M. le président. La parole est à M. Vincent Capo-Canellas, pour explication de vote.

M. Vincent Capo-Canellas. Gardons-nous d’entrer dans un faux débat, limité à des postures, et abordons au fond ce sujet difficile, en regardant un certain nombre de difficultés en face. Selon moi, il nous faut conjuguer le respect des principes et la prise en compte des réalités.

Permettez-moi tout d’abord, madame la secrétaire d’État, d’apporter une précision. Tout à l’heure, Francis Delattre a dit clairement que les ressortissants du droit d’asile bénéficiaient de la CMU. Il n’a pas évoqué l’AME à propos de ce public. Je veux lui en rendre témoignage et contredire sur ce point les propos que vous avez tenus à l’instant.

Il faut concilier les principes et les réalités, ai-je indiqué. J’ai entendu le rapporteur spécial expliquer que l’AME était indispensable et qu’il ne souhaitait pas le rejet des crédits correspondants : la majorité sénatoriale aborde le débat dans cet esprit.

En revanche, le rapporteur spécial a appelé, de manière tout à fait claire, à une redéfinition des critères. Comment peut-on concevoir une AME tout à la fois humaniste et davantage respectueuse d’un certain nombre de critères ?

Enfin, le rapporteur spécial a également parlé d’un « amendement d’appel ». La navette doit permettre une évolution des positions de part et d’autre. On ne peut pas rester dans le déni ! La nouvelle majorité, à son arrivée aux affaires, a commencé par abroger certaines dispositions existantes, pour des raisons de principe.

M. Vincent Capo-Canellas. Malgré tout, les réalités demeurent.

Au-delà de l’amendement de M. Delattre, sans doute faut-il également réaliser un travail d’approfondissement avec les praticiens, refaire une mission… Il y a place pour le débat !

Nous le savons tous, chacun a droit à des soins…

Mme Catherine Génisson. C’est le serment d’Hippocrate !

M. Vincent Capo-Canellas. … et les médecins n’ont pas à prendre en compte les réalités comptables dans le cadre de leur pratique.

Pour autant, nous avons l’obligation de fixer un certain nombre de règles en matière d’offre de soins. C’est tout l’enjeu du débat, qui n’est pas si simple !

Par ailleurs, j’ai entendu certains orateurs affirmer que, quelle que soit l’intention, elle ne peut être dissociée de la surenchère médiatique. Si cela est vrai, on risque de s’interdire d’évoquer de très nombreux sujets ! En définitive, mieux vaudra opter pour la politique de l’autruche, plutôt que d’aborder une question susceptible de prêter à caricature !

Il me semble précisément que le rôle du Sénat, en particulier, consiste à tenter de faire la part des choses entre l’écho médiatique et la recherche d’un consensus pour l’élaboration de dispositions sur des sujets aigus.

Nous sommes nombreux à convenir, me semble-t-il, de la nécessité d’une évolution. Peu d’entre nous considèrent que l’AME se porte parfaitement bien et que rien n’est à changer. Mme la secrétaire d’État elle-même a évoqué la lutte contre les filières, mais pour notre part nous abordons la question de l’AME non sous l’angle de l’immigration, mais sous celui de la santé, dans un souci à la fois d’humanisme et de respect de certaines règles.

Nous ne souhaitons nullement stigmatiser quiconque ! Dans mon département, la Seine-Saint-Denis, la question de la prise en charge des soins se pose de manière aiguë et doit être traitée au fond.

En termes de comparaisons internationales, l’Espagne, nous l’avons vu, a récemment modifié sa position, en révisant drastiquement les conditions d’accès aux soins gratuits en 2012, principalement pour des raisons financières. La France, quant à elle, se distingue par un très large accès aux soins gratuits.

La forte progression des crédits du programme « Protection maladie » découle presque totalement de l’évolution des crédits de l’AME. Comme cela a été rappelé, à l’exception de l’exercice 2012, les crédits consommés ont toujours été supérieurs aux crédits votés. Enfin, le nombre de bénéficiaires a crû d’environ 130 000 depuis 2002.

En conclusion, des ajustements complémentaires nous semblent nécessaires. Ils devront bien sûr préserver le double objectif humanitaire et sanitaire du dispositif, tout en fixant des règles applicables à tous. (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Ce débat est très médiatique, nous dit-on… Ce n’est pas le seul ! En tout état de cause, les choses doivent être dites.

J’entendais notre collègue Françoise Laborde annoncer une augmentation de 73 000, en un an, du nombre des bénéficiaires de l’AME. Quand on nous assure que seule la charge du dispositif, et non le nombre de bénéficiaires, augmente, c’est donc faux ! Le contingent des bénéficiaires de l’AME s’accroît, et ce pour une raison toute mécanique.

Comme le rapporteur spécial l’a excellemment montré, les personnes qui sont déboutées du droit d’asile et deviennent, de fait, des « sans-papiers » passent de la CMU à l’AME. Or il se trouve que le nombre de demandes d’asile augmente considérablement depuis cinq ans, pour s’élever à l’heure actuelle à environ 70 000. L’Office français de protection des réfugiés et apatrides et la Cour nationale du droit d’asile ne délivrant que de 12 000 à 13 000 titres de réfugié, ce sont, chaque année, de 50 000 à 55 000 personnes à qui l’on refuse le droit d’asile, dont entre 10 000 et 15 000 seulement seront raccompagnées aux frontières.

Notre système est fou ! Faute de critères suffisants pour l’accès au droit d’asile, nous fabriquons, presque mécaniquement, de futurs titulaires de l’AME.

Je ne dis pas qu’il faille remettre en cause le principe de l’AME ou le serment d’Hippocrate : bien sûr que non ! Mais vous savez bien, madame la secrétaire d’État, que, depuis plusieurs années, les crédits inscrits au budget pour l’AME sont systématiquement complétés en loi de finances rectificative.

Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur le droit d’asile et sur l’immigration, il faut raisonner à partir des vrais chiffres ! Rien n’est pire que les faux-semblants ou le mensonge dans le débat public, car ils ouvrent la voie aux extrêmes !

Si l’on exposait clairement les coûts, les critères pouvant être retenus, il serait possible de trouver un accord entre personnes raisonnables. Au lieu de cela, ceux qui veulent revoir l’AME sont taxés de xénophobie, d’inhumanité ! Cela n’a pas de sens ! Cette attitude pousse à une telle cristallisation du débat que le discours des partisans d’une suppression de l’AME finit par gagner du terrain dans l’opinion !

L’amendement de notre excellent collègue Francis Delattre ne remet pas en cause les soins d’urgence ; il vise ce que l’on appelle, avec une élégance rare, le « tourisme médical » et les filières qui l’organisent, un peu partout dans le monde. Il vise à éviter que des personnes ne viennent en France parce que notre système de santé, en particulier hospitalier, est remarquable et gratuit pour eux, grâce à l’AME. Il ne s’agit pas de fermer la porte devant les malheurs du monde, mais notre système hospitalier est sursaturé par les réseaux qui organisent le tourisme médical dans notre pays. Nous disons « oui » à une AME cohérente au regard des besoins en matière de soins d’urgence, « non » aux surcoûts liés aux réseaux !

Naturellement, je voterai l’amendement présenté par Francis Delattre. Je vous le dis sincèrement, madame la secrétaire d’État : en refusant obstinément de débattre du coût financier, des critères et de l’encadrement de l’AME, vous dénaturez totalement le sujet aux yeux de l’opinion publique et donnez des arguments aux extrêmes, alors que nous pouvons parfaitement, entre gens pondérés, trouver une solution.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Génisson, pour explication de vote.

Mme Catherine Génisson. Monsieur le rapporteur spécial, vous avez cité Michel Rocard de façon incomplète, comme on le fait trop souvent. S’il a effectivement dit que notre pays ne pouvait pas accueillir toute la misère du monde, il ajoutait qu’il était fondamental, en contrepartie, d’instaurer de véritables politiques de coopération internationale, en particulier Nord-Sud. Il ne faut pas faire référence de façon tronquée à un homme qui a profondément marqué la politique de notre pays !

Nous devons en effet mener un débat de fond sur l’aide médicale d’État. Il s’est d'ailleurs engagé grâce au député UMP Claude Goasguen, qui s’étonnait que les dépenses de l’AME aient augmenté très significativement depuis son instauration dans les années 2000. Le rapport d’information qu’il a rédigé avec le député socialiste Christophe Sirugue montrait que ces dépenses augmentaient parce qu’elles commençaient seulement à être quantifiées et codifiées. Auparavant, les hôpitaux jouaient leur rôle d’hospice, au sens ancien du terme, sans que cela soit comptabilisé.

Il est vrai que les crédits alloués à l’aide médicale d’État ont très largement augmenté au fil des années, mais cette situation est d’abord liée à l’immigration et au droit d’asile. Pour traiter correctement de l’aide médicale d’État, il convient donc de réformer le droit d’asile (Marques d’approbation sur les travées de l’UMP.), qui donne lieu à des dérives, difficiles à vivre au premier chef pour les personnes directement concernées.

Il faut bien évidemment lutter contre les réseaux. Les personnels soignants qui accueillent des personnes éligibles à l’AME amenées par des réseaux savent à qui ils ont affaire. Les responsabilités sont partagées, il faut savoir le dire. Il est essentiel de combattre implacablement la fraude, qui est la première source d’inégalité entre nos concitoyens.

Monsieur le rapporteur spécial, j’ai exercé des responsabilités en tant que médecin urgentiste, au sein du SAMU du Pas-de-Calais. Je puis vous garantir que les migrants présents à Calais ne sont pas des fraudeurs, des profiteurs. Ce sont des personnes dans une situation de détresse morale, sociale et sanitaire profonde. Ils ne se rendent d'ailleurs pas spontanément dans les hôpitaux, mais y sont généralement conduits par les pompiers, alertés par des citoyens. Vous pouvez interroger sur ce point la maire UMP de Calais. Ces Syriens, ces Érythréens, ces Afghans sont dans la détresse la plus absolue en raison de conflits internationaux dramatiques : c’est une fierté républicaine que de les accueillir et de les soigner.

Nous devons rester sereins dans ce débat. Il est évidemment légitime de débattre de l’AME, mais il ne me paraît pas opportun de présenter des amendements dont on sait bien qu’ils n’aboutiront pas, qu’il s’agisse de diminuer les crédits de l’AME ou d’instaurer une participation forfaitaire. Ces amendements sont infondés et contribuent à entretenir, même si telle n’est pas la volonté de nos collègues ici présents, un climat délétère, malsain dans l’opinion. Ce n’est pas ainsi qu’il convient d’aborder ce débat.

Continuons à travailler sur l’aide médicale d’État ! Le vrai sujet, c’est d’abord le droit d’asile, les migrations de populations,…

Mme Catherine Génisson. … la coopération avec les différents pays d’origine des migrants. La question de l’AME va bien au-delà des crédits de la mission que nous étudions aujourd’hui.

Quoi qu’il en soit, le groupe socialiste votera les crédits de la mission « Santé » et contre les amendements que j’ai évoqués.

M. le président. La parole est à Mme Aline Archimbaud, pour explication de vote.

Mme Aline Archimbaud. Bien sûr, il faut toujours travailler à améliorer les dispositifs, celui de l’AME comme les autres. Néanmoins, certains propos faisaient quasiment l’amalgame entre ce qui relève de réseaux mafieux, de la fraude, qui existent dans ce secteur comme dans d’autres, et la grande majorité des personnes qui doivent être admises aux urgences faute d’avoir été soignées en amont.

Le groupe écologiste votera contre cet amendement, qui n’engage pas le débat sur des bases correctes. La solution proposée est à la fois inefficace et coûteuse. Contrairement à ce que prétend M. le rapporteur spécial, restreindre l’accès à l’AME nous coûterait très cher : les personnes se présenteraient à l’hôpital avec des pathologies beaucoup plus lourdes parce qu’elles n’auraient pas été traitées en amont. Je vous invite à en discuter avec les personnels des services des urgences.

En outre, restreindre l’accès à l’AME ferait courir des risques sanitaires réels. Nous avons tout intérêt à juguler des maladies contagieuses telles que la tuberculose, par exemple. Ce n’est pas en réduisant l’accès à l’AME que l’on y parviendra, au contraire !

Sur un autre plan, que nos collègues le veuillent ou non, leurs propositions ciblent des populations particulièrement fragiles, chassées par les conflits, les guerres, la faim. Comme nous le verrons lors de la discussion du projet de loi relatif à la santé, au printemps 2015, il y a certainement bien d’autres mesures à prendre pour réaliser des économies. Pourquoi vouloir faire des économies précisément sur l’AME, et non sur d’autres dispositifs ? Vous désignez une cible à une opinion publique angoissée par la situation économique et sociale ; vous lui offrez une fausse solution en rendant les bénéficiaires de l’AME responsables du déficit de l’assurance maladie.

J’appelle nos collègues à maintenir la tradition humaniste de notre assemblée. Nous ne pouvons pas faire abstraction du contexte dans lequel nous nous trouvons aujourd’hui ; nous en connaissons la dangerosité. Si le Sénat adopte des amendements de ce type, nous savons très bien que d’autres les utiliseront.

Je vous demande, mes chers collègues, de mesurer la responsabilité que vous prenez en ouvrant le débat public sur cette seule question de l’AME. La mission « Santé » recouvre bien d’autres sujets mais, comme par hasard, les amendements déposés portent sur la seule AME !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Le débat me semble tronqué. La Haute Assemblée examine des crédits extrêmement importants pour la santé de nos concitoyennes et de nos concitoyens, un samedi après-midi ; nous ne sommes guère nombreux et le débat se polarise sur une question annexe en termes budgétaires.

M. le rapporteur spécial a indiqué qu’il avait déposé un amendement d’appel pour ouvrir le débat. Je peux l’entendre : pourquoi notre assemblée ne mènerait-elle pas un travail sérieux sur cette question ? Nous ne devons pas être sourds aux arguments avancés sur les autres travées.

J’observe que le rapport de l’IGAS va à l’encontre des propos tenus par nos collègues de l’UMP, puisqu’il ne fait nullement état d’une explosion du nombre de bénéficiaires de l’AME. Ce rapport est-il exact ? Faut-il créer une mission sur le sujet ? Pourquoi pas, mais, en tout cas, ce n’est pas au détour de l’examen d’un amendement que nous pourrons traiter sérieusement la question.

Si j’ai bien compris, monsieur le rapporteur spécial, votre amendement vise à recentrer le dispositif sur ses objectifs essentiels, notamment l’accès aux soins pour les femmes enceintes et les mineurs. Or, toujours selon l’IGAS, 80 % des bénéficiaires de l’AME sont des hommes. L’amendement apporte donc une mauvaise réponse.

Je mets en garde à mon tour contre les risques en termes de santé publique d’une réduction de l’accès aux soins pour les populations les plus fragiles. Là encore, l’amendement présenté ne répond pas à la problématique. La Haute Assemblée veut-elle répondre à une question de santé publique au détour de l’examen d’un amendement qui va provoquer un débat tronqué, dans un contexte politique nauséabond ?

J’entends M. le rapporteur spécial opposer les bénéficiaires de l’AME et ceux de la CMU-C. Mais si son amendement était adopté, cela ne donnerait rien de plus aux bénéficiaires de la CMU-C. Il ne s’agit donc pas d’une mesure de justice sociale. Cet amendement ne répond à aucune vraie question ! Dans ces conditions, pourquoi le maintenir, d’autant qu’il aura une vie très courte ? Il me semble malvenu, pour des raisons tant d’efficacité que de justice sociale et de respect de populations parmi les plus fragiles, déjà suffisamment stigmatisées. Mieux vaudrait que notre Haute Assemblée confie à une mission le soin de travailler sur cette question.

M. le président. La parole est à M. René-Paul Savary, pour explication de vote.

M. René-Paul Savary. Il n’est pas question, au travers de cet amendement, de stigmatiser qui que ce soit,…

Mme Catherine Génisson. Implicitement, c’est pourtant le cas !

M. René-Paul Savary. … ni les bénéficiaires de l’AME ni les médecins ou les hôpitaux. Peut-on imaginer que, dans notre pays, un médecin ou un hôpital refuse de soigner un patient ?

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. On risque d’en arriver là !

M. René-Paul Savary. Si cela était, nous serions les premiers à dénoncer une telle situation ! Je serais le premier à dénoncer un confrère qui refuserait de soigner un patient, mettant en danger ce dernier et son entourage.

Je crois que le débat n’est pas là, soyons raisonnables…

Il y a toutefois un vrai problème, dont il faut souligner l’existence lors de la discussion du projet de loi de finances. Nos concitoyens ne comprennent plus cette politique. Nous ne pouvons demander des efforts aux uns et non aux autres. Comment expliquer qu’un Français ou un étranger en situation régulière soit soumis, en ce qui concerne les soins, à un ONDAM qui limite la progression des dépenses, mais pas un étranger en situation irrégulière résidant depuis plus de trois mois en France ? Moi, je ne peux plus l’expliquer.

Madame la secrétaire d’État, c’est un problème auquel il faut répondre en trouvant le juste milieu entre politique d’immigration et politique sanitaire.

Mme Catherine Génisson. Ce n’est donc pas un problème de santé publique !

M. René-Paul Savary. Il en va de même pour les mineurs étrangers isolés : il faut trouver le juste milieu entre politique de l’immigration et prise en charge médico-sociale.

Nous devons faire en sorte de ne pas attiser les haines, de ne stigmatiser personne, mais de répondre à un véritable problème ! Nous ne prétendons pas le faire aujourd’hui, mais nous voulons sensibiliser le Gouvernement à cette question essentielle.

Notre système ne doit pas favoriser les filières d’immigration clandestine, comme c’est le cas pour les mineurs étrangers isolés. J’interrogeais récemment l’un d’entre eux, en provenance d’un pays lointain. Il avait parcouru plusieurs milliers de kilomètres en camion, pour un coût de passage de 3 000 euros. Quand je lui ai demandé quelle destination finale lui avait été indiquée au début de son voyage, il m’a donné l’adresse du foyer départemental de l’enfance de la Marne !

J’ai le sentiment d’avoir contribué à organiser cette filière : nous avons mis en place un système qui permet à des réseaux de vendre à des personnes en difficulté une prestation de livraison dans notre pays ! Je ne veux pas être complice de cela !

Nous devons trouver le juste milieu qui caractérise en général les solutions apportées par le Sénat lorsqu’il s’agit de sujets difficiles à aborder et à expliquer à nos concitoyens.

Par cet amendement, nous proposons simplement de nous aligner sur ce que font les autres pays européens. Tous ont revu leur politique en la matière. Le dernier à l’avoir fait est l’Espagne. Je soutiens l’amendement présenté par M. Delattre.

M. le président. La parole est à Mme Françoise Laborde, pour explication de vote.

Mme Françoise Laborde. J’ai effectivement parlé d’une augmentation du nombre des bénéficiaires de l’AME, monsieur Karoutchi, mais j’ai aussi souligné qu’elle était due à l’activité d’un certain nombre de filières, comme l’a expliqué Mme la secrétaire d’État. Mme la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes s’est engagée à lutter contre ces dérives.

Les opinions étant quelquefois diverses au sein de notre groupe, nous avons déjà engagé un débat sur cette question. Nous persistons à penser que l’AME est importante, car elle permet d’éviter la propagation de certaines maladies, telle la tuberculose.

Nous devons trouver les moyens à la fois de mettre fin aux activités de certaines filières et de permettre à toutes les personnes présentes sur notre territoire de se faire soigner, ne serait-ce que pour empêcher la propagation des maladies.

M. le président. La parole est à Mme la secrétaire d'État.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d'État. Je suis bien sûr toujours défavorable à cet amendement, qui ne saurait à mon sens permettre de résoudre la question que vous soulevez, monsieur le sénateur Savary. Des textes vous seront bientôt soumis qui se prêteront mieux à cette fin, par exemple le projet de loi sur le droit d’asile.

Je réaffirme toute la détermination du Gouvernement à lutter contre ces réseaux mafieux qui exposent de jeunes mineurs et, plus généralement, des personnes croyant trouver sur notre territoire un nouvel Eldorado à des situations extrêmement dangereuses.

Ces personnes doivent être respectées. Il faut bien évidemment éviter les « appels d’air », mais cela doit se faire en travaillant sur la politique de l’immigration, y compris à l’échelon européen. La maire de Calais ne dit pas autre chose : sans réelle coopération européenne sur cette question de l’immigration et de la lutte contre les réseaux de traite des êtres humains, nous ne pourrons traiter le sujet. L’enveloppe allouée à l’AME ne baissera que lorsque les demandeurs d’asile obtiendront plus rapidement une réponse et que les réseaux mafieux auront été maîtrisés.

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° II-68.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe UMP.

Je rappelle que l'avis du Gouvernement est défavorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici le résultat du scrutin n° 51 :

Nombre de votants 336
Nombre de suffrages exprimés 336
Pour l’adoption 185
Contre 151

Le Sénat a adopté.

L'amendement n° II-187 rectifié bis, présenté par MM. Laufoaulu, Magras, Frogier, Vendegou et D. Robert, est ainsi libellé :

Modifier ainsi les crédits des programmes :

 

(en euros)

Programmes

Autorisations d’engagement

Crédits de paiement

 

+

-

+

-

Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins

2 000 000

2 000 000

Protection maladie

2 000 000

2 000 000

Total

2 000 000

2 000 000

2 000 000

2 000 000

Solde

0

0

 

La parole est à M. Michel Magras.

M. Michel Magras. Notre collègue Laufoaulu, retenu à Wallis par la session de l’assemblée territoriale, m’a demandé de présenter cet amendement, dont l’enjeu est très important pour Wallis-et-Futuna, pour la Nouvelle-Calédonie et, surtout, pour les relations entre ces deux territoires.

La santé à Wallis-et-Futuna est une compétence de l'État, alors qu’elle est une compétence territoriale en Nouvelle-Calédonie.

Du fait du manque d’équipements médicaux et de spécialistes à Wallis-et-Futuna, les habitants ayant besoin de soins sont souvent évacués vers la Nouvelle-Calédonie.

Dotée d’un budget insuffisant, l’agence de santé de Wallis-et-Futuna a accumulé, à l’égard de la Nouvelle-Calédonie, une dette avoisinant 20 millions d’euros. Ce phénomène s'est déjà produit dans le passé, mais l'État avait toujours apuré sa dette avec rapidité.

Le Président de la République et le Gouvernement ont, à plusieurs reprises depuis un an et demi, réaffirmé que cette dette était bien celle de l'État et que ce dernier rembourserait la Nouvelle-Calédonie.

Cependant, rien n'a encore été fait et les tensions communautaires deviennent très vives en Nouvelle-Calédonie, où certains accusent les Wallisiens et Futuniens d'être responsables de l'insuffisance de l’offre de soins proposée aux Néo-Calédoniens.

Des heurts et des manifestations ont déjà eu lieu à Nouméa. Des évacués sanitaires venant de Wallis-et-Futuna ont même été refusés à l’hôpital de Nouméa, ce qui a entraîné – faut-il le rappeler ? – un décès.

Il n’est pas normal que l’État ne rembourse pas ses dettes à l’égard de la Nouvelle-Calédonie. Il n’est pas davantage normal que les habitants de Wallis-et-Futuna, qui sont pleinement Français et sont nombreux sous les drapeaux – le Président de la République l’a lui-même rappelé –, ne soient pas aussi bien traités et soignés que des étrangers en situation irrégulière…

Le rebasage du budget de l’agence de santé de Wallis-et-Futuna doit donc servir à éviter la reconstitution d’une nouvelle dette et à faire des investissements – je crois, par exemple, qu’elle souhaite doter le territoire d’un scanner –, visant à réduire le nombre des évacuations sanitaires. Il ne saurait en aucun cas servir au remboursement de la dette actuelle.

Afin de calmer les tensions communautaires en Nouvelle-Calédonie et d’éviter la survenue d’événements qui pourraient être dramatiques, cet amendement tend simplement à prélever 2 millions d’euros sur la dotation de l’AME pour les verser à la Nouvelle-Calédonie. Un tel geste marquerait le début d’un apurement rapide de la dette de l’État à l’égard de cette collectivité.

Le montant total de l’AME est de 678 millions d’euros ; les Wallisiens et les Futuniens demandent non pas de le diminuer, mais d’affecter 2 millions d’euros au règlement d’un problème délicat entre deux collectivités françaises.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. La commission des finances n’a pas eu l’occasion d’examiner cet amendement. Néanmoins, au moins deux de ses membres, sa présidente et moi-même, se sont déjà rendus à Wallis-et-Futuna.

Mme Pascale Boistard, secrétaire d’État. Moi aussi !

M. Francis Delattre, rapporteur spécial. Les habitants de ce territoire attendent toujours leur premier scanner. Ils sont donc très dépendants du soutien logistique de la Nouvelle-Calédonie, et plus particulièrement de l’hôpital de Nouméa.

D’après ce que m’a indiqué Robert Laufoaulu, la situation sur place en est parvenue au stade du conflit. L’hôpital de Nouméa refuse parfois des patients venus de Wallis-et-Futuna.

La dette de l’État se monte à 20 millions d’euros. Il faut absolument envoyer un signe à ces territoires : l’adoption de cet amendement en constituerait un. Affecter 2 millions d’euros au règlement de ce problème ne serait pas du luxe. Cela permettrait d’atténuer le conflit que crée la situation actuelle et que M. Laufoaulu essaie de calmer, ce qui explique son absence aujourd’hui. Ajoutons que Wallis-et-Futuna comptent trois rois…