M. le président. La parole est à Mme la rapporteur.

Mme Josette Durrieu, rapporteur de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le Sénat est saisi en premier du projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie, qui a été signé le 27 juin 2014 à Bruxelles.

Le Gouvernement a accordé la priorité à cet accord, que nous examinons assez rapidement après sa signature, et avant ceux qui ont été signés le même jour avec la Géorgie et avec l’Ukraine. Cette rapidité doit être saluée, de même que le choix effectué par notre assemblée de ne pas recourir à la procédure d’examen simplifiée. La portée symbolique de cet accord, dans le contexte régional actuel, justifie en effet pleinement le débat d’aujourd’hui.

Ancienne république de l’URSS, indépendante depuis le 27 août 1991, la Moldavie a été marquée, dès sa création, par la sécession de la Transnistrie, qui a eu lieu en 1992. La Transnistrie, située entre le fleuve Dniestr et la frontière ukrainienne, représente 12 % de son territoire. Ce conflit peut aujourd’hui être considéré comme l’un des premiers événements dramatiques – il y eut 3 500 morts en quelques semaines –, précédant ceux qui se sont déroulés ensuite en Géorgie, en Abkhazie en 1992 et 1993, en Ossétie en 2008 et en Ukraine, depuis 2014.

Un cessez-le-feu a été signé en Transnistrie en juillet 1992. Les négociations, menées par l’OSCE – Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe – dans le cadre du format « 5+2 », c'est-à-dire entre la Transnistrie, la Moldavie, l’Ukraine, la Russie, l’OSCE et les deux observateurs que sont les États-Unis et l’Union européenne, sont aujourd’hui au point mort et le conflit est considéré comme « gelé ». La Transnistrie compte 30 % de Russes, dont environ 1 500 militaires en activité, et les familles des soldats démobilisés de la quatorzième armée de l’URSS, qui était commandée en 1992 par le général Lebed. Un dépôt de munitions de l’époque soviétique s’y trouve toujours. Cette situation crée un potentiel de déstabilisation important à proximité de l’Ukraine, notamment d’Odessa et de la Crimée, dans ce que la Russie considère comme l’une de ses zones d’intérêts privilégiés.

Par ailleurs, la Moldavie comporte une région autonome, la Gagaouzie, située au sud-est du pays, à quelques dizaines de kilomètres seulement de l’Ukraine. La population de cette région de 1 800 kilomètres carrés et de 160 000 habitants est d’origine turque et majoritairement russophone. La Gagaouzie, qui ne représente que 4,5 % de la population moldave, s’est prononcée en 2014, dans le cadre d’un référendum d’ailleurs illégal, pour une adhésion à l’Union douanière avec la Russie plutôt que pour un rapprochement avec l’Union européenne. Pour m’être rendue récemment en Gagaouzie, en Transnistrie et en Moldavie, j’aurais envie de dire que la Gagaouzie est « disponible ».

Dans ce contexte hautement sensible, nous devons soutenir le rapprochement entre la Moldavie et l’Union européenne, et ce pour trois raisons.

En premier lieu, il correspond – vous l’avez dit, monsieur le secrétaire d'État, mais il faut y insister – à une volonté exprimée démocratiquement, et dans la durée, par le peuple moldave.

En 1994, un accord de partenariat et de coopération avec l’Union européenne a été signé. En 2004, la Moldavie a été incluse dans le champ de la politique européenne de voisinage. Elle a alors mis en œuvre un plan d’action définissant des réformes prioritaires, qu’elle a largement réalisées, même si elles sont encore insuffisantes. En 2005, elle a accepté le déploiement d’une mission d’assistance de l’Union européenne sur sa frontière commune avec l’Ukraine, entre Tiraspol et Odessa. J’ai d’ailleurs eu l’occasion d’effectuer une mission très intéressante le long de cette frontière de 80 kilomètres.

L’orientation européenne de la Moldavie a donc été amorcée alors même que le parti communiste était toujours au pouvoir. Le président Voronin, qui a exercé deux mandats, a accompagné cette démarche. En 2009, l’orientation européenne du pays a été accentuée avec l’arrivée au pouvoir d’une coalition démocratique de partis pro-européens.

La même année, la Moldavie s’est engagée dans le Partenariat oriental proposé par l’Union européenne. Elle est aujourd’hui l’État le plus avancé de ce partenariat, puisqu’une partie importante de l’accord d’association y est appliquée, à titre provisoire, depuis le 1er septembre 2014, et qu’une dispense de visa pour les courts séjours dans l’espace Schengen y est effective depuis le 28 avril 2014.

L’orientation pro-européenne de la Moldavie a, enfin, été confirmée par les élections du 30 novembre 2014. Les Moldaves ont reconduit une coalition pro-européenne ; même si cela a pris du temps, ils ont aujourd'hui un premier ministre et un gouvernement.

En revanche, il faut souligner, et je m’adresse notamment à ceux de mes collègues qui s’interrogent sur ce rapprochement que nous souhaitons avec la Moldavie, que l’adhésion à l’OTAN n’est pas à l’ordre du jour, par souci d’équilibre, et dans la mesure où la constitution moldave proclame la neutralité du pays.

En deuxième lieu, nous devons soutenir le rapprochement entre l’Union européenne et la Moldavie afin de montrer la capacité de l’Europe à stabiliser son voisinage à l’est.

Il est important de mesurer l’importance de cette problématique. Nous n’envisageons pas, dans l’immédiat – mais peut-être ne l’envisagerons-nous jamais –, de préparer un nouvel élargissement ; tel n’est pas l’objet du Partenariat oriental de l’Union européenne. Il reste que la Moldavie, de par sa position stratégique, doit être stabilisée, dans l’intérêt de l’Europe et des pays voisins.

Le préambule de l’accord d’association est très clair à ce sujet : il indique « prendre acte » des aspirations européennes de la Moldavie, sans que cela préjuge « en rien » de l’évolution future de ses relations avec l’Union européenne. À titre personnel, j’estime qu’il serait extrêmement regrettable que nous n’envisagions pas un jour que la Moldavie puisse adhérer à l’Union européenne.

L’accord d’association fixe un cadre pour la coopération. Il s’agit d’un accord mixte qui engage aussi l’Euratom, pour des raisons qui tiennent à la sûreté et à la sécurité nucléaires ainsi qu’à la protection radiologique. Il prévoit, dans de très nombreux domaines, un programme complet de rapprochement progressif de la législation moldave des acquis européens.

La Moldavie a déjà entrepris un grand nombre de réformes : réforme du secteur judiciaire, dispositions anti-corruption – il reste tellement à faire, notamment à cet égard ! –, lutte contre la criminalité... La Commission européenne a reconnu les progrès accomplis. Certes, les réformes doivent être poursuivies, et rendues effectives. Le dialogue politique prévu par l’accord d’association y contribuera.

L’accord d’association fixe un cadre de coopération ; la libéralisation des visas de court séjour, qui est distincte de l’accord, fait partie de ce mouvement de coopération.

L’accord de libre-échange, qui est le pilier de l’accord d’association, vise à supprimer 99 % des droits de douane, en valeur commerciale, pour la Moldavie. Soulignons qu’il ne fait que rééquilibrer les relations économiques extérieures de la Moldavie puisque celle-ci est, par ailleurs, partie à l’accord de libre-échange de la CEI, ce qui n’a pas empêché des sanctions économiques imposées par la Russie, en réaction à la perspective de l’accord d’association.

J’insisterai, par expérience, sur le fait que ce rééquilibrage des relations commerciales de la Moldavie pourrait, paradoxalement, contribuer à apaiser le conflit de Transnistrie. En effet, les entreprises de cette région sont tenues, dans le cadre du contrôle de la frontière entre Tiraspol et Odessa, de s’enregistrer en Moldavie. Le respect de cette obligation, qui est une condition pour poursuivre leurs activités, a contribué à rétablir des liens qui n’existaient plus.

L’accord d’association pourrait, de ce fait, susciter une volonté d’avancer dans la résolution du conflit. Soulignons que, à cet égard, l’accord stipule qu’il ne s’appliquera à la Transnistrie que lorsque le contrôle de l’État moldave sur ce territoire sera effectif. L’intérêt économique pourrait, dans un contexte où la démarche politique n’a pas débouché, être plus fort que les armes, plus fort que le conflit. Il faut aller au bout de cette démarche.

L’accord d’association doit donc permettre d’accompagner la Moldavie dans les réformes indispensables que ce pays a encore à accomplir, afin de créer un espace de stabilité et de prospérité autour des frontières de l’Union européenne. Il faut bien mesurer la dimension de cette obligation et l’intérêt qu’elle représente pour l’Europe.

Enfin, en troisième lieu, nous devons soutenir le rapprochement de l’Union européenne et de la Moldavie pour consolider nos relations avec le pays le plus francophone d’Europe orientale.

D’un point de vue strictement commercial, la portée de l’accord est, certes, limitée pour nous, dans la mesure où le montant de nos échanges avec la Moldavie est relativement faible. Toutefois, plusieurs entreprises françaises importantes sont présentes en Moldavie : Orange, qui est le premier exploitant de téléphonie mobile dans ce pays, mais aussi Lactalis, Lafarge, la Société Générale... Ces entreprises devraient profiter d’une amélioration du climat dans ce pays, tandis que d’autres pourraient envisager de s’y installer.

Mais, surtout, il nous faut soutenir le développement économique du pays le plus francophone d’Europe orientale, devant la Roumanie. Pour des raisons historiques et culturelles, plus de 50 % des élèves moldaves choisissent d’apprendre le français, qui reste la première langue étrangère enseignée, devant l’anglais. La coopération culturelle prévue dans le cadre de l’accord d’association pourrait constituer un outil parmi d’autres de promotion des échanges entre nos pays.

En l’absence d’une volonté politique forte, le déclin prévisible et annoncé de la francophonie au sein des jeunes générations moldaves sera difficile à enrayer.

On parle beaucoup de l’est de l’Ukraine, mais il ne faut pas oublier les menaces qui pèsent sur l’ouest. Tournons notre regard vers la Moldavie, la Gagaouzie, Odessa, qui représentent des zones d’intérêt majeur.

En définitive, la ratification de cet accord d’association témoignera de notre soutien à un pays situé dans une région soumise à de fortes pressions, à un risque d’instabilité politique et à un contexte de ralentissement économique.

C’est pourquoi, mes chers collègues, je vous propose d’adopter sans modification le présent projet de loi. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste et du groupe écologiste.)

M. le président. La parole est à M. Claude Malhuret.

M. Claude Malhuret. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, dans des circonstances normales, l’examen du présent projet de loi, qui vise à autoriser la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la République de Moldavie, pays de 3,5 millions d’habitants situé à sa frontière, ne devrait être qu’une simple formalité, d’autant que cet accord est déjà entré en application, à titre provisoire, depuis le 1er septembre 2014.

Toutefois, comme Mme la rapporteur le rappelait notamment dans sa conclusion, les circonstances ne sont pas vraiment normales, en particulier pour des raisons historiques.

Pour son malheur, la Moldavie a fait partie, pendant près de soixante-dix ans, de l’empire soviétique. Voisine de l’Ukraine et comptant une importante minorité russophone, elle est aujourd’hui touchée par les soubresauts de la décomposition de cet empire et menacée, comme, avant elle, la Géorgie, l’Arménie, l’Azerbaïdjan et l’Ukraine et comme, peut-être, demain, la Biélorussie, le Kazakhstan ou les États baltes, par la politique agressive de celui pour lequel « la chute de l’URSS est la plus grande catastrophe du XXe siècle » – je veux parler de Vladimir Poutine.

Bien sûr, nous savons, nous, que la catastrophe fut non pas la mort, mais la naissance de l’URSS. En tout état de cause, dans les démocraties européennes, y compris, parfois, au plus haut niveau, la difficulté à comprendre que l’effondrement de cet empire continuera d’avoir des conséquences dramatiques longtemps après sa survenue pour tous les peuples qu’il a dominés est frappante.

Le grand historien polonais Adam Michnik, qui est bien placé pour le savoir, disait que, ce qui est grave, avec le communisme, c'est que cela continue après… Combien faudra-t-il d’exemples comme ceux de l’Ossétie, de l’Abkhazie, de la Crimée, du Donbass ou de la Transnistrie, pour que nous comprenions à quel point Michnik a raison ?

Dans ces conditions, la ratification de l’accord d’association avec la République de Moldavie revêt un enjeu, notamment politique, plus important qu’il n’y paraît.

En le signant, la Moldavie assume une orientation européenne qui se traduit par un rééquilibrage de ses relations respectives avec l’Est et l’Ouest. La question est de savoir si elle possède les moyens de ce choix pro-européen et si elle pourra en gérer les conséquences diplomatiques vis-à-vis de ses voisins autres que l’Union européenne.

À ceux qui douteraient de la difficulté, il faut rappeler que l’accord a été signé en juin 2014, en même temps que les accords avec la Géorgie et avec l’Ukraine, dont il n’est guère besoin de rappeler ici les conséquences. C’est la raison pour laquelle ces accords et, plus généralement, le Partenariat oriental de l’Union européenne ne peuvent se passer d’une réflexion sur les relations entre la Russie et les anciennes républiques soviétiques, d’une part, et entre l’Europe et la Russie, d’autre part.

La Russie de Vladimir Poutine considère ses anciens satellites comme parties intégrantes de sa zone d’influence directe et souhaite renouer, pour des raisons de politique nationale habituelles sous les dictatures, avec le mythe nationaliste de la Grande Russie. C’est pour l’avoir dénoncé que Boris Nemtsov a été assassiné il y a quelques jours, en face du Kremlin. Je veux, ce soir, m’associer à la foule de ceux qui, aujourd'hui, en Russie, bravant les menaces, dépassant leurs craintes et leurs inquiétudes, ont salué la mémoire de ce grand défenseur des libertés, à l’occasion de ses funérailles.

À ce jour, la guerre en Ukraine est la conséquence la plus grave de cette politique. Elle est plus grave encore que la guerre contre la Géorgie, non seulement parce que le pays est amputé d’une région entière, la Crimée, annexée en violation totale du droit international, mais aussi parce que les combats, auxquels participent les troupes russes, malgré les dénégations de Moscou, durent depuis deux ans.

Il n’est donc pas possible d’analyser l’accord entre l’Union européenne et la Moldavie sans tirer les enseignements de cette situation.

Contrairement à l’Ukraine, la Moldavie ne possède pas d’accès à la mer Noire et se révèle donc moins stratégique. Cela n’a pas empêché qu’elle se trouve, depuis la signature de l’accord, sous le coup d’un embargo russe, conséquence directe de son orientation pro-européenne. De fait, le marché européen n’est plus, pour elle, un choix, mais une nécessité vitale, en particulier pour ses exportations agricoles.

Incapable d’assurer un véritable développement depuis vingt-cinq ans, en proie à une corruption massive, l’économie russe repose, pour une large part, sur l’exportation de ses ressources énergétiques et minières. Bien entendu, la Russie n’hésite pas à rappeler à certains pays européens les conséquences économiques et diplomatiques de leur dépendance énergétique.

Dans ce contexte, les accords de partenariat proposés par l’Union européenne, alors qu’ils ont pour but de participer au développement économique de l’ensemble de la région, ne sont compris par le régime russe que comme les éléments d’une guerre économique et commerciale, et la création de l’Union économique eurasiatique, qui pourrait être l’occasion d’une coopération avec l’Europe, n’existe que comme une sorte de contre-mesure aux accords d’association européens, ne laissant d’autre perspective aux anciennes républiques soviétiques que le choix, forcé, entre le partenariat offert par l’Europe et celui qui est proposé par la Russie.

Il n’en reste pas moins que, contrairement à ce que feint de croire la Russie et, malheureusement, à ce qu’espèrent parfois les pays concernés, la signature d’un accord d’association n’est pas un premier pas vers l’intégration européenne – Mme la rapporteur a évoqué ce point – et qu’il serait malhonnête de ne pas préciser aux intéressés que le Partenariat oriental constitue, en l’état actuel des choses, une fin en soi, non une étape vers un processus ultérieur d’adhésion.

Une autre question se pose, celle des défis intérieurs auxquels doit faire face la République moldave.

Du fait d’une histoire complexe et heurtée avec l’Empire ottoman, puis l’empire russe et, enfin, l’empire soviétique, le pays a comme l’un de ses principaux défis son manque d’unité politique et territoriale.

Si le conflit en Transnistrie, qui s’est traduit par la guerre civile de 1992, est « gelé » et si l’indépendance autoproclamée de la province, majoritairement russophone, n’est reconnue par aucun pays, il n’en est pas moins vrai que cette partie du pays ne peut bénéficier, pour l’heure, des accords d’association.

Cette région, la plus industrialisée du pays, est particulièrement affectée par la guerre en Ukraine et par l’embargo russe. À cet égard, les accords, favorisant la libéralisation du commerce, peuvent représenter une issue économique bienvenue, en même temps qu’un élément favorisant la résolution du conflit. Madame la rapporteur, vous avez insisté, à raison, sur ce point. Je suis d’accord avec vous : ces accords font naître l’espoir.

Le territoire de la Transnistrie ainsi que celui de la Gagaouzie, où les populations turcophones et russophones coexistent pacifiquement avec les populations roumanophones et qui n’exprime pas de volonté séparatiste, peuvent représenter un risque de morcellement pour la République de Moldavie. Bien entendu, ce risque est aggravé par les événements d’Ukraine et par la situation économique intérieure, la Moldavie étant l’un des États les plus pauvres de la région. De ce point de vue, la demande d’intégration à la Fédération de Russie formulée, en mars 2014, par le parlement de Transnistrie est évidemment de mauvais augure.

Du côté des bonnes nouvelles, il faut saluer les efforts de la Moldavie, qui, malgré un environnement particulièrement défavorable, est parvenue à diviser par deux son taux de pauvreté, passé de 30 % à 17 % entre 2006 et 2012.

Il faut, surtout, saluer le respect du pluralisme politique - les alternances de majorités au pouvoir en témoignent -, respect qui n’est pas très fréquent dans la région.

En revanche, le pays peine à sortir d’une crise institutionnelle ouverte avec les manifestations violentes de 2009 et l’impossibilité d’élire un président de la République. Et je ne parle pas des difficultés qu’a rencontrées le gouvernement actuel pour obtenir un vote de confiance du Parlement, puisque celui-ci n’a été obtenu qu’il y a quelques jours, précisément le 18 février dernier, à la condition que le gouvernement s’engage « à sauvegarder de bonnes relations avec notre principal partenaire : la Russie ».

Enfin, le pouvoir actuel doit faire face à de graves dysfonctionnements des institutions judiciaires et policières. Dans ce domaine, qui fait l’objet d’un volet de l’accord, l’aide que lui apportera l’Union européenne permettra sans doute à la Moldavie de réaliser des progrès.

Ces réalités ne font que donner plus d’importance à l’accord que nous examinons aujourd’hui, dont on peut espérer qu’il contribuera à améliorer la situation, au travers des aides financières et au moyen de la coopération politique, diplomatique et juridique.

Avant de conclure, je voudrais souligner l’importance de l’accord en matière de lutte contre les mafias et les trafics.

Selon l’Organisation internationale pour les migrations, la Moldavie est l’un des principaux pays sources de la traite des êtres humains, qui aurait fait plus de 3 000 victimes entre 2000 et 2012. Du fait de sa pauvreté et de sa géographie, le pays est au cœur des plus grands réseaux de prostitution, qui s’étendent, notamment, du Kosovo à la Russie et de Chypre à la Turquie.

En 2008, les autorités moldaves ont mis en place le « plan d’action pour la lutte contre les trafics d’êtres humains » conçu par la Commission européenne et contribuent à ce titre au financement de centres d’accueil pour les victimes. Cette initiative doit être soutenue, d’autant plus que la France est très mobilisée contre l’esclavagisme sexuel, notamment au travers de la Mission interministérielle pour la protection des femmes victimes de violences et la lutte contre la traite des êtres humains. Les ministères de l’intérieur et de la justice ont défini une stratégie de coopération avec la Moldavie, les Balkans, la Roumanie et l’Albanie, qui doit être impérativement poursuivie.

Mes chers collègues, le groupe UMP votera le projet de loi autorisant la ratification de l’accord d’association avec la République de Moldavie, qui s’inscrit pleinement dans les objectifs du Partenariat oriental de l’Union européenne. Il concerne beaucoup de domaines, tant institutionnels qu’économiques, qui doivent aider la Moldavie dans sa transition.

Il importe que l’Europe – notamment la France, monsieur le secrétaire d'État – fasse comprendre à la Russie, si c’est possible, que cette coopération n’est pas dirigée contre elle, mais qu’elle peut, au contraire, en bénéficier indirectement et qu’elle ne peut que tirer profit de la sécurisation de son voisinage.

Il importe également que l’Union européenne rassure ses États membres, en leur donnant les garanties que le Partenariat oriental ne sera pas l’occasion d’une concurrence déloyale résultant d’une différence de normes qualitatives.

Enfin, il convient que l’Union européenne affiche clairement la distinction entre accords d’association et mécanisme d’adhésion. À l’heure où le débat sur l’espace Schengen et la sécurité est engagé et où des États pleinement intégrés doivent faire face à la crise de la dette, l’Union européenne doit privilégier la réflexion sur sa réforme plutôt que sur son élargissement. (Applaudissements sur les travées de l'UMP et de l'UDI-UC, ainsi que sur certaines travées du groupe socialiste.)

M. Christian Cambon, vice-président de la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées. Très bien !

M. le président. La parole est à Mme Leila Aïchi.

Mme Leila Aïchi. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, madame la rapporteur, mes chers collègues, l’actualité donne forcément une dimension toute particulière à l’examen de l’accord d’association entre l’Union européenne, ses États membres et ceux de la Communauté européenne de l'énergie atomique, d’une part, et la République de Moldavie, d’autre part, cette dernière évoluant dans un environnement régional particulièrement instable, dont elle subit les conséquences au travers de multiples canaux : son économie, sa sécurité, sa dépendance énergétique, sa politique, pour n’en citer que quelques-uns.

En effet, les tensions géopolitiques dans la région affectent directement l’économie du pays, à l’image du tassement de la production en 2014, du fait, notamment, du marasme économique de ses partenaires importants, tels que l’Ukraine et la Russie.

De fait, la Moldavie est particulièrement sensible aux chocs extérieurs, en raison de sa dépendance aux transferts opérés par les travailleurs expatriés, qui représentent près de 24 % du PIB. La crise ukrainienne provoque également des sorties de capitaux et une réduction des recettes d’exportation.

Enfin, à ce contexte régional catastrophique s’ajoutent les sanctions russes consécutives à l’application, à titre provisoire, depuis le 1er septembre 2014, des dispositions commerciales de l’accord : un embargo sur le vin, les fruits et les légumes, alors que près de 80 % des exportations agricoles moldaves sont destinées à la Russie, et un durcissement des conditions d’accueil des travailleurs moldaves. Ces sanctions risquent de déstabiliser fortement l’économie moldave, alors que 30 % environ de la population du pays vit sous le seuil de pauvreté.

L’Union européenne doit condamner ces méthodes !

En ce sens, dans la mesure où il s’inscrit dans l’approche à long terme retenue par le partenariat oriental, l’accord de libre-échange, compris dans le texte que nous examinons aujourd’hui, est une réponse indispensable aux pressions russes.

Toutefois, la coopération que nous proposons ne doit pas se limiter au seul volet commercial ; il est indispensable que l’Union européenne adopte une approche multidimensionnelle.

Favoriser la mise en place d’une zone de libre-échange sans avancer en matière de protection des droits de l’homme, de sécurité et d’État de droit serait une erreur de la part des Européens.

En effet, si des réformes ont été entreprises ces dernières années par la Moldavie, force est de constater que beaucoup reste à faire. Selon le Global Slavery Index, la Moldavie est, pour ce qui est des trafics humains, le sixième pays sur cent soixante-deux. Il y a aujourd’hui une augmentation de la traite des êtres humains dans la région, non pas uniquement pour l’exploitation sexuelle en Europe du Sud-Est, mais également vers l’Ouest ; on pense à la Russie, à la Turquie, à Chypre et à la mer Noire, notamment. Malgré le nombre de données accablantes, les trafics persistent.

Dans un rapport de 2014, le ministère des affaires étrangères note que « si l’Europe est la région où le plus grand nombre de condamnations est enregistré, leur valeur absolue reste faible ».

Des efforts restent donc à faire. En effet, le nombre total de condamnations pour la traite des êtres humains a diminué de 13 % entre 2008 et 2010 dans l’Union européenne, alors que le nombre de victimes officiellement identifiées reste très en deçà de la réalité.

La Moldavie doit se donner les moyens d’endiguer cette tendance destructrice et cela passe par de profondes réformes politiques, économiques, institutionnelles et sociales.

En effet, si la Transnistrie est pointée du doigt comme une plaque tournante du trafic, c’est bien l’ensemble du territoire qui est concerné. C’est ce qui a d’ailleurs poussé à l’établissement, en 2005, de la mission de contrôle de la frontière entre la Moldavie et l’Ukraine.

Toutefois, et les chiffres sont là pour le prouver, cette dernière, au-delà de la seule expertise technique, ne peut pas grand-chose pour prévenir et arrêter les trafics d’êtres humains à la frontière. L’Union européenne et la Moldavie se donnent-elles suffisamment les moyens pour lutter contre ces phénomènes ?

Dans sa publication du 5 janvier 2015 où sont répertoriés les principaux risques stratégiques, l’Eurasia Group considère que la Moldavie pourrait représenter un enjeu sécuritaire important. La Transnistrie est identifiée comme une zone clé. L’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe, l’OSCE, parle de près de 20 000 tonnes de munitions et d’armes sur place.

Les perspectives d’évolution de la situation restent relativement faibles. Surtout, sur le plan politique, cette région représente un levier d’influence pour la Russie afin de contrer une quelconque aspiration européenne qui viendrait à s’accentuer de la part de la Moldavie.

L’Union européenne doit donc accompagner son partenaire dans le cadre d’une politique de voisinage renforcée afin que son espace frontalier soit stable, prospère et sûr.

D’autant que, sur le plan de la politique intérieure, si le pays connaît une phase de transition difficile, le nouveau premier ministre a présenté un programme semblant s’inscrire dans la continuité de son prédécesseur : poursuite du parcours européen du pays, renforcement de l’État de droit, retrait des troupes russes de Transnistrie, lutte contre la corruption.

Il s’agit là de déclarations allant dans le bon sens et qui témoignent de la volonté de la population moldave d’un partenariat renforcé avec l’Union européenne.

Enfin, et j’en terminerai par là, cet accord d’association doit à tout prix s’inscrire dans une vision à long terme ambitieuse. Cela passe également par l’environnement et l’énergie.

La Moldavie pâtit d’une dette gazière de plus de 4 milliards de dollars et son opérateur national, Moldovagaz, est contrôlé par Gazprom. Par ailleurs, au début du mois de janvier, l’Ukraine a mis fin aux exportations d’électricité vers la Moldavie et la Biélorussie, en raison d’un déficit énergétique.

Nous le voyons bien, si l’accord d’association comprend EURATOM, le nucléaire ne peut être privilégié au détriment d’une coopération renforcée en matière de développement durable et d’énergies alternatives, seules solutions offrant une plus grande autonomie à la Moldavie.

Dans un contexte régional troublé, le groupe écologiste soutiendra la ratification de l’accord d’association entre l’Union européenne et la Moldavie. (Applaudissements sur les travées du groupe socialiste, du RDSE et de l’UDI-UC. – Mme la rapporteur applaudit également.)