M. Alain Néri. Écoutez-le, il a raison !

M. Didier Marie. … et alors que, aujourd’hui encore, bon nombre de vos responsables, et non des moindres, parlent de supprimer les départements en les fusionnant avec les régions, y compris en ayant recours au référendum ? (Bravo ! et applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme Éliane Giraud. Et voilà !

M. Didier Marie. Certes, de 2007 à 2012, de nombreux présidents de conseil général de la droite et du centre, siégeant comme moi au bureau de l’Association des départements de France, se lamentaient devant les positions du Président de la République de l’époque et de son Premier ministre. Mais il a bien fallu une majorité pour accompagner ce gouvernement-là, et vous en étiez, je le rappelle !

M. Alain Néri. Très bien ! Notre collègue a bonne mémoire !

M. Alain Fouché. Nous aussi !

M. Didier Marie. Aujourd'hui, tout le monde s’accorde sur le fait qu’une réforme est nécessaire, mais, lorsque le Gouvernement prend le taureau par les cornes, plus personne n’est d’accord, car cela bouscule habitudes et positions acquises.

Pourtant, madame la ministre, ce projet de loi est un bon texte. Depuis trente ans, le mouvement de décentralisation a permis de moderniser notre pays, même ceux qui y étaient opposés en conviennent. Lycées, collèges, routes, infrastructures, services publics, équipements culturels et sportifs, vie associative : tout a bénéficié de la décentralisation.

Mais ce mouvement, agrégé à celui de la montée en puissance de l’intercommunalité, a généré progressivement de la complexité, rendant souvent difficile la lecture de l’action des uns et des autres, quand ils n’étaient pas en concurrence, déroutant nos concitoyens et, en définitive, consacrant l’idée d’un « millefeuille » territorial, quand, de feuilles, il n’en compte que quatre !

Certaines collectivités l’ont compris, ont anticipé et ont agi. À cet égard, permettez-moi, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, d’évoquer l’expérience menée dans ma région, la Haute-Normandie.

Nous avons créé le 276, contraction des numéros 27 pour l’Eure et 76 pour la Seine-Maritime. Cela nous a permis, dès 2004, voilà donc déjà dix ans, de préfigurer ce qui nous est proposé aujourd'hui. Nous avons décidé, à cette époque, de coopérer, de coordonner nos actions, de mutualiser des moyens et d’agir de concert en faveur des territoires intercommunaux et communaux. Et je peux vous dire, mes chers collègues, que c’est possible.

Ainsi la région a-t-elle été consacrée seule décisionnaire en matière économique, toutes les aides et toutes les interventions des départements étant déterminées dans le schéma régional de développement économique.

De la même manière, nous avons développé les coopérations, mais aussi les spécialisations, sur toutes les compétences, dans les domaines du tourisme, de l’environnement, de la culture, du sport, de la gestion des ports. Nous avons élaboré, et mis en œuvre, à côté du contrat de plan État-région, un contrat « 276 » doté de 1,5 milliard de crédits d’investissement, dont une partie significative était destinée à des contrats de territoire avec les agglomérations et les pays.

Je pourrais être plus complet, mais le temps m’est compté. Je tenais simplement à dire que tout cela peut fonctionner.

Votre projet de loi, madame la ministre, conforte notre démarche et l’étend à l’ensemble du pays en l’amplifiant. Je m’en félicite. Il permet de donner du sens à l’action publique, de la rendre enfin lisible par nos concitoyens…

M. Alain Fouché. Ce n’est pas ce qu’ils pensent ! Vous verrez le résultat, lors des prochaines élections !

M. Didier Marie. … et par nos entreprises, qui, trop souvent, ne s’y retrouvent plus et font la tournée des collectivités pour obtenir informations ou aides.

Votre projet de loi simplifie l’exercice des compétences de chaque collectivité en les rendant plus lisibles.

La principale avancée du texte est sans conteste le fait que la région va enfin atteindre la maturité.

Certes, elle est la collectivité la plus jeune, mais le renforcement de son rôle est primordial. Ce projet de loi consacre sa place stratégique en matière de développement économique et d’emploi, d’aménagement du territoire, de compétitivité et d’attractivité.

Je suis, pour ma part, favorable à ce que la région organise aussi l’ensemble des mobilités, ce qui nécessite le transfert des routes, a minima les plus importantes d’entre elles, et de tout le bloc « transport » des départements.

Dans notre département, nous avons aussi la chance d’avoir une communauté d’agglomération qui, constituée en 2010, deviendra métropole au 1er janvier 2015. C’est un moteur de croissance qui rayonne bien au-delà de ses limites territoriales.

Nous avons, là encore, anticipé et procédé à des expérimentations, puisque la métropole de Rouen-Normandie se verra transférer, dès le 1er janvier prochain, les routes départementales de son territoire et trois musées départementaux afin de constituer un pôle muséal de dimension internationale.

Nous avons par ailleurs « décroisé » un ensemble de financements aux communes, aux partenaires culturels et sportifs et aux associations.

Encore une fois, cela démontre que tout cela est possible.

Mme la présidente. Veuillez conclure, mon cher collègue.

M. Didier Marie. En tant qu’ancien président du conseil général de la Seine-Maritime, je me réjouis, madame la ministre, de l’évolution du Gouvernement sur le rôle du département, lequel se voit aujourd’hui confirmé et conforté dans ses missions de solidarité sociales et territoriales.

À cet égard, madame la ministre, j’ai déposé un amendement visant à éviter que les compétences sociales ne soient dissociées les unes des autres lors du transfert à la métropole. Nos agents apportent un service de qualité, portant une approche globale des familles, de la petite enfance au grand âge. Le transfert « par appartement », tel qu’il est prévu à l’article 23, ne me semble pas aller dans le sens d’une simplification et d’une efficacité garanties.

J’ai proposé que ne puissent être transférées que les compétences sociales liées aux compétences économiques des métropoles et à leurs compétences en matière de logement, soit les politiques d’aide à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, les actions d’insertion et le Fonds de solidarité pour le logement. Pour le reste – enfance, dépendance, accompagnement social des familles –, les départements ont fait la preuve de leur efficacité.

Mme la présidente. Merci de conclure, monsieur Marie.

M. Didier Marie. Je crois, madame la ministre, à l’intelligence des territoires, à la négociation, au contrat, et je sais, pour les avoir expérimentés, que cela fonctionne. Vous pourrez compter sur nous pour défendre votre projet de loi ! (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. Bernard Cazeau.

M. Bernard Cazeau. Madame la présidente, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, nous avons été nombreux, c’est vrai, à saluer l’évolution de la position du Premier ministre sur le rôle que devait conserver le département au sein des institutions de la République. La réaffirmation du conseil départemental comme collectivité moteur des solidarités est apparue comme une sage décision à beaucoup d’entre nous, si je m’en réfère à ce que j’ai entendu.

La force des départements, chers collègues, ne réside pas uniquement, à mon avis, dans la proximité avec laquelle ils exercent leurs missions. Elle tient également à leurs capacités à innover et à créer de l’activité, parce qu’ils sont les meilleurs connaisseurs de leur territoire.

M. Alain Fouché. C’est vrai !

M. Bernard Cazeau. À ce stade du débat, tout a été dit, et plutôt que de vous donner, madame la ministre, monsieur le secrétaire d’État, pour la vingt-cinquième fois les arguments d’un « départementaliste », permettez-moi d’évoquer un exemple d’innovation de deux départements, la Dordogne et l’Ardèche.

Tous deux sont bien connus pour leurs richesses préhistoriques, qui sont leur principal atout. Les deux départements ont su l’un et l’autre procéder à la reconstitution de ces deux chefs-d'œuvre d’art pariétal que sont la grotte de Chauvet-Pont d’Arc, pour l’un, et celle de Lascaux, pour l’autre. La reconstitution de la grotte de Chauvet-Pont d’Arc ouvrira dans quelques mois. Quant au Centre international d’art pariétal de Lascaux, il ouvrira en juin 2016.

Sans se concerter, ces deux départements ont eu l’idée de valoriser leur territoire et de faire face à l’adversité qui, pour des raisons de conservation de patrimoine, leur interdisait à l’avenir d’exploiter leurs richesses.

Ils ont aussi su entraîner dans leur sillage et, surtout, dans leur volonté leurs régions respectives, l’État et même l’Europe. Demain, ils permettront aux citoyens de France et du monde de voir ces richesses patrimoniales, en doublant leurs capacités touristiques, déjà importantes, ce qui participe à leur développement économique.

Par ailleurs, la Dordogne a créé un atelier de fac-similé pour la reproduction, au millimètre près, de l’art pariétal de nos ancêtres. Je vous invite à le visiter, madame la ministre ; certains de vos collègues sont déjà venus. Elle fait circuler dans le monde un élément de fac-similé appelé « Lascaux 3 », que 800 000 visiteurs ont déjà vu aux États-Unis et au Canada. Il est actuellement à Bruxelles, en attendant Paris.

Ces deux exemples montrent bien, dans un domaine à la fois culturel et touristique, la capacité de création, mais aussi de coordination, des collectivités territoriales. Cela nous renforce dans l’idée de conserver cette proximité des départements, sans la morceler, mais en lui donnant le caractère de modernité que deux siècles d’existence pourraient lui enlever.

La commission a bien vu la nécessité de combiner, suivant les cas, le rôle de gestion du département et celui de coordination des régions au travers du schéma territorial, particulièrement dans le domaine du tourisme, en laissant de la souplesse aux collectivités pour harmoniser leurs actions. Sachons tenir compte de la spécificité et du savoir-faire de chacun dans l’élaboration de ce projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)

Mme la présidente. La parole est à M. le président de la commission des lois.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale. Madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, permettez-moi de dégager, au terme de la discussion générale, quelques-unes des questions qui ont le plus souvent été formulées par les orateurs qui se sont succédé à la tribune.

Ce matin, dans votre discours liminaire, madame la ministre, vous avez tenu des propos témoignant d’une certaine ouverture, qui ne présentaient que l’inconvénient d’être assez généraux. Avant que nous ne nous séparions pour quelques semaines, il serait utile au Sénat que vous apportiez des réponses précises aux questions qui ont été soulevées tout au long de la journée.

Lorsque le Premier ministre a annoncé, en avril dernier, son projet de réforme territoriale, nombre d’entre nous, vous le savez, ont ressenti une profonde incompréhension.

En effet, il nous paraissait contradictoire de vouloir étendre le périmètre des régions et les doter d’importantes responsabilités en matière de développement économique pour les rendre plus dynamiques, tout en les chargeant de nombreuses compétences de gestion, voire de maintenance d’infrastructures. Dès lors que la question de leurs ressources n’est pas traitée, cela présente le danger de créer des colosses aux pieds d’argile, chaussés de semelles de plomb…

En effet, si l’on transfère aux régions des compétences de gestion qui sont jusqu’à présent exercées, dans la proximité, par les départements, celles-ci risquent de ne pas avoir la souplesse et le dynamisme nécessaires pour faire face aux missions que nous voulons, les uns et les autres, leur confier dans l’intérêt du pays. Notre préoccupation est d’élaborer un dispositif cohérent, avec de grandes régions dynamiques et des institutions chargées des compétences de proximité. Le Gouvernement a cherché ; de nombreuses hypothèses ont été émises par le Premier ministre, par vous-même, madame la ministre, et par d’autres membres du Gouvernement au cours du printemps, de l’été et de l’automne, mais nous n’avons pas trouvé mieux que le département pour assumer ces compétences.

Le 28 octobre dernier, le Premier ministre nous a laissé quelques espoirs dans trois domaines au moins.

D’abord, il a renoncé officiellement à la suppression du département, ce qui, de notre point de vue, est raisonnable au regard de l’intérêt général.

Ensuite, il s’est montré expressément très ouvert – je l’ai relevé en intervenant à la tribune – quant à l’hypothèse de confier aux régions des responsabilités accrues dans le domaine de la politique de l’emploi, ce qui nous semble aujourd'hui indispensable.

Enfin, il nous a expressément assurés de sa disponibilité pour travailler avec nous sur la question des compétences.

Ces espoirs ont malheureusement été suivis de trois déceptions.

La première déception concerne le texte relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral.

Nous espérions que l'Assemblée nationale tiendrait un tant soit peu compte du travail que nous avons réalisé. Jusqu’à présent, malheureusement, tel n’a pas été le cas, d’où notre première déception. Certes, nous avons encore une petite chance : demain, dans un dernier sursaut de lucidité, les députés reprendront peut-être quelques-uns des apports du Sénat, notamment notre rédaction de l’article 1er, qui visait à rendre plus explicites les dispositions de l’article 72 de la Constitution, relatives à la subsidiarité. Plus grande encore fut notre déception de voir le projet de création de la nouvelle collectivité territoriale d’Alsace balayé d’un revers de manche, alors que ce projet tout à fait précis et consistant correspondait à une volonté très fermement exprimée par les élus alsaciens.

Notre deuxième déception fut causée par le fait que le Gouvernement ait soudain décidé, à notre stupéfaction, sans même prévenir le président du Sénat, d’engager la procédure accélérée sur le présent texte.

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Bien sûr, c’est l'Assemblée nationale qui en pâtira surtout. Mais nous sommes tellement attachés au bicaméralisme que nous sommes toujours portés à défendre aussi bien les droits de l'Assemblée nationale que ceux de la Haute Assemblée ! (Sourires.)

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Dès lors que l'Assemblée nationale n’aurait pas le temps nécessaire pour procéder à un examen approfondi de la réforme, nous craignons fort que cela ne la conduise à adopter des dispositions qui n’auraient pas été suffisamment mûries, ce qui rendrait notre tâche plus difficile encore…

Notre troisième et dernière déception tient non pas à votre discours liminaire, madame la ministre, mais à vos actes.

En effet, vous avez déposé ce matin des amendements tendant à réduire à néant une grande partie du travail de la commission des lois du Sénat. Or ce travail a été élaboré par deux co-rapporteurs appartenant l’un à l’opposition, l’autre à la majorité. Nous avons donc créé les conditions nécessaires à la recherche du consensus le plus large possible. Eu égard à l’approbation par de nombreux sénateurs de l’opposition du texte de la commission, nous espérions que, à tout le moins, le Gouvernement, qui a manifesté son ouverture au dialogue, tiendrait compte du travail réalisé.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. Le dépôt de ces amendements a donc choqué plus d’un sénateur, madame la ministre ! Je tenais à le souligner, parce qu’il est loyal, dans un débat, de se dire clairement les choses.

Mme Marylise Lebranchu, ministre. Absolument !

M. Philippe Bas, président de la commission des lois. J’en viens maintenant aux trois questions qui ont été formulées tout au long du débat par de nombreux orateurs, de tous les groupes.

Première question, acceptez-vous, oui ou non, de vraies mesures de décentralisation en faveur des régions ?

S’agira-t-il de régions culs-de-jatte ou marcheront-elles sur leurs deux jambes ? Si les régions sont compétentes en matière d’économie et de formation professionnelle, elles doivent progressivement se voir confier aussi l’enseignement professionnel. Surtout, il faut, dès maintenant, leur donner des responsabilités effectives en matière de politique de l’emploi. À vrai dire, l’État ne saurait se prévaloir d’un tel bilan, en matière d’emploi, qu’il puisse balayer d’un revers de main la proposition de confier les rênes aux présidents de région. Ah, si le chômage avait considérablement diminué au cours des dernières années, la question ne se poserait peut-être pas dans les mêmes termes !… Mais pourquoi ne pas essayer de faire confiance aux libertés locales, en vue de mener tout ensemble, au niveau régional, une politique énergique de création d’emplois, de reconversion des bassins d’emploi en difficulté, et une politique de développement économique ?

La deuxième question est toute simple : acceptez-vous, oui ou non, de soutenir le maintien, dans le texte qui sera finalement adopté, de l’attribution aux départements des compétences en matière de routes, de collèges, de transports scolaires et de ports ?

Si vous ne l’acceptez pas, les régions vont devenir obèses ; elles seront plus portées à l’immobilisme – les compétences de gestion sont trop lourdes lorsqu’elles ne sont pas exercées au plus près des réalités du terrain – qu’au dynamisme.

Enfin, troisième question : acceptez-vous, oui ou non, de renoncer au seuil de 20 000 habitants pour les intercommunalités et à l’élaboration de nouveaux schémas de coopération intercommunale avant le 31 décembre 2015 ?

Le chiffre de population, quel que soit le seuil retenu, ne nous semble plus être le bon critère, même s’il a pu être utile dans une première étape, aujourd’hui achevée.

S’il reste, ici ou là, des intercommunalités ne répondant pas aux prescriptions de la loi de décembre 2010, on peut achever le travail de mise aux normes de l’intercommunalité. C’est d’ailleurs ce qui était prévu dans la loi, sans que nous ayons à intervenir davantage.

En revanche, s’il s’agit de construire une nouvelle carte des intercommunalités, il ne faut pas le faire en déstabilisant des communautés de communes qui, créées entre janvier et avril 2014, sont encore fragiles et doivent se consolider.

Par ailleurs, il convient de trouver des critères qui correspondent davantage aux réalités de la vie, notamment dans les régions rurales, que ces critères quantitatifs aveugles, fondés sur le seul nombre d’habitants.

Telles sont, madame la ministre, monsieur le secrétaire d'État, les questions que je souhaitais mettre en exergue au terme de ce très riche après-midi de débats. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC.)

M. Bruno Retailleau. C’est une bonne synthèse !

Mme la présidente. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. André Vallini, secrétaire d'État auprès de la ministre de la décentralisation et de la fonction publique, chargé de la réforme territoriale. Madame la présidente, monsieur le président de la commission des lois, mesdames, messieurs les sénateurs, je voudrais d’abord saluer à mon tour l’important travail accompli par les deux co-rapporteurs, Jean-Jacques Hyest et René Vandierendonck, auquel j’adresse mes vœux de prompt rétablissement, en espérant qu’il reviendra très vite parmi nous.

Je salue également le travail des rapporteurs pour avis, Valérie Létard, René-Paul Savary, Catherine Morin-Desailly, Rémy Pointereau et Charles Guené, ainsi que celui d’Hervé Maurey, président de la commission du développement durable, et de Jean-Marie Bockel, président de la délégation sénatoriale aux collectivités territoriales et à la décentralisation. Leurs rapports ont apporté un éclairage très intéressant sur notre réforme.

Je remercie l’ensemble des orateurs qui se sont exprimés au cours de l’après-midi et de la soirée pour leurs interventions très riches. À cette heure avancée, il n’est plus temps, me semble-t-il, de répondre à chacun en particulier.

M. Bruno Retailleau. Nous sommes d’accord !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Les débats qui se tiendront au mois de janvier nous permettront d’aborder en profondeur toutes les questions qui ont été soulevées dans cette discussion générale.

Je commencerai par dire un mot du calendrier. Comme M. le président de la commission des lois l’a lui-même rappelé au début de l’après-midi, le projet de loi relatif à la délimitation des régions, aux élections régionales et départementales et modifiant le calendrier électoral et le projet de loi portant nouvelle organisation territoriale de la République ont été présentés en conseil des ministres le même jour, le 18 juin dernier. Ils sont donc sur la table, si je puis dire, depuis plusieurs mois.

Ces deux projets de loi sont le fruit d’une réflexion globale du Gouvernement et présentent une cohérence d’ensemble. Le Sénat et l’Assemblée nationale ont disposé du temps nécessaire pour se préparer à leur examen. Au demeurant, la discussion du second texte, touchant aux compétences, succède à l’examen du premier, puisque le Sénat a débattu hier en nouvelle lecture de la carte des régions.

Le président Larcher a rappelé que le décalage de l’examen du projet de loi NOTRe, auquel le Gouvernement a souscrit, avait été demandé par le Sénat lui-même à la suite des dernières élections sénatoriales.

M. Jean-Jacques Hyest, rapporteur. C’est vrai !

M. André Vallini, secrétaire d'État. Dès lors, l’engagement de la procédure accélérée était nécessaire pour respecter le calendrier électoral, mais il n’empêchera en aucune façon une deuxième lecture du présent texte.

M. André Vallini, secrétaire d'État. De nombreux orateurs ont regretté que ce projet de loi ne soit pas un texte de décentralisation. En réalité, il l’est à sa manière, dans la mesure où il permettra l’approfondissement de la décentralisation, sa clarification et l’amélioration de son efficacité.

Depuis trente ans, la décentralisation est une réussite ; tout le monde l’a reconnu au cours de cette discussion générale, y compris ceux qui, à l’époque, avaient combattu les lois de décentralisation. La décentralisation a permis de moderniser le pays et de satisfaire aux besoins toujours croissants de nos concitoyens en matière de services publics.

Il reste qu’il faut aujourd’hui simplifier le système administratif local, comme tous les orateurs en sont convenus. Au fil des gouvernements et des majorités successifs, nous avons ajouté des organismes et compliqué les procédures, ce qui a abouti à un enchevêtrement des compétences entre les régions, les départements, les intercommunalités et les communes.

Notre réforme répond à trois exigences : une exigence démocratique, la clarté, une exigence économique, la compétitivité, et une exigence de service public, la proximité.

Afin de clarifier les compétences des différents échelons, nous allons supprimer la clause de compétence générale, qui a permis jusqu’à présent aux régions, aux départements et aux communes d’agir dans les mêmes domaines de manière redondante, voire concurrente. Désormais, à chaque niveau de collectivités territoriales correspondront des compétences précisément définies par la loi.

Ces compétences s’ordonneront en blocs homogènes : aux régions le développement économique, aux départements la solidarité et au bloc communal les services publics de proximité. À côté de ces compétences exclusives, il demeurera des compétences partagées, conformément au souhait de beaucoup : le tourisme, la culture et le sport.

Un outil essentiel permettra la coordination des interventions des collectivités territoriales : la conférence territoriale de l’action publique, la CTAP, créée par la loi de modernisation de l’action publique et d’affirmation des métropoles que Marylise Lebranchu a défendue devant votre assemblée il y a quelques mois. Cette instance constituée dans chaque région permettra d’organiser au mieux l’exercice des compétences par les différents niveaux de collectivités territoriales.

En ce qui concerne l’intercommunalité, qui est, avec la commune, l’échelon de la proximité et de la vie quotidienne, la question du seuil se pose, comme l’a souligné M. le président de la commission des lois à la suite de nombreux orateurs. Le débat, lancé par les auditions que la commission des lois a organisées, ne fait que commencer. Il se tient aussi à l’intérieur de chacun des groupes politiques, comme l’a montré la discussion générale.

Nous ne sommes pas seuls à penser que le chiffre de 20 000 habitants correspond la plupart du temps à des bassins de vie, mais ce n’est pas vrai partout : alors que, dans certains territoires, ce seuil paraîtra très faible et sera largement dépassé – il l’est d’ailleurs déjà par un grand nombre d’intercommunalités –, il sera inatteignable dans d’autres, notamment ruraux ou de montagne. Des dérogations seront donc nécessaires : le Gouvernement sera très attentif aux propositions du Sénat visant à en fixer les critères.

De nombreux orateurs ont posé la question de l’avenir des départements face à des régions fortes sur le plan économique et à des intercommunalités qui vont monter en puissance. Au risque de décevoir MM. Juppé, Copé, Xavier Bertrand ou Mme Pécresse, le Gouvernement affirme très clairement que les conseils départementaux élus en mars prochain seront confortés dans leur rôle de garants de la solidarité, sociale et territoriale. Au demeurant, c’est la première fois que la compétence de solidarité territoriale sera inscrite en toutes lettres dans un texte de loi.

M. Alain Fouché. Les départements l’exercent depuis longtemps ! Il a fallu se battre pour cela !

M. André Vallini, secrétaire d'État. C’est vrai, monsieur le sénateur, mais désormais cela figurera dans la loi.

De nombreux orateurs ont demandé avec quels moyens financiers les régions pourraient exercer leur compétence renforcée en matière économique. Des transferts de fiscalité seront évidemment nécessaires, à pression fiscale constante, car le Président de la République a indiqué qu’il n’y aurait pas d’impôts nouveaux.

Avant de déterminer les moyens financiers affectés aux collectivités territoriales, notamment aux régions, il faut d’abord savoir quelles compétences le Parlement décidera d’attribuer à celles-ci.

Par ailleurs, vous savez que le Premier ministre a annoncé une réforme de la dotation globale de fonctionnement, qui sera préparée en liaison avec le Sénat et l’Assemblée nationale, ainsi que le Comité des finances locales, tout au long de l’année 2015, en vue d’une mise en œuvre au 1er janvier 2016.

Enfin, en ce qui concerne la politique de l’emploi aussi, le débat ne fait que commencer. Tout le monde convient que les régions doivent être davantage associées à la politique de l’emploi, qui est une priorité du Gouvernement : je suis sûr que nous en trouverons les moyens. L’emploi doit cependant continuer à relever d’une politique nationale, que le Gouvernement entend conduire avec toute l’efficacité requise. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste.)