PRÉSIDENCE DE M. Claude Bérit-Débat

vice-président

M. le président. La séance est reprise.

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Candidatures à des organismes extraparlementaires

M. le président. Je rappelle que M. le Premier ministre a demandé au Sénat de bien vouloir procéder à la désignation d’un sénateur appelé à siéger comme membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, d’un sénateur appelé à siéger comme membre du conseil d’administration du Centre national d’art et de culture « Georges Pompidou » et d’un sénateur appelé à siéger comme membre du Conseil supérieur des programmes.

La commission de la culture, de l’éducation et de la communication a présenté trois candidatures.

Ces candidatures ont été publiées et seront ratifiées, conformément à l’article 9 du règlement, s’il n’y a pas d’opposition l’expiration du délai d’une heure.

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Explications de vote sur l'ensemble de la troisième partie (interruption de la discussion)
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Quatrième partie

Financement de la sécurité sociale pour 2015

Suite de la discussion d’un projet de loi

Discussion générale
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Article 29

M. le président. Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale, de financement de la sécurité sociale pour 2015.

Dans la discussion des articles, nous en sommes parvenus à l’examen des dispositions de la quatrième partie du projet de loi, relatives aux dépenses pour l’exercice 2015.

QUATRIÈME PARTIE

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES POUR L’EXERCICE 2015

Titre Ier

DISPOSITIONS RELATIVES AUX DÉPENSES D’ASSURANCE MALADIE

Chapitre Ier

Amélioration de l’accès aux soins et aux droits

Quatrième partie
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Articles additionnels après l'article 29

Article 29

I. – Le code de la sécurité sociale est ainsi modifié :

1° À l’intitulé de la section 4 du chapitre Ier du titre VI du livre Ier, les mots : « et cartes de santé » sont remplacés par les mots : « et tiers payant » ;

2° La même section 4 est complétée par un article L. 161-36-2 ainsi rétabli :

« Art. L. 161-36-2. – Les organismes d’assurance maladie sont habilités, dans le cadre du tiers payant, à verser au professionnel ou à l’établissement de santé la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire ainsi que, le cas échéant, lorsqu’ils ont reçu délégation de gestion, celle prise en charge par l’organisme servant les prestations d’assurance complémentaire de santé de l’assuré. » ;

3° À la première phrase du troisième alinéa de l’article L. 162-16-7, après la référence : « L. 861-1 », sont insérés les mots : « et aux bénéficiaires de la déduction prévue à l’article L. 863-2 du présent code » ;

4° Le chapitre III du titre VI du livre VIII est complété par un article L. 863-7-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 863-7-1. – Les bénéficiaires de la déduction prévue à l’article L. 863-2 bénéficient du tiers payant sur la part des dépenses prise en charge par l’assurance maladie obligatoire ainsi que sur la part des dépenses couverte par leur contrat d’assurance complémentaire de santé sélectionné en application de l’article L. 863-6, pour l’ensemble des actes et prestations qui leur sont dispensés par les professionnels de santé. Ce tiers payant est mis en œuvre pour la délivrance de médicaments, dans le respect des conditions fixées au troisième alinéa de l’article L. 162-16-7. S’agissant des actes et prestations dispensés par les médecins, il n’est pas mis en œuvre lorsque le bénéficiaire se trouve dans l’une des situations prévues à l’avant-dernier alinéa de l’article L. 162-5-3.

« Un décret détermine les modalités du tiers payant permettant aux professionnels et aux établissements de santé qui le souhaitent d’avoir un interlocuteur unique. Il précise notamment, à cet effet, la procédure applicable entre les professionnels de santé et les organismes d’assurance maladie, d’une part, et celle applicable entre les organismes d’assurance complémentaire de santé et les organismes d’assurance maladie, d’autre part. » ;

5° Le dernier alinéa de l’article L. 861-3 est remplacé par un alinéa ainsi rédigé :

« Un décret détermine les modalités du tiers payant, notamment la procédure applicable entre les professionnels de santé et les organismes d’assurance maladie, d’une part, et celle applicable entre les organismes assurant la couverture complémentaire prévue à l’article L. 861-1 et les organismes d’assurance maladie, d’autre part. Ces modalités permettent aux professionnels et aux établissements de santé d’avoir un interlocuteur unique pour l’ensemble de la procédure. »

II. – Le 4° du I du présent article entre en vigueur à la date fixée au premier alinéa du II de l’article 56 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 de financement de la sécurité sociale pour 2014.

À compter de cette même date et jusqu’au 31 décembre 2015, par dérogation à l’article L. 863-7-1 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction résultant de la présente loi, le tiers payant prévu à ce même article s’applique, s’agissant de la part des dépenses prise en charge par l’assurance complémentaire de santé, à hauteur des niveaux minimaux de prise en charge des dépenses fixés par le décret mentionné à l’article L. 863-6 du même code, dans sa rédaction résultant du I de l’article 56 de la loi n° 2013-1203 du 23 décembre 2013 précitée.

M. le président. La parole est à Mme Annie David, sur l’article.

Mme Annie David. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous avons souhaité intervenir sur cet article pour annoncer que nous le voterons.

Cet article, qui vise à étendre aux bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé, ou ACS, le dispositif du tiers payant intégral, est, selon nous, une mesure qui répond aux besoins des plus modestes. Cette disposition a bien entendu pour objet de réduire les renoncements aux soins pour raisons financières.

L’enquête publiée en juin 2014 par l’Institut de recherche et documentation en économie de la santé, l’IRDES, nous apprend que 37 % des personnes dont les revenus sont inférieurs à 926 euros et 32 % des personnes dont les revenus sont compris entre 926 euros et 1 264 euros ont renoncé au moins une fois à un soin en 2012 pour raisons financières.

Les bénéficiaires de l’ACS disposent de très faibles ressources – 973 euros par mois – et dépassent très légèrement le seuil qui leur permettrait de bénéficier de la CMU. Ils constituent donc un public prioritaire pour cette mesure qui permettra d’appliquer le tiers payant aux dépenses qui n’étaient pas prises en charge jusqu’à présent.

Désormais, quelle que soit la nature des dépenses, c’est-à-dire que celles-ci relèvent de la part base ou de la part complémentaire, le tiers payant sera appliqué, ce qui évitera à l’assuré d’avancer les frais.

Nous soutenons donc ce dispositif qui favorisera un meilleur accès aux soins ainsi qu’une meilleure prise en charge de ces personnes. Nous espérons, madame la ministre, que sa mise en œuvre sera bien effective dès le 1er juillet 2015. Je me réjouis d’autant plus de cette mesure qu’elle permettra une meilleure prise en charge de la santé des femmes, qui constituent 57 % des bénéficiaires de l’ACS.

Madame la ministre, pouvez-vous nous confirmer que, d’ici à 2017, tous les patients bénéficieront de la dispense de frais d’une consultation chez un généraliste ou un spécialiste ?

Enfin, je me permets d’attirer votre attention sur un phénomène que nous connaissons tous : le refus de soin par un certain nombre de professionnels. Comme le démontre très bien le Défenseur des droits dans son rapport de mars 2014, certains professionnels de santé refusent l’accès au système de soins à des bénéficiaires de ces dispositifs.

Ces refus de soins, illégaux, qu’ils soient manifestes ou déguisés, perdurent malgré de multiples dénonciations. Selon moi, il faut réellement mettre en œuvre les propositions avancées par le Défenseur des droits pour améliorer l’accès aux soins des plus démunis. Il est donc nécessaire, d’une part, de lutter bien évidemment contre ces refus de soins et, d’autre part, de simplifier les procédures d’accès aux différents dispositifs.

Le manque d’information, l’incompréhension du dispositif, la complexité des démarches, la peur de la stigmatisation et le contrôle effectué par les administrations contribuent pour une part déterminante à expliquer que les bénéficiaires ne sollicitent pas leur affiliation à ces dispositifs, se fermant ainsi l’accès à des droits auxquels ils sont pourtant éligibles.

Pour l’ACS, les taux de non-recours sont particulièrement élevés : plus de 70 % des bénéficiaires potentiels ne sollicitent pas cette aide à laquelle ils ont droit.

Voilà les quelques éléments complémentaires que je voulais apporter à la réflexion. Je conclus en réitérant le soutien du groupe communiste, républicain et citoyen à l’adoption de l’article 29.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, sur l'article.

Mme Aline Archimbaud. Madame la ministre, sur votre initiative, cet article vise à introduire le tiers payant intégral pour les bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé.

Au nom du groupe écologiste, je vous remercie de cette mesure et, plus généralement, je me félicite des efforts du Gouvernement pour améliorer l’accès aux droits des plus précaires.

J’avais remis, en votre présence, un rapport au Premier ministre à ce sujet en septembre 2013. Si les choses n’avancent pas aussi vite que nous ne le souhaiterions tous, je constate qu’elles avancent cependant résolument dans le bon sens, notamment en grande partie en raison de la généralisation du tiers payant intégral que vous avez annoncée pour 2017.

Compte tenu du poids des motifs financiers dans les mécanismes de renoncement aux soins des personnes modestes et en situation de précarité, cette question est en effet primordiale.

La généralisation du tiers payant est conforme à la philosophie de la sécurité sociale. C’est un élément déterminant pour l’accès aux soins. Elle n’est de surcroît pas sans avantages pour les médecins, car elle permet une simplification et une limitation des risques de non-paiement.

Je ne méconnais pas les contraintes techniques et la dimension stratégique de cette généralisation, cependant j’observe que le tiers payant a été déjà généralisé en matière pharmaceutique, sans révolution ni blocage juridique. Il est vrai que cela a été facilité par un contexte favorable à la fois sur le plan concurrentiel, car les pharmacies mutualistes pratiquaient déjà le tiers payant, et sur le plan technique, en raison de l’informatisation précoce des officines et de la généralisation de la télétransmission.

En outre, notre groupe estime que le Gouvernement s’est laissé une marge temporelle suffisamment grande pour que ce changement soit mis en œuvre par la concertation et pour que les éventuels ajustements techniques puissent être réalisés dans des délais raisonnables.

Pour toutes ces raisons, permettre dès aujourd’hui la mise en place du tiers payant intégral pour les personnes très modestes que sont les bénéficiaires de l'aide au paiement d'une assurance complémentaire de santé est un point d’étape salutaire, aussi bien pour améliorer l’accès aux soins des plus démunis que pour expérimenter ce dispositif avant sa généralisation à toute la population.

Notre groupe votera donc résolument pour cet article et contre les amendements visant à le supprimer. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Yves Daudigny, sur l'article.

M. Yves Daudigny. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, ce PLFSS comporte plusieurs mesures de justice, parmi lesquelles l’article 29 qui prévoit d’étendre le tiers payant intégral aux bénéficiaires de l’aide au paiement d’une complémentaire de santé, l’ACS, disposition à laquelle l’Assemblée nationale a ajouté, à l’article 29 bis, la suppression des participations forfaitaires et des franchises.

Pour prendre la mesure de l’enjeu de cette proposition, il est nécessaire de rappeler deux faits. D’une part, l’ACS bénéficie à des personnes dont le revenu annuel ne dépasse pas 11 670 euros. D’autre part, deux rapports, notamment de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques, la DREES, établissent la réalité des retards ou des renoncements aux soins pour raisons financières.

La dispense d’avance de frais lève cet obstacle financier. Elle favorisera l’accès aux soins pour ces ménages. Elle contribuera ainsi dans le même temps à améliorer la prévention et à assurer la prise en charge plus précoce des pathologies. Elle allégera d’autant les services d’urgence des hôpitaux.

Pour ces différentes raisons, la mesure doit être approuvée à l’unanimité.

Doit-on craindre que cette disposition n’entraîne une inflation du nombre d’actes ? L’expérience que nous avons acquise concernant la CMU-C, ainsi que les constats établis dans d’autres pays européens qui pratiquent le tiers payant, nous prouvent que non. L’argument inflationniste est donc contredit par les faits et il n’est pas recevable.

Existe-t-il des difficultés techniques insurmontables pour mettre en œuvre ces dispositions ? Pour ce qui est du périmètre d’application de l’article 29, dont je rappelle qu’il est le seul sur lequel nous sommes appelés à nous prononcer pour l’instant, la réponse est négative. Ce système existe pour la CMU-C : il est utile et il fonctionne. Par ailleurs, il suffit de rappeler qu’actuellement 35 % des actes de médecine de ville sont réglés par le biais du tiers payant, que celui-ci est largement pratiqué par d’autres professionnels de santé, tels que les biologistes médicaux dans les laboratoires de ville, les infirmiers ou les orthophonistes, qu’il est quasi généralisé chez les pharmaciens et appliqué sans difficultés techniques par la grande majorité des pays qui ont institué une assurance maladie. Sur ce point, je vous renvoie au rapport de juillet 2013 de l’Inspection générale des affaires sociales sur le tiers payant pour les consultations de médecine de ville qui conclut à la faisabilité technique d’une généralisation. L’argument qui consiste donc à alléguer l’importance des difficultés techniques, que rien ne vient étayer – ce serait plutôt le contraire –, n’est donc pas non plus recevable.

Ce même rapport estime surtout que la généralisation du tiers payant est justifiée au fond, considérant qu’il s’agit « d’une mutation historique, institutionnelle et gestionnaire considérable » et « d’une réforme très positive pour l’ensemble des assurés ».

Compte tenu de ces éléments strictement factuels, adopter l’amendement de suppression de l’article 29 qui sera défendu par la commission des finances est contraire à la rationalité et à l’intérêt général.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, sur l'article.

M. Jean Desessard. C’est un festival ! (Sourires.)

Mme Catherine Génisson. Après l’intervention très argumentée de notre collègue Yves Daudigny, c’est mon tour, madame la ministre, de vous féliciter de la mise en place de ce dispositif.

Pour tous les publics fragiles, le paiement du ticket modérateur et des franchises médicales est – nous le verrons dans quelques instants – un obstacle aux soins, raison pour laquelle ils n’y ont malheureusement recours que lorsqu’ils sont gravement malades. Je vous remercie donc d’avoir instauré cette mesure fondamentale pour notre République sociale.

Comme M. Daudigny l’a déjà demandé, pourriez-vous préciser les modalités techniques qui viseront à mettre en œuvre cette disposition ? Un certain nombre de praticiens, sans refuser cette réforme, s’inquiètent de la façon dont ils devront l’appliquer. Pour que cette réforme soit efficace et convaincante, son application doit être simple.

M. le président. L'amendement n° 11, présenté par M. Delattre, au nom de la commission des finances, est ainsi libellé :

Supprimer cet article.

Cet amendement n'est pas soutenu.

L'amendement n° 206 rectifié, présenté par Mme Procaccia, M. Mouiller, Mmes Canayer et Gruny, M. Morisset, Mmes Deroche et Imbert et M. D. Robert, est ainsi libellé :

Après l'alinéa 7

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La garantie de paiement par un payeur unique est acquise dès l'instant où le professionnel de santé met en œuvre une procédure de paiement faisant appel à la carte sésame vitale du patient mentionnant l'ouverture de ses droits sur la part obligatoire et complémentaire.

La parole est à Mme Pascale Gruny.

Mme Pascale Gruny. Contrairement aux établissements et centres de santé, les structures libérales ne disposent pas systématiquement d'un secrétariat, dont la mise en place peut constituer un coût supplémentaire difficile à supporter. En général, le praticien assure ainsi lui-même la gestion d'ouverture des droits, des procédures de recouvrement ou de rapprochement des paiements. L'énergie et le temps dépensés pour l'exécution de ces tâches administratives diminuent donc, malheureusement, le temps thérapeutique.

Cet amendement, qui tend à assurer la garantie de paiement par un payeur unique selon une procédure simplifiée, est la contrepartie a minima de cette nouvelle obligation.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Jean-Marie Vanlerenberghe, rapporteur général de la commission des affaires sociales. Je partage tout à fait l’objectif des auteurs de cet amendement, mais celui-ci me semble satisfait par le texte même de l’article, qui prévoit que l’assurance maladie peut prendre en charge des paiements pour la couverture de base et la couverture complémentaire, sauf à ce que, comme il a été précisé dans un amendement voté à l’Assemblée nationale, le praticien fasse le choix d’un autre système de paiement.

Peut-être Mme la ministre confirmera-t-elle cette interprétation, mais, en attendant que ce point soit clarifié, la commission a émis un avis de sagesse sur cet amendement.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

Mme Marisol Touraine, ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes. Avant de donner mon avis sur cet amendement, je veux répondre aux interpellations qui soulignaient l’importance de cette mesure, d’abord dans ce PLFSS, mais également pour la suite, car elle trouvera un écho dans la future loi de santé, qui prévoit de généraliser le tiers payant pour l’ensemble de la population d’ici à 2017.

Dans le présent texte, nous franchissons une première étape tout à fait décisive et essentielle en termes de santé publique et d’enjeux sociaux, puisque la mesure s’appliquera aux bénéficiaires de l’aide à la complémentaire santé, c’est-à-dire aux personnes dont le revenu individuel se situe en dessous de 982 euros par mois, c'est-à-dire sous le seuil de pauvreté.

Nous le savons tous, des obstacles financiers existent, en particulier pour des soins qui ne sont pas très graves. En effet, lorsque la maladie est très grave dès l’origine ou qu’elle le devient, le patient est orienté directement vers l’hôpital, où il est pris en charge complètement par le système du tiers payant prévu dans le cadre de l’assurance maladie.

L’obstacle se situe donc bien en médecine de ville, principalement pour l’accès au généraliste, mais aussi pour l’accès au spécialiste de deuxième recours, que nous voulons garantir.

Dans le même temps, je veux vous faire part de ma volonté de lutter contre les refus de soins. À cet égard, l’interpellation de Mme Annie David fait écho au rapport de Mme Aline Archimbaud, remis au Premier ministre voilà environ un an et qu’elle a elle-même évoqué tout à l’heure. Elle y faisait état de telles pratiques.

Dans la future loi de santé, un dispositif sera donc proposé, en relation avec l’Ordre des médecins, pour permettre d’engager des démarches contre de tels abus.

Nous débattrons des conditions de la généralisation du tiers payant à l’occasion de la discussion du projet de loi de santé. Toutefois – j’en viens à l’amendement n° 206 rectifié, ce qui me permettra de répondre aussi à l’intervention de Mme Génisson –, il est bien évident qu’il faut un système simple, qui garantisse au médecin d’être payé rapidement et certainement, sans que le paiement se perde dans je ne sais quels méandres administratifs.

Pour ce faire, la première étape, qui fait seule l’objet de notre discussion ce soir, prévoit un payeur unique, à savoir l’assurance maladie, à charge pour cette dernière de se retourner ensuite vers les complémentaires pour se faire rembourser la part devant être prise en charge par ces organismes. Pour le professionnel de santé, c’est la solution la plus simple, puisqu’il est payé directement par l’assurance maladie.

En l’espèce, il y a donc bien un organisme payeur unique, mais il existe des professionnels de santé, par exemple les pharmaciens, qui ont déjà adhéré à une autre organisation. C’est la raison pour laquelle nous leur laissons la liberté de choix du dispositif.

En théorie, les médecins peuvent aussi s’organiser comme ils le souhaitent – un peu plus de 30 % des actes des médecins de ville sont d’ores et déjà réalisés en tiers payant –, et, s’ils ont un système dont ils sont satisfaits, nous n’allons pas leur imposer de changer d’organisation ! C’est une question d’efficacité et de bon sens.

La solution que nous avons retenue est donc : un payeur unique, mais la liberté de choix du dispositif par le médecin. Pour ce qui est de la généralisation, dans un second temps, les modalités techniques ne sont pas encore arrêtées et elles font l’objet de discussions, tant avec les professionnels de santé qu’avec les organismes payeurs.

Madame Gruny, il me semble donc que votre préoccupation, qui est légitime, est en réalité satisfaite par le texte. Je vous demande donc de bien vouloir retirer votre amendement, faute de quoi j’émettrais un avis défavorable.

M. le président. Madame Gruny, l'amendement n° 206 rectifié est-il maintenu ?

Mme Pascale Gruny. Non, je le retire, monsieur le président.

M. le président. L'amendement n° 206 rectifié est retiré.

Je mets aux voix l'article 29.

(L'article 29 est adopté.)

Article 29
Dossier législatif : projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2015
Article 29 bis (nouveau)

Articles additionnels après l'article 29

M. le président. Je suis saisi de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 240, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 29

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin du 2° de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « excédant le tact et la mesure » sont supprimés.

La parole est à Mme Laurence Cohen.

Mme Laurence Cohen. Dans le contexte économique et social actuel, il paraît plus que jamais nécessaire d’intervenir afin d’éviter une crise sanitaire dans notre pays. Dans le sens de l’article 29, qui prévoit l’extension du tiers payant aux bénéficiaires de la CMU-C, nous faisons donc la proposition d’interdire les dépassements d’honoraires – tel est l’objet de l’amendement n° 240 –, ou du moins de les limiter à hauteur de 15 % du tarif opposable – tel sera l’objet de l’amendement n° 241.

Notre démarche répond à une nécessité de justice sociale, les plus fragiles socialement ayant le plus de risques de rencontrer des difficultés de santé en 2014.

Alors que l’accroissement de la participation financière des ménages, les franchises médicales et les difficultés d’accès au secteur conventionné 1, c’est-à-dire sans dépassement des tarifs de l’assurance maladie, aggravent les inégalités d’accès aux soins, les dépassements d’honoraires sont une peine supplémentaire pour l’accès aux spécialistes.

Le pourcentage de la population vivant dans un désert médical gynécologique passe de 14 % à 54 % si l’on ne peut accéder qu’à un gynécologue au tarif de la sécurité sociale. Pour les ophtalmologistes, cette proportion passe de 13 % à 45 % et, pour les pédiatres, de 19 % à 28 %.

Il en va de même s’agissant du délai d’attente pour un rendez-vous chez l’ophtalmologiste : si, dans un cas sur deux, on l’obtient en moins de 79 jours en acceptant les dépassements d’honoraires, on passe à 131 jours au tarif de la sécurité sociale, ce qui représente un mois et demi de plus d’attente.

Selon la Mutualité française, le montant des dépassements d’honoraires des médecins libéraux en 2013 est en hausse de 2,9 %, pour atteindre 2,7 milliards d’euros, et la part des rémunérations forfaitaires a doublé, passant de 5,8 % en 2006 à 11,2 % en 2013.

Madame la ministre, toutes vos tentatives pour maîtriser les dépassements d’honoraires, qui méritent tout à fait d’être saluées, ont donc été contournées, et le système de sanction des dépassements excessifs n’a pas été appliqué.

Pour l’ensemble de ces raisons, nous demandons à nos collègues de voter l’amendement n° 240, ce qui serait un acte fort pour mettre un terme à la pratique des dépassements d’honoraires, laquelle accentue les inégalités.

M. le président. L'amendement n° 241, présenté par Mmes David et Cohen, M. Watrin et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 29

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

À la fin du 2° de l’article L. 162-1-14-1 du code de la sécurité sociale, les mots : « le tact et la mesure » sont remplacés par les mots : « 15 % du tarif opposable ».

La parole est à M. Dominique Watrin.

M. Dominique Watrin. Cet amendement a été déposé pour anticiper un éventuel rejet de l’amendement précédent. Nous proposons ici un encadrement des dépassements d’honoraires à hauteur de 15 % du tarif opposable.

Cette proposition quelque peu en retrait s’inscrit cependant toujours dans la lutte contre les dépassements d’honoraires excessifs. Je ne reviendrai pas sur l’argumentation que nous venons d’entendre, les mêmes causes produisant les mêmes effets.

Néanmoins, permettez-moi de compléter notre analyse en insistant sur la nécessité de réguler la pratique des dépassements d’honoraires facturés dans le cadre de l’activité privée des praticiens hospitaliers. En effet, en 2013, cette surfacturation s’élevait à 68,7 millions d’euros. La mise en œuvre d’un encadrement de l’activité libérale à l’hôpital nous semble ainsi indispensable.

Par cet amendement, nous souhaitons donc créer un cadre plus contraignant pour les dépassements d’honoraires. J’ajoute que ce plafond de 15 % correspond à une recommandation formulée par l’IGAS dans un rapport sur ces pratiques.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?