Mme la présidente. Nous allons maintenant procéder au vote des crédits de la mission « Culture », figurant à l’état B.

État B

(en euros)

Mission

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

Culture

2 556 309 961

2 585 221 971

Patrimoines

745 573 227

751 011 287

Création

717 733 923

734 261 558

Transmission des savoirs et démocratisation de la culture

1 093 002 811

1 099 949 126

Dont titre 2

662 092 498

662 092 498

 

Mme la présidente. Je n’ai été saisie d’aucune demande d’explication de vote avant l’expiration du délai limite.

Je mets aux voix les crédits de la mission « Culture ».

J’ai été saisie d’une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

Mme la présidente. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

Mme la présidente. Voici le résultat du scrutin n° 49 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 136
Contre 199

Le Sénat n’a pas adopté.

J’appelle en discussion l’article 50 bis, qui est rattaché pour son examen aux crédits de la mission « Culture ».

Culture

Culture
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 50 bis (nouveau)

Le Gouvernement remet au Parlement, avant le 1er mars 2015, un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine.

Mme la présidente. La parole est à M. Yves Pozzo di Borgo, sur l'article.

M. Yves Pozzo di Borgo. Je souhaite interroger le Gouvernement sur la Philharmonie de Paris. En tant que sénateur de Paris, je soutiens ce projet, malgré toutes les difficultés.

Dans son rapport de 2012 sur le sujet, mon ancien collègue Yann Gaillard soulignait qu’il y avait manifestement eu une stratégie politico-administrative pour minimiser les estimations initiales.

Parmi quatre-vingt-dix-huit participants, c’est M. Jean Nouvel, l’architecte le plus titré et médaillé au monde, qui a été retenu. Lui-même a déclaré publiquement avoir été obligé d’approuver les termes du contrat tout en sachant qu’ils étaient faux !

Pour construire la salle, il n’y a que Bouygues et ses traitants. C’est d’ailleurs un grand classique : à Paris, pour tous les projets nationaux ou municipaux, on ne fait appel qu’à une ou deux sociétés. C’est la démocratie française…

Cette stratégie politico-administrative est appliquée par une association avec un directeur tout puissant, qui décide seul de toutes les transactions, dans les limites de l’enveloppe qui lui est dévolue. Dans son rapport, Yann Gaillard a noté que la « forme associative de la structure de portage du projet » avait « favorisé une défaillance de suivi des tutelles ».

Voilà qui explique peut-être en grande partie les dérives des coûts, aujourd'hui estimées à 118 millions d’euros. À l’origine, le programme était chiffré à 204,14 millions d’euros ; à l’heure actuelle, nous sommes à 381,5 millions d’euros. Et je ne parle pas de l’emprunt de la ville de Paris à 5,2 %. Quand on connaît les taux habituellement pratiqués, on se rend compte à quel point cette ville est bien gérée…

On a l’impression que, derrière le pouvoir personnel du directeur, l’architecte n’a pas beaucoup eu son mot à dire. Il est possible que, lors de l’inauguration, le 14 janvier, d’aucuns s’interrogent sur les qualités acoustiques de la salle et sur l’œuvre que l’architecte a voulu réaliser. J’ai déjà alerté les hautes autorités à cet égard.

Par ailleurs, la ville de Paris a refusé de prendre en charge le surcoût de 45 millions d’euros. Certes, sur un budget de 8 milliards d’euros, 45 millions d’euros, ce n’est pas énorme. Mais quand on dépense beaucoup, comme le fait la municipalité, et qu’on se retrouve avec un déficit de 400 millions d’euros, on ne peut évidemment plus assumer grand-chose…

Je souhaite interroger le Gouvernement : pourquoi un tel surcoût ? J’ai demandé des explications, et je crois que Mme la présidente de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication a fait de même. Nous n’avons obtenu aucune réponse. D’ailleurs, et les spécialistes le confirmeront peut-être, il m’a semblé que ce surcoût n’apparaissait même pas clairement dans les documents budgétaires.

Je rappelle que les contrats ont été signés en 2011, sur la base de prix de 2009. Ainsi que le savent tous mes collègues élus, la révision des prix est automatique sur la base de l’indice BT 01 de 1 %. Mais là, avec le surcoût, on est à 15 % !

Certes, en comparaison de nos milliards d’euros de dette ou du budget de la ville de Paris, 45 millions d’euros, cela ne fait pas beaucoup. Mais je connais beaucoup d’élus de province qui aimeraient bien disposer d’une telle somme pour financer leur politique culturelle.

Il est donc permis de se poser des questions. Pouvez-vous justifier ce surcoût, madame la ministre ? Y a-t-il eu une volonté de maquillage dès le départ ? Après tout, c’est fort possible, puisque les contrats de 2011 ont été signés sur la base des prix de 2009. Les ordres notifiés par le maître d’ouvrage ne servent-ils pudiquement qu’à faciliter le travail des entreprises ?

Je souhaite avoir des éclaircissements en la matière, d’autant que, encore une fois, je soutiens le projet.

Mme la présidente. La parole est à M. Vincent Delahaye, sur l'article.

M. Vincent Delahaye. L’article 50 bis nouveau a pour objet la remise par le Gouvernement d’un rapport sur la possibilité d’affecter au Centre des monuments nationaux les bénéfices d’un tirage exceptionnel du loto réalisé à l’occasion des Journées européennes du patrimoine. Au groupe UDI-UC, nous y sommes évidemment favorables.

Je souhaite profiter de l’occasion qui m’est offerte pour évoquer plusieurs questions liées au budget de la mission « Culture », que nous venons de repousser.

Les crédits sont effectivement en très légère hausse, mais leur répartition ne nous convient pas forcément. Comme cela a été souligné tout à l’heure, nous avons l’impression qu’il n’y a aucun véritable choix, hormis la réduction drastique des aides aux conservatoires, donc aux collectivités territoriales, à un moment où les moyens des opérateurs augmentent de 2 % et les dépenses fiscales de 13,2 %.

Je n’ai jamais entendu l’État indiquer par la voix du Premier ministre ou du ministre chargé du budget qu’il s’agissait de priorités budgétaires. Or, pour moi, dans un contexte budgétaire aussi contraint que celui que nous connaissons aujourd'hui, une augmentation de 2 %, cela marque une priorité !

Je reprends les propos de mon collègue Michel Bouvard sur la gouvernance des opérateurs. Le rapport de la Cour des comptes sur les dépenses de fonctionnement et sur certaines dépenses d’investissement décidées par les opérateurs qui se retournent ensuite vers l’État est, à mon avis, très bon. J’aimerais connaître les dispositions que le Gouvernement souhaite adopter pour piloter les opérateurs de manière plus efficace et ne plus leur laisser une totale liberté.

Je m’interroge également sur l’ouverture de certains musées sept jours sur sept, expérimentation dont j’ai lu qu’elle avait « vocation » à être financée par les recettes de billetterie. Savoir qu’il y a une « vocation à », c’est bien ; avoir des certitudes, c’est mieux ! Je ne suis pas opposé à cette ouverture. Mais la décision a-t-elle été précédée d’une étude de marché ou d’évaluations ? Cela ne figure pas dans le rapport. Avant d’embaucher 100 personnes et de dépenser de l’argent public, il serait, me semble-t-il, souhaitable de s’assurer que les recettes seront au rendez-vous et que le financement sera effectivement assumé par les visiteurs.

Par ailleurs, et à l’instar de mon collègue Yves Pozzo di Borgo, je souhaite évoquer la Philharmonie de Paris, sujet sur lequel je suis intervenu à plusieurs reprises.

Comme jeune sénateur, j’avais interpellé M. Frédéric Mitterrand sur le dérapage financier. Nous sommes passés des 200 millions d’euros initialement prévus à 381 millions d’euros. Depuis le début, et ce n’est pas de votre faute, madame la ministre, l’opération n’a absolument pas été pilotée.

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Au début, c’était qui ? Nicolas Sarkozy !

M. Vincent Delahaye. D’ailleurs, c’est malheureusement souvent une caractéristique des projets de l’État.

De tels dérapages sont tout de même assez préjudiciables aux contribuables. Je ne suis pas convaincu que le fait de consacrer autant d’argent à un seul équipement parisien aille vraiment dans le sens de la réorientation des aides vers la province que vous invoquez, madame la ministre.

Je souhaite soulever plusieurs questions.

D’abord, les 45 millions d’euros de dépassement, que la ville de Paris ne veut pas prendre en charge, sont-ils inscrits dans ce budget ?

M. David Assouline, rapporteur pour avis. Oui !

M. Vincent Delahaye. Je ne les ai pas vus, que ce soit dans le rapport ou dans les tableaux de chiffres. Je ne me contente pas d’affirmations ; je veux voir les chiffres.

Ensuite, existe-t-il une convention – je suis surpris qu’il n’y en ait pas eu à l’origine – entre l’État et la ville de Paris pour fixer la répartition du financement à la fois sur l’investissement et sur le fonctionnement à 50/50 ? Si ce n’est pas le cas, c’est très grave ! Cela signifie que l’État est pris au piège des décisions de la ville de Paris. Si celle-ci décide demain de ne plus rien financer du tout, le fonctionnement de cet équipement parisien sera à la charge de l’État, c'est-à-dire des contribuables, y compris de ceux qui habitent en province ! On n’engage pas des deniers publics sans convention initiale. Et si cette convention existe, la ville de Paris est-elle prête à acquitter les 9,8 millions d’euros de fonctionnement pour l’année 2015 ?

Enfin, à quoi ont servi les 5,7 millions d’euros de crédits de fonctionnement inscrits pour 2014 ? La Philharmonie de Paris n’est pas ouverte. Je sais bien qu’il fallait anticiper la programmation. Mais fallait-il mobiliser une telle somme dès 2014 pour cela ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC et de l'UMP.)

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Ces interventions ne portent pas sur l’article 50 bis. Toutefois, je vais répondre aux questions qui m’ont été adressées.

Tout d’abord, comme vous l’avez rappelé avec honnêteté, messieurs les sénateurs, la décision de construire la Philharmonie de Paris a été prise en 2007. En 2012, lors de notre arrivée aux responsabilités, le chantier avait déjà beaucoup avancé. Je pense qu’il n’aurait pas été de bonne gestion de mettre un terme à une opération ayant déjà coûté plusieurs centaines de millions d’euros.

Au demeurant, même si je travaille beaucoup au rééquilibrage de l’offre culturelle entre Paris et la province, je pense qu’il s’agit d’un beau projet pour l’attractivité de notre pays. Nous avions besoin d’une grande salle philharmonique. L’établissement fait aujourd'hui des envieux, à Londres comme à Berlin, où les équipements ont vieilli.

J’ai pris mes fonctions de ministre à quelques mois de l’ouverture de la Philharmonie de Paris. Je souhaite que nous la réussissions.

Pour autant, je ne nie pas qu’il y ait eu un certain nombre de problèmes de pilotage. D’ailleurs, ils ne datent pas du mois de mai 2012 ; ils sont bien antérieurs. Depuis ma nomination dans ces fonctions, je m’efforce d’y remédier, pour ce qui concerne le financement comme la gouvernance.

Cette année, il y a effectivement eu un dépassement de 45 millions d’euros. Mais il est partiellement imputable à l’interruption du chantier pendant une année à la demande de Nicolas Sarkozy qui a coûté extrêmement cher.

Nous avons également une vingtaine de millions d’euros qui sont liés à des actualisations de prix. Comme cela a été rappelé, les contrats ont été passés pour certains en 2009 et pour d’autres en 2011. Cela coûte également.

Et nous avons 25 millions d’euros de surcoût qui sont dus à des aléas. Outre les coûts liés à l’interruption du chantier, que j’ai déjà évoqués, il faut tenir compte d’un certain nombre d’options techniques, comme les exigences de sécurité, le bois choisi pour parer les murs de la grande salle, le vernis… Il s’agit peut-être de détails, mais c’est grâce à cela que l’esthétique et l’acoustique de la salle seront exceptionnelles. De tels problèmes de finition sont malheureusement assez classiques pour ce type d’opération.

Au vu de la situation, une mission a été confiée à M. Jean-Pierre Weiss pour examiner les raisons ayant conduit aux dépassements et aux retards ; elle est en cours depuis un an. Il s’agit d’identifier clairement les responsabilités respectives des différents acteurs, car il n’est pas forcément évident d’en connaître la répartition aujourd'hui.

Lors de ma prise de fonctions, j’ai demandé à l’OPIC, l’opérateur du patrimoine et des projets immobiliers de la culture, une contre-expertise pour savoir si l’objectif d’une ouverture le 14 janvier prochain était bien réaliste – il m’a été répondu que cela l’était – et pour faire procéder à une évaluation précise des coûts et des travaux à réaliser en urgence.

Une mission est en cours afin d’étudier si la Philharmonie peut fonctionner avec les crédits prévus du côté tant de l’État que de la ville de Paris, sachant que les négociations sur la convention qui lie ces deux parties pour organiser le fonctionnement de l’établissement s’achèvent actuellement.

J’ai passé beaucoup de temps à la Cour des comptes, et j’ai vraiment eu à cœur, je peux vous l’assurer, de rendre la situation à la fois plus transparente, plus claire et plus efficace. S’il est important de bien comprendre les responsabilités des uns et des autres, il faut surtout faire en sorte que l’inauguration et l’ouverture de la Philharmonie de Paris soient un succès mondial.

Je ne reviendrai pas sur la question du pilotage des opérateurs de mon ministère. Je vous l’affirme, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai la volonté très claire de piloter l’ensemble d’entre eux, même si la tâche n’est pas facile. Concrètement, cela signifie que les directeurs d’établissement public devront tenir compte de ma vision et de mes priorités en matière d’éducation artistique et culturelle. Ils devront, entre autres, mieux prendre en compte les pratiques quotidiennes des jeunes d’aujourd’hui, ou encore s’engager dans une démarche de rayonnement international. Je pourrais ainsi multiplier les exemples.

En tout état de cause, je souhaite non pas que mon ministère s’ingère dans la gestion quotidienne des opérateurs, mais qu’il définisse des grands axes de politiques et que tous les opérateurs se mettent au service de ces priorités.

Enfin, je précise que les 45 millions d’euros étaient prévus pour 2014 ; c’est la raison pour laquelle ils ne figurent pas dans le projet de loi de finances pour 2015. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à Mme Marie-Annick Duchêne, sur l’article.

Mme Marie-Annick Duchêne. Permettez-moi de profiter de ce débat sur la Philharmonie de Paris, madame la ministre, pour vous demander s’il est exact que la salle Pleyel perdra sa spécificité classique. Si c’est une fausse rumeur, autant lui tordre le cou tout de suite !

Mme la présidente. La parole est à Mme la ministre.

Mme Fleur Pellerin, ministre. Paris va devenir une place extrêmement importante pour le rayonnement de la musique classique, ce dont il faut, je pense, se féliciter.

Dans la mesure où Paris disposera désormais d’une salle philarmonique de tout premier plan, dont l’acoustique aura été traitée par le même bureau d’études que celui qui a travaillé sur l’auditorium de la Maison de Radio France, avec une jauge de plus de 2 500 places, cet établissement en sera le pôle de la musique classique.

De ce fait, il a été décidé que la salle Pleyel devrait réorienter sa programmation vers d’autres musiques, afin de parvenir à une spécialisation des genres des différents lieux dédiés à la musique à Paris. Toutefois, je ne suis pas extrêmement rigide : nous verrons bien, à l’usage, la manière dont se déplacent les publics. Nous pourrons éventuellement en discuter de nouveau.

Mme la présidente. Je mets aux voix l'article 50 bis.

(L'article 50 bis est adopté.)

Mme la présidente. Nous avons achevé l’examen des crédits de la mission « Culture ».

Solidarité, insertion et égalité des chances

Article 50 bis (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi de finances pour 2015
Article 60

Mme la présidente. Le Sénat va examiner les crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » (et article 60).

La parole est à Mme la présidente de la commission.

Mme Michèle André, présidente de la commission des finances, en remplacement de M. Éric Bocquet, rapporteur spécial. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, Éric Bocquet, rapporteur spécial de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », vous prie de l’excuser. Retenu par des engagements dans son département, il ne peut être présent aujourd’hui en raison du report de l’examen de la présente mission. Je vous livre donc les principaux points de son rapport.

La mission que nous examinons ce matin est la principale mission du budget général en termes d’intervention en faveur des personnes vulnérables : personnes éloignées de l’emploi, personnes en situation de handicap, personnes dépendantes, personnes sous tutelle, etc.

Elle est en réalité très concentrée sur quelques dispositifs d’intervention coûteux, mais absolument fondamentaux pour notre cohésion sociale : l’allocation aux adultes handicapés, l’AAH, les établissements et services d’aide par le travail, les ESAT, pour les travailleurs handicapés, le RSA activité, et la protection juridique des majeurs.

Le budget triennal 2015-2017 prévoit la poursuite de l’augmentation des crédits, qui atteindront environ 16 milliards d’euros en 2017, hors le compte d’affectation spéciale « Pensions », soit une hausse de quelque 500 millions d’euros en deux ans. Il y a en effet, sur la mission, deux principales dépenses dont le tendanciel est fortement en augmentation : l’allocation aux adultes handicapés, qui représente 8,5 milliards d’euros en 2015, et la partie « activité » du revenu de solidarité active, qui correspond à plus de 1,9 milliard d’euros. La hausse prévue dans le budget triennal est importante, mais le rapporteur spécial craint malgré tout que le plafond ne soit très rapidement dépassé, en particulier du fait de la revalorisation du RSA.

J’en viens maintenant aux principales observations du rapporteur spécial sur chacun des programmes.

Le programme 304 est le principal programme d’inclusion sociale. Il porte essentiellement sur les dépenses liées au RSA activité et à la protection juridique des majeurs. Les crédits de ce programme augmentent fortement, pour deux raisons de périmètre : l’intégration du programme 106 et la « rebudgétisation » – le rapporteur spécial s’en félicite – du Fonds national des solidarités actives, ou FNSA, qui finance le RSA activité.

Cette « rebudgétisation » clarifie le financement et améliore la prévisibilité de la recette pour les gestionnaires. Cependant, le rapporteur spécial, comme le rapporteur général en séance lors de l’examen de la première partie du projet de loi de finances, s’est inquiété de l’affectation d’une fraction de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires. Selon lui, cette affectation ne respecte pas les principes de la contribution, et constitue un « tuyau », ou une « recette de poche », qui réduit la clarification attendue.

Dans le cadre de la revalorisation du RSA, la dépense en matière de RSA activité va augmenter, pour atteindre 1,9 milliard d’euros en 2015. Cela fait trois ans que le rapporteur spécial appelle de ses vœux une réforme qui réduise le non-recours à cette prestation : depuis la présentation du rapport en commission, le Gouvernement a présenté son projet de loi de finances rectificative, qui prévoit la suppression de la prime pour l’emploi, première étape avant la création d’une nouvelle prime d’activité.

Le rapporteur spécial regrette fortement la suppression de l’aide personnalisée de retour à l’emploi, l’APRE, coup de pouce pour l’insertion des bénéficiaires du RSA, dont il avait souligné l’utilité dans un rapport de contrôle budgétaire l’an passé.

De façon générale, il déplore que, sous l’effet de la contrainte budgétaire, la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances » se réduise à ses seuls dispositifs de guichet et que disparaissent ou soient réduites les interventions plus ciblées ou les subventions aux associations, qui animent sur le terrain la politique de solidarité.

Il en va de même des subventions aux associations en faveur des droits des femmes, qui vous sont particulièrement chères, madame la secrétaire d’État, portées par le programme 137 et qui sont gelées depuis trois ans.

S’agissant du programme 157, la principale préoccupation du rapporteur spécial concerne la budgétisation de l’allocation aux adultes handicapés, qu’il estime insuffisante. Selon lui, l’AAH est sous-budgétée d’environ 100 millions d’euros. Je rappelle que l’AAH représente à elle seule plus de la moitié des crédits de la mission, soit 8,5 milliards d’euros.

Le rapporteur spécial regrette le faible effort qui est fait en faveur des établissements et services d’aide par le travail, qui font travailler des personnes handicapées, notamment des handicapés mentaux. Aucune nouvelle place n’est construite, et l’aide à la modernisation est très faible – seulement 2 millions d’euros –, alors que les premières conclusions du contrôle, actuellement en cours, de M. Bocquet sur ce sujet montrent des besoins importants en la matière.

Enfin, le rapporteur spécial a vivement critiqué les suppressions d’effectifs dans le programme 124, qui vise les dépenses de fonctionnement et de personnels de l’administration sociale. Sont concernées les directions régionales de la jeunesse, des sports et de la cohésion sociale, les DRJCS, la direction départementale de la cohésion sociale, la DDCS, les directions départementales de la protection des populations, les DDPP, les agences régionales de santé, les ARS, etc. Le plafond d’emploi des directions est réduit de 253 équivalents temps plein travaillé, ou ETPT, presque tous des agents de catégories C et B. Celui des ARS est diminué de 100 ETPT. Depuis 2011, au total, les effectifs des administrations sociales ont perdu plus de 800 personnes, soit plus de 10 % de l’ensemble. Le rapporteur spécial a fait part de sa crainte que, au terme de cette logique, les missions que ces directions doivent assurer, à savoir la solidarité et l’accompagnement des personnes vulnérables sur le terrain, ne soient remises en question.

In fine, malgré l’importance de cette mission pour la cohésion sociale dans notre pays, le rapporteur spécial avait préconisé de ne pas en adopter les crédits, en raison non seulement de ces baisses continues d’effectifs dans l’administration, mais aussi de la suppression des dispositifs d’intervention ciblés comme l’APRE, ainsi que de la probable sous-dotation de l’AAH. La majorité de la commission des finances l’a suivi, en soulignant que les réformes nécessaires pour contenir les dépenses de guichet n’étaient pas réalisées.

En conséquence, madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des finances a émis un avis défavorable sur l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », mais telle n’est pas, vous l’aurez compris, ma position personnelle.

Mme la présidente. La parole est à M. le rapporteur pour avis.

M. Philippe Mouiller, rapporteur pour avis de la commission des affaires sociales. Madame la présidente, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission des affaires sociales est défavorable à l’adoption des crédits de la mission « Solidarité, insertion et égalité des chances », ainsi qu’à celle de l’article 60, qui lui est rattaché.

La présente mission sera dotée de 15,7 milliards d’euros l’année prochaine. Je ne reviendrai pas en détail sur la présentation des crédits, préférant concentrer mon propos sur les principaux éléments qui ont justifié la position de la commission. Ils sont de deux ordres : d’une part, la sous-évaluation chronique de dépenses d’intervention, dont la hausse n’est pas maîtrisée ; d’autre part, l’environnement très incertain dans lequel évoluent les politiques d’inclusion sociale et du handicap.

Le programme « Inclusion sociale, protection des personnes et économie sociale et solidaire » bénéficiera de 2,6 milliards d’euros en 2015.

Le Fonds national des solidarités actives, qui finance le RSA activité, sera doté de 2,3 milliards d’euros. La forte hausse par rapport à 2014 tient à une simplification du mode de financement du FNSA qui sera désormais entièrement assuré par l’État. Pour autant, l’incidence sur les dépenses de l’État de la revalorisation exceptionnelle du RSA socle, ainsi que des mesures mises en œuvre pour lutter contre le non-recours aux droits, est sous-évaluée.

Il est en outre regrettable que, pour 2015, le financement du RSA activité ne puisse être bouclé que grâce à un apport de 200 millions d’euros issus de la contribution exceptionnelle de solidarité des fonctionnaires. Cela ne va pas dans le sens de la clarification effectuée par ailleurs pour ce qui concerne le financement du FNSA et laisse à penser que le Gouvernement ne se donne pas les moyens d’assumer de façon pérenne les conséquences budgétaires des décisions qu’il a prises à l’égard du RSA.

Le Gouvernement vient d’annoncer la création d’une prime d’activité chargée de remplacer le RSA activité et la prime pour l’emploi. Il s’agit d’une réforme attendue, que portait en germe la loi de 2008 généralisant le revenu de solidarité active et réformant les politiques d’insertion. Elle est justifiée dans la mesure où le RSA activité et la prime pour l’emploi n’ont pas atteint leurs objectifs d’incitation au retour et au maintien dans l’emploi. De nombreuses questions demeurent, notamment sur l’incidence financière de la réforme.

Compte tenu du fort taux de non-recours au RSA activité – il est d’environ 68 % – et de l’échec du RSA jeunes – moins de 8 000 personnes en ont bénéficié en 2014 –, est-il réaliste d’envisager, à moyens constants, la création d’une prime qui touchera l’ensemble des travailleurs dès l’âge de dix-huit ans ? Je n’en suis pas convaincu.

D’autres questions devront être tranchées.

Le 6 novembre dernier, le Premier ministre a annoncé la mise en place d’un groupe de travail sur le RSA socle. L’hypothèse d’un transfert de la gestion de cette prestation à l’État mérite d’être étudiée de près, en raison notamment du poids qu’elle représente pour les finances départementales et des marges de manœuvre plus que limitées dont les départements disposent pour sa gestion.