M. le président. La parole est à M. Bernard Fournier.

M. Bernard Fournier. Madame la ministre, je vous remercie de la réponse assez précise que vous m’avez apportée. J’ai bien noté que vous attendiez un retour d’expérience sur cette première phase avant d’imaginer une extension des prêts à taux zéro à l’ensemble des zones rurales. Quoi qu’il en soit, nous resterons très vigilants.

difficultés de réception des réseaux de téléphonie mobile

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent, auteur de la question n° 1001, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, chargée du numérique.

M. Daniel Laurent. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur la mauvaise qualité de réception des réseaux de téléphonie mobile de nombreuses communes rurales de la Charente-Maritime, alors que ces dernières ne sont pas considérées comme situées en « zone blanche ». De nombreuses communes rurales d’autres départements sont d’ailleurs certainement concernées.

La définition réglementaire de la couverture de téléphonie mobile s’entend comme la possibilité « de passer un appel téléphonique et de le maintenir durant une minute, à l’extérieur des bâtiments et en usage piéton ». De même, n’est pas considérée comme « zone blanche » une commune où, devant la mairie, une liaison est possible avec un opérateur. Or, dans la pratique, il en va tout autrement.

Lors de la dernière campagne pour l’élection sénatoriale que j’ai menée avec ma collègue Corinne Imbert, la question de la fracture numérique est apparue comme l’une des principales préoccupations des élus. Je citerai simplement deux cas parmi la pléthore d’exemples que j’ai à l’esprit : ainsi, une commune rurale dispose d’un établissement de formation sur son territoire, mais l’accès à la téléphonie mobile est particulièrement difficile pour les élèves et l’établissement ; par ailleurs, les élus d’une autre commune nous ont fait remarquer à juste titre que, alors que la commune devait communiquer, dans le cadre de la mise en place du plan départemental de sécurité, les numéros de téléphone portable des élus, ceux-ci étaient souvent injoignables de fait.

Dans le même temps, force est de reconnaître les investissements réalisés au cours de la décennie passée pour couvrir le territoire national avec l’appui des collectivités territoriales.

Le département de la Charente-Maritime, sous notre impulsion, a décidé dès 2005 de lancer la construction d’un réseau numérique public multi-technologique. Je profite de la présente question orale pour saluer le travail réalisé dans ce domaine au sein de cette assemblée par notre ancien collègue Claude Belot et pour citer son excellent rapport de 2005, intitulé Haut débit et territoires : enjeu de couverture, enjeu de concurrence.

Le département de la Charente-Maritime investit désormais dans le très haut débit et a fait le choix de la fibre optique, dans le cadre juridique national et européen.

J’assistais dernièrement à la présentation d’un plan de déploiement de la fibre optique dans une communauté d’agglomération, assurée par un opérateur que je ne citerai évidemment pas. Si nous ne pouvons que nous féliciter de la réalisation de tels projets, nous savons bien que toutes les communes ne seront pas logées à la même enseigne : certaines seront équipées dès 2016, d’autres en 2020 seulement, d’autres encore en 2030, ou bien plus tard.

Ce même opérateur a indiqué que les priorités d’investissement portaient sur l’évolution du réseau pour répondre au développement de l’habitat de certaines communes, sur la neutralisation des derniers grands multiplexeurs et sur le déploiement de la 4G mobile et du très haut débit ; dont acte. Ainsi, certaines communes nécessitant de lourds investissements en infrastructures ne pourront entrer dans ce cadre. Il nous faudra bien trouver des solutions de rechange si nous souhaitons pouvoir continuer à accueillir dans nos communes des entreprises et des ménages.

Monsieur le secrétaire d’État, vous avez déjà répondu à de nombreuses questions similaires ces dernières semaines, preuve, s’il en est, de la pertinence de cette problématique, et vous nous avez fait part de votre intention de reprendre l’initiative en matière de couverture mobile des zones rurales. De même, vous avez annoncé l’organisation d’une concertation entre les collectivités locales et les opérateurs de téléphonie mobile pour identifier les dispositions législatives nécessaires qui pourraient s’inscrire dans un projet de loi numérique prévu pour le second trimestre de 2015.

Pouvez-vous me préciser le calendrier et les conditions de mise en œuvre de ces diverses mesures ? Les élus et nos concitoyens attendent avec impatience des réponses précises.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d’État.

M. Christian Eckert, secrétaire d’État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur Daniel Laurent, je vous prie de bien vouloir excuser Mme la secrétaire d’État Axelle Lemaire qui se trouve dans l’impossibilité d’être parmi nous aujourd’hui.

En réponse à votre question, monsieur le sénateur, je voudrais rappeler que nous avons souhaité engager le plus rapidement possible, avec le plan France Très Haut Débit, un chantier structurant pour les infrastructures numériques de demain, comme vous l’avez souligné dans votre propos. Cependant, il nous faut aussi répondre aux besoins du moment, c’est-à-dire veiller à étendre l’accès aux réseaux existants et en assurer la fiabilité.

En ce qui concerne les réseaux mobiles, des travaux sont en cours pour définir un nouveau programme de couverture, dont la conception n’a rien de trivial, afin d’atteindre trois objectifs.

Tout d’abord, il convient d’achever les précédents programmes « zones blanches » et, au-delà de ces programmes, de couvrir les 170 communes identifiées comme ne disposant d’aucune couverture mobile. Pour le département de la Charente-Maritime, l’ensemble des sept communes concernées a été couvert au titre du programme « zones blanches » et aucune autre commune n’a été identifiée lors des recensements postérieurs comme devant bénéficier de ce programme.

Ensuite, il s’agit de répondre à un manque évident des programmes précédents qui ne permettaient pas d’assurer la couverture de l’ensemble de la population des communes, puisqu’ils ne visaient que les centres-bourgs. Il faut en effet pouvoir répondre aux besoins des communes les plus mal couvertes.

Enfin, au-delà du service téléphonique de base, il faut s’assurer que les territoires ruraux disposent de l’accès à l’internet mobile en 3G. Un programme de couverture en 3G de 3 900 communes par l’ensemble des opérateurs devait être achevé à la fin de 2013 ; il ne l’a pas été. Le Gouvernement travaillera, avec le régulateur, pour que l’objectif de ce programme soit atteint, ce qui permettra aussi de limiter les « zones grises » de la 3G.

Le programme que le Gouvernement entend proposer très prochainement permettra de répondre aux difficultés que vous décrivez. Le Gouvernement pourra cependant exiger d’étendre par la loi les obligations existantes des opérateurs mobiles. Il est très attaché à ce que ceux-ci respectent les cahiers des charges qu’ils ont eux-mêmes acceptés, ce qui n’a pas toujours été le cas.

Tels sont les éléments qu’Axelle Lemaire m’a suggéré de vous transmettre en réponse à votre question, monsieur le sénateur. Au-delà de votre département, de nombreux territoires sont également concernés, notamment des territoires ruraux.

M. le président. La parole est à M. Daniel Laurent.

M. Daniel Laurent. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie de votre réponse et souhaite vous faire part de deux observations.

Premièrement, contrairement à ce qu’indiquent parfois les statistiques, les zones blanches persistent sur des territoires où l’on a pourtant l’impression que la couverture est totale.

Deuxièmement, s’il faut imposer par la loi aux opérateurs d’assurer une couverture maximale, j’en serai ravi, considérant que zones rurales et zones urbaines doivent être traitées à égalité. Quand un jeune couple veut s’installer en milieu rural, deux critères sont essentiels : la téléphonie et l’accès à internet. Il est donc indispensable que notre territoire soit maillé partout de la même façon.

lutte contre la fermeture des bureaux de tabac de proximité

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier, auteur de la question n° 1013, adressée à Mme la secrétaire d’État auprès du ministre de l’économie, de l’industrie et du numérique, chargée du commerce, de l’artisanat, de la consommation et de l’économie sociale et solidaire.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le président, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, ma question porte sur les difficultés que rencontrent les 26 000 débitants de tabac dans leurs activités au quotidien.

En 2013, chaque jour, plus de deux bureaux de tabac mettaient « la clé sous la porte ». L’an dernier, la cadence s’est accélérée, avec un rythme de trois fermetures quotidiennes. Si rien n’est fait pour ce secteur d’activité, qui emploie plus de 120 000 personnes, nous allons assister à un véritable sinistre : un sinistre pour la profession, dont l’activité est souvent une histoire de famille ; un sinistre pour l’emploi, puisque les fermetures vont s’accompagner d’un grand nombre de licenciements ; un sinistre surtout pour la France, tant les bureaux de tabac contribuent à maintenir le lien social dans les zones rurales et les quartiers urbains, notamment ceux qui sont considérés comme les plus sensibles de notre territoire.

En effet, plus que de jouer le rôle de simples revendeurs de tabac, les buralistes animent des lieux de vie appréciés par nos compatriotes. Ils varient d’ailleurs de plus en plus leurs offres commerciales et proposent de la presse, des jeux « à gratter », des services postaux, des timbres fiscaux, un « relais colis », des friandises, tout en affinant continuellement leur rôle d’accueil et d’écoute auprès de la clientèle. À l’instar d’une boulangerie, d’une pharmacie ou d’une boucherie, les bureaux de tabac sont des éléments importants du tissu social d’un village ou d’un quartier.

Les raisons de l’accélération de la fermeture de ces commerces de proximité sont multiples.

Si l’on peut se réjouir, dans un souci de santé publique, de la baisse tendancielle du nombre de fumeurs et de leur consommation de tabac, on remarque que la fragilisation de l’activité des bureaux de tabac est également due à de nombreuses mesures prises par le Gouvernement et à un manque de coordination avec nos partenaires européens.

La décision de ne pas appliquer la hausse automatique du prix du tabac au 1er janvier a certes été un véritable soulagement pour la profession, mais l’accalmie a été de courte durée.

Les motifs d’inquiétude sont aujourd'hui nombreux. Je pense à la mise en place du paquet neutre, aux prochaines hausses de prix, au renforcement de la contrebande et du marché parallèle ou à l’absence d’harmonisation des taxes au niveau européen, sans parler des charges toujours plus lourdes qui pèsent sur les buralistes.

Actuellement, l’heure est grave pour les bureaux de tabac. La force des actions réalisées en novembre et en décembre démontre le désarroi de la profession.

Sans une action coordonnée sur ce sujet, nous allons assister non seulement à la fermeture d’entreprises commerciales, mais aussi à la disparition d’une part de l’identité de notre pays.

En conséquence, monsieur le secrétaire d'État, je vous demande de m’indiquer quelles mesures le Gouvernement pourrait prendre pour freiner, sur le long terme, la fermeture des bureaux de tabac et préserver ainsi ces commerces qui sont les porteurs d’une certaine qualité de vie à la française.

M. le président. La parole est à M. le secrétaire d'État.

M. Christian Eckert, secrétaire d'État auprès du ministre des finances et des comptes publics, chargé du budget. Monsieur le sénateur, la réponse à votre question va me permettre de préciser un certain nombre de points concernant les inquiétudes exprimées par les buralistes et de vous rappeler en détail les mesures prises par le Gouvernement.

L’action sur les prix des produits du tabac, au travers de l’évolution de la fiscalité, est l’un des outils importants permettant la réduction de la prévalence tabagique. Elle a entraîné – vous l’avez dit – une diminution bienvenue de la consommation de tabac dans notre pays. Pour autant – vous l’avez indiqué également –, les écarts de prix constatés avec les pays voisins sont une préoccupation partagée par le Gouvernement puisqu’ils favorisent les achats transfrontaliers et les modes d’approvisionnement alternatifs.

Le Gouvernement s’attache à rechercher les voies d’une convergence au sein de l’Union européenne et d’un renforcement de l’harmonisation.

Au niveau national, une proposition parlementaire, dans le cadre de la loi de finances rectificative pour 2014, a simplifié les modalités de détermination de la fiscalité sur les produits du tabac. C’est désormais le Parlement qui fixera directement, chaque année, le niveau de charge fiscale, en lieu et place de l’application de la règle de calcul complexe préalablement en vigueur, laquelle reposait notamment sur les variations de prix passées.

Pour 2015, la charge fiscale a été fixée au même niveau qu’en 2014. Je tiens à le souligner parce que certains propos ont pu laisser croire que des cadeaux avaient été faits aux fabricants ou que l’État se serait privé de recettes fiscales. Les recettes fiscales ont été fixées au même niveau en 2015 qu’en 2014. Cela vaut pour les cigarettes et le tabac à rouler. Une légère augmentation sur les cigarillos, qui représentent une part très faible de la consommation, a néanmoins été mise en place.

Vous évoquez de « prochaines hausses de prix ». Je ne sais pas sur quoi vous vous fondez pour vous exprimer de la sorte. Je le répète, ce sujet de la charge fiscale sur les produits du tabac est dorénavant du ressort du Parlement.

De plus, le Gouvernement est activement engagé dans la lutte contre le marché parallèle. L’année 2013 a été marquée par des saisies qui ont atteint des records, à hauteur de 430 tonnes de tabac. Si les chiffres pour 2014 ne seront connus que dans quelques jours, nous savons d’ores et déjà qu’ils seront du même ordre. Je puis vous assurer que la mobilisation des douanes en cette matière n’a pas faibli.

Le Gouvernement a en outre souhaité renforcer la capacité d’action des douanes grâce à deux mesures importantes. Première mesure, afin de mieux maîtriser les flux transfrontaliers, une nouvelle circulaire, publiée à ma demande le 5 septembre 2014, abaisse de dix à quatre cartouches le seuil à partir duquel toute personne arrêtée par les douanes est sommée de justifier que le tabac détenu correspond à sa consommation personnelle. Seconde mesure, le Gouvernement a fait adopter à l’automne dernier une interdiction des achats à distance sur internet, assortie de sanctions dissuasives. Il a ainsi donné satisfaction à un souhait des buralistes, une profession que je rencontre très souvent, y compris dans des situations parfois particulièrement conflictuelles.

Au-delà des enjeux de prix, je puis vous assurer que l’État est extrêmement attentif à ce réseau.

Un certain nombre d’engagements ont été pris par l’État. Ainsi, un contrat d’avenir actuellement en vigueur, dont je vous passe les détails, représente un investissement important. En 2014, plus de 85 millions d’euros ont en effet été versés au titre de ce dispositif.

Le Gouvernement a également amélioré les conditions de rémunération des détaillants.

Enfin, et c’est essentiel, les buralistes eux-mêmes ont su faire preuve de dynamisme. Ils ont pris des initiatives énergiques pour diversifier leur activité en se positionnant, par exemple, sur les services de paiement, tel le compte-nickel –un métier pour lequel les détaillants peuvent apporter une offre alternative intéressante.

Je tiens à le dire, le Gouvernement souligne régulièrement son attachement à voir la Française des jeux continuer à faire des buralistes son circuit privilégié de distribution. J’ai d’ailleurs rappelé cet engagement et cette volonté du Gouvernement à la nouvelle présidente de la Française des jeux, que j’ai rencontrée voilà quelques jours.

Tels sont, monsieur le sénateur, en réponse à votre question légitime, les éléments que je pouvais vous apporter sur un sujet dans lequel mon ministère s’est particulièrement investi.

M. le président. La parole est à M. Jean-Paul Fournier.

M. Jean-Paul Fournier. Monsieur le secrétaire d’État, je vous remercie pour ces précisions, qui répondent à certaines de mes inquiétudes.

Je regrette toutefois que la mise en place du paquet dit « neutre » soit imposée dans ces circonstances. Les bureaux de tabac français vont subir violemment cette décision nationale et seront une nouvelle fois défavorisés par rapport aux établissements des pays voisins.

Aujourd’hui, la généralisation du paquet dit « neutre » risque de fragiliser encore un peu plus les buralistes et les emplois inhérents à ces commerces de proximité, sans contribuer à une lutte efficace, dans un souci de santé publique, contre le tabagisme.

avenir de la filière cidricole

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel, auteur de la question n° 1007, adressée à M. le ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement.

M. Yannick Botrel. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, mon attention a été appelée par les professionnels sur la situation actuelle de la filière de la pomme à cidre et, plus précisément, sur le cadre légal qui entoure cette dernière.

Du fait de son dynamisme, cette filière se développe aujourd’hui de manière notable dans notre pays. Dans cette perspective, elle veut se structurer. À ce jour, deux organisations de producteurs ont été mises en place et sont reconnues. Il s’agit, d’une part, d’Agrial, située en Normandie, dans le Calvados, et, d’autre part, des Celliers Associés, localisés en Bretagne, dans les Côtes- d’Armor.

Dans le cadre de l’organisation commune des marchés, ou OCM, pour les fruits et légumes, la filière cidricole bénéficie d’un accompagnement financier qui a largement contribué à améliorer ses performances techniques, non seulement par la mécanisation, le renouvellement du verger, mais aussi par la promotion des marques ou le développement de méthodes alternatives à l’utilisation de produits phytosanitaires, ce qui va dans le sens souhaité par le ministre de l’agriculture.

Si ces avancées sont indéniables et sont unanimement saluées par les acteurs de la filière, beaucoup reste à faire pour consolider cette dernière et pour continuer à lui donner des perspectives.

Le cadre légal, notamment communautaire, avec le règlement de l’OCM unique, ne paraît plus adapté. En effet, la modification du règlement 1580/2007, intervenue en 2010, ne permet pas, ce qui est pour le moins étonnant, une prise en compte du cidre comme un produit issu de la transformation des fruits et légumes.

Cette situation paradoxale a une incidence négative forte, car elle a entraîné l’inéligibilité du secteur à un accompagnement financier dans le cadre de la rénovation du verger, ce qui, bien entendu, pénalise largement le développement de la filière.

Cette situation est dommageable, notamment compte tenu de la difficulté du contexte économique pour les agriculteurs. La diversification des activités pourrait, le cas échéant, constituer une source de stabilisation de leurs revenus.

Aussi, monsieur le ministre, je m’interroge sur les moyens dont nous disposons pour répondre à ces difficultés et pour épauler une filière dynamique, génératrice de richesses et d’emplois dans nos territoires.

M. le président. Je profite de la présence de M. le ministre de l’agriculture, porte-parole du Gouvernement, pour exprimer notre peine face au terrible accident survenu cette nuit, qui a causé la mort de huit de nos compatriotes, dont plusieurs grands sportifs. La Haute Assemblée présente aux familles des victimes ses condoléances les plus attristées.

La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le président, je m’associe à l’hommage que vous venez de rendre, au nom du Sénat, à nos compatriotes décédés dans l’accident survenu cette nuit, dont de grands sportifs connus pour leurs exploits, mais aussi pour leurs qualités personnelles. Nous sommes tous très tristes de ce qui est arrivé.

Monsieur le sénateur Yannick Botrel, vous m’avez interrogé sur la question du cidre. Ce sujet est lié à l’organisation commune des marchés pour les fruits et légumes, qui finançait une partie des investissements et de l’organisation de cette filière, laquelle a fait en dix ans des progrès extrêmement importants pour repositionner le cidre comme un breuvage aujourd’hui reconnu. La filière a su faire preuve d’innovation, et, disant cela, je pense en particulier au cidre rosé, qui est issu de certaines variétés de pommes.

Je rappelle aussi que la loi d’avenir pour l’agriculture, l’alimentation et la forêt a inscrit le cidre, comme le poiré, au « patrimoine culturel, gastronomique et paysager de la France ». Cette démarche vise à conforter l’engagement des professionnels de cette filière pour donner au cidre non seulement un présent, mais aussi et surtout un avenir.

Le financement par l’OCM a été remis en cause en première instance par une décision du tribunal de l’Union européenne du 30 mai 2013, qui fait suite à un recours. Nous attendons que la Cour de justice de l’Union européenne, la CJUE, statue en 2015 ou en 2016.

Sur ce sujet, la Commission et la France s’accordent pour considérer qu’il y a un lien entre la pomme et le cidre. Par conséquent, la filière cidricole devrait pouvoir bénéficier des aides de l’OCM pour les fruits et légumes. Encore faut-il connaître la décision définitive de la CJUE.

Dans cette attente, il faut rappeler que les producteurs cidricoles peuvent bénéficier des aides de l’OCM sur tous les premiers investissements, ceux qui concernent le premier maillon de la chaîne, avant la transformation. Il faut une mobilisation sur les renouvellements de vergers, sur les grandes questions de réception, de collecte, de nettoyage des pommes. Certains investissements peuvent tout à fait faire l’objet d’une mobilisation de l’OCM pour les fruits et légumes.

S’agissant des activités de transformation, il faut viser les disponibilités du Fonds européen agricole pour le développement rural, le FEADER, qui peut apporter des aides à l’investissement tout à fait utiles pour consolider cette filière. Je rencontrerai d’ailleurs les acteurs de cette filière le 2 avril, pour que tout le monde soit rassuré. Nous discuterons aussi des besoins et nous essayerons d’apporter, au travers des outils que j’ai évoqués, une aide à cette filière dont vous avez souligné le développement et qui constitue aujourd’hui un véritable atout pour notre pays.

M. le président. La parole est à M. Yannick Botrel.

M. Yannick Botrel. Je remercie M. le ministre de sa réponse très complète. Je salue son expertise de la filière cidricole. Manifestement, il est très au fait des nouveaux produits et de ce qui se fait dans nos territoires !

Sa réponse contient un élément qui me paraît particulièrement intéressant, à savoir le recours introduit. Il serait en effet intéressant d’en connaître l’origine et de remonter au point de départ.

Quoi qu’il en soit, sa réponse précise, qui met les choses au point, contient des éléments encourageants que la profession va pouvoir entendre.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre. Je vous précise, monsieur le sénateur, que c’est La Conserverie qui a déposé le recours en Italie et en Espagne.

situation des interprètes afghans

M. le président. La parole est à M. Alain Marc, auteur de la question n° 993, adressée à M. le ministre de la défense.

M. Alain Marc. Quelque 700 interprètes afghans ont travaillé pour l’armée française durant les douze ans de conflit en Afghanistan. Ils font aujourd’hui l’objet de menaces de mort proférées par les talibans. Ces interprètes ont en effet participé, indirectement, à la traque des talibans et à des enquêtes sur des attentats ou encore aidé à former les militaires afghans. Ils sont considérés comme des traîtres par la population locale. La plupart de ces professionnels n’ont donc qu’un désir : partir.

Par ailleurs, il semblerait qu’à ce jour ces interprètes ne trouvent pas d’emploi du fait de leur collaboration avec les forces de la coalition. Nombreux sont ceux qui se retrouveraient au chômage.

Alors que la situation en Afghanistan est toujours des plus instables, on peut s’interroger sur l’avenir de ces professionnels, qui, n’ayant pas la possibilité de quitter leur pays, voient leur vie menacée.

Alors que 700 personnes environ seraient concernées, seuls quelque 70 visas auraient été accordés. Nos alliés britanniques, quant à eux, ont accueilli à la suite d’une procédure judiciaire la totalité de leurs interprètes, soit plus de 600 personnes.

Quelle est la position du Gouvernement sur la question de la protection des Afghans ayant couru des risques pour soutenir l’intervention des soldats français ? Quelles mesures envisage-t-il de prendre afin que des solutions pérennes soient offertes à ces professionnels afghans qui ont travaillé pour l’armée française ?

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Stéphane Le Foll, ministre de l'agriculture, de l'agroalimentaire et de la forêt, porte-parole du Gouvernement. Monsieur le sénateur, je vous prie de bien vouloir excuser M. le ministre de la défense, Jean-Yves Le Drian, qui ne peut être présent au Sénat ce matin et m’a demandé de le suppléer pour vous répondre.

Durant le conflit sur le sol afghan, l’État français a eu recours à de la main-d’œuvre locale.

En 2012, plus de 260 personnels civils de recrutement local servaient directement les forces françaises dans des emplois allant de l’interprétariat à des fonctions de soutien, comme la restauration. Quel que soit leur métier, il convient de saluer le dévouement de ces personnels, ainsi que la qualité de leur travail au profit des militaires français déployés.

À partir de juin 2012, conformément à la demande du Président de la République, les armées françaises ont entamé leur désengagement d’Afghanistan.

Une procédure d’accompagnement de ces personnels, s’appuyant sur trois mesures particulières, a été élaborée à la fin de 2012 et validée par le Président de la République : pour tous, une prime de licenciement avantageuse et proportionnelle à la durée des services ; pour certains et à leur demande, une indemnité forfaitaire d’aide à la mobilité interne en Afghanistan ; pour les dossiers les plus sensibles, enfin, un accueil en France.

La sélection des dossiers éligibles à un accueil en France a été conduite par une commission mixte, présidée par l’ambassadeur de France à Kaboul, selon quatre critères : le souhait exprimé par le personnel civil afghan d’une relocalisation en France ; le niveau de la menace réelle pesant effectivement sur l’intéressé et sa famille ; la qualité des services rendus ; enfin, la capacité à s’insérer en France. Les dossiers retenus en commission ont été validés par le cabinet du Premier ministre.

S’agissant de la mise en œuvre pratique de l’accueil en France au titre de la solidarité nationale, une cellule interministérielle placée sous l’autorité d’un préfet a été activée en tant que de besoin. Rendant compte directement au cabinet du Premier ministre, elle a été chargée d’élaborer, puis de mettre en œuvre le processus d’accueil et d’insertion des employés afghans retenus, ainsi que de leurs familles. Au final, ce sont 73 personnels civils qui ont été accueillis en France, ce qui représente, en prenant en compte les familles, près de 180 Afghans.

Les services du ministère de la défense ont concouru à ce processus d’accueil interministériel en participant à la conception du dispositif, puis en assurant le transport depuis l’Afghanistan jusqu’à leur lieu d’accueil sur le territoire national.

En France, les personnels sélectionnés et leurs conjoints se sont vu attribuer par les autorités compétentes une carte de résident d’une durée de validité de dix ans, renouvelable. Ce statut juridique permet une stabilité sur le territoire, le droit à la libre circulation, y compris vers leur pays d’origine, le bénéfice de l’accès à l’emploi et à des prestations, notamment le droit au RSA, les aides au logement, les allocations familiales et l’aide médicale.

Installés en France depuis maintenant plusieurs mois, ils font tous l’objet d’un suivi des services compétents de l’État afin de garantir – je pense que nous partageons cet objectif – leur bonne intégration dans la durée. Le choix qu’ils ont fait de la France doit en effet leur permettre de construire leur vie dans notre pays.

Le succès de cette opération interministérielle a permis de répondre avec humanité à cette question d’importance pour le Gouvernement en y apportant une réponse personnalisée, à la hauteur de l’engagement de ces hommes pour la France.