M. le président. Je vous rappelle que le temps de parole attribué à chaque groupe pour chaque discussion comprend le temps d’intervention générale et celui de l’explication de vote.

Je vous rappelle également qu’en application des décisions de la conférence des présidents, aucune intervention des orateurs des groupes ne doit dépasser dix minutes.

Par ailleurs, le Gouvernement dispose au total de vingt minutes pour intervenir.

Dans la suite de la discussion, la parole est à M. Jean-Louis Tourenne.

M. Jean-Louis Tourenne. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je subis aujourd’hui le baptême du feu, sachant que du haut de cette tribune plus de deux siècles vous contemplent.

M. Jean-Louis Tourenne. J’en suis honoré et impressionné.

Les crédits consacrés à la mission « Égalité des territoires et solidarité » confirment que celle-ci demeure une priorité du Gouvernement, même dans un contexte budgétaire contraint. Les crédits, ainsi que les mesures fiscales qui l’accompagnent, traduisent la volonté de solidarité du Gouvernement et sa détermination à apporter à l’économie du bâtiment qui souffre un soutien salutaire. Les deux premiers plans de relance en portaient déjà la marque.

Il convient, je crois, de saluer à sa juste mesure l’effort consenti par le Gouvernement pour satisfaire les deux grandes priorités qu’il s’est données : le droit pour tous à un abri décent et un grand coup de pouce à notre économie.

Effort d’autant plus méritoire qu’il s’inscrit dans un contexte de nécessaires économies tous azimuts pour tenter d’éponger une dette abyssale creusée profondément entre 2002 et 2012.

M. Roland Courteau. Eh oui ! Il fallait le rappeler !

M. Jean-Louis Tourenne. Les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » s’établissent à 13,4 milliards d’euros, contre 7,6 milliards d’euros en 2014. À périmètre constant, les crédits budgétaires de la mission sont en augmentation de 80 millions d’euros, soit un budget en hausse, ce qui, dans un tel contexte budgétaire, je le répète, mérite d’être souligné.

Je m’attarderai plus avant sur l’un des quatre programmes de la mission, à savoir le programme 177 « Prévention de l’exclusion et insertion des personnes vulnérables », dont les crédits augmentent de 4,5 % par rapport à 2014.

Mais je ne peux faire l’économie, car la production de logements est l’une des conditions essentielles de la lutte contre les exclusions, de mentionner les cinq grandes mesures fiscales de ce PLF destinées, par leur ampleur nouvelle, à atteindre l’objectif ambitieux, réaffirmé avec détermination, la construction de 150 000 logements sociaux. Il n’y a que les combats que l’on ne mène pas qui sont perdus d’avance ! Aussi, je vous félicite de le faire, madame la ministre.

Ces mesures sont les suivantes : la prolongation et l’extension du prêt à taux zéro, le PTZ, au-delà des zones tendues, afin, notamment, mais pas seulement, d’améliorer l’habitat ancien dans 6 000 communes rurales pour la revitalisation de leur centre-bourg ; le taux de TVA à 5,5 % pour les opérations d’accession sociale à la propriété dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville ; l’alignement du régime d’imposition des plus-values de cession de terrains à bâtir et l’abattement exceptionnel pour libérer du foncier privé ; l’allégement fiscal pour les travaux de rénovation énergétique ; le renforcement du dispositif de la réduction d’impôt sur le revenu de l’investissement locatif.

Le logement est l’une des préoccupations majeures de nos concitoyens. Les demandes en matière d’accès au logement sont de plus en plus nombreuses. La majeure partie des crédits de la mission, soit 82 %, y est consacrée. Il s’agit des 10,98 milliards d’euros de dotation d’équilibre de l’État pour financer l’aide personnelle au logement, l’APL, et l’allocation de logement à caractère social, l’ALS.

Je tiens à saluer ici l’engagement et le pragmatisme du Gouvernement en faveur de l’accession à la propriété, notamment par l’extension du prêt à taux zéro et sa prolongation jusqu’à 2017, ce qui permettra de doubler le nombre de réalisations, en passant de 47 000 à 80 000 logements, quand il n’existait que 30 000 bénéficiaires de l’APL accession.

Le programme 177, objet plus précisément de mon intervention, et qui est consacré à la prévention de l’exclusion et à l’insertion des personnes vulnérables, représente 1,375 milliard d’euros en 2015. La loi de finances initiale pour 2014 avait déjà été l’occasion d’un effort important de réévaluation. Cet effort se poursuit en 2015 afin de répondre aux différentes situations de vulnérabilité.

Ce programme traduit les engagements pris par le Gouvernement dans le cadre du plan pluriannuel de lutte contre la pauvreté et pour l’inclusion sociale. Ces mesures sont l’honneur d’une nation civilisée et humaniste.

La politique d’hébergement du Gouvernement poursuit trois objectifs, qui tendent à réduire la demande et à améliorer la qualité de la réponse.

Tout d’abord, il faut anticiper davantage, par une politique de prévention plus efficace des ruptures et de maintien dans le logement.

Ensuite, il faut inscrire les actions dans un processus continu, plutôt que d’être contraint de réagir dans l’urgence. C’est l’objectif visé avec la fin de la gestion saisonnière de l’hébergement, qui nécessite un changement en profondeur de l’action sociale. Un groupe de travail a été constitué pour ’aboutir à des propositions concrètes dès 2015.

Enfin, il faut coordonner plus efficacement l’action des nombreux acteurs. À cette fin, une attention particulière sera portée en 2015 à l’amélioration de l’organisation des services offerts par les dispositifs d’hébergement afin d’améliorer la fluidité, l’effectivité et la qualité des prises en charge.

Le plan quinquennal de lutte contre la pauvreté a prévu l’établissement, dans chaque département, d’un diagnostic global, dit « à 360° », de l’offre et des besoins en matière de solutions d’hébergement. La généralisation devrait se poursuivre en 2015. Ces diagnostics doivent permettre l’actualisation des plans départementaux, modifiés par la loi pour l’accès au logement et un urbanisme rénové, ou loi ALUR.

Le programme 177 comprend trois actions, mais 94,5 % des crédits sont alloués à l’action « Hébergement et logement adapté ».

Même en hausse de 67 millions d’euros, on peut se demander s’ils seront suffisants, tant les besoins sont croissants.

Toutefois, les crédits pour le logement d’urgence sont en augmentation de 21 %, et les crédits pour le logement adapté – intermédiation locative, résidences sociales, etc. – qui est une passerelle vers un logement plus autonome sont pérennisés à hauteur de 200 millions d’euros, après une progression de 30 % en 2014.

Par ailleurs, les crédits pour les centres d’hébergement et de réinsertion sociale, les CHRS, qui assument une double mission d’hébergement et d’accompagnement, voient également leurs montants reconduits.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Ils sont déjà sous-budgétés !

M. Jean-Louis Tourenne. Les recours à l’hébergement à l’hôtel se sont multipliés : au 31 décembre 2013, 25 000 places d’hôtel étaient ainsi ouvertes, contre 20 000 places un an plus tôt et 16 000 places en 2011. À titre de comparaison, les centres d’hébergement d’urgence comptent 28 692 places.

Madame la ministre, vous avez pris la mesure de ce problème et vous nous proposez des moyens volontaristes et diversifiés pour placer, dites-vous, la solidarité au cœur des politiques publiques. Je les rappelle pour mémoire : injonction adressée aux préfets d’ouvrir des places supplémentaires ; mise en place, à plus long terme, de solutions pérennes de logement pour des personnes en difficulté sociale ou financière, et sortie de la logique purement saisonnière ; diagnostics territoriaux pour identifier un nombre de places pérennes dans chaque territoire ; présentation dans les prochaines semaines d’un plan de résorption des nuitées hôtelières en Île-de-France, qui représentent 75 % de la capacité nationale ; publication au 1er trimestre 2015 des décrets concernant les mesures de prévention des expulsions prévues par la loi.

Le principe d’accueil inconditionnel des personnes sans domicile, auquel nous tenons tous, doit être et sera respecté.

Par ailleurs, deux réformes auront des effets sur le programme 177 en 2015 et devraient permettre une meilleure adaptation de l’offre à la demande : une réforme de l’asile pilotée par le ministre de l’intérieur, qui devrait, au terme d’un délai de six mois, faciliter les retours vers le pays d’origine ; une réforme de l’aide mensuelle à la gestion des aires d’accueil.

Le budget de la mission tient compte de la situation financière du pays et des impératifs de réduction de la dépense publique. Il affirme la priorité politique donnée au logement et illustre, une fois de plus, s’il en était besoin, votre attachement à la solidarité, à la justice sociale, à l’humanité, qui, je n’en doute pas, nous guident, les uns et les autres, dans toutes nos actions.

Je vous remercie, mes chers collègues, de votre attention et vous invite à adopter en l’état les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement ». (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste. – Mme Françoise Laborde et M. Joël Labbé applaudissent également.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé.

M. Joël Labbé. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, avec une dotation de 13,6 milliards d’euros pour l’année 2015, le budget de la mission « Égalité des territoires et logement » est globalement préservé. C’est pour nous une satisfaction, mais toute relative tant les besoins en logement restent une préoccupation majeure dans notre pays.

Si les objectifs définis par la loi ALUR de production de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux, sont réaffirmés dans le cadre du présent PLF pour 2015, ces objectifs n’ont pas été atteints en 2013, avec 332 000 logements mis en chantier et 433 000 permis de construire délivrés. Nous redoutons, hélas, pour 2014,…

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial, et Mme Dominique Estrosi Sassone, rapporteur pour avis. Ce sera pire !

M. Joël Labbé. … que le nombre de mises en chantier ne soit inférieur à 300 000, et ce malgré les moyens mis en œuvre : en 2013, mobilisation du foncier public, moratoire sur les nouvelles normes, accélération des procédures de révision des documents d’urbanisme, dispositifs d’incitation à l’investissement locatif ; en 2014, intensification des mesures d’aide à la pierre, mobilisation exceptionnelle du réseau Action logement pour accompagner l’accroissement de la production de logements locatifs sociaux, taux de TVA réduits.

Tout cela dénote une véritable volonté politique, et nous espérons que toutes ces mesures cumulées permettront enfin d’approcher les objectifs ambitieux présentés par le Gouvernement pour 2015. D’autant qu’au besoin de nouveaux logements et de logements rénovés se conjugue la nécessité vitale pour l’ensemble des métiers du bâtiment d’une relance de l’activité de construction et de rénovation.

On peut cependant regretter, madame la ministre, que votre budget se concentre beaucoup sur les exonérations fiscales pour les ménages assujettis à l’impôt. Il favorise en creux un enrichissement des ménages les plus aisés…

M. Joël Labbé. … au détriment des plus pauvres.

Nous tenons à saluer l’effort constant autour de l’hébergement d’urgence, mais il ne faut pas oublier qu’il s’agit non de long terme, mais d’urgence, d’autant que l’on observe une dégradation dans le parcours vers la stabilisation dans le logement, comme le montre la détérioration du taux de sortie des personnes hébergées vers un logement.

L’effort autour des APL se poursuit, mais nous devons faire l’examen de ce système, qui contribue trop fortement à l’augmentation des loyers, notamment pour les petites surfaces et les étudiants.

Il est urgent, madame la ministre, de mettre en œuvre un encadrement des loyers…

M. François Calvet. Ça a été abandonné !

M. Joël Labbé. … partout où la situation le justifie, afin d’enrayer leur augmentation.

Par ailleurs, les subventions massives pour la construction de logements privés ne doivent pas absorber ni dominer les efforts pour la construction de logements sociaux, et ce afin de stopper la hausse des prix de l’immobilier.

N’oublions pas, même si le sujet est moins souvent évoqué, que nous devons poursuivre les efforts pour diminuer le nombre de logements vacants et mettre en œuvre effectivement le droit au logement opposable.

Madame la ministre, ce budget souffre, comme je l’ai dit, du défaut majeur de concentrer son action sur les exonérations fiscales, qui coûtent très cher et pour de nombreuses années.

Je salue tout de même de nouveau les efforts constants déployés pour l’hébergement d’urgence, la stabilisation et la réinsertion dans le logement. Sur ces sujets, les efforts du Gouvernement sont indéniables et doivent se poursuivre, voire s’intensifier, pour que demain, dans la cinquième puissance du monde, civilisée et humaniste, pour reprendre la formulation employée par l’orateur qui m’a précédé, plus personne ne dorme dans la rue. (Mme Marie-Noëlle Lienemann et M. Bernard Lalande applaudissent.)

M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec.

M. Michel Le Scouarnec. Monsieur le président, madame la ministre, madame, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, les crédits de la mission « Égalité des territoires et logement » font aussi les frais de l’austérité mise en œuvre en étroite liaison avec les exigences de la Commission de Bruxelles. Les coupes sont renforcées par l’Assemblée nationale de près de 30 millions d’euros.

Les choix opérés vont à l’encontre de toutes les valeurs de progrès, puisque ces crédits affaiblissent les dispositifs de solidarité, ponctionnent encore les acteurs du logement social et renforcent la rente privée. (Mme la rapporteur pour avis de la commission des affaires économique sourit.)

Comment croire que la crise du logement pourra être résolue par l’accentuation de dispositifs d’exonération fiscale au service de la création de patrimoine foncier ?

Comment croire également que la relance de la construction passe par une diminution des aides à la pierre, qui atteignent un niveau très faible, alors même que le Président de la République promet la construction de 500 000 logements par an, dont 150 000 logements sociaux ?

M. Charles Revet. C’est intenable !

M. Michel Le Scouarnec. Cet objectif est très loin d’être atteint, malheureusement, dois-je dire, car nous y sommes favorables.

Comment croire, enfin, que le « 1 % logement » pourra pallier éternellement tous les désengagements de l’État ?

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. C’est une bonne question !

M. Michel Le Scouarnec. Dans le projet de loi de finances pour 2015, la mission reste sur les mêmes rails que par le passé, je veux dire avant 2012.

Nous croyons, pour notre part, qu’il convient, au contraire, que l’État assure une politique publique en la matière, parce que l’accès à un toit devrait être un droit, et pas seulement l’objet d’un marché spéculatif.

La loi ALUR tentait d’opérer une sorte de régulation, mais le Premier ministre a fait le choix de la dénoncer. Nous estimons que ce renoncement est fort regrettable.

Ce projet de loi de finances traduit également la volonté affichée de développer le logement intermédiaire. Nous n’avons pas d’objection de principe sur ce point, car la mixité sociale doit être favorisée et donc la diversité de l’offre.

Cependant, pour nous, l’urgence, c’est aussi de faire baisser les prix du marché afin de dénoncer le poids des dépenses liées au logement. Il faut savoir qu’il existe un écart de l’ordre de 30 % avec l’Allemagne.

Comment comprendre que le niveau global des aides à la pierre se situe à peine à 160 millions d’euros en crédits de paiement et que, parallèlement, vous annonciez 1,9 milliard d’euros pour le logement intermédiaire, dont 1 milliard d’euros financé par le budget de l’État ?

N’y a-t-il pas, à vos yeux, une inversion des priorités ? Au regard du nombre de demandeurs de logements accessibles ou aidés, de la situation économique, qui conduit à l’exclusion d’un nombre grandissant de nos concitoyens, ne pensez-vous pas que la construction de véritables logements sociaux est, pour l’heure, la grande priorité ?

D’ailleurs, François Hollande s’était engagé à porter les aides à la pierre à hauteur de 800 millions d’euros. Nous en sommes loin, ces aides diminuant de 39 % en crédits de paiement et de 11 % en autorisations d’engagement. L’aide unitaire aux logements relevant du PLAI, le prêt locatif aidé d’intégration, diminue également de 1 000 euros, passant en deux ans de 7 500 euros à 6 500 euros, soit un niveau inférieur à celui d’avant 2012. Comment le justifier ? Comment construire plus de logements si les aides sont moindres, a fortiori dans un climat d’assèchement des ressources des collectivités locales ? Nous sommes dubitatifs !

Cette baisse, est-il annoncé, sera compensée par des fonds de concours provenant des opérateurs de logement. Ainsi, ce sont les bailleurs sociaux qui vont eux-mêmes financer – du moins en partie - les aides à la pierre qu’ils perçoivent. Nous proposerons la suppression de ce dispositif exonérant l’État de ses responsabilités.

Nous constatons que la dépense fiscale ne souffre pas de la rigueur puisqu’elle se situe, cette année, à hauteur de 15 milliards d’euros, soit plus que les crédits accordés à la mission. Je vous rappelle, mes chers collègues, que le président en exercice avait appelé, fort justement, à limiter les niches fiscales. Nous en sommes loin ! L’idée était pourtant très bonne.

Je voudrais également évoquer le 1 % logement, qui continue à être sollicité. Alors qu’au travers de la lettre d’engagement mutuel, le Gouvernement s’était engagé à diminuer les prélèvements, il recommence à vouloir les accentuer. Il n’est pas sain que l’ensemble de la politique du logement soit financé par ce dispositif du 1 % logement, qui contracte les missions d’aides à la pierre, le financement de l’ANRU et, dernièrement, des aides personnelles au logement.

M. Philippe Dallier, rapporteur spécial. Nous sommes d’accord !

M. Michel Le Scouarnec. En outre, on ne peut pas alourdir ses missions sans revoir son périmètre. Il faudrait donc instaurer une participation des entreprises dès dix salariés, ce qui apporterait une grande bouffée d’oxygène et, surtout, offrirait un levier efficace pour relancer le secteur du bâtiment et faire reculer la crise. Voilà une proposition de nature à changer la donne ! Il faut oser ! En effet, il convient de reconquérir au plus vite les 30 000 emplois perdus dans le secteur du bâtiment et des travaux publics. Relancer la construction sociale permettrait d’engager à nouveau la bataille pour l’emploi, de lutter contre le chômage massif et de longue durée.

J’en viens à la situation du livret A, levier essentiel de financement du logement social. L’abaissement du taux à 1 % durant l’été a, hélas ! conduit depuis septembre à un mouvement de décollecte, qui pénalisera la construction de logements sociaux. Le choc de construction annoncé par Manuel Valls devrait passer, non par des mesures d’exonérations fiscales, mais par un financement renforcé des acteurs du logement et des aides directes à la construction publique.

Les bailleurs sociaux sont en difficulté, sommés de mutualiser leurs moyens pour pallier les désengagements de l’État et financer eux-mêmes, en grande partie, la politique du logement. Pour cette raison, nous proposons, d’ailleurs de longue date, la création d’un prêt à taux zéro pour les offices eux-mêmes.

Il faut aussi donner concrètement les moyens à la Caisse des dépôts et consignations de jouer son rôle de levier pour le financement du logement. Nous sommes d’autant plus inquiets que les collectivités, qui participent très largement à l’effort de construction, sont affaiblies financièrement par la baisse des dotations. Comment les communes et intercommunalités pourront-elles poursuivre, demain, leurs efforts financiers pour mettre en œuvre leurs programmes locaux d’habitat ?

Par ailleurs, nous prenons acte de la rebudgétisation intégrale des aides au logement dans le budget de l’État. Toutefois, nous déplorons la révision de leur mode de calcul, visant à faire baisser les APL dont le montant global est jugé trop lourd. Le Gouvernement rogne également sur l’APL accession, pour 3 millions d’euros. Autant d’économies de bout de chandelles, réalisées sur les plus démunis, parmi lesquels se trouvent de nombreux jeunes confrontés à une dure réalité ! Nous proposons le versement des APL dès le premier mois et au premier euro.

Comment ne pas déplorer, enfin, l’absence de hausse réelle des budgets pour l’hébergement d’urgence ? Nous savons d’ores et déjà que les crédits prévus seront insuffisants.

Comment comprendre que, lors du passage à l’Assemblée nationale, les crédits pour la prévention des expulsions aient encore été amputés de près de 10 millions d’euros ? Connaissez-vous le nombre de sans-abri, mes chers collègues ? Il est indigne de notre République, puisque ce sont près de 120 000 de nos concitoyens qui dorment encore dehors. Avoir un toit devrait être un droit fondamental ! La Fondation Abbé-Pierre précise dans son rapport que, en dix ans, leur nombre a augmenté de 40 % et que, aujourd’hui, près de 35 000 enfants et jeunes seraient concernés.

Vous l’aurez compris, nous ne voterons pas de tels crédits, qui accentuent le désengagement de l’État et témoignent d’un manque d’ambition pour mettre en œuvre une politique vraiment nouvelle en la matière. Conformément aux injonctions de Bruxelles, le Gouvernement compte trop sur l’initiative privée pour développer l’offre pour le plus grand nombre.

Ce budget ne permettra pas d’atteindre les engagements de construction de 500 000 logements par an, ni de résoudre le problème essentiel, celui qui consiste à permettre à chacun de trouver un logement de qualité, économe en énergie et accessible. La réponse n’est donc pas adaptée aux besoins de millions de nos concitoyens. (Applaudissements sur les travées du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Jean-Claude Requier.

M. Jean-Claude Requier. Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, je ne vous apprendrai rien, même s’il est bien de le rappeler, en vous disant que l’égalité fait figure d’horizon de la République française. Aussi ce principe d’égalité doit-il pouvoir se traduire dans les politiques d’aménagement du territoire.

À titre liminaire, je souhaiterais souligner que dissocier les politiques d’aménagement du territoire de celles de l’égalité des territoires n’est pas pertinent. Prévoir deux missions budgétaires qui traitent de ces sujets ajoute de la confusion, même si la mission « Politique des territoires » et la mission « Égalité des territoires et logement » sont examinées successivement, ici, au Sénat. En tout cas, cela nuit incontestablement à la lisibilité du financement de notre politique en faveur de nos territoires.

Madame la ministre, vous avez eu l’occasion de rappeler de manière très juste, lors des états généraux des nouvelles ruralités, que « l’égalité des territoires, c’est donner à chaque Français une égalité d’accès à l’ensemble des services et équipements essentiels à la qualité de vie […], tout en tenant compte de la particularité de chaque territoire. C’est l’égalité républicaine. » Nous partageons pleinement cette définition d’une égalité dans la diversité.

Comme l’explique l’économiste Eloi Laurent dans son rapport intitulé Vers l’égalité des territoires, c’est parce que ces inégalités territoriales affectent le bien-être de nos concitoyens et minent de ce fait la cohésion nationale que la justice territoriale constitue une nouvelle frontière du pacte républicain.

M. Roland Courteau. Très bien !

M. Jean-Claude Requier. La mission « Égalité des territoires et logement » connaît deux changements notables de son périmètre.

Le premier, c’est la rebudgétisation du financement du Fonds national d’aide au logement pour 5,7 milliards d’euros. Celle-ci explique pour l’essentiel l’augmentation massive des crédits de la mission, qui s’élèvent à 13,7 milliards d’euros en autorisations d’engagement et à 13,4 milliards d’euros en crédits de paiement pour 2015, soit une progression de 75 %.

Le second changement, c’est le déplacement du programme 147 relatif à la politique de la ville vers la mission « Politique des territoires », rendant ainsi compte de la création du Commissariat général à l’égalité des territoires. Si un tel choix se comprend aisément, il n’en reste pas moins discutable au regard des synergies entre les politiques de construction, d’accès au logement et de rénovation urbaine. Ce nouveau point conforte l’idée de superposition et de confusion des deux missions budgétaires, que je relevais à l’instant.

Nous le savons, la situation du logement dans notre pays est intolérable, et les problèmes que nous rencontrons s’expliquent, pour l’essentiel, par l’insuffisance de l’offre de logements. Cette situation n’est pas nouvelle, et il convient de rappeler la responsabilité collective de tous les gouvernements, qui, sans remonter à Albin Chalandon et aux chalandonnettes, ont échoué à apporter des solutions durables depuis plus de vingt ans. En effet, malgré les nombreuses déclarations d’intention et la multitude de lois successives, force est de constater que celles-ci se sont révélées largement insuffisantes à enrayer le déficit structurel de logements auquel nous faisons face.

Le Premier ministre a eu l’occasion de rappeler en août dernier, lors de son discours annonçant un nouveau plan de relance du logement, que le logement était une priorité de son action et du quinquennat. L’objectif de construction de 500 000 logements neufs d’ici à 2017 a été réaffirmé et de nouvelles mesures de simplification et d’assouplissement des normes et dispositifs existants - ce que nous apprécions - ont été annoncées.

Madame la ministre, le principal enjeu est donc de faciliter l’accès au logement de nos concitoyens, notamment de ceux qui bénéficient de revenus modestes.

Les difficultés d’accès à un logement ne sont pas sans conséquence sur l’emploi : selon une étude du CRÉDOC, le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie, entre 2007 et 2012, pas moins de 500 000 personnes ont dû renoncer à un emploi du fait de l’impossibilité de disposer d’un logement économiquement accessible, et ce malgré les dispositifs de garantie des risques locatifs existants.

À ce titre, pour répondre aux craintes des bailleurs en matière d’impayés de loyers, qui renforcent ces difficultés d’accès au parc locatif privé, la garantie universelle des loyers, la GUL, a été instaurée. Sur cette question très importante pour nos concitoyens en situation de précarité, il apparaît, madame la ministre, que vous avez recentré le dispositif de la GUL. Vous avez signé ces jours-ci une nouvelle convention avec Action Logement afin de mieux faire fonctionner ce système de garantie que nous sommes très nombreux à considérer comme nécessaire dans les secteurs tendus, surtout en période de crise. Aussi, je vous remercie de bien vouloir nous donner des précisions sur cette politique et ce que vous en attendez, sachant que l’urgence est là.

Le groupe du RDSE constate donc que le Gouvernement, malgré un contexte difficile, se donne les moyens de mener une politique ambitieuse en matière de logement. C’est la raison pour laquelle, même si son intitulé ne nous convient guère, nous apporterons notre soutien à cette mission. (Applaudissements sur les travées du RDSE, ainsi que sur quelques travées du groupe socialiste.)