M. le président. La parole est à M. Jean-François Longeot.

M. Jean-François Longeot. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mesdames, messieurs les rapporteurs, mes chers collègues, je souhaite attirer votre attention sur les aides à l’acquisition de véhicules propres.

Les véhicules électriques constituent un levier important en matière de respect des engagements internationaux de la France à l’égard de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

À ce bénéfice environnemental, il faut ajouter la contribution à la lutte contre la pollution atmosphérique locale, ainsi que la réduction de la consommation de combustibles fossiles des transports.

Aujourd’hui, la mobilité électrique représente un enjeu tout à la fois politique, environnemental, technologique, économique et sociétal.

Les véhicules propres constituent tout d’abord un enjeu politique et sociétal.

Cette mobilité électrique prend sa source au cœur des évolutions de nos sociétés qui nous amènent de l’ère industrielle à l’ère de l’information et des services.

Elle est d’autant plus importante qu’elle va influer sur nos comportements quotidiens, en particulier sur les différents modes de déplacement.

La mobilité de demain sera différente de celle que nous avons toujours connue. Cette évolution adviendra très probablement par l’électricité. Aussi, il importe de considérer les véhicules électriques comme un outil au service de nos territoires et d’accompagner au mieux leur essor.

Parce que le secteur des transports représente le quart des émissions de CO2 en France, dont 38 % pour les transports routiers, le développement des véhicules électriques constitue donc un levier important de réduction de ces émissions, même s’il faut tenir compte du CO2 émis pour produire l’électricité.

Si le développement de la mobilité électrique en France n’est pas nouveau, il semble cependant faire l’objet régulièrement de « retards à l’allumage », dont on ne peut, me semble-t-il, imputer la responsabilité ni aux chercheurs ni aux industriels de ce domaine.

Par conséquent, il convient désormais de s’interroger sur les moyens d’action de l’État pour soutenir ce nouveau parc de véhicules, au plan tant du réseau local au sein des collectivités territoriales que des particuliers ou de la flotte de véhicules des entreprises.

En effet, force est de le constater, les bornes de recharge actuelles sont inadaptées à une utilisation de ce mode de déplacement par le grand public et à son développement au bénéfice de ce dernier comme des territoires.

Les véhicules propres représentent, ensuite, un enjeu environnemental.

Tout d’abord, il serait opportun de veiller à développer uniformément sur l’ensemble du territoire ces modes de déplacement qui ne doivent plus être intellectuellement pensés comme uniquement adaptés aux déplacements urbains et périurbains.

Il s’agit aussi de combler une fracture en matière d’aménagement du territoire.

Effectivement, en milieu rural, certains territoires restent très peu couverts : il est primordial de combler ces « trous » et de lutter contre la fracture entre zones urbaines et zones rurales ou de montagne.

Il est essentiel de ne pas reproduire les erreurs commises lors de la mise en place de la couverture numérique, tout comme il faudrait créer un réseau de bornes de recharge publiques facilement accessibles et identifiables. Mais il faut aussi déterminer à la fois les acteurs locaux et les territoires les plus pertinents pour développer et gérer durablement ce réseau de bornes.

Les véhicules propres représentent, enfin, un enjeu économique.

Dans un contexte économique difficile, l’électromobilité est une opportunité industrielle importante pour la France.

En effet, notre pays est le premier marché européen dans ce domaine : les industriels français sont pionniers et leaders dans le secteur du véhicule électrique.

Celui-ci pourrait contribuer non seulement à la renaissance industrielle de la France, mais aussi à celle de nos territoires. Sachons saisir cette occasion, d’autant plus que les véhicules électriques représentent également une opportunité d’augmenter le pouvoir d’achat de leurs utilisateurs : parcourir 100 kilomètres en véhicule électrique coûte de un à deux euros.

La question que l’on doit se poser est de savoir comment nous allons passer à la vitesse supérieure, pour aller de quelques dizaines de milliers de véhicules électriques actuellement en service sur le territoire national à plusieurs centaines de milliers à court et moyen terme.

Autrement dit, comment passer d’une dizaine de milliers de points de charge à plusieurs dizaines de milliers, et ce en adaptant le réseau public de distribution d’électricité, dont je rappelle qu’il est la propriété des communes et de leurs syndicats d’électricité et d’énergie par transfert de compétences et qu’il est exploité à près de 95 % par l’opérateur national ERDF ?

Enfin, il est indispensable d’innover quant aux lieux d’implantation de ces bornes de recharge, en recherchant tous les partenariats locaux et les acteurs proposant des services, qu’ils soient privés ou publics, et ce au service des usagers.

Bien que l’on travaille en ce sens, deux interrogations subsistent : est-il pertinent qu’un conseil général puisse se saisir d’un tel projet d’investissement, alors que le code général des collectivités territoriales ne le prévoit pas ?

Ma question ne concerne évidemment pas les deux conseils généraux du Loiret et de la Sarthe, autorités concédantes de la distribution publique d’électricité sur leurs territoires. À titre liminaire, je m’interroge également sur la démarche actuelle de l’Association des départements de France visant à « récupérer » cette compétence d’autorité organisatrice de la distribution d’électricité. Il faudra être très prudent sur ce sujet : est-ce la compétence ou la manne financière qui pourrait être transférée au syndicat d’électricité et d’énergie ?

Sur ce dossier, comme sur beaucoup d’autres, il est encore une fois indispensable de faire confiance aux maires, car je vous rappelle que les communes sont propriétaires des réseaux de distribution publics ; ceux-ci font partie du patrimoine communal.

Le conseil général est-il vraiment la structure adaptée pour assurer cette compétence ?

Relève-t-il de la responsabilité d’une petite, moyenne commune, voire d’une communauté de communes, d’assurer l’entretien et le fonctionnement de ces équipements nécessitant des compétences techniques multiples, au risque d’être à la merci des acteurs industriels et commerciaux du secteur ?

Vous l’aurez compris, mes chers collègues, les acteurs publics, appelés à développer dans les meilleurs délais et les meilleures conditions l’installation des bornes de recharge publiques pour véhicules électriques, devront répondre à des critères financiers et techniques multiples, ainsi qu’à des critères de proximité. Il est donc important que des partenariats ambitieux s’engagent avec les syndicats mixtes d’énergie.

Pour conclure, dans mon département, le Doubs, nous allons installer une soixantaine de bornes de recharge dans le cadre d’une coopération active entre les services préfectoraux du secrétariat général pour les affaires régionales et ceux du syndicat mixte d’énergies du Doubs, le SYDED, que je préside.

Cette remarque tend à souligner la possible coordination lors de l’élaboration de projets entre les services déconcentrés de l’État et les acteurs territoriaux.

La majeure partie du financement de ce dispositif va être assurée par l’ADEME et la région Franche-Comté, le solde étant acquitté à égalité par le SYDED et les communautés de communes concernées.

À titre d’exemple, aux États-Unis, les ventes de véhicules électriques et hybrides rechargeables ont augmenté de 28 % sur les huit premiers mois de 2013. Cette hausse a été essentiellement permise par l’augmentation du nombre de bornes de charge qui atteste de la volonté du gouvernement américain de sensibiliser les citoyens en vue d’une utilisation plus importante des véhicules zéro émission en lieu et place des véhicules thermiques.

Le maintien, voire l’évolution du bonus écologique, le lancement de nouveaux modèles par les constructeurs, l’implication des maires, des collectivités locales dans l’électromobilité et le déploiement du réseau d’infrastructures de recharge sur le territoire vont permettre d’engager la progression de cet innovant segment du marché automobile.

Avant de conclure, je voudrais également vous faire part, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, des vives inquiétudes du groupe UDI-UC quant à l’évolution de la flottille de pêche dans de nombreux ports, notamment sur le quartier maritime du Guilvinec. L’érosion du nombre de navires qui s’est produite en une dizaine d’années est préoccupante, entraînant la fermeture définitive – à Lesconil ou bientôt à Saint-Gilles-Croix-de-Vie, en Vendée – ou partielle – à Saint-Guénolé – des criées.

Ces prochains mois, une quinzaine de navires devraient être mis en vente dans les ports bigoudens, provoquant de réelles inquiétudes sur la pérennité de la filière.

Le renouvellement de la flottille est impératif, pour améliorer non seulement les conditions économiques d’exploitation, mais aussi les conditions de travail et de sécurité de marins. Cela nécessite toutefois de trouver des quasi-fonds propres permettant d’engager les établissements bancaires, plutôt très timorés.

À Loctudy, par exemple, un armement comptant aujourd’hui quatre navires a été créé par l’interprofession, afin de maintenir un niveau d’apport à même de conserver une activité économique pérenne.

Cet armement voudrait acquérir un cinquième navire, actuellement en construction, mais la difficulté de trouver 200 000 euros de fonds propres bloque le projet, alors qu’il y a urgence avant que les navires ne soient vendus aux armements espagnols cherchant à récupérer des quotas de pêche. C’est une illustration concrète des difficultés de ce secteur d’activité, malgré son fort potentiel, puisqu’il devrait nous permettre de réduire notre dépendance alimentaire vis-à-vis de l’étranger, et alors même que la France devrait être la première puissance maritime d’Europe. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. le président. La parole est à M. Louis Nègre.

M. Louis Nègre. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, je profite de cette seconde intervention…

M. Jean-Jacques Filleul. Cumulard ! (Sourires.)

M. Louis Nègre. … pour attirer votre attention sur les défis actuels que doit relever notre système ferroviaire. Et vous verrez qu’ils sont malheureusement nombreux !

Je commence par le défi du financement.

Cet été, le Gouvernement a fait adopter une réforme ferroviaire qui change la gouvernance du système. Soit ! Mais la réforme ne répond pas à la question primordiale de la dette, qui plombe littéralement ce dernier.

La dette du gestionnaire du réseau atteint aujourd’hui près de 34 milliards d’euros, et croît de 3 milliards d’euros chaque année ! Même si SNCF Réseau réalise des efforts de productivité, cette augmentation ne pourra, dans le meilleur des cas, qu’être réduite de 1 milliard d’euros par an, et ce à partir de 2020. En conséquence, on n’inverse pas encore, loin de là, cette tendance haussière.

Or nous devons encore assumer des investissements importants pour l’entretien et la régénération du réseau. L’École polytechnique fédérale de Lausanne a réalisé en 2005 un audit qui nous a ouvert les yeux et elle a confirmé de nouveau son analyse en 2012.

Nous avons commencé à rattraper notre retard dans ce domaine, mais nous n’avons pas encore réussi à arrêter le vieillissement du réseau !

Le financement du système comme la qualité insuffisante de l’infrastructure constituent deux problèmes aujourd’hui extrêmement préoccupants pour notre pays. Si l’on ajoute la situation du fret ferroviaire, qui est menacé de quasi-disparition, l’état des lieux est alarmant.

J’avais tenté d’apporter une première solution, en proposant, comme en Allemagne, l’ouverture à la concurrence du rail qui constitue un moyen pour améliorer significativement la qualité, la compétitivité et donc la pérennité du système. Malheureusement, je n’ai pas été suivi.

M. Roger Karoutchi. Ce jour viendra !

M. Louis Nègre. Il faut pourtant que la maison SNCF évolue pour se préparer à cette ouverture à la concurrence, qui finira bien par arriver. En attendant, des promesses de gains de productivité ont été faites. Dont acte ! À nous de suivre précisément leur réalisation.

Mais pourrons-nous fermer les yeux longtemps sur le problème du surcoût de notre entreprise nationale par rapport à ses concurrents qui peut aller jusqu’à 30 % ? Nous verrons ce qui ressortira des négociations en cours sur le cadre social harmonisé applicable à l’ensemble du secteur, monsieur le secrétaire d’État, nouveaux entrants compris, mais je dois vous avouer que je suis extrêmement dubitatif quant à l’atteinte des objectifs fixés dans la loi du 4 août dernier.

Une autre piste de travail réside dans la lutte contre la fraude. Celle-ci coûte chaque année 300 millions d’euros à la seule SNCF, 100 millions d’euros à la RATP, sans compter les réseaux de transport de province. Au bas mot, c’est un montant de l’ordre de 500 millions d’euros qui s’évapore sous nos yeux. C’est énorme !

La SNCF commence à réagir, en réduisant, par exemple, la durée de validité des billets. C’est en fait l’ensemble du cadre juridique prévu pour lutter contre la fraude qui doit être revu.

Savez-vous que, pour être passible d’un délit de fraude d’habitude, il faut avoir fait l’objet de plus de dix contraventions en une année ? Et, au 1er janvier suivant, on repart à zéro ! Comment ne pas qualifier ce système d’incitation directe à la fraude ?

La commission du développement durable m’avait autorisé, à l’unanimité des suffrages exprimés, à vous présenter un amendement visant à combattre plus efficacement cet incivisme. Il tendait à réduire à deux le nombre de contraventions qu’il faut recevoir en une année pour que le délit de fraude soit caractérisé. Cependant, je le regrette profondément, il a été déclaré irrecevable par la commission des finances, au motif qu’il n’entre pas dans le périmètre du projet de loi de finances.

J’espère que nous pourrons bientôt l’intégrer dans un autre texte, car il s’agit d’un sujet très important, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, pour le maintien du contrat social, dont notre nation a le plus grand besoin actuellement. Ce transfert de charges des fraudeurs aux usagers qui, eux, paient leurs titres de transport, est incivique, amoral et scandaleux !

J’en viens à un autre défi : le retour effectif de l’État stratège. La loi portant réforme ferroviaire, adoptée cet été, a souligné l’importance d’un État fort en matière de gouvernance du système. J’approuve totalement cet objectif. Encore faudrait-il passer de la parole aux actes, car il y a des marges de progrès...

Je prendrai trois exemples. Le premier est celui de notre filière ferroviaire, la troisième du monde, qui est aujourd’hui en grand danger. Après avoir été pendant longtemps l’un des atouts de la France, son plan de charge va nettement diminuer à partir de 2016. Le secteur risque de devoir débaucher son personnel, avec des conséquences irréversibles en matière d’emploi, de compétences et de savoir-faire. Il faut absolument éviter d’en arriver là. Je sonne le tocsin, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État.

Il faut notamment changer notre modèle de production. À force de rechercher la sophistication, nous perdons en termes de souplesse et de coût. Notre offre n’est plus adaptée à la demande étrangère, qui recherche davantage de sobriété. Je soutiens évidemment les efforts réalisés pour le développement du train à très grande vitesse du futur, mais nous devons aussi nous tourner vers l’international. Or la demande mondiale s’oriente plutôt vers la grande vitesse ; nous y répondons mal.

J’insiste auprès de l’État stratège sur la nécessité pour notre pays d’imaginer des matériels qui soient non pas uniquement franco-français, mais exportables dès l’origine ; j’avais réussi à introduire cette dimension dans le projet de loi portant réforme ferroviaire. Dans cet esprit, il serait utile de créer un partenariat avec le ministère des affaires étrangères et du développement international et UbiFrance pour mieux évaluer la demande mondiale et en tirer les conséquences au plan national et à l’export.

Sur le marché français, il faudrait autoriser des expérimentations visant à regrouper la commande publique entre plusieurs donneurs d’ordre, afin d’éviter la démultiplication des coûts de développement des produits, un peu sur le modèle de ce qui existe dans le secteur aérien.

Enfin, l’État doit être attentif à l’évolution de l’offre des trains d’équilibre du territoire, ou TET, dont il est l’autorité organisatrice ; c’est le deuxième domaine dans lequel son orientation est indispensable. Il s’agit des trains Intercités, qui assurent une grande diversité de services, mais, malheureusement, avec un matériel de plus en plus obsolète. Ces trains étaient gérés et financés par la SNCF avant que l’État n’en devienne l’autorité organisatrice en 2011.

La convention signée avec la SNCF, qui devait arriver à échéance fin 2013, a toujours été considérée comme provisoire, puisqu’elle ne faisait que geler la situation héritée du passé. L’année dernière, le Gouvernement a décidé de la prolonger d’un an – jusqu’à la fin 2014. Or, cette année, qu’apprend-on ? Qu’une convention relais va être signée, afin de laisser encore un an à l’État pour définir sa stratégie. Où est donc cet État stratège que le Gouvernement revendique tant ?

Les problèmes à régler sont nombreux. Tout d’abord, l’architecture retenue pour assurer le financement des TET via un compte d’affectation spéciale majoritairement alimenté par la SNCF a été qualifiée par la Cour des comptes d’ « habillage juridique de la situation antérieure ». De fait, ce mécanisme n’est pas de nature à responsabiliser les deux parties concernées. La SNCF est censée recevoir des bonus si elle améliore la qualité de son service, mais ces bonus sont en fait financés par une augmentation de sa propre contribution au compte d’affectation spéciale. Pour sa part, l’État n’assume pas le surcoût résultant de ses décisions, puisque c’est le budget de la SNCF qui est la variable d’ajustement budgétaire.

Pour ce qui concerne l’offre, elle est très hétérogène et crée une véritable confusion entre les services de TER et de TET. Il faut que l’État définisse une stratégie. Je ne peux que me réjouir de la méthode employée dans le cadre de la commission Mobilité 21. Cette méthode a porté ses fruits. Il est vraiment dommage que l’État ait déjà perdu deux ans sur ce dossier.

J’en viens au troisième domaine dans lequel l’État devra exercer ses prérogatives : la libéralisation du transport par autocar. J’y suis évidemment favorable. J’ai toutefois été très étonné d’entendre le Gouvernement nous annoncer tout d’un coup cette mesure, après avoir refusé tout aussi catégoriquement, au mois de juillet, l’ouverture à la concurrence du rail que je proposais. Cette politique me paraît contradictoire. Où est la cohérence ?

Je suis partisan de l’ouverture à la concurrence du transport par autocar, car elle permettra de faire baisser les coûts du transport et d’assurer un transfert modal supplémentaire. Cependant, il y a un risque sérieux de report du train vers la route, qui est, de fait, la véritable concurrente du rail. C’est la raison pour laquelle le Gouvernement devra limiter la libéralisation aux itinéraires qui répondent aux besoins et aux attentes des usagers.

En conclusion, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, nous vous confirmons notre profonde inquiétude quant à l’état du secteur ferroviaire, et nous ne pouvons que vous inviter à prendre sans délai les mesures qui s’imposent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP.)

M. Roger Karoutchi. Très bien !

M. le président. La parole est à M. Jean-Jacques Filleul.

M. Jean-Jacques Filleul. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, après deux années de diète budgétaire, nous pouvons enfin examiner dans cet hémicycle les différentes missions d’un projet de loi de finances.

Comme je le rappelais au cours du débat au sein de la commission du développement durable, des infrastructures, de l'équipement et de l'aménagement du territoire, je ne suis pas marri des deux ans et demi qui viennent de s’écouler. Les gouvernements ont été confrontés à des problèmes d’une rare complexité. Ils y ont fait face avec courage et avec un grand sens de l’intérêt général, même si je déplore le retrait de l’écotaxe. Je ne m’en suis jamais caché, pour moi, il s’agit d’un échec à résonnances multiples. Toutefois, il est utile de rappeler que l’écotaxe, lancée par le gouvernement de la précédente majorité nationale, n’a pas été mise en œuvre en 2010 comme cela était prévu : le décret d’application n’a-t-il pas été signé, comme par hasard, le 6 mai 2012 ?

Dans les quelques minutes dont je dispose, je n’aborderai pas ce que Jean-Yves Roux a su démontrer dans son rapport pour avis. Nous appellerons à voter le budget de la mission, non pas qu’il soit mirobolant, mais il est marqué par une certaine stabilité, ce que je considère comme positif compte tenu du contexte actuel et des enjeux.

Je veux en particulier souligner ma satisfaction quant au financement de l’AFITF. Monsieur le secrétaire d'État, vous avez su trouver les moyens de garantir le budget de cette agence jusqu’en 2017. Elle bénéficiera d’un peu plus de 2 milliards d’euros. Comme le rappelle très justement son président, Philippe Duron, cet effort permettra à l’Agence de tenir son rôle. L’AFITF a une mission décisive dans le report modal des investissements structurants.

Je m’étonne que certains suggèrent de supprimer l’AFITF. Cette agence a au minimum un intérêt : sanctuariser les crédits consacrés aux infrastructures. Ce n’est pas rien, tant les besoins sont importants. Je ne suis donc pas favorable à cette idée. L’AFITF a été créée en 2005 au moment de la privatisation des 9 000 kilomètres d’autoroutes. Je rappelle que, sur les 14 milliards d'euros versés par les concessionnaires, seuls 4,5 milliards d'euros ont été affectés aux infrastructures.

Je veux maintenant revenir sur le rapport de la Cour des comptes sur la grande vitesse ferroviaire, publié au mois d’octobre dernier. Le constat est sévère. La Cour dénonce la politique du « tout TGV », plus particulièrement la décision inappropriée, prise en 2009 sans évaluation socio-économique des projets, du lancement de quatre lignes à grande vitesse.

Personnellement, je crois au TGV. Ce train a beaucoup apporté à l’aménagement du territoire, à l’industrie et à la notoriété de notre pays. Le lancement simultané de ces quatre chantiers a cependant bousculé les financements du rail et a réduit, par effet de ciseaux, les moyens de RFF pour l’entretien des réseaux ; tout se tient. La régénération des voies SNCF, en particulier dans la région parisienne, est pourtant absolument nécessaire, nous le savons tous. La Cour des comptes ne dit pas autre chose dans son rapport.

Ces décisions prises à l’emporte-pièce engagent des moyens considérables, au détriment d’autres projets indispensables, comme le remplacement et le renouvellement des rames de train qui sont nécessaires dans l’intérêt des voyageurs et de la qualité du service public.

M. Vincent Capo-Canellas, rapporteur spécial. Très bien !

M. Jean-Jacques Filleul. Je suis préoccupé par le manque de mises en chantier de trains. Les deux contrats-cadres signés par les régions permettaient la commande d’environ 1860 TER, mais, faute de moyens régionaux, il semblerait que seule celle de 315 rames ait été confirmée. Monsieur le secrétaire d'État, il faut regarder cela de près – je sais que c’est votre intention –, car notre pays a besoin d’une industrie ferroviaire dynamique et créatrice d’emplois.

Le rapport de la Cour des comptes souligne le caractère inapproprié de l’utilisation des TGV. Je salue la réaction du Gouvernement. Vous avez répondu à ce rapport en lançant la commission TET, sur le modèle de la commission Mobilité 21. Les TET méritent notre attention. Je crois que c’est le bon moment de réfléchir à cet enjeu. La finalité de la commission est de clarifier l’articulation entre les différents services – TGV, TET et TER – et de déterminer le type de matériel dont nous aurons besoin dans les années à venir.

Je ferai enfin un bref rappel sur le transport de marchandises. La France est aujourd’hui le troisième marché ferroviaire de marchandises en Europe. Pourtant, le trafic du fret n’a cessé de baisser dans notre pays. Si Fret SNCF détient 70 % du marché, celui-ci n’en est pas moins réduit à environ 33 milliards de tonnes par kilomètre. Le défi pour l’avenir est considérable.

Monsieur le secrétaire d'État, 2015 sera une année importante pour le secteur ferroviaire français, puisqu’elle verra la mise en œuvre effective de la réforme du 4 août 2014 ; je pense que tout sera réalisé au mois de juillet prochain.

À ce propos, je relève que, lors d’une récente visite à Bruxelles, Louis Nègre et moi-même avons pu mesurer que, aux yeux de la Commission européenne, la France est dans une position plus confortable depuis le vote de la réforme. La constitution d’un vrai gestionnaire d’infrastructure unifié, ou GIU, est très fortement appréciée. Il en va de même des établissements publics à caractère industriel et commercial, ou EPIC, dont le statut, nous a-t-on dit, est conforme aux éléments connus du quatrième paquet ferroviaire. Ce dernier ne semble d’ailleurs pas bousculer les différents pays, qui, si j’ai bien compris, monsieur le secrétaire d'État, envisagent plutôt de prendre le temps nécessaire avant l’ouverture à la concurrence du service de transport de voyageurs. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe CRC.)

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, avant d’en venir aux transports, je vous informe qu’on nous annonce à l’instant que le Gouvernement aurait l’intention d’engager la procédure accélérée sur le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République, qui concerne la répartition des compétences entre les départements et les régions. J’ose espérer que ce n’est pas la vérité. Si les membres du Gouvernement ici présents ont la moindre indication, il serait bienvenu qu’ils rassurent le Sénat.

J’en viens maintenant aux transports. Je voudrais, en complément de l’intervention de Louis Nègre, attirer votre attention sur l’état et le financement du réseau de transport en Île-de-France. Ce n’est pas que je sois obsédé, mais le fait que ce réseau, représentant 60 % des déplacements de voyageurs, soit dans un état absolument insupportable pose un vrai problème.

Mme Évelyne Didier. Cela fait trente ans !

M. Roger Karoutchi. J’y viens, ne vous affolez pas !

M. Alain Vidalies, secrétaire d'État auprès de la ministre de l'écologie, du développement durable et de l'énergie, chargé des transports, de la mer et de la pêche. Ce n’est pas en deux ans que l’état du réseau s’est dégradé !