M. le président. L'amendement n° 39 rectifié, présenté par M. Vanlerenberghe, au nom de la commission des affaires sociales, est ainsi libellé :

Après l'article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la quatrième ligne du tableau du deuxième alinéa de l’article 575 A du code général des impôts, les taux : « 62 » et « 30 » sont remplacés, respectivement, par les taux : « 64,7 » et « 15 ».

La parole est à M. le rapporteur général.

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Dans un objectif de santé publique, Yves Daudigny et Catherine Deroche recommandent, dans leur rapport d’information sur la fiscalité comportementale, fait au nom de la mission d’évaluation et de contrôle de la sécurité sociale, d’ « aligner les taux de taxe applicables aux cigarettes au tabac à rouler ».

Le présent amendement tend à traduire cette recommandation dans le présent projet de loi. Le taux normal applicable au tabac à rouler passerait ainsi de 62 % à 64,7 %, tandis que le taux spécifique serait ramené de 30 % à 15 %. À ceux qui ne connaissent pas bien ce mécanisme, j’indique qu’il existe deux taux : un taux de base et un taux proportionnel.

La commission propose de modifier les taux applicables au tabac à rouler, qui est un produit de substitution souvent fort apprécié, notamment par les jeunes, compte tenu de la hausse du prix des cigarettes.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Comme vous l’avez indiqué, monsieur le rapporteur général, le droit de consommation global applicable aux tabacs à rouler est inférieur à celui qui porte sur les cigarettes. Les taux sont respectivement de 62 % et de 64,7 %.

L’alignement du droit de consommation sur les tabacs à rouler sur celui qui est applicable aux cigarettes est un objectif que partage le Gouvernement. Il en a d’ailleurs fait la preuve en réduisant fortement l’écart entre les taux depuis 2012.

Néanmoins, le rehaussement du droit de consommation sur les tabacs à rouler que tend à prévoir votre amendement, monsieur le rapporteur général, pourrait provoquer une augmentation de 15 % à 30 % des prix de vente de ce produit. La blague de tabac à rouler de 30 grammes coûte actuellement 7,10 euros.

Un tel alignement, s’il devait être retenu, devrait en tout état de cause être lissé sur plusieurs exercices et non pas être brutal et entraîner une hausse aussi nette et rapide.

Le Gouvernement vous prie donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi il émettra un avis défavorable.

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.

M. Gilbert Barbier. Nous venons de discuter du problème des cigarillos qui a été évoqué à l’Assemblée nationale. Nous sommes tous d’accord : le tabac pose un véritable problème de santé publique. Or ce dernier doit être traité de manière très globale, et non par à-coups ici ou là, car cela n’aurait aucun effet en termes de santé publique. Nous y reviendrons lorsque nous examinerons le projet de loi relatif à la santé, qui vient d’être présenté en conseil des ministres.

Personnellement, je ne voterai pas en faveur de cet amendement.

M. le président. Monsieur le rapporteur général, l'amendement n° 39 rectifié est-il maintenu ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je me rallie bien volontiers à la position de Gilbert Barbier et je retire cet amendement, en attendant que le sujet soit traité plus globalement lors de la discussion du projet de loi précité.

M. le président. L'amendement n° 39 rectifié est retiré.

Je suis saisi de deux amendements identiques.

L'amendement n° 177 rectifié est présenté par Mme Jouanno, MM. Médevielle, Longeot, V. Dubois, Canevet et Cadic et Mme Doineau.

L'amendement n° 280 est présenté par Mme Archimbaud, MM. Desessard, Gattolin, Placé et les membres du groupe écologiste.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au troisième alinéa de l'article 575 A du code général des impôts, le montant : « 210 € » est remplacé par le montant : « 324 € ».

L’amendement n° 177 rectifié n'est pas soutenu.

La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour présenter l'amendement n° 280.

Mme Aline Archimbaud. Deux rapports, le premier du député Yves Bur, le second de la Cour des comptes, l’ont démontré la même année, en 2012 : le coût sanitaire et social du tabac s’élève à 47,7 milliards d’euros par an, c'est-à-dire trois points de PIB, soit une dépense, pour chaque Français, qu’il soit fumeur ou non, de 742 euros. Ce coût correspond à trois fois le montant du déficit de la sécurité sociale. C’est un grave problème.

Chaque année, 73 000 personnes décèdent prématurément en France à cause du tabac, et de nombreuses autres sont atteintes de maladies chroniques.

Certains affirment que les fumeurs « rapportent » plus qu’ils ne coûtent à l’État, du fait de la fiscalité sur le tabac. Le coût des dégâts du tabagisme, en hausse constante, pèse au contraire lourdement sur les comptes publics et ampute la sécurité sociale de toute marge de manœuvre.

L’amendement n° 280 vise à exercer une forte pression sur le prix du paquet de cigarettes en augmentant le minimum de perception. Par ce mécanisme, les fabricants de tabac seront empêchés de pratiquer des prix d’appel trop bas.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. La commission avait émis un avis favorable sur cet amendement, qui tend à augmenter le minimum de perception applicable aux cigarettes.

Cependant, compte tenu de tout ce qui a été dit précédemment, il me semble qu’il serait préférable que ses auteurs le retirent et que nous discutions de ce sujet lors de l’examen du projet de loi relatif à la santé. Je vous l’accorde, monsieur Barbier, nous devons réfléchir à cette question de manière globale et éviter l’empilement de mesures.

Dans cette perspective, je suggère que la commission mette en place un groupe de travail, qui s’appuierait non seulement sur les conclusions du rapport de M. Daudigny et de Mme Deroche, mais également sur différents travaux antérieurs, afin de nous permettre d’adopter une position plus globale.

Dès lors, je vous invite à retirer votre amendement, madame Archimbaud.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Laurence Rossignol, secrétaire d'État. Le minimum de perception sur les cigarettes et les tabacs à rouler a déjà été relevé dans la loi de finances rectificative de 2013 de 195 euros pour mille cigarettes à 210 euros. Madame le sénateur, la hausse que vous proposez serait brutale puisqu’elle porterait ce minimum de 4,20 euros à 6,50 euros, soit une hausse de plus de 50 %.

Je rappelle que, cette année, un arrêté mettant en place un « superminimum » de perception a été pris afin de réagir aux positionnements de certains fabricants sur un segment très bon marché ciblant notamment les jeunes.

Le Gouvernement est donc déjà en mesure de mobiliser les différents minima de perception au service de la politique de santé publique. Pour cette raison, il est défavorable au présent amendement et en demande le retrait.

Par ailleurs, j’adhère à la démarche et à la méthode proposée par M. le rapporteur général : l’ensemble de ces sujets doit en effet être discuté de manière cohérente lors de l’examen du projet de loi relatif à la santé.

M. le président. Madame Archimbaud, l'amendement n° 280 est-il maintenu ?

Mme Aline Archimbaud. Je prends acte de l’engagement que viennent de prendre tant M. le rapporteur général que Mme la secrétaire d’État, au nom du Gouvernement, et je retire mon amendement.

Il est bien entendu que des mesures énergiques, à la hauteur de la gravité de la situation, devront être prises lors de l’examen du projet de loi précité – il faut avancer en la matière – et que les décisions ne devront pas être renvoyées à d’autres projets de loi.

Parmi ces mesures énergiques figurent celles qui sont proposées aujourd'hui, mais aussi des dispositions destinées à lutter contre la fraude et le trafic de contrebande, d’une part, et d’autres permettant de garantir l’avenir des buralistes, d’autre part.

Je le répète, car je n’ai pas obtenu de réponse à cette question : il faut trouver des solutions innovantes économiquement, afin de permettre à ces commerces de perdurer. Sans doute faut-il diversifier la nature des produits qui y sont vendus.

Si nous ne nous attaquons pas à ces sujets, nous aurons toujours un sentiment d’impuissance de l’action publique. Or un tel sentiment chez nos concitoyens provoque de nombreux dégâts dans notre démocratie.

M. le président. L'amendement n° 280 est retiré.

L'amendement n° 163, présenté par Mme Deroche, MM. Savary et Cardoux, Mmes Canayer et Cayeux, M. Chasseing, Mme Debré, M. Dériot, Mme Deseyne, MM. Dusserre, Forissier et Gilles, Mmes Giudicelli, Gruny et Imbert, M. Lemoyne, Mme Micouleau, MM. Milon, Morisset, Mouiller et Pinton, Mme Procaccia et M. D. Robert, est ainsi libellé :

Après l’article 12 quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

I. – Les professionnels mentionnés au 7° de l’article L. 161-22 du code de la sécurité sociale exerçant leur activité dans les zones définies dans les conditions fixées par l’article L. 1434-7 du code de la santé publique, où l’offre de soins est déficitaire, sont exonérés d’une partie des cotisations mentionnées au 1° de l’article L. 642-1 du code de la sécurité sociale.

II. – La perte de recettes résultant pour les organismes de la sécurité sociale du I ci-dessus est compensée à due concurrence par la création d’une taxe additionnelle aux droits prévus aux articles 575 et 575 A du code général des impôts.

La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Cet amendement vise à exonérer partiellement de cotisations vieillesse les médecins retraités exerçant en zones sous-denses, afin de rendre plus attractif le cumul emploi-retraite.

De nombreux médecins ne profitent pas de ce dispositif, qui permettrait pourtant de pallier les pénuries de médecins en zones sous-denses. En effet, le fait de devoir cotiser totalement au régime vieillesse pénalise les médecins et les oblige de facto à avoir une activité très importante.

On se prive ainsi d’un vivier de praticiens à la retraite qui pourraient participer à l’offre de soins. Cette remarque concerne tant les zones sous-denses, que certaines spécialités, pour lesquelles les délais d’obtention d’un rendez-vous sont très longs. Le constat vaut même en ville, où des médecins retraités pourraient continuer à exercer partiellement leur activité, mais ne le font pas, en raison des charges qui leur incombent, sachant que le fait de cotiser ne leur donne pas de points supplémentaires pour leur retraite. Ils cotisent donc à fonds perdus et n’augmentent pas le montant de leur pension de retraite.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Effectivement, les médecins retraités qui décident de reprendre leur activité après avoir liquidé leur pension de retraite versent des cotisations vieillesse à fonds perdus, puisque, en vertu des règles qui régissent le cumul emploi-retraite, le retraité qui exerce de nouveau un travail doit s’acquitter de cotisations vieillesse, sans pour autant s’ouvrir de nouveaux droits à l’assurance vieillesse.

Exonérer partiellement de ces cotisations vieillesse les médecins retraités qui pratiquent en zones sous-denses permettrait de renforcer l’attractivité de ces zones et de contribuer à la lutte contre les déserts médicaux.

La commission a donc émis un avis favorable sur cet amendement.

M. Henri de Raincourt. Elle a raison !

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Ce débat revient année après année. Or il s’agit d’appliquer tout simplement les règles relatives au cumul emploi-retraite de façon générale.

M. Jean Desessard. Bien sûr !

Mme Marisol Touraine, ministre. Dans la loi garantissant l’avenir et la justice du système de retraites, nous avons défini le cadre dans lequel un retraité peut exercer une activité. Il n’existe aucune limite à l’exercice d’une activité par un retraité. En revanche, les revenus qui en sont tirés n’ouvrent pas de droits complémentaires à la retraite. Il s’agit d’un geste de solidarité avec l’ensemble de nos concitoyens. Rien n’oblige un médecin ou un autre professionnel exerçant une profession libérale à prendre sa retraite pour continuer à travailler ensuite. Il peut rester en activité s’il souhaite se constituer davantage de droits à la retraite.

Je précise, madame Deroche, que la règle que vous souhaitez voir remise en question est la règle de droit commun ; elle s’applique à l’ensemble des personnes qui sont à la retraite en France et qui continuent d’exercer une activité professionnelle, la même qu’auparavant ou une autre.

Pour ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean-Noël Cardoux, pour explication de vote.

M. Jean-Noël Cardoux. Il est vrai que ce débat est récurrent, mais il est vrai également qu’il n’y a pas pire sourd que celui qui ne veut pas entendre !

Mme la ministre nous a rappelé les règles générales s’appliquant en matière de retraite. Nous les connaissons, bien sûr. Cela étant, depuis plus de dix ans, nous débattons, notamment dans cet hémicycle, du problème de démographie médicale en France. À cet égard, c’est une évidence, la situation est exceptionnelle. Par conséquent, à situation exceptionnelle, règle dérogatoire exceptionnelle !

Permettez-moi d’évoquer les multiples mécanismes financiers que l’État et les collectivités territoriales ont mis en place en faveur à la fois des jeunes médecins dans le cadre de leurs études, mais aussi des praticiens désireux de se regrouper dans des maisons médicales. Tous ces mécanismes représentent beaucoup d’argent. Je ne pense donc pas, compte tenu de l’enjeu et des risques dans certaines régions, qu’il serait inacceptable de déroger aux règles du cumul emploi-retraite pour les médecins. J’estime au contraire que la population le comprendrait parfaitement et que d’autres professions ne connaissant pas la même situation de pénurie que les médecins ne pourraient pas revendiquer à leur tour la même dérogation.

J’ajoute simplement – pardonnez-moi d’évoquer mon expérience, mais on parle toujours mieux de ce que l’on vit – que le conseil général du Loiret, dont je suis le vice-président, cherche depuis des années à résoudre ce problème de pénurie de médecins. À cette fin, il a lancé une vaste consultation auprès des médecins retraités du département, en accord avec le président de l’ordre.

Il s’agit de permettre à ces professionnels ou bien de s’installer dans certaines zones défavorisées, en association avec d’autres médecins, mais à temps partiel, ou bien de travailler à la vacation pour la collectivité départementale, puisque, vous le savez bien, mes chers collègues, l’évolution de la législation en matière de protection maternelle et infantile et de prise en charge des personnes âgées et handicapées impose des groupes de médecins pour évaluer les handicaps ou pour déterminer dans quels GIR rentrent les patients.

Certains médecins retraités acceptent de travailler comme vacataires, et c’est une bonne chose, car alors nous n’avons pas besoin de recourir aux services de médecins plus jeunes.

Toutefois, régulièrement, ces professionnels nous opposent l’argument suivant : « Nous voulons bien continuer à travailler, mais à la condition soit que nous ne cotisions pas aux caisses de retraite, soit que les cotisations que nous versons au titre de la retraite nous ouvrent de nouveaux droits que nous pourrons cumuler une fois que nous cesserons toute activité. »

Madame le ministre, vous dites que les professionnels ont le choix : bien sûr ! En effet, on n’est pas obligé de faire valoir ses droits à la retraite à l’âge légal. Néanmoins, de nombreuses personnes exerçant dans le milieu médical – la situation est la même dans d’autres professions – aspirent à prendre leur retraite parce qu’elles ont travaillé très longtemps, plus de quarante ans. Elles demandent alors la liquidation de leur pension, ce qui ne les empêche pas, par la suite, de reprendre une activité à temps partiel au cours de laquelle elles sont beaucoup moins sollicitées et pratiquent des temps choisis. Et c’est précisément à ce moment-là que les médecins peuvent apporter une aide indispensable dans la lutte contre la désertification médicale.

À mon avis, le principal frein n’est pas une question de gros sous. Il s’agit en réalité de rationalité : demander à quelqu’un qui rend service à l’ensemble de la collectivité de travailler tout en cotisant à une caisse de retraite sans contrepartie ne peut que choquer un esprit cartésien ; or les médecins sont souvent très cartésiens…

C’est la raison pour laquelle nous aurons encore beaucoup de peine à recruter tant que cet obstacle subsistera.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Madame la ministre, vous vous privez d’un outil tout à fait important, qui est à la fois un facteur d’aménagement du territoire, d’amélioration de la santé des populations et un enjeu fiscal.

Pourquoi certains médecins continuent-ils leur activité ? Parce qu’ils ont cette passion en eux ! C’est quand même un métier particulier, d’autant que la plupart des praticiens, notamment en milieu rural, sont des médecins de famille.

Je prends mon cas particulier. En tant que médecin, je maintiens mon activité : avec d’autres collègues, nous avons créé une SCM, une société civile de moyens, et une SCI, une société civile immobilière, pour gérer le cabinet médical. Or les jeunes ne veulent plus entrer dans ce type de structures, qui sont dépassées. C’est d’ailleurs pour cette raison que sont instaurées des maisons médicales de garde.

Cela étant, on est bien content de trouver des vieux médecins qui continuent à travailler, parce que, sans eux, il n’y aurait plus de praticiens dans les zones rurales, ni même dans certaines zones semi-urbaines. Ils ont vraiment la volonté de maintenir un service public.

Or, je vous le rappelle, ces médecins subissent une double peine :…

M. Jean Desessard. Oh là là !

M. René-Paul Savary. … non seulement ils doivent cotiser s’ils continuent à travailler, mais, de plus, la patientèle qu’ils ont achetée à l’époque ne se revend plus aujourd’hui. Par conséquent, s’ils n’ont pas le sens du service public, la facilité consiste effectivement à plier bagage et à prendre leur retraite, souvent largement méritée, d’ailleurs. Voilà pour ce qui est du plan fiscal.

J’en viens à la dimension sanitaire, également importante, de la mesure proposée. D’une part, celle-ci permettrait d’attirer des jeunes dans des zones défavorisées, d’autre part, elle assurerait la transmission de la mémoire médicale de nombre de familles, ce qui est tout à fait essentiel pour les générations à venir. En effet, quand on a exercé son activité pendant plusieurs années, on retrouve certaines pathologies chez les descendants de patients. La disposition qui nous est soumise permettrait donc de transmettre aux jeunes cette expérience extraordinaire acquise au fil des ans.

C’est ce qu’on appelle le « tuilage », madame la ministre. D’ailleurs, c’est bien pour garantir la transmission du savoir-faire que vous avez instauré des contrats de génération au sein des entreprises ! En l’espèce, c’est exactement le même principe : cette modeste mesure permettra de lutter contre la pénurie de médecins dans certaines zones en favorisant la transmission de cette mémoire médicale et en rassurant les jeunes praticiens sur leurs conditions d’exercice.

Pour toutes ces raisons, madame la ministre, il me paraît important de réserver un traitement différencié à la profession médicale, et donc de regarder avec un œil bienveillant cet amendement.

M. le président. La parole est à M. Jean Desessard, pour explication de vote.

M. Jean Desessard. Les membres du groupe écologiste voteront contre cet amendement pour les raisons développées par Mme la ministre. Pour le public qui nous écoute et pour les téléspectateurs qui nous regardent, je vais essayer d’expliquer notre position.

Il ne s’agit pas d’empêcher de travailler quelqu’un qui a décidé de ne pas prendre sa retraite. Le cas qui est visé est celui d’une personne qui a liquidé ses droits à la retraite, donc qui perçoit sa pension de retraite, et qui décide de reprendre un travail à temps partiel. Et les médecins ne sont pas les seuls concernés. Or ces personnes cotisent sans pouvoir augmenter leurs droits et elles en éprouvent un certain agacement, que je comprends. Mais, comme l’a expliqué Mme la ministre, une fois les droits à la retraite liquidés, le droit commun en dispose ainsi.

Par le biais du présent amendement, mes chers collègues, vous demandez à faire une exception,…

M. Jean Desessard. … non pour la personne qui travaille toujours, mais pour celle qui a liquidé ses droits à la retraite et qui continue à travailler à temps partiel.

Or du point de vue financier, c’est epsilon (Non ! sur les travées de l'UMP.), vous l’avez dit vous-même !

Dans ces conditions, pourquoi faire une exception ? Selon vous, cette dérogation au régime commun permettrait de régler le problème de la désertification médicale… Franchement, si l’enjeu c’est de grappiller quelques euros en plus…

M. Alain Milon, président de la commission des affaires sociales. Cessez de prendre les médecins pour des idiots, monsieur Desessard, ils ne sont pas des vaches à lait !

M. Jean Desessard. Ce n’est pas cela qui empêchera un médecin de travailler et de continuer à s’investir ! (Protestations sur les travées de l'UMP.)

Il vaudrait mieux réfléchir à la manière de favoriser l’installation des médecins en zones rurales et dans les quartiers défavorisés, à la façon de mettre fin au numerus clausus,…

Mme Nicole Bricq. Ce n’est pas le sujet !

M. Jean Desessard. ... plutôt que de penser que la perception de quatre euros supplémentaires par mois fera venir des médecins en zone rurale. C’est ridicule !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur Desessard, vous vous êtes livré à une caricature des médecins. Ils seraient des nantis et travailleraient uniquement pour gagner plus d’argent !

Se pose en zones rurales, mais aussi dans les zones urbaines, un vrai problème de démographie médicale…

M. Jean Desessard. Mais ce n’est pas la mesure que vous proposez qui permettra de le résoudre !

Mme Catherine Procaccia. Eh bien, si, monsieur Desessard, elle y contribuera, parce que toute la génération des médecins du baby-boom part à la retraite. Vous ne pouvez pas contester ce phénomène démographique bien réel.

Madame la ministre, vous avez parlé d’une exception aux règles de droit commun. Mais le Parlement passe son temps à voter des exceptions à des règles, donc je ne vois pas pour quelles raisons on n’adopterait pas en l’espèce une exception en faveur d’une profession qui sert nos concitoyens. Car il ne s’agit pas de n’importe quelle profession : l’enjeu sanitaire est important et certains territoires ont de réels besoins – sans patient, en effet, quel intérêt pour le médecin de maintenir une petite activité et d’assurer des permanences ?

J’en profite pour poser une question pratique : ces médecins qui exercent encore un peu d’activité peuvent-ils continuer à être médecins traitants ?

Mme Catherine Procaccia. Merci, ma chère collègue !

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. J’ai bien écouté les arguments de Mme la ministre fondés sur l’équité et l’égalité en droits des citoyens. Toutefois, il existe un problème spécifique de démographie médicale, ou, plus exactement, un problème d’inégale répartition des médecins, car ce n’est pas le nombre total de ces praticiens qui est en cause.

Pour m’inscrire en faux contre les arguments de M. Desessard, je crois que c’est non par intérêt financier que des médecins souhaitent continuer leur carrière, mais pour rendre service. De plus, lorsque l’on est âgé de soixante-cinq ans, on peut avoir le droit de ne plus faire des gardes jour et nuit et de se consacrer à une pratique de la médecine moins fatigante.

Je rappelle que des mesures dérogatoires à l’égard des médecins ont déjà été mises en place à une époque où l’on considérait qu’ils étaient trop nombreux et que, de ce fait, ils alimentaient le déficit de la sécurité sociale. Mais l’esprit était opposé à celui de la présente mesure.

M. René-Paul Savary. Absolument !

Mme Catherine Génisson. Je pense notamment au mécanisme d’incitation à la cessation anticipée d’activité. (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.)

Je profite de mon intervention pour faire une remarque qui n’a rien à voir avec le monde de la médecine. Il existe aujourd’hui un statut dérogatoire dont bénéficie une minorité de nos concitoyens : je veux parler des musiciens qui sont en contrat à durée indéterminée et qui cumulent le statut des fonctionnaires de l’ORTF avec celui des intermittents du spectacle. Ces personnes cumulent ainsi leur emploi à temps plein et leur retraite à taux plein…

M. Jean Desessard. Eh oui : c’est le cumul emploi-retraite !

Mme Catherine Génisson. Non, il s’agit non pas du cumul emploi-retraite, dont je souhaite, d’ailleurs, qu’ils puissent l’exercer, mais d’une véritable anomalie juridique : je le répète, ils cumulent une retraite à taux plein et un salaire à taux plein. C’est donc une anomalie qu’il faut corriger, et ce n’est sans doute pas la seule que la loi ait laissé passer.

Pour en revenir à la mesure dont nous discutons, nous pourrions – peut-être pas dans le présent texte, mais dans le projet de loi relatif à la santé – imaginer des dispositifs qui permettent à des médecins qui veulent partir à la retraite de pouvoir continuer leur activité dans des conditions correctes.

M. Jean Desessard. Mais ils sont payés !

Mme Catherine Génisson. Car je pense aussi que l’exercice de la médecine n’est pas tout à fait un métier comme les autres : comme l’ensemble des professionnels de la santé, quels qu’ils soient, les médecins rendent service à leurs concitoyens. Et le service public de la santé est très important. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Gilbert Barbier, pour explication de vote.