M. Jean-Baptiste Lemoyne. Nous devons réfléchir sur ce point : la seule logique incitative nous permettra-t-elle de répondre aux enjeux de la desserte en soins ? Je m’interroge.

Évoquons le cas de l’Yonne, que je connais comme vous, madame la ministre. Désormais, même dans des villes comme Sens, les départs à la retraite de médecins ne sont pas compensés.

Quant à la situation en milieu rural, elle devient purement et simplement alarmante en de nombreux endroits. Il est urgent de réfléchir à des mesures qui, pour celles et ceux qui choisiront de s’engager dans cette belle et noble carrière en toute connaissance de cause, introduiront peut-être de légères contraintes. Je le sais, ce point fait débat sur toutes les travées, selon des clivages qui ne sont pas politiques, mais qui tiennent à l’appréciation des uns et des autres et à leur vécu. En tout cas, ce débat n’est pas mineur.

M. Jean Desessard. Et le numerus clausus ?

M. Jean-Baptiste Lemoyne. Je vous signale, en outre, la crainte de certains médecins quant à l’augmentation du poids de la gestion bureaucratique qu’entraînera l’extension du tiers payant. Cette mesure mobilisera du temps par individu et des coûts qui s’apparentent à des transferts de charges. Je tenais à vous faire part de ce retour du terrain.

J’en viens maintenant à un sujet qui, malheureusement, est trop souvent traité à travers le prisme médiatique des bons et des méchants : la fiscalité du tabac et de la situation des buralistes, véritables agents de service au public en milieu rural.

En effet, nous aurons à débattre d’un amendement introduit à l’Assemblée nationale par Mme Delaunay, visant à augmenter significativement le prix des cigarillos. En milieu rural, cette mesure me fait craindre une explosion de la consommation en dehors du circuit autorisé, qui mettrait encore plus en péril la position des buralistes. Or ceux-ci sont souvent le dernier commerce subsistant en milieu rural.

Je ne méconnais pas les impératifs de santé publique, que nous partageons tous depuis de nombreuses années, mais nous devons absolument légiférer sur ce sujet d’une main tremblante.

Tels sont les points sur lesquels je souhaitais appeler l’attention du Gouvernement et de la Haute Assemblée au moment où nous allons entrer de plain-pied dans ce marathon budgétaire et où, dans la tradition du Sénat, nous attendons du Gouvernement, madame la ministre, un examen attentif des propositions émises par les sénateurs, sans que soit balayé d’un revers de main le travail accompli par les rapporteurs, par les membres de la commission des affaires sociales et par tous les autres membres de cette assemblée. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Éric Jeansannetas.

M. Éric Jeansannetas. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission des affaires sociales, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, je suis ravi de prendre la parole dans le cadre de l’examen de ce projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015, car le secteur médico-social, que j’entends ici évoquer et défendre, y tient une place particulièrement importante, démontrant une fois de plus que le Gouvernement en a fait une priorité.

En effet, ce texte apporte une traduction financière à la volonté et aux engagements des ministres, ainsi qu’aux travaux des nombreux parlementaires qui sont mobilisés, au quotidien, sur ces questions importantes.

Il ne s’agit pas seulement, en effet, de mesures budgétaires. En tant que conseiller général, je suis confronté, comme d’autres ici, à ces questions au quotidien. Elles sont cruciales, notamment cette année, au regard de deux textes majeurs : le grand chantier de l’autonomie, qui a été ouvert, et le futur projet de loi de santé publique. Les années 2014 et 2015 verront donc enfin se concrétiser des mesures majeures en faveur des personnes dépendantes.

Mes chers collègues, j’évoquerai ainsi devant vous, dans un premier temps, le financement ambitieux de ce volet médico-social, en insistant sur l’augmentation des ressources de la CNSA, la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie, et en particulier sur l’affectation de la CASA, la contribution additionnelle de solidarité pour l'autonomie. Puis, je vous démontrerai que ce projet de loi acte le financement pérenne de l’adaptation de la société au vieillissement de la population.

J’évoquerai donc, tout d'abord, la question du financement. Quelles réponses sont apportées aux besoins des personnes âgées et handicapées ?

Pour l’année 2015, le sous-ONDAM médico-social atteint 17,9 milliards d’euros, soit une progression de 2,2 %. Il s'agit d’une belle hausse, qui marque une volonté politique affirmée, et ce malgré les contraintes économiques et budgétaires que nous connaissons.

Outre cet apport, le volume des recettes fiscales de la CNSA devrait croître de 400 millions d’euros, l’agrégat CSG-CRDS-CSA abondant son budget de 4,2 milliards d’euros. Cette forte croissance s’explique en partie par l’affectation intégrale de la CASA à la CNSA. J’insiste sur ce point : cette ressource dynamique est cette année intégralement affectée à la CNSA.

Je profite de cette occasion pour saluer cette mesure tant attendue ces deux dernières années. L’affectation de la CASA a en effet été l’objet de vifs débats ; souvenez-vous, mes chers collègues, quand la CNSA a été confrontée à un afflux considérable de ressources destinées au financement du projet de loi sur la perte d’autonomie, un projet que nous attendions tous, qui avait été promis par tant de ministres de droite et qui a été mis en œuvre, enfin, par le Président de la République François Hollande.

Dans cette attente, en 2013 et en 2014, une fraction de la CASA avait été exceptionnellement fléchée par la loi de financement de la sécurité sociale vers le Fonds de solidarité vieillesse, afin de mobiliser utilement ce surcroît de ressources en faveur des personnes âgées. Avec l’action de nos collègues députés socialistes, une partie de ces crédits, à hauteur de 100 millions d’euros, avait néanmoins été sauvée dans le budget de la CNSA pour 2014, afin de financer des mesures d’investissement dans le budget médico-social.

Saluons donc ce retour à la normale pour 2015, avec cette pleine affectation des ressources CASA et de la fraction de CSG à la CNSA, ce qui représente au total 683 millions d’euros. Cette mesure constitue les prémices évidentes de l’élargissement des missions de la Caisse au cours des prochains mois, et ce grâce à l’adoption prochaine du projet de loi relatif à l’adaptation de la société au vieillissement. Marisol Touraine et Laurence Rossignol s’y étaient engagées, et je suis heureux de pouvoir les en remercier.

Quelle est la traduction concrète de ce budget ? Quelles sont les mesures nouvelles pour 2015 ?

Les moyens d’accompagnement de la montée en âge vont augmenter, qualitativement et quantitativement. Les moyens dévolus au financement des places et services existants seront revalorisés. Notons que la médicalisation des établissements se poursuit et porte ses fruits. Ce sont quelque 100 millions d’euros que ce projet de loi entend consacrer à la médicalisation des EHPAD, les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes. Ce processus vise à accroître l’offre sanitaire de ces établissements en améliorant l’encadrement médical des personnes âgées et en augmentant les postes de personnel médical.

Quelque 47,4 millions d’euros seront déployés au titre des plans solidarité grand âge et Alzheimer, ainsi que pour la mise en place du plan dédié aux maladies neurodégénératives. Soulignons les 20 millions d’euros destinés à soutenir les expérimentations dites « personnes âgées en risque de perte d’autonomie », qui entendent favoriser la prise en charge pluridisciplinaire des personnes âgées en situation de fragilité ou bien atteintes d’une maladie chronique.

L’effort en faveur des personnes porteuses de handicaps se poursuit également, avec 145 millions d’euros destinés à la création de places dans les multiples structures d’accueil adaptées. Rappelons, toutefois, que ces créations de places sont encore loin de répondre à la forte demande, notamment à celle qui est relative aux enfants porteurs de handicaps rares, ce qui contraint parfois à l’expatriation, notamment vers la Belgique.

Il était temps d’ailleurs que l’accord-cadre signé en 2011 entre la France et la Belgique trouve une application concrète et permette, enfin, à des inspecteurs français de se rendre dans les centres belges. Ce sera bientôt chose faite, et je salue le travail de Ségolène Neuville, qui s’est rendue sur place la semaine dernière.

Concernant les MDPH, les maisons départementales des personnes handicapées, si le nombre de demandes a augmenté de 6,4 %, le délai moyen de traitement s’améliore malgré tout, en particulier pour les demandes formulées par les adultes. La situation des MDPH demeure toutefois très contrastée d’un territoire à l’autre, qu’il s’agisse de leur mode de gestion ou bien de leurs systèmes d’information.

Je tiens à le rappeler aujourd’hui : il n’y aura pas de pilotage ambitieux de la politique du handicap sans une véritable définition de la demande agrégée au niveau national, ni sans coordination des structures, entre elles, mais aussi avec l’ensemble des acteurs du handicap. Ce chantier de mise en cohérence et de rationalisation, je l’appelle de mes vœux.

Quelque 21,4 millions d’euros seront alloués à la poursuite du plan autisme 2013-2017. Notons que le déroulement du plan autisme 2013-2015 produit des résultats particulièrement satisfaisants,…

Mme Caroline Cayeux, rapporteur pour la famille. Vraiment ?

M. Éric Jeansannetas. … grâce à la concertation avec les familles, mais aussi à l’efficacité du pilotage et du suivi ministériel. Nous avons enfin compris qu’il fallait faire correspondre la conduite administrative des projets avec les projets de vie des individus, et il s'agit d’un vrai motif de satisfaction.

Mes chers collègues, il importe de replacer ce projet de loi de financement de la sécurité sociale dans son contexte, afin d’en prendre la pleine mesure.

L’année 2015 verra la mise en œuvre des mesures prévues par le projet de loi d’adaptation de la société au vieillissement, que nous examinerons prochainement. Ce projet de loi acte en conséquence le financement pérenne de ce grand chantier qu’est l’autonomie. Ils forment tous deux un ensemble cohérent. S’articulant directement avec le projet de loi, les ressources nouvelles seront également consacrées à d’importantes mesures, très attendues par notre assemblée.

Revenons brièvement sur les principales mesures financées par la CASA, telles qu’elles sont envisagées par le projet de loi : 140 millions d’euros pour améliorer l’accès aux aides techniques, 5 millions d’euros pour consolider les moyens de la CNSA afin d’élargir les aides aux actions de soutien, 1 million d’euros pour l’appui et la formation en matière d’accueil familial, 40 millions d’euros pour la création d’un forfait autonomie, entre autres.

Au total, ce sont 645 millions d’euros que la CASA va financer. Notons que le différentiel entre le produit de la CASA et le coût des mesures liées à l’APA, l’allocation personnalisée d’autonomie, dégage des ressources pour le financement d’autres mesures pérennes. C’est le cas du plan d’aide à l’investissement de la CNSA, ainsi que de la professionnalisation des services de soins infirmiers à domicile.

Néanmoins, le projet de loi relatif à l'adaptation de la société au vieillissement ne se réduit pas à des mesures de gestion de crédits : il concerne également l’amélioration de la gouvernance de ces politiques.

Mieux appréhender l’avancée en âge, c’est aussi développer des politiques de l’habitat qui prennent en compte ces questions touchant à la vie quotidienne. Une mesure complémentaire illustre l’approche transversale nécessaire à l’avancée en âge et sera en partie financée par le présent projet de loi : la CNSA versera 40 millions d’euros à l’Agence nationale de l’habitat pour atteindre l’objectif d’adaptation des logements privés.

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, ce projet de loi de financement de la sécurité sociale envoie un signal fort à l’ensemble de la société, qui nous attend depuis bien longtemps sur tous ces sujets. Nous nous devons d’en prendre la pleine responsabilité. Je salue l’ambition du Gouvernement sur ces questions et, comme l’a dit notre collègue Yves Daudigny tout à l’heure, le groupe socialiste apporte son entier soutien à ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à Mme Michelle Meunier.

Mme Michelle Meunier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne reviens pas sur le contexte dans lequel s’inscrit ce projet de loi de financement de la sécurité sociale. Nous le connaissons tous, et il vient d’être rappelé par les orateurs précédents.

La stratégie gouvernementale est claire : le déficit du régime général doit être réduit à 10,5 milliards d’euros en 2015. Cet effort de redressement impose des contraintes difficiles, mais il est nécessaire. Il doit être assorti de mesures justes, qui donnent du sens à la politique mise en œuvre.

Pour ma part, j’aimerais revenir plus particulièrement sur les dispositions relatives à la branche famille, qui ont fait parler d’elle dans le débat public, à l’Assemblée nationale et maintenant au Sénat.

Son déficit, hérité de la précédente majorité, je le rappelle,…

M. Gérard Dériot. Ah, cela manquait ! (Sourires sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme Michelle Meunier. … s’élève à environ 3 milliards d’euros. Aussi, depuis 2012, le Gouvernement affiche son ambition de ramener les comptes à l’équilibre et souhaite, à cette fin, mener une politique familiale plus juste, plus efficace et plus utile, notamment en ciblant et en répartissant mieux les aides et les dispositifs.

La mesure principale qui nous est présentée dans ce cadre est contenue à l’article 61 A du projet de loi et consiste en une modulation des allocations familiales selon les revenus du foyer.

Cette disposition a fait parler d’elle, et c’est peu dire ! Elle a été au cœur de la polémique ces dernières semaines et a suscité le débat au sein même de notre commission des affaires sociales. Et pourtant !

Je salue le travail qui a été accompli à l’Assemblée nationale : je pense notamment à ma collègue de Loire-Atlantique, Marie-Françoise Clergeau, qui a su proposer une mesure responsable permettant près de 800 millions d’euros d’économies en année pleine pour garantir la pérennité du financement de la branche famille, tout en préservant les ménages les moins aisés et les classes moyennes.

Beaucoup de propos qui, à mon sens, sont hasardeux, de contre-vérités et d’inexactitudes ont circulé sur le sujet et j’aimerais ici rappeler le sens de la mesure, ainsi que le mécanisme proposé pour sa mise en œuvre. Au préalable, je tiens à souligner que ce dispositif ne sort pas de nulle part : il a été étudié de façon approfondie et sérieuse par le Haut Conseil de la famille, qui est une instance pluraliste et reconnue.

Tout d’abord, l’universalité, au cœur de la politique familiale française, n’est nullement remise en cause : toutes les familles de deux enfants ou plus continueront à bénéficier des allocations familiales. Toutefois, le principe d’universalité des droits n’exclut nullement de tenir compte des ressources et de la situation réelle des familles dans le versement des aides.

Pourquoi opposer respect de l’universalité et mise en œuvre d’une politique de justice sociale ? Pourquoi ne pas faire les deux ? Notre collègue Caroline Cayeux, rapporteur de la commission des affaires sociales, a indiqué lors des travaux en commission qu’« un enfant né dans une famille aisée ne mérit[e] pas moins de la part de la solidarité nationale qu’un enfant né dans une famille modeste ».

Je pense, au contraire, qu’un enfant né dans une famille modeste, parce qu’il n’est pas en position d’égalité sur la ligne de départ de son parcours de vie, mérite un peu plus de soutien.

M. Claude Dilain. Très bien !

Mme Michelle Meunier. L’idée d’hérédité de la pauvreté n’est pas nouvelle, et elle vient d’ailleurs d’être rappelée par le Secours catholique et l’UNICEF, le Fonds des Nations unies pour l’enfance.

Cette insupportable « fatalité » doit être combattue, jour après jour. Et ne pas accorder les mêmes ressources aux familles pauvres et aux familles les plus aisées pour, au final, permettre aux enfants d’avoir les mêmes chances et les mêmes possibilités de construire leur vie n’est pas scandaleux. N’ayons pas honte de le réaffirmer. Tel est le sens du système redistributif français, telle est notre conception de la solidarité nationale.

On nous dit, aussi, que la prétendue remise en cause de l’universalité des allocations familiales cacherait d’obscurs projets de remise en cause dans d’autres domaines… Lesquels ? Dans quel cadre, et pour quoi faire ?

Cessons de jouer sur les peurs et d’entretenir de faux débats. Soyons précis, soyons factuels, soyons concrets : la modulation proposée entraînera une baisse des allocations pour les 12 % de familles les plus aisées, c’est-à-dire celles dont les revenus sont supérieurs à 6 000 euros mensuels – baisse ne voulant pas dire suppression. Rappelons, au passage, que la moitié des salaires perçus en France sont inférieurs à 1 700 euros par mois.

Il y a donc matière à réfléchir sur l’injustice prétendue de cette mesure. Le dispositif proposé est simple, lisible et compréhensible par tous : les familles qui, avec deux enfants, ont un revenu inférieur à 6 000 euros par mois continueront de toucher le même montant d’allocations. Au-delà de 6 000 euros de revenu, soit pour 450 000 familles environ, les allocations familiales seront divisées par deux. Au-delà de 8 000 euros, elles seront divisées par quatre. Quelque 150 000 familles sont concernées.

Pour éviter les effets de seuil, un complément dégressif à l’allocation sera versé lorsque les ressources du bénéficiaire dépassent l’un des plafonds, dans la limite des montants définis par décret.

Cette réforme du versement des allocations familiales est complétée par le rééquilibrage du partage du congé parental prévu par la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes, que notre assemblée a adoptée en juillet dernier. Le mécanisme proposé prévoit que la durée du congé soit de six mois pour chaque parent pour le premier enfant et, pour les enfants suivants, de deux ans pour l’un des parents et d’un an pour l’autre.

J’ai déjà eu l’occasion de me prononcer plusieurs fois, dans cet hémicycle, en faveur de cette mesure qui encourage un partage plus équitable des responsabilités parentales. Il s’agit de rendre le congé parental plus égalitaire, en incitant les pères à réduire ou à interrompre leur activité professionnelle pour s’occuper de leur enfant et, ainsi, prendre toute leur place dans la vie de famille. L’effort n’est pas inutile lorsque l’on sait, comme cela a été rappelé, que 96 % des bénéficiaires actuels sont des femmes.

Toutefois, il s’agit aussi d’améliorer le retour à l’emploi des mères qui le souhaitent et, ainsi, de contribuer à l’égalité salariale et professionnelle entre les femmes et les hommes.

Inciter au retour des femmes dans l’emploi n’a pas de sens si rien n’est fait pour augmenter les capacités d’accueil de la petite enfance. Tel est le sens du plan du Gouvernement, qui confortera l’articulation entre vie familiale et vie professionnelle en offrant 275 000 solutions d’accueil supplémentaires aux familles. Le Gouvernement a d’ailleurs annoncé, le 10 octobre dernier, qu’il allait accélérer la mise en œuvre de ce plan, pour atteindre une augmentation de 20 % du nombre de places d’accueil disponibles en cinq ans.

Ces mesures, qui s’adaptent aux réalités d’aujourd’hui et aux besoins des familles, permettent aussi de ne pas toucher à la prime à la naissance, à la majoration des allocations familiales et au complément de libre choix du mode de garde, des pistes qui avaient été évoquées en premier lieu.

Néanmoins la politique familiale menée depuis deux ans, ce n’est pas que cela ! C’est aussi, je le rappelle, l’augmentation de 25 % de l’allocation de rentrée scolaire pour trois millions de familles, la hausse de 50 % du complément familial pour 385 000 familles nombreuses, l’accroissement de 25 % de l’allocation de soutien familial pour 750 000 familles monoparentales, ainsi que l’augmentation du budget de la CNAF consacré à l’action sociale, avec une hausse de 7,5 % par an en moyenne. Au total, quelque 2,5 milliards d’euros supplémentaires ont été consacrés à la politique familiale depuis 2012.

On est loin du bilan, sans nuance, présenté par nos collègues de la droite : la gauche n’aimerait pas les familles,…

Mme Éliane Assassi. Pas toute la gauche !

Mme Michelle Meunier. … elle s’attaquerait aux classes moyennes et n’aurait de cesse d’utiliser l’outil fiscal, de décourager les Françaises et les Français et de diminuer leurs droits... Il n’en est rien !

Dans le débat qui est le nôtre aujourd’hui et qui va nous occuper tout au long de cette semaine, attachons-nous aux faits, rien qu’aux faits.

Les évolutions permises à l’Assemblée nationale sur la branche famille sont bonnes. Elles méritent le soutien du Sénat, loin des polémiques stériles et des cris d’orfraie.

Mes chers collègues, soyons un Sénat ouvert et constructif, un Sénat qui débat, qui propose, qui améliore, un Sénat qui pense aux familles, aux enfants et à leur avenir, et pas un Sénat qui détricote, qui déconstruit, qui rapetisse ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Vous nous avez montré comment faire depuis deux ans ! (Sourires sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le président de la commission, monsieur le rapporteur général, mes chers collègues, nous examinons le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015 dans un contexte économique contraint, avec une crise qui perdure et, s’agissant de notre protection sociale, des résultats de recettes qui se situent en deçà des prévisions affichées, en dépit d’un effort de maîtrise des dépenses.

Ce constat a été largement commenté par nombre d’intervenants précédents, et j’adhère particulièrement aux propos de notre collègue Yves Daudigny, votre prédécesseur, monsieur le rapporteur général.

Madame la ministre, dans cet environnement économique difficile, vous faites le choix clair de mesures devant garantir l’égalité d’accès aux soins de nos concitoyens.

Vous vous refusez à recourir aux déremboursements et à de nouvelles franchises : nous adhérons totalement à ces orientations. Dans le même temps, vous faites le choix de supprimer les franchises pour les personnes éligibles à la complémentaire santé, dispositif complémentaire de votre décision d’étendre le champ du tiers payant pour cette même catégorie de nos concitoyens. Nous ne pouvons que souscrire à ces dispositions, qui signent une politique « juste », telle que vous l’avez définie dans votre propos liminaire. Nous souhaitons connaître les dispositions techniques qui en permettront une application simple et, dès lors, efficace et convaincante.

Dans l’attente de la loi de santé publique – j’ai écouté avec intérêt les propositions du président de la commission, qui susciteront à n’en pas douter des débats passionnants et passionnés –, vous faites, madame la ministre, des choix qui irriguent progressivement, mais avec détermination, l’organisation de notre protection sociale et de notre système de santé.

Ainsi, vous prônez, pour les établissements de santé, plusieurs mesures inspirées des travaux de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, sur l’initiative de nos collègues Alain Milon et Jacky Le Menn.

Je pense notamment à la possibilité pour nos hôpitaux locaux d’être définis comme hôpitaux de proximité, avec la reconnaissance d’exercice de la médecine et, sur le plan financier, le bénéfice de mesures dérogatoires à la tarification à l’activité.

Vous soutenez les contrats d’amélioration de la sécurité et de la qualité des soins grâce à un financement spécifique de valorisation pour les activités de médecine, chirurgie et obstétrique.

Afin de développer la chirurgie ambulatoire dans des conditions optimales, en accompagnant des patients dont l’état ne nécessite plus une hospitalisation classique, mais requiert un suivi de soins, vous expérimentez des hôtels hospitaliers. Il s'agit d’une proposition intéressante, qui ne doit pas être confondue avec le développement des maisons d’accueil hospitalières, qui accompagnent aussi les patients et leurs aidants à leur sortie d’hospitalisation.

Ces maisons d’accueil hospitalières sont à but non lucratif. Au regard des services qu’elles rendent, elles ne doivent pas être mises en danger, même si elles doivent répondre, bien évidemment, aux exigences de sécurité et de qualité prescrites par le ministère des affaires sociales et de la santé.

Je me félicite de ces dispositions concernant les établissements de santé. Aussi, sans vouloir faire preuve de corporatisme hospitalier excessif, je veux répondre à ceux qui dénoncent le coût excessif de fonctionnement de nos hôpitaux, qui sont certainement les structures ayant connu le nombre le plus important de réformes au cours de ces trente dernières années, comme vous l’avez vous-même souligné, monsieur le président de la commission. Et si je soutiens de nécessaires réformes, je veux souligner combien nos hôpitaux sont importants dans le contexte difficile d’organisation de notre système de santé.

Nous devons être fiers de ces établissements, qui servent trop souvent de recours ultime et permanent, et qui subissent les conséquences d’une démographie médicale inadaptée, aujourd’hui dans son implantation, demain sans doute dans son volume d’offre.

Les difficultés de fonctionnement des urgences, en particulier leur surcharge d’activité, due souvent à un recours inapproprié à leurs services, sont la loupe des difficultés d’organisation de notre système de santé, notamment en matière de permanence des soins.

De simples mesures concernant leur organisation sont insuffisantes. Et après les propositions en matière de stratégie de santé, nous sommes dans l’attente de l’examen du projet de loi de santé publique, dont nous nous réjouissons, madame la ministre.

À propos de la démographie médicale, que je viens d’évoquer, je veux souligner l’intérêt du contrat de praticien territorial de médecine ambulatoire, après celui de praticien territorial de médecine, dont le bilan est positif.

Il est proposé d’étendre le dispositif à l’ensemble des médecins généralistes ou spécialistes, contre une modération de leurs dépassements d’honoraires. Sont également associées à cette proposition des mesures concernant la médecine ambulatoire en montagne.

Contrairement à l’appréciation de M. le rapporteur général, ce sont non pas des mesurettes, mais des propositions fortes, avancées en concertation avec les professionnels de santé. Elles apportent des réponses structurées au difficile sujet de la démographie médicale et permettent de sortir du débat binaire « incitation versus concertation ».

Dans le domaine du médicament, le PLFSS pour 2015 prévoit des mesures complémentaires concernant la prescription de génériques que nous nous devons d’accompagner.

Au regard des réticences qui existent encore concernant ces prescriptions, il me semble souhaitable qu’un rapport, parlementaire ou non, puisse objectiver les atouts des génériques et dresser la liste des améliorations possibles, en particulier au sujet de leur fabrication en France.

L’arrivée de nouveaux médicaments très efficaces, mais très coûteux, dans le traitement de l’hépatite C nous oblige à réfléchir à des mesures de régulation des prix et au problème de l’autorisation temporaire d’utilisation. Le PLFSS prévoit un dispositif de régulation des prix que notre groupe politique soutient. M. le rapporteur général nous proposera un amendement sur ce sujet, ce qui sera l’occasion de débats intéressants.

Toujours dans le domaine des médicaments, madame la ministre, vous proposez une mesure de sensibilisation à la prescription de produits de la « liste en sus », c'est-à-dire à la prescription de médicaments innovants prescrits à l’hôpital pour un usage ambulatoire dans le cadre de pathologies lourdes.

Cette mesure se fonde sur le constat que la prescription de ces spécialités donne lieu à des pratiques très hétérogènes. Par ailleurs, ces spécialités sont parfois prescrites en dehors de leur indication de mise sur le marché.

Dès lors, la mesure proposée consiste à valoriser financièrement la rationalisation de la prescription dans la « liste en sus ». J’adhère bien évidemment à cette proposition, et ne pense pas la remettre en cause quand, avec mon groupe politique, je souhaite qu’elle se décline sur un mode expérimental, assorti d’une évaluation.

En effet, nous sommes dans un domaine de prescriptions où il faut nécessairement prendre en compte l’innovation : je pense notamment aux thérapies géniques ou à la personnalisation de plus en plus fréquente des traitements. Aussi, il me semble important d’évaluer cette mesure.

Le dernier point que je souhaite évoquer est lié à l’article 51, qui vise la prescription et la tarification des plasmas thérapeutiques. C’est une question technique, mais fondamentale.

Nous connaissons tous le contexte législatif et la nécessité de nous mettre en conformité avec les décisions de la Cour de justice de l’Union européenne et du Conseil d’État. Actuellement, dans la législation française, l’ensemble des plasmas transfusionnels, quels que soient leurs types, sont classés en tant que produits sanguins labiles, et non en tant que médicaments du sang. Or, désormais, ces plasmas sont des médicaments. Et cette nouvelle définition change tout !

L’article 51, en l’état, acte qu’une partie des plasmas actuels devienne des médicaments, avec obligation d’obtenir une autorisation de mise sur le marché, ou AMM. Ils seront dès lors soumis à la concurrence du marché des médicaments, avec des incidences majeures.

D’une part, l’établissement français du sang verra son activité subir une perte importante dans l’attente de l’obtention de cette AMM, quand il faudra aussi avoir recours à des plasmas médicaments non présents sur le marché français.

D’autre part, cela pose un problème éthique, quand la très grande majorité des pays européens rémunèrent le don du sang, contrairement à la France, où le don est bénévole.

Aussi, madame la ministre, nous souhaitons que vous puissiez nous éclairer sur ces différents points. Nous souhaitons en particulier connaître les mesures qui permettront de pallier la baisse d’activité de l’établissement français du sang et, en conséquence, de ses revenus. Nous souhaitons aussi connaître les démarches que vous avez entreprises au niveau européen pour que la valeur de « don éthique » soit une valeur partagée.

En conclusion, madame la ministre, je souhaite que l’examen de ce PLFSS donne lieu à un débat constructif – je suis d’ailleurs certaine qu’il en sera ainsi –, pour le bien de nos concitoyens.

Au-delà des questions que je vous ai posées, je vous exprime très simplement mon soutien le plus sincère pour ce PLFSS pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)