3

Mise au point au sujet d’un vote

Mme la présidente. La parole est à Mme Catherine Deroche.

Mme Catherine Deroche. Lors du scrutin n° 73 relatif à la proposition de résolution sur la reconnaissance de l’État de Palestine présentée en application de l’article 34-1 de la Constitution, MM. Didier Robert et Alain Fouché ont été déclarés votant contre, alors qu’ils souhaitaient s'abstenir.

Mme la présidente. Ma chère collègue, acte vous est donné de cette mise au point. Elle sera publiée au Journal officiel et figurera dans l’analyse politique du scrutin.

4

Discussion générale (interruption de la discussion)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Discussion générale (suite)

Amélioration du régime de la commune nouvelle

Suite de la discussion en procédure accélérée d’une proposition de loi dans le texte de la commission

Mme la présidente. Nous reprenons la discussion de la proposition de loi, adoptée par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes.

Dans la suite de la discussion générale, la parole est à M. François Baroin.

Discussion générale (suite)
Dossier législatif : proposition de loi relative à l'amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes
Discussion générale (interruption de la discussion)

M. François Baroin. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, la proposition de loi que nous examinons ce jour est directement issue des travaux de l’AMF, l’Association des maires de France. Je veux rendre hommage à Jacques Pélissard, mon prédécesseur à la tête de cette association : c'est lui qui, en première lecture à l’Assemblée nationale, a mené le débat autour des enjeux qui nous rassemblent ce matin.

Voilà un an, la résolution générale du congrès des maires de France avait pris acte de la nécessité d’une relance de la commune nouvelle, dont, je le rappelle, M. le rapporteur avait été à l’initiative lors de l’adoption de la loi du 16 décembre 2010.

Dans un premier temps, l’AMF avait obtenu l’inscription de mesures incitatives dans le projet de loi de finances pour 2014. Puis une proposition de loi, dont les dispositions avaient été validées par le bureau pluraliste de l’Association, fut déposée à l’Assemblée nationale au mois de janvier dernier par Jacques Pélissard, alors président de l’AMF.

Ce rappel devant la Haute Assemblée de la filiation de la présente proposition de loi me semble utile, non pour faire preuve d’une approche corporatiste, mais pour souligner le caractère de ce texte à la fois innovant et complémentaire des débats qui animent nos territoires autour d’une nouvelle organisation territoriale – débats qui vont d'ailleurs un peu dans toutes les directions, vous me permettrez de le dire !

Il s’agit en effet de la seule réforme structurelle soutenue par une association d’élus locaux qui a toujours préféré l’intérêt général au repli catégoriel.

Dans cet esprit, je citerai la résolution générale du congrès de l’AMF du mois de novembre dernier : « La commune a toujours su s’adapter au cours des siècles et une fois encore la réforme territoriale ne pourra être réussie que par la mobilisation des communes. L’engagement de l’AMF pour la création volontaire de ″communes nouvelles″ prouve que c’est avec la volonté des élus locaux que les grands changements sont possibles ».

Par ailleurs, lors du bureau que j’ai présidé jeudi dernier, l’Association des maires de France a mis en place un groupe de travail destiné au suivi et au soutien de cette réforme. Ce groupe sera coprésidé par l’estimé et respecté rapporteur du présent texte au Sénat, dont l’expérience et la compétence permettront d’éclairer utilement les travaux de l’AMF et, dès maintenant, de projeter une lumière singulière et utile sur les enjeux qui nous rassemblent aujourd'hui.

Cela dit, toute réforme de décentralisation devrait reposer sur la confiance et la liberté.

Tout d’abord, la confiance et la liberté, c’est laisser le choix des périmètres. Il s'agit ainsi de donner aux plus petites communes les moyens d’exercer la clause générale de compétence, de conforter une ville-centre qui pratiquera la mutualisation avec sa périphérie immédiate, de transcender les fractures périurbaines et de transformer une intercommunalité en commune nouvelle. Ce sont là autant d’enjeux qui nous réunissent.

La confiance et la liberté, c’est aussi laisser le choix du ou des objectifs. Il s'agit de faire face aux nouveaux enjeux du XXIe siècle, de mettre en synergie les compétences et le périmètre, de moderniser sur la base du volontariat la gouvernance et les politiques locales, d’écarter les tutelles techniques et financières, de prendre part à l’effort de redressement des comptes publics par la mutualisation renforcée des moyens – le mandat démarré depuis le mois de mars sera celui de la mutualisation accélérée, voulue et non subie par les élus – et de redonner du souffle à la vie démocratique locale, notamment là où sont apparues de réelles difficultés d’établissement des listes – d’ailleurs plus nombreuses – lors du dernier renouvellement.

Il n’y a pas, il ne doit pas y avoir de schéma, de directive, d’obligation, de circulaire. La présente proposition de loi ouvre des potentialités à travers une conception moderne du droit, un droit incitatif et facilitateur. C'est une véritable révolution culturelle ! Et votre présence ainsi que vos propos, madame la ministre, permettent aussi d’espérer un regard positif de l’État sur ces problématiques.

Le fameux principe de subsidiarité constitue un autre mur porteur de cette réforme. Ce n’est pas qu’un terme technique utilisé à l’échelle locale, nationale ou européenne ; c'est une réalité, celle d’un principe de vie en commun dans des bassins de vie, dans des bassins démographiques et dans des structures de partenariat.

Car l’idée est bien qu’il soit permis, avec les communes nouvelles, de replacer le bloc communal au cœur de l’édifice institutionnel et du grand mouvement de décentralisation qui se poursuit.

M. François Baroin. Cette réforme exprime une fidélité à la commune, tant appréciée de nos compatriotes. À cet égard, je me permets de rappeler, en ces temps incertains, que la commune et le maire sont les institutions non seulement les plus respectées, mais aussi envers lesquelles la confiance existe encore : le taux que celle-ci atteint figure d’ailleurs parmi les plus élevés. C'est précieux ; il ne faut donc pas tourmenter les communes au-delà du raisonnable.

Cela étant, les principales dispositions de la présente proposition de loi répondent à l’analyse et à la stratégie que je viens de développer.

D’abord, il est proposé d’améliorer la gouvernance des communes nouvelles. La période transitoire est particulièrement délicate, d’où une série d’améliorations et de souplesses concernant la composition des conseils municipaux.

Ensuite, les conditions d’une stimulation financière et d’un pacte financier sont mises en place.

Enfin, le droit de l’urbanisme est adapté à l’équation personnelle de la commune nouvelle.

La commission des lois a apporté la plus-value territoriale du Sénat sur certaines dispositions du texte. Quant à moi, je vous propose, mes chers collègues, d’enrichir ce dernier en vous soumettant trois propositions : la prorogation du délai de rattachement ; la non-pénalisation, dans le cadre du FPIC, le fonds national de péréquation des ressources intercommunales et communales, des communes nouvelles, ce qui constitue un enjeu financier important ; la prolongation du délai d’application de la loi relative à l’accueil et à l’habitat des gens du voyage.

À grand trait et en cinq minutes, je me suis ainsi efforcé, mes chers collègues, de résumer l’esprit, la philosophie, la méthode et les objectifs qu’un grand nombre d’entre nous partagent. (Applaudissements sur les travées de l'UMP, de l'UDI-UC et du RDSE. – M. le président de la commission des lois et M. Jean-Pierre Sueur applaudissent également.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.

M. Jean-Pierre Sueur. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, fusions de communes, communes associées, maires délégués, transformations d’établissements publics de coopération intercommunale en communes, tout a été essayé : la panoplie des dispositifs inventés depuis la célèbre loi Marcellin de 1971 est très riche ! Comme l’ont expliqué plusieurs orateurs, notamment M. le rapporteur, la loi Marcellin n’a pas eu beaucoup de succès – vous-même l’avez montré avec talent, madame la ministre.

Pourquoi en a-t-il été ainsi ? Et pourquoi en sommes-nous encore là aujourd'hui ? Je le crois, chacune et chacun d’entre nous connaît la réponse à cette question.

Pourquoi est-il si difficile de réunir et de fusionner des communes en France ? Pourquoi y a-t-il parfois plus de « défusions » à la suite de fusions que de divorces dans la vie civile, ce qui n’est pas peu dire ? Pour une raison très simple, mes chers collègues : depuis la loi du 14 décembre 1789, l’une des grandes lois de la République, les Françaises et les Français ont la commune dans leur cœur, et les brillants réformateurs qui se succèdent butent sur cette réalité ! (M. Jean Desessard approuve.)

On nous répète à l’envi que ces 36 767 communes sont en nombre excessif, que notre pays en compte davantage que toute l'Europe réunie. Mais la France est la France ! C’est un pays où la diversité se rencontre dans de nombreux domaines… De cela, il faut tirer les leçons.

D'abord, il convient de rendre hommage à la commune, comme M. Baroin vient de le faire.

Plutôt que de présenter un inconvénient – ou une multiplicité d’inconvénients –, ces communes, ce sont 550 000 conseillers municipaux, soit autant de citoyens qui, eux, procurent un avantage incomparable : connaître chaque route, chaque chemin, chaque commerce, chaque ferme, chaque entreprise, chaque école, chaque maison… Et lorsque ces diverses réalités sont abordées autour de la table du conseil municipal, alors ces élus savent de quoi ils parlent ! Cette connaissance du terrain, aucune structure technocratique ne saurait l’atteindre.

À cet égard, je veux également rendre hommage à ces 550 000 conseillers municipaux, véritables fantassins de la démocratie et de la cohésion sociale, dont le dévouement est sans limites. Je le dis souvent, rapporter les indemnités que certains d’entre eux perçoivent – et ils constituent une minorité ! – au nombre d’heures passées à l’exercice du mandat montre que la tâche qu’ils assument est assez peu payée.

Pour avancer, la voie française, c'est l’intercommunalité – je le répète depuis deux décennies et demie. Autant la loi Marcellin a rencontré peu de succès, autant les lois de 1992 et de 1999 relatives à l’intercommunalité en ont connu un formidable. En effet, toutes les communes de France, sans exception, appartiennent aujourd'hui à une intercommunalité ! Et n’oublions pas, mes chers collègues, que la plus grande part du chemin – au moins 90 % – a été accomplie grâce au volontariat.

La loi de 1992 n’aurait jamais été adoptée si M. le préfet – et Dieu sait le respect que nous avons pour les préfets de la République – avait dû avoir la charge d’établir les périmètres des intercommunalités. Elle n’aurait jamais été votée si l’on n’avait pas affirmé haut et clair que l’intercommunalité allait de pair avec le maintien des communes et le respect qui leur est dû, et que l'intercommunalité était au service des communes, non l’inverse.

Ce chemin constitue, je crois, la voie française, une voie efficace, puisqu'elle a montré que l’on pouvait mutualiser, associer les efforts et aller de l’avant, notamment dans une intercommunalité de développement, tout en respectant cette cellule de base de la démocratie, où bat le cœur de la République, qu’est la commune.

Cela dit, il faut, selon moi, aller plus loin dans le sens de l’intercommunalité. Mes chers collègues, nous examinerons dès demain le projet de loi dit « NOTRe ». Bien que ce soit un drôle de titre, madame la ministre, on peut sans doute considérer qu’il s’agit d’un pluriel, donc d’une forme de solidarité et d’un refus de l’individualisme. S’il est une mesure de ce texte dont je me félicite, c’est bien celle qui concerne le renforcement de l’intercommunalité.

Je pense en effet que l’intuition première de ce projet de loi est excellente. Cette intuition première – je sais que vous y tenez tout autant que moi, madame la ministre –, c’est la volonté d’aller vers des régions et des intercommunalités fortes. C’est pourquoi il me paraît logique de renforcer les intercommunalités. Pour ma part, le seuil de 20 000 habitants me paraît convenir, dès lors, bien sûr, que la commission départementale de la coopération intercommunale puisse prévoir les exceptions qui s’imposent lorsque sont en cause des secteurs ruraux très peu ou peu peuplés, des vallées de montagne ou des territoires insulaires.

Selon moi, l’avenir de notre pays se dessinera à partir de régions fortes. Je le précise, ces régions ne sont pas uniquement celles dont la superficie est importante : ce sont des régions qui ont les compétences et les moyens appropriés pour aller de l’avant.

Je vois une bonne articulation entre des régions fortes et des intercommunalités de projet fortes, qu’il s’agisse de métropoles, de communautés urbaines, de communautés d’agglomération ou de communautés de communes, le sort du département pouvant être considéré de manière très pragmatique et diversifiée, selon les différents contextes.

Madame la ministre, pour aller dans ce sens, il faut rester le plus fidèle possible à l’intuition de départ de ce projet de loi. Je le répète, je sais combien cette intuition vous est chère.

Je crois que l’avenir est dans cette double articulation entre des régions fortes et des intercommunalités fortes, dans le respect des communes, qui sont le cœur battant de la démocratie.

Je profite de l’occasion qui m’est donnée pour saluer Jacques Pélissard, avec qui Jacqueline Gourault et moi-même avons eu l’occasion de travailler sur un certain nombre de propositions de loi adoptées par les deux assemblées. J’ai également plaisir à évoquer Bruno Le Roux, avec qui je partage un certain nombre d’idées et de valeurs. Mes deux collègues députés ont bien fait de déposer la présente proposition de loi, qui permettra d’améliorer les choses dans un certain nombre de cas, et qui n’est nullement contradictoire avec le mouvement que je viens de décrire en faveur de régions fortes et d’intercommunalités fortes et auquel je crois beaucoup.

À mon sens, ce texte s’adresse surtout – c’est son intérêt principal – aux petites et moyennes communes. Certes, il peut être tentant, pour des agglomérations de 200 000 ou 300 000 habitants, de vouloir réaliser des économies en créant une commune nouvelle. Très franchement, mes chers collègues, un tel projet me semble irréaliste.

Quand on connaît la réalité des communes de ce pays, on constate bien que la grande agglomération qui ferait fi de la réalité communale dans laquelle les Français se reconnaissent depuis plus de deux siècles ne peut être qu’une illusion.

En revanche, il existe dans le monde rural, dans le tissu des petites et moyennes communes, des situations où, à l’évidence, des rationalisations sont nécessaires. J’ai infiniment de respect pour les communes de moins de 100 habitants non seulement du département dont je suis l’élu, mais aussi des autres départements français. À vrai dire, si ces communes peuvent être incitées à se regrouper dans le respect de la spécificité de chacune qui pourrait être marquée par l’existence de maires délégués, ce sera une bonne chose.

Par conséquent, facilitons une telle évolution, mais sans trop d’illusions. Au demeurant, les réunions auxquelles M. Mercier a fait allusion montrent un véritable intérêt en la matière de la part d’un certain nombre d’élus. Encourageons donc ce qui va dans le bon sens.

Pour finir, j’évoquerai les incitations financières prévues dans ce texte. Toutefois, pas plus que pour l’intercommunalité, elles ne seront, selon moi, décisives. Les élus de ce pays ont institué des communautés de communes ou des communautés d’agglomération parce qu’ils y croyaient. De la même manière, les communes nouvelles se feront si les élus et les habitants y croient, s’ils perçoivent que c’est un plus. Cela dit, les incitations financières seront bien entendu les bienvenues.

Je le souligne également, l’une des dispositions de ce texte qui permet le maintien des conseils municipaux en l’état jusqu’au prochain renouvellement, ou plutôt le maintien, monsieur le président de la commission, de l’effectif des conseils municipaux, peut entraîner quelques conséquences singulières.

Par exemple, si dix communes décident de fusionner, il faudra sans doute requérir la salle des fêtes de la plus grande d’entre elles pour réunir une importante assemblée, qui sera une sorte de petit parlement. Il y aura peut-être là quelque expérience étonnante, dont nous pourrons tirer profit et parti.

Mes chers collègues, une fois replacée dans le dessein qui est le nôtre, à savoir des régions et des intercommunalités fortes, cette proposition de loi due à Jacques Pélissard et à Bruno Le Roux comporte des avancées incontestables, dont les élus et les habitants pourront tirer parti s’ils le veulent. Ce texte n’aura d’effet, vous le savez bien, que s’il respecte pleinement – tel est le cas, j’en donne acte à ses auteurs et à M. le rapporteur – la souveraine liberté des Françaises et Français. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste et de l'UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean Desessard.

M. Jean Desessard. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, avec 36 681 communes, la France métropolitaine regroupe 40 % du nombre de communes de l’Union européenne.

Parmi ces communes, 31 539, soit plus de 85 %, ont moins de 2 000 habitants. La population moyenne d’une commune française est de 1 750 habitants, contre 4 100 habitants pour le reste de l’Europe. Comme vous l’avez souligné, monsieur le rapporteur, il peut se poser un problème si les communes sont trop petites. Il en résulte en effet un émiettement de l’action publique locale, les collectivités n’ayant pas assez de moyens financiers et humains pour répondre aux attentes de leurs habitants.

Une telle situation, tous nos voisins européens l’ont vécue. Mais, à partir des années soixante, ils ont mis en œuvre un mouvement de réduction du nombre de communes. Celui-ci s’est traduit de manière spectaculaire dans certains pays.

Ainsi, entre 1950 et 2007, la Suède, le Royaume-Uni, la Belgique et l’Allemagne, pour ne citer que ces pays, ont respectivement réduit le nombre de leurs communes de 87 %, 79 %, 75 % et 41 %. En France, en revanche, sur la même période, la réduction n’a été que de 3 %.

Ces évolutions sont dues, cela a été dit, à une différence de méthode. Les pays du nord de l’Europe ont fondé leurs réformes communales sur l’autoritarisme. La Suède et la Belgique ont, par exemple, fusionné de force les communes de moins de 500 habitants et les Länder allemands se sont dotés de compétences larges pour redécouper les frontières communales.

En France, en matière de fusion, nous avons préféré privilégier le volontarisme. Au cœur des dispositifs de la loi Marcellin de 1971 et de la loi portant réforme des collectivités territoriales de 2010 se trouve le droit des citoyens à choisir librement les fusions, que ce soit par référendum local, avec le premier de ces deux textes, ou par délibération de leurs représentants élus aux conseils municipaux, avec le second.

Dans notre pays, l’attachement des citoyens à leur commune est fort. Le maire est une personne connue, les services municipaux sont au plus proche de la vie des populations et les communes ont conservé des compétences de premier plan dans l’organisation territoriale de la République. C’est pourquoi les fusions n’ont pas trouvé beaucoup d’écho. L’intercommunalité a ainsi été privilégiée plutôt que le regroupement.

La proposition de loi que nous examinons aujourd’hui s’inscrit très clairement dans la continuité de ce volontarisme. Elle vise à faciliter les fusions de communes, en mettant en place plusieurs dispositifs incitatifs, sur le plan aussi bien de la gouvernance que des finances.

Il est ainsi prévu que l’ensemble des conseils municipaux des communes fusionnées se retrouvent dans le nouveau conseil jusqu’aux élections municipales suivantes et que chaque maire délégué ait la qualité d’adjoint au maire de la commune nouvelle, pour assurer une transition institutionnelle souple.

Concernant l’aménagement du territoire, les plans locaux d’urbanisme devront prendre en compte les spécificités relatives aux anciennes communes via l’utilisation de plans de secteur.

Du point de vue financier, les taux de fiscalité des communes fusionnées sont maintenus pendant une période transitoire et les dotations de l’État ne sont pas modifiées pendant les trois ans suivant la fusion.

Il s’agit de mesures pragmatiques, pour accompagner en douceur les fusions de communes.

Si les écologistes sont favorables au renforcement du triptyque intercommunalités-régions-Europe, cela ne veut pas dire qu’ils sont pour la disparition de l’échelon communal.

M. Jean Desessard. Nous estimons en effet qu’il s’agit d’un espace démocratique incontournable de notre société, au plus proche des préoccupations des citoyens, conformément à votre description, madame la ministre.

La présente proposition de loi vise à préserver cet espace et à inciter aux regroupements sans empiéter sur la libre administration des collectivités territoriales. C’est pourquoi les écologistes voteront ce texte. (Applaudissements sur les travées du groupe écologiste, du groupe socialiste et de l’UDI-UC.)

Mme la présidente. La parole est à M. Jean-Pierre Bosino.

M. Jean-Pierre Bosino. Madame la présidente, madame la ministre, mes chers collègues, nous examinons ce matin la proposition de loi relative à l’amélioration du régime de la commune nouvelle, pour des communes fortes et vivantes, et, pourrait-on ajouter, bientôt disparues.

Pour commencer, et quitte à remettre en cause la belle unanimité qui règne aujourd'hui dans cet hémicycle, je tiens à rappeler que le consensus n’existe pas. En effet, nous refusons pour notre part de nous inscrire dans ce climat visant à faire de ce débat éminemment politique une simple question de bon sens.

Le texte dont nous discutons aujourd’hui, et qui résulte de deux propositions de loi présentées parallèlement par MM. Pélissard et Le Roux à l’Assemblée nationale, s’inscrit dans la continuité directe de réformes dont l’échec n’est plus à démontrer et visant à faire accepter la disparition des communes.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Mais non !

M. Jean-Pierre Bosino. En 1971, la loi Marcellin avait permis la fusion de communes et créé le statut de « commune associée ». Mais, au cours des décennies suivantes, le nombre de communes a diminué de 5 % seulement.

Pis encore, les quelques communes qui avaient été fusionnées au cours de la période 1971-1972 continuent aujourd’hui de se « défusionner ». Preuve, s’il en est, du succès de cette loi !

En 2010, avec la réforme territoriale voulue par Nicolas Sarkozy, cette logique de fusion a été approfondie, par le biais de la proposition d’un nouveau régime se voulant plus simple, plus souple et plus incitatif.

Quatre ans plus tard, treize communes nouvelles ont vu le jour, soit un regroupement de trente-cinq communes au total. Là encore, l’échec est patent !

Or que nous propose-t-on aujourd’hui à travers cette proposition de loi ? Rien de plus que de « remettre le couvert », si vous me permettez cette expression.

L’objectif affiché est de rendre plus attractives, mais surtout plus incitatives, ces fusions dont personne ne semble vouloir, en mettant en place un certain nombre de mécanismes qui, pour reprendre les mots de Mme la rapporteur à l’Assemblée nationale, visent à lever « certains obstacles institutionnels, financiers, voire psychologiques, qui expliquent les hésitations des élus locaux et des populations. »

Au sein de l’Association des maires de France, j’ai entendu – et ce n’est pas M. Baroin qui pourra me contredire – des maires protester contre cet acharnement à vouloir faire disparaître les communes.

Mme Jacqueline Gourault. Il ne s’agit pas de cela !

M. Jean-Pierre Bosino. Mais le présent texte ne se fonde pas uniquement sur la volonté d’améliorer le régime de 2010 ; il se place dans le cadre d’une analyse de la situation et des enjeux contemporains, sur lesquels je souhaiterais revenir.

Parmi ces enjeux, le premier est la baisse des dotations financières qui mine l’investissement local et détruit les services publics, lesquels restent pourtant – tout le monde le dit – les derniers remparts face aux conséquences économiques et sociales de la crise systémique que nous vivons.

Cette diminution, nous le savons, n’est pas ponctuelle, puisqu’elle s’inscrit dans le cadre du projet de programmation des finances publiques pour les années 2014 à 2019, qui prévoit une réduction de 27 % des dotations aux collectivités locales.

Le deuxième enjeu pour nos communes est, nous dit-on, la vitalité démocratique, laquelle décroît, ce qui se traduit par des difficultés lors des élections municipales à trouver des candidats, mais surtout – et ceux qui n’étaient pas favorables à la parité insistent sur ce point – des candidates.

Enfin, l’élargissement des périmètres intercommunaux prévu dans le projet de loi NOTRe va contraindre à des adaptations structurelles importantes.

Ces difficultés sont réelles et représentent des dangers majeurs pour nos territoires et nos populations.

Ces faits, nous ne les remettons pas en cause. En revanche, ce que nous contestons, ce sont les solutions proposées. Comment imaginer que la réponse aux problèmes que rencontrent nos communes puisse être la suppression de ces mêmes communes ?

Et ce débat n’est pas nouveau. Déjà, en son temps, le marquis de Condorcet prônait le regroupement de plusieurs villages, afin de pouvoir justifier une « notabilisation » des élus et une réduction de leur nombre. Face à cela, Mirabeau, avec d’autres, était partisan d’un découpage administratif transformant les 44 000 paroisses de l’époque en autant de communes.

Aujourd’hui, la France compte plus de 36 000 communes et 600 000 élus. Pourquoi voir dans cette caractéristique un problème ? Ce maillage territorial est au contraire la force de notre pays. Les communes sont la base de notre démocratie, de la proximité. À l’instant, M. Sueur leur a rendu un bel hommage. Ce n’est pas un hasard si le maire reste l’élu le mieux reconnu par nos concitoyens.

Les communes sont l’échelon de base de notre organisation territoriale et assurent, au plus près de nos concitoyens, un rempart contre l’exclusion, l’isolement et le déclassement.

Oui, les communes doivent être de notre temps pour répondre aux besoins des populations et aux exigences économiques, sociales et environnementales. Cela implique davantage de coopération entre les collectivités. Mais pour coopérer, il faut exister. La fusion, ce n’est pas la coopération !

Je voudrais, pour terminer, revenir sur un aspect de la présente proposition de loi qui va encore aggraver la situation financière des collectivités locales.

La section 4 prévoit en effet de nouvelles dispositions fiscales et des incitations financières pour encourager le processus de fusion. Cela passe, notamment, par la garantie, pendant les trois ans qui suivent la fusion, que les communes nouvelles ne connaîtront pas de baisse de leur dotation par rapport à la somme allouée aux anciennes communes alors séparées.

De la même manière, les nouvelles communes continueront de percevoir des financements au titre de la dotation nationale de péréquation, de la dotation de solidarité urbaine et de la dotation de solidarité rurale.

Ces dispositifs, outre le fait qu’ils ne garantissent nullement le maintien des dotations au-delà de la période transitoire, vont conduire mécaniquement à une baisse des dotations des communes qui ne s’inscrivent pas dans un processus de fusion.

On peut donc prévoir que plus le processus de la commune nouvelle rencontrera de succès, plus la dotation des autres collectivités diminuera, puisque le montant de l’enveloppe demeurera le même.

Cela étant, le découpage géographique et administratif de notre territoire doit faire l’objet d’un débat permanent. Mais celui-ci doit être abordé sous l’angle de l’utilité sociale, du dynamisme économique et des enjeux démocratiques. En aucun cas ce découpage ne peut être compris comme une variable d’ajustement ou d’adaptation à des politiques d’austérité visant à la mise en concurrence des territoires et à la dégradation des services publics, afin de les livrer au privé.

C’est pourtant dans ce cadre que se situe la proposition de loi que nous examinons. C’est pourquoi nous ne voterons pas en sa faveur. (Très bien ! et applaudissements sur les travées du groupe CRC.)