M. le président. La parole est à M. Michel Le Scouarnec, pour la réplique.

M. Michel Le Scouarnec. C’est le centre d’Auray de l’Association pour la formation professionnelle des adultes qui a mis en place la formation aux métiers du tourisme que j’évoquais. Il serait souhaitable que d’autres régions puissent bénéficier de cette expérience.

Évidemment, l’attractivité à l’international de son secteur touristique est importante pour notre pays, mais je pensais surtout, en vous interrogeant, aux familles de France. À cet égard, il faut veiller à ce que les colonies de vacances ne sombrent pas, compte tenu des difficultés qu’elles connaissent actuellement. Les collectivités locales ont beaucoup fait pour elles dans le passé, mais on constate une baisse de la fréquentation. Trop d’enfants ne partent pas en vacances ; c’est pourquoi nous devons encore faire des efforts pour que les familles françaises puissent aussi faire du tourisme dans leur pays. (Mme Corinne Bouchoux applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour le groupe écologiste.

M. Joël Labbé. La France dispose de nombreuses richesses dans ses territoires, ce qui fait incontestablement de notre pays une destination touristique très prisée. Cependant, la prospérité de notre industrie touristique ne doit pas cacher les importants défis auxquels le secteur doit faire face aujourd’hui.

Un défi majeur tient à la concentration touristique dans l’espace et dans le temps : les zones les plus attractives – frange littorale, îles, zones montagneuses – sont aussi les plus vulnérables. L’équilibre entre la valorisation touristique de ces territoires et la préservation de l’environnement est très fragile. En tant que sénateur, comme l’orateur précédent, d’un département au littoral très convoité, je sais de quoi je parle !

La concentration du tourisme pose le problème de la capacité de charge des territoires, c’est-à-dire du seuil de fréquentation au-delà duquel apparaissent, d’une part, des dysfonctionnements liés à la saturation des infrastructures, et, d’autre part, des problèmes environnementaux et sociétaux.

Le récent avis du Conseil économique, social et environnemental sur le tourisme et le développement durable en France comporte un certain nombre de préconisations pour offrir une alternative au tourisme de masse concentré sur certains territoires : développement d’un tourisme de nature irriguant l’ensemble des territoires et fondé sur leurs atouts culturels, gastronomiques, artistiques, etc., mise en place de circuits, pédestres ou autres.

La réalité du terrain est souvent tout autre. La pression d’opérateurs privés pour la réalisation de projets de grande envergure, consommateurs d’espaces naturels, aux antipodes d’un tourisme durable, ne faiblit pas.

Monsieur le ministre, quelle est la stratégie du Gouvernement en matière de tourisme durable ? Le Gouvernement a-t-il l’intention de mettre en œuvre une réflexion nationale sur la capacité de charge des territoires permettant de rendre cette notion opérationnelle ? (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le sénateur, ma réponse à votre seconde question est « oui » !

Vous mettez l’accent sur un point important : on note une évolution dans la demande des touristes, qu’ils soient français ou étrangers. Bien évidemment, on souhaite visiter Paris, le château de Versailles, le Mont-Saint-Michel, mais, en même temps, se fait jour une demande de tourisme plus individuel, plus adapté. Je ne sais pas exactement comment on pourrait le qualifier : tourisme doux, lent, durable… Nous avons l’intention, avec M. Fekl, de constituer un pôle autour de cette notion.

D’une part, cela correspond à une demande. D’autre part, il convient d’éviter des déséquilibres qui se retourneraient contre le tourisme lui-même. En effet, si les touristes ne sont pas satisfaits de ce qu’ils vivent et de ce qu’ils voient, le bouche-à-oreille est mauvais. J’accueille donc tout à fait positivement l’orientation générale que vous avez tracée.

Il faut une diversité des formes de tourisme et des sites si nous voulons accueillir 100 millions de touristes étrangers. Voilà dans quelle direction nous voulons travailler.

M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour la réplique.

M. Joël Labbé. Je salue cette volonté de couvrir le territoire, mais les opérateurs privés, qui ciblent des espaces extrêmement privilégiés pour y amener un tourisme de masse, en créant des parcs de stationnement, en sacrifiant parfois des espaces forestiers, exercent de fortes pressions. La diversification des sites n’est pas une réponse suffisante.

Le tourisme véritablement durable, c’est celui qui ne se borne pas à viser des bénéfices à court terme, le temps d’une génération ; c’est celui qui permettra que, en 2080 ou en 3000, le tourisme perdure sur notre territoire.

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, pour le groupe socialiste.

M. Luc Carvounas. Je tiens tout d’abord à remercier le groupe socialiste et son président, Didier Guillaume, d’avoir accepté de soutenir ma proposition d’organiser une séance de questions cribles thématiques sur l’industrie du tourisme. Votre présence, monsieur le ministre, témoigne de l’intérêt tout particulier que le Gouvernement porte à cette problématique et d’une prise de conscience de l’importance de ce secteur pour notre économie.

Monsieur le ministre, mes chers collègues, placer le numérique au cœur de la promotion du tourisme relève des cinq priorités affichées par le Gouvernement à l’issue des assises du tourisme. Le tourisme de demain se dessine avant tout via internet. Anticiper les mutations du secteur et innover technologiquement est donc une impérieuse nécessité pour conserver notre rang et conquérir de nouveaux marchés.

Pour rendre compte de ce que représente l’essor de ce que l’on nomme le « e-tourisme », il suffit de mettre en relief trois chiffres : en 2013, 62 % des Français partis en vacances, soit près de 20 millions de voyageurs, ont planifié leur séjour en ligne ; 30 % des internautes ont réalisé leur réservation via leur smartphone ; en 2015, le chiffre d’affaires de l’e-tourisme français devrait grimper à 23 milliards d’euros, soit 18 % du marché européen.

Monsieur le ministre, la promotion de l’industrie touristique française à l’international se veut aujourd’hui « diplomatique », par référence au concept de « diplomatie économique » qui vous est cher. Pour être pleinement efficace, elle doit être adossée à une vraie stratégie de promotion numérique. Capter le trafic des nouvelles clientèles mondiales sur internet, tel est l’enjeu primordial pour la promotion touristique française. Des pistes intéressantes s’ouvrent d’ores et déjà devant nous, par exemple le développement du m-tourisme, via les téléphones portables, des clusters et des incubateurs, ou encore la création d’un portail numérique de promotion de la France fondé sur ses « marques territoires ».

Monsieur le ministre, vous avez fixé une grande ambition dans le cadre du plan Tourisme 2020 visant à accueillir 100 millions de visiteurs à cette échéance. Quelles mesures le Gouvernement entend-il donc prendre pour faire demain de la France un leader mondial du « tourisme connecté » ? (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur Carvounas, je vous remercie d’avoir été à l’origine de cette séance de questions cribles.

Vous mettez l’accent sur un fait crucial : désormais, les clients tapotent sur un outil informatique et font des recherches sur internet avant même d’avoir choisi leur destination. Cette tendance est encore plus nette parmi les plus jeunes.

Toute la question est de savoir qui contrôle l’offre. Aujourd’hui, ce sont souvent des plateformes américaines. Pour être répertorié, un hôtelier, par exemple, doit leur reverser un pourcentage de son chiffre d’affaires, qui va croissant… C’est un problème. Il faut donc que nous soyons excellents en matière d’e-tourisme.

Nous avons un gros travail à accomplir. Dans le cadre du Conseil de promotion du tourisme, dont vous faites partie, monsieur Carvounas, j’ai demandé à Mme Faugère, qui a œuvré dans ce domaine pour la SNCF, et au président-fondateur d’Easy Voyage de se pencher sur la question. Ils ont procédé à une quarantaine d’auditions et nous allons, dans les jours à venir, nous attacher à élaborer un dispositif.

Il importe que les Français soient très présents sur la Toile, que les marques que nous mettons en avant soient connues et reconnues de tous. Cela nécessite que, aux plans français, européen et mondial, nous défendions ces marques, y compris juridiquement.

De plus en plus d’opérateurs comprennent l’importance de cette démarche. Si nous ne sommes pas très présents, très performants en matière numérique, notre industrie touristique en pâtira. Il ne suffit pas que nous soyons les premiers en termes de nombre de touristes accueillis : nous devons être parmi les premiers en matière d’e-tourisme. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Luc Carvounas, pour la réplique.

M. Luc Carvounas. Je remercie M. le ministre de sa réponse, qui montre que cette industrie, la première de France, est en voie d’entrer dans le XXIe siècle par le bon angle, celui du e-tourisme, pour rester leader dans le monde.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour le groupe UDI-UC.

M. Jean-Jacques Lasserre. Le développement de notre industrie touristique passe notamment par une bonne gouvernance des structures publiques au niveau local. Ce sont elles, en effet, qui vont développer les performances touristiques des territoires, conseiller les collectivités, soutenir les investisseurs et appuyer les prestataires.

La question de l’attribution de la compétence « tourisme » est centrale à cet égard. Elle alimente nombre de discussions en ce moment, à l’approche de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Monsieur le ministre, vous avez mis l’accent sur l’intérêt de donner la priorité à la notion de « destination phare ». Cette orientation est largement approuvée dans son principe. La visibilité de l’« offre France », notamment à l’égard des nouvelles clientèles, gagnerait à sa mise en œuvre.

Les acteurs locaux également mettent de plus en plus en avant l’idée de destination ou de produits. Il nous faut donc rechercher la bonne articulation entre ces deux idées fortes. Cela nécessitera une véritable concertation, aussi bien sur le plan conceptuel que sur la stratégie à développer, entre les collectivités territoriales et les acteurs économiques.

À l’échelon institutionnel, les conseils généraux, en relation avec les autres collectivités locales, sont les mieux placés, de notre point de vue, pour promouvoir cette notion de produits touristiques territorialisés.

Dans un souci de clarification et d’efficacité, pensez-vous possible, monsieur le ministre, et si oui, dans quelles conditions, de conforter le rôle des départements dans la définition et l’application de la politique de destination ou de produits territorialisés ? (Applaudissements sur les travées de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Monsieur le sénateur, vous insistez, à juste titre, sur les marques. Si l’on veut attirer les touristes, qu’ils soient français ou étrangers, il faut mettre en avant un nombre raisonnable de marques qui leur parlent.

M. Joël Guerriau. « Produit de Bretagne » !

M. Laurent Fabius, ministre. Ou de Normandie, pour prendre un autre exemple au hasard ! (Sourires.) En tout cas, il n’en faut pas 500, sauf à se disperser et à finir par arroser le sable.

Cette idée de promouvoir des marques et des contrats de destination me semble donc assez porteuse.

En ce qui concerne l’organisation territoriale, le choix a été fait de donner l’essentiel de la compétence à la région. Cela ne signifie pas que les autres échelons disparaissent : les communautés d’agglomération, en particulier, auront des responsabilités. Le Gouvernement a aussi accédé à la demande de ceux qui voulaient que la spécificité des zones de montagne soit prise en compte. En tout état de cause, il faudra trouver une articulation. Les départements n’ont pas vocation à disparaître… (Ah ! sur les travées de l’UMP.)

M. Bruno Sido. Ce n’est pas sûr, si vous écoutez ce que dit le Gouvernement.

M. Laurent Fabius, ministre. J’écoute ce que dit le Gouvernement ! (Rires sur les travées de l'UMP.)

Il faut néanmoins atteindre une masse critique, d’où le choix des marques et de la région, tout en adaptant le dispositif à la réalité territoriale.

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Lasserre, pour la réplique.

M. Jean-Jacques Lasserre. Nous aurons l’occasion de reparler de ces questions lors de l’examen du projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République.

Ce que je sais, c’est que les touristes ne se rendent pas en Aquitaine, mais au Pays basque ou à Lascaux. Ils ne se décident pas en fonction du découpage administratif, de plus en plus dépourvu de signification. Je pense vraiment que le conseil général est le meilleur pilote pour l’exploitation commerciale des marques locales. Les marques régionales sont plus impersonnelles, moins attractives et, dans la pratique, le business ne s’appuiera pas sur elles. Nous aurons l’occasion d’en rediscuter.

M. le président. Rendez-vous le 16 décembre !

La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour le groupe UMP.

Mme Élisabeth Lamure. Je souhaite évoquer la simplification administrative. (Ah ! sur les travées de l'UMP.)

Les professionnels du tourisme sont affectés par l’empilement des normes, qui s’est accentué ces dernières années et devient une source d’inquiétude croissante pour ce secteur. Les professionnels du tourisme, en particulier ceux de l’hôtellerie de plein air, dont la clientèle est très sensible au prix, doivent faire face aux effets conjugués de la crise économique et de la hausse permanente de leurs charges. Je pourrais citer par exemple la hausse de la TVA, passée de 5,5 % à 7 % en 2012, puis à 10 % en 2014.

Le Gouvernement a certes entrepris de simplifier la vie des entreprises en proposant diverses mesures à cette fin, mais, pour chaque mesure de simplification, combien de nouvelles normes impose-t-on à nos entreprises ? Le millefeuille administratif, en réalité, ne cesse de s’épaissir !

Le cas de l’hôtellerie de plein air illustre parfaitement cette situation. Les contraintes d’insertion paysagère, les règles d’accessibilité, la réforme de la procédure de classement : autant de mesures certes légitimes considérées individuellement, mais qui, cumulées, empêchent les professionnels du camping de se concentrer sur leur mission principale, à savoir l’accueil, l’hébergement et le divertissement de leur clientèle.

Le Président de la République appelait en 2013 à « ériger le tourisme en grande cause nationale ». Le Gouvernement doit désormais passer à l’acte, écouter vraiment les professionnels et prendre toutes mesures pour redonner de l’air à ce secteur.

Monsieur le ministre, pourriez-vous nous indiquer quelles mesures concrètes sont envisagées afin d’alléger les contraintes qui pèsent sur les professionnels du tourisme ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Madame la sénatrice, j’étais récemment à Nancy pour ouvrir le soixante-deuxième congrès de l’UMIH, l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie. Le président de l’UMIH a prononcé un discours extrêmement responsable, exposant les difficultés de la profession auxquelles vous avez fait allusion. Il a aussi pris acte de la volonté du Gouvernement de donner une nouvelle impulsion à ce secteur, et nous avons abordé la question de la simplification administrative.

Le Sénat a examiné un projet de loi d’habilitation portant sur ce thème et concernant différents domaines, tels que l’urbanisme ou l’environnement. Nous avons travaillé avec la profession pour simplifier les normes. Je ne dis pas que cela sera suffisant, mais cette démarche devrait nous permettre d’avancer de manière significative.

La loi ayant été votée, il revient ensuite au Gouvernement de remplir les cases. L’article 31 bis prévoit une habilitation en vue de procéder à diverses simplifications concernant en particulier la procédure de mise aux normes et d’urbanisme pour les équipements et aménagements touristiques. Dans les limites de ce champ assez vaste, nous allons procéder à une simplification, en lien avec la profession.

Les professionnels de l’hôtellerie sont très souvent des entrepreneurs individuels, accompagnés de quelques salariés. Ils doivent pouvoir consacrer leur temps à exercer leur métier, et non à remplir des papiers ! (Marques d’approbation sur les travées de l'UMP.) Nous sommes absolument d’accord là-dessus. Dès lors que nous irons dans ce sens, non seulement l’accueil sera meilleur, mais le moral des professionnels s’améliorera. Je compte sur l’Assemblée nationale et le Sénat pour nous aider. (M. Jean-Louis Carrère applaudit.)

M. le président. La parole est à Mme Élisabeth Lamure, pour la réplique.

Mme Élisabeth Lamure. Monsieur le ministre, nous partageons en effet le même constat, mais l’article 31 bis du projet de loi d’habilitation prévoit justement de créer un cadre réglementaire pour les aires d’accueil de camping-cars. C’est un règlement supplémentaire, et non une simplification ! Les intentions ne sont pas toujours suivies d’effet, malheureusement ! (Voilà ! sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre, par dérogation exceptionnelle !

M. Laurent Fabius, ministre. Je m’incline devant votre générosité éclairée, monsieur le président !

Le Gouvernement a pris acte de la suppression par le Sénat, dans le projet de loi d’habilitation, de la disposition autorisant à créer un cadre réglementaire pour les aires d’accueil de camping-cars et ne déposera pas d’amendement visant à la réintroduire. (Très bien ! et applaudissements sur les travées de l’UMP.)

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour le groupe socialiste.

M. Yannick Vaugrenard. Dans le classement des destinations les plus prisées, la France figure au premier rang, sur 193 pays. Toutefois, certains de nos concurrents, comme l’Italie et l’Espagne, nous talonnent. Aujourd’hui, un milliard de touristes voyagent à travers le monde chaque année ; dans quinze ans, ils seront deux fois plus nombreux.

Nous devons nous organiser pour faire face à cette évolution, et cela passe par une nécessaire diversification de l’offre. Nous devons aussi nous tourner vers le tourisme industriel. En effet, en 2011, le tourisme artisanal et industriel a attiré plus de 10 millions de visiteurs dans plus de 5 000 entreprises. Je pense notamment à la construction navale, qui tient une place si particulière en Loire-Atlantique. Les chantiers de Saint-Nazaire construisent le plus grand paquebot du monde, et le tourisme industriel y connaît un succès remarquable. Ces bonnes pratiques doivent continuer d’être développées et soutenues.

Outre ses retombées économiques, ce type de tourisme permet de créer un lien essentiel entre la population et les entreprises, mais également d’irriguer tout le pays, plutôt que de laisser l’activité touristique se concentrer sur quelques sites prestigieux.

Je sais que le Gouvernement est actif et que de nombreuses actions ont été lancées depuis 2012 pour soutenir le tourisme. Monsieur le ministre, je voudrais cependant vous poser deux questions : de quelle manière les pôles d’excellence mis en place par l’Institut français du tourisme travaillent-ils au développement du tourisme industriel ? Comment peut-on mieux développer les liens entre les collectivités territoriales et les entreprises pour renforcer ce type de tourisme ?

Par ailleurs, au-delà de l’augmentation de l’offre touristique dans notre pays, le tourisme industriel peut permettre de susciter des vocations, dans des secteurs qui rencontrent parfois des difficultés importantes de recrutement. Il peut donc contribuer au rayonnement et à l’attractivité des territoires. (M. Jean-Pierre Sueur applaudit.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Je me réjouis de cette question, qui nous donne l’occasion d’aborder un sujet peu fréquemment traité au sein de nos assemblées.

Le tourisme industriel ou des savoir-faire revêt une grande importance. EDF fait visiter ses barrages,…

Mme Frédérique Espagnac. Et des centrales !

M. Laurent Fabius, ministre. … Veolia et la RATP ouvrent les portes de leurs établissements, les bonbons Haribo celles de leur usine… Il peut aussi s’agir d’entreprises plus modestes. Me trouvant moi-même récemment au Mont-Saint-Michel, j’en ai profité pour visiter l’entreprise Saint James, qui produit des tricots, des marinières. Je n’en porte pas aujourd’hui… (Sourires.)

M. Yvon Collin. Cela a déjà été fait !

M. Laurent Fabius, ministre. En effet !

Cette entreprise dispose d’un savoir-faire absolument magnifique. L’organisation de telles visites est positive pour les touristes, bien sûr, mais aussi pour les salariés, dont le travail est valorisé. Cela donne une image extrêmement fidèle et gratifiante de la réalité de la France.

Par conséquent, nous avons bien l’intention de favoriser le développement de cette forme de tourisme. J’ai demandé au patron de Saint James, M. Luc Lesénécal, de prendre la tête du nouveau pôle d’excellence du savoir-faire. Son travail, non rémunéré d’ailleurs, consistera à rassembler toutes les expériences allant dans le sens que vous préconisez, monsieur le sénateur.

M. le président. La parole est à M. Yannick Vaugrenard, pour la réplique.

M. Yannick Vaugrenard. Monsieur le ministre, je vous remercie de votre réponse.

Vous avez indiqué que les régions exerceraient la compétence en matière de tourisme. Il faut que tout soit fait pour éviter les doublons et instaurer une complémentarité intelligente entre les assemblées régionales, les assemblées départementales, les intercommunalités et les communes.

Par ailleurs, je voudrais appuyer les propos qui ont été tenus par M. Le Scouarnec tout à l’heure. La difficulté de la situation économique et sociale est telle que près d’un Français sur deux ne part pas en vacances aujourd’hui. Il me semble que la question du tourisme social doit aussi être évoquée. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour le groupe UMP.

M. Michel Magras. En marge de la présentation des crédits de la mission « Outre-mer », Mme Pau-Langevin a annoncé un plan de relance du tourisme ultramarin.

Le secteur touristique représente 7 % du PIB en Guadeloupe et en Martinique, alors que ces îles disposent en réalité d’une matière première inépuisable pour cette industrie. Le tourisme occupe environ 3 % des effectifs salariés à La Réunion et 9 % en Guadeloupe. Si l’on met ces chiffres en regard de ceux du chômage, on ne peut que considérer qu’il y a urgence à redresser ce secteur, sauf à le condamner définitivement et à obérer son important potentiel de croissance et d’emplois.

Parallèlement, dans la zone Caraïbe, Saint-Domingue accueillait en 2012 plus de 4 millions de visiteurs, quand la Guadeloupe et la Martinique en recevaient 450 000. Cela montre que l’explication du déficit est à rechercher non dans une désaffection des touristes pour cette zone, mais bien dans l’absence de compétitivité des îles françaises.

Il y a donc lieu de mettre en place une approche globale. Dans cette optique, la mise aux normes internationales du parc hôtelier, si elle ne peut en soi constituer une stratégie touristique, reste fondamentale.

En outre, la suppression du dispositif fiscal d’aide à la rénovation hôtelière – au demeurant très largement insuffisant pour répondre aux besoins – ne peut se concevoir que si le Gouvernement envisage de le remplacer par un dispositif mieux adapté et plus efficace.

Par ailleurs, il est impératif de développer une approche par les coûts, notamment en ce qui concerne les charges pesant sur les entreprises du secteur. En témoignent les retards de paiement des charges sociales, alors que les prix sont les plus élevés de la zone Caraïbe, pour des prestations souvent inférieures.

Enfin, une véritable stratégie de relance du secteur suppose une approche globale, incluant la prise en compte de questions culturelles et sociales qui freinent le développement de l’activité. De même, la mobilisation de tous les acteurs, y compris politiques, de tous bords s’impose. La Cour des comptes appelle, quant à elle, à un indispensable sursaut.

Monsieur le ministre, pourriez-vous m’indiquer si des orientations ont déjà été arrêtées dans la perspective de ce plan de relance ? Si oui, quelles sont-elles ? (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Laurent Fabius, ministre. Votre question est très intéressante, monsieur le sénateur, car elle retrace bien la situation extrêmement difficile que connaît depuis près de vingt ans le secteur du tourisme outre-mer. De nombreux rapports publics ont été produits sur ce sujet.

Cette situation est marquée par une baisse de la fréquentation touristique dans plusieurs territoires. Les causes en sont multiples et doivent être envisagées avec lucidité.

L’offre touristique outre-mer souffre d’un manque de compétitivité dans un contexte de forte concurrence. Le rapport qualité-prix est bien sûr un élément déterminant dans le choix d’une destination par les touristes. Or la qualité de service laisse parfois à désirer. En outre, certains instruments de promotion ne sont pas toujours au point et les dessertes, régionales et internationales, ne sont pas forcément satisfaisantes. Si l’on additionne tout cela, on aboutit à un constat qui n’est guère brillant.

Nous avons pourtant entre les mains un joyau, avec des sites absolument magnifiques et un grand potentiel de croissance. À côté des pistes traditionnelles, à savoir l’amélioration de la qualité des hôtels, du service, de la formation, de l’accueil, apparaissent de nouvelles pistes, avec le développement des croisières, du nautisme, de la petite et moyenne hôtellerie, du tourisme de gîtes : ce sont autant de directions intéressantes.

La question des dessertes aériennes n’est pas la plus aisée à résoudre, mais elle est décisive, car si nos territoires sont mal desservis ou le sont à des coûts très élevés, les touristes iront ailleurs.

J’ai demandé au Conseil de promotion du tourisme de travailler sur l’outre-mer. Nous allons consacrer une séance spécifiquement à ce sujet, qui sera précédée de multiples échanges, afin d’étudier comment renforcer l’attractivité et la promotion de nos sites ultramarins. Nous rendrons au printemps nos conclusions, qui déboucheront sur un plan d’action précis.

M. le président. La parole est à M. Michel Magras, pour la réplique.

M. Michel Magras. Monsieur le ministre, je vous remercie d’avoir adressé ce message qui, je l’espère, sera entendu par l’outre-mer.

Dans le domaine du tourisme, il faut savoir se faire une place, mais le plus difficile est encore de la garder. On l’a souvent rappelé, l’essentiel n’est pas tant de faire venir des touristes que de les faire revenir.

L’outre-mer dispose d’un potentiel touristique inépuisable, mais il peine à conserver sa place. Peut-être les élus locaux eux-mêmes ont-ils tardé à accompagner les professionnels du secteur.

Je veux croire que l’outre-mer pourra continuer à compter sur le Gouvernement. Son appui lui est absolument indispensable, et le chemin qui reste à faire est long ! (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)