la Loire-Atlantique pour rejoindre la Bretagne ne se soit pas fait clairement entendre, je considère que l’avenir nous appartient.

J’appelle à débattre sans précipitation. Des élections se tiendront dans quelques mois. Je l’ai dit hier à la tribune, nous aurions tout intérêt, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission spéciale, à fluidifier le droit d’option, qui aujourd'hui n’est pas facile à mettre en œuvre par les départements.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Yannick Botrel. Il convient de le rendre opérationnel en desserrant le carcan, car c’est un outil qui peut nous permettre de régler positivement le cas qui nous occupe.

Mme la présidente. La parole est à M. Éric Doligé, pour explication de vote.

M. Éric Doligé. Voilà vingt-quatre heures que nous avons entamé l’examen de l’article 1er et que j’attends de prendre la parole en écoutant avec attention ce débat passionnant.

M. Jean-Jacques Hyest, président de la commission spéciale. Vous vous êtes déjà exprimé à de nombreuses reprises !

M. Éric Doligé. Pas depuis hier, monsieur Hyest ! Je sais que cela vous manque ! (Sourires.)

Ceux qui veulent se marier ont avancé d’excellentes raisons pour cela, tout comme ceux qui ne veulent pas se marier ; mais, au final, il y aura beaucoup de frustration, puisque rien de ce qui est souhaité par les uns ou les autres ne se fera.

Une carte a été préparée par le Président de la République, la commission spéciale a essayé d’en dessiner une autre et de s’y tenir. Si l’on adopte le moindre amendement, plus rien ne tiendra ! Dès lors, la frustration est générale…

En tout cas, quel beau piège que ce texte ! Chacun intervient de façon pertinente, mais, en définitive, on ne peut donner satisfaction à qui que ce soit.

Le Président de la République a dû éprouver un plaisir immense à dessiner cette carte des régions avec ses crayons de couleur, même s’il a dû effectuer quelques corrections pour tenir compte de remarques formulées par certaines personnalités d’importance. Cependant, cette carte est totalement inapplicable faute de vision et d’autorité, comme l’a dit tout à l’heure M. Raffarin. Nous sommes donc dans le brouillard.

Cela m’amuse d’entendre certains déclarer vouloir se marier avec telle ou telle région, sans savoir comment les compétences seront réparties. Dès lors que la corbeille de la mariée est vide, je ne vois pas l’intérêt d’envisager un mariage.

Nous sommes tombés dans le piège qui nous était tendu ! Tout à l’heure, lors des questions d’actualité, j’ai entendu un membre du Gouvernement évoquer la marque de fabrique du Président Hollande : le présent texte la porte… Le Président Hollande a fait sa propre synthèse et la carte qu’il a établie sème la pagaille, parce qu’il ne peut en aller autrement.

Concernant la région Centre, j’ai conservé toute une pile de coupures de presse. Au début, on a voulu nous marier avec l’Auvergne. Le président de la région a trouvé l’idée formidable : les sources de la Loire se trouvant en Auvergne, il y avait donc une continuité. Manque de chance, ces sources ne sont pas en Auvergne… Mais ce n’est pas grave !

Ensuite, on a projeté de nous marier avec le Limousin et Poitou-Charentes. Voilà qui fera une belle région ! Mais finalement, le Limousin et le Poitou-Charentes ont dit qu’ils ne voulaient pas de la région Centre… Puis les Pays de la Loire, sollicités, nous ont dit oui à 2 % ! Dans ces conditions, le mariage promettait de ne pas durer longtemps.

En conclusion, tout le monde nous a rejetés, et nous sommes restés tout seuls. Finalement, nous sommes très bien ainsi ! On en est revenu au point de départ, la seule évolution étant que la région s’appellera désormais, aux termes de l’article 2, Centre-Val-de-Loire. Cela valait tout de même le coup d’élaborer ce texte pour ça ! C’est vraiment du beau travail ! Plus sérieusement, quel gâchis que de passer autant de temps à élaborer des propositions pertinentes de grande qualité pour en arriver à cette unique grande décision, que l’on va pouvoir vendre à toute la presse : le Centre devient le Centre-Val-de-Loire, sans que ses contours soient modifiés !

Je trouve que la démarche suivie est véritablement machiavélique. Les ministres doivent rire en leur for intérieur. Ils patientent, sachant que, au bout du compte, il ne sortira pas grand-chose de ces trois jours de débats. C’est assez décevant.

J’espère simplement que l’on va progresser sur la question du droit d’option : ce sera peut-être la petite ouverture qui nous permettra de croire encore à la possibilité d’une évolution. Espérons que la discussion du texte relatif aux compétences nous permettra d’entrevoir enfin le bout du tunnel.

Mme la présidente. La parole est à M. Ronan Dantec, pour explication de vote.

M. Ronan Dantec. Ce matin, quand je me suis exprimé sur l’Alsace, j’ai expliqué que j’envisageais la question avec un certain détachement, n’y ayant pas d’intérêt spécifique. Il en va autrement à cet instant puisque, voilà un peu plus d’un quart de siècle, je vivais mes premiers enthousiasmes militants en présidant le comité pour l’unité administrative de la Bretagne. On se posait alors les mêmes questions qu’aujourd’hui, exactement dans les mêmes termes… Cela me fait tout de même un peu sourire.

La crédibilité de cette réforme s’est fracassée sur l’ouest de la France. Nous assistons à un véritable bal des hypocrites !

Le ministre nous a expliqué que garder en l’état les trois régions Bretagne, Pays de la Loire et Centre n’avait strictement aucun sens, mais que l’État n’avait pas le courage d’en faire plus et qu’un jour, peut-être, entre demain et cinquante ans, on trouverait enfin la solution…

Je suis d’accord avec Jean Germain : on s’est tout de même un peu payé la tête de la région Centre, qui s’appellera donc désormais Centre-Val-de-Loire. On aurait peut-être pu la baptiser « variable d’ajustement », ce nom aurait assez bien correspondu à la réalité de ce qui s’est passé ces dernières semaines.

L’État, faute de méthodologie, n’a pas fait jouer son autorité, pour reprendre le mot de Jean-Pierre Raffarin. Si l’État considérait que nous devions aboutir à une carte des régions à peu près équilibrée, il fallait qu’il pose quelques règles et que, surtout, il annonce qu’il imposerait sa solution si nous ne réussissions pas.

L’État ayant estimé que l’on ne devait pas trop contrarier un ministre de la défense – il dispose des commandos de marine ! –, l’idée que la Bretagne ne bougerait pas a très vite prévalu.

Par ailleurs, en face, dans les Pays de la Loire, beaucoup vont maintenant nous jurer, la main sur le cœur, qu’ils voulaient absolument la fusion avec la Bretagne. Or les mêmes, depuis vingt-cinq ans, consacrent énormément d’énergie à empêcher que cette fusion puisse se faire… Un tel niveau d’hypocrisie collective me laisse stupéfait !

Depuis des années, le président Auxiette tient un discours anti-breton incroyable : tous les poncifs sur l’identité bretonne, qui serait un repli sur soi, y sont passés. Comment voulez-vous faire la fusion avec des gens qui ne cessent de dénigrer les Bretons ? Il est tout de même difficile d’y parvenir sur de telles bases !

Je suis tout aussi critique à l’égard de l’attitude de mes amis bretons, qui se montrent incapables d’admettre qu’une partie de l’avenir de l’ouest breton tient au lien fort qui unit celui-ci à la métropole de Bretagne sud et capitale historique de la Bretagne qu’est Nantes.

Le débat, tel qu’il est posé, constitue un moment politique important et assez triste pour l’Ouest, en ce qu’il marque un effondrement de la capacité collective à porter un projet. Mes propos sont extrêmement sévères, parce que je crois que c’est vraiment ce à quoi nous assistons aujourd’hui.

Les uns et les autres invoquent ensuite le droit d’option, en nouant des alliances un peu étonnantes. J’ai ainsi vu passer une proposition visant à réunir la région Centre et l’ouest breton, en passant par-dessus les Pays de la Loire… On invente toutes sortes de choses qui n’ont strictement aucun sens. Je crois qu’il nous faut réagir collectivement devant cette impasse, cette incapacité à mener un projet collectif. Il faut peut-être redonner la parole au peuple, mais ceux-là mêmes qui prônent la fusion voteront contre toute capacité d’initiative référendaire et limiteront l’exercice du droit d’option, parce que celui-ci les tétanise. Les incohérences vont donc se poursuivre, dans l’attente de l’émergence d’une vision partagée.