M. le président. La parole est à M. Joël Labbé, pour présenter l’amendement n° 423.

M. Joël Labbé. Cet amendement a également pour objet la suppression de l’article 1er quinquies, introduit par notre corapporteur lors des travaux de la commission spéciale.

Nous nous opposons à une ouverture à la concurrence des services de transport ferroviaire national de voyageurs, en l’absence de toute concertation préalable.

Nous doutons qu’une telle ouverture puisse remplir ses objectifs, en termes tant de qualité de service que de tarifs. Réalisée en parallèle de la libéralisation des autocars, cette mesure risque fort d’isoler des pans entiers du territoire national, dont la desserte ne sera pas jugée rentable par les acteurs privés chargés d’assurer ces services.

M. le président. L'amendement n° 768 n'est pas soutenu.

Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Au travers de l’article 1er quinquies, la commission spéciale a souhaité autoriser une ouverture à la concurrence partielle ou totale des délégations de service public régissant les transports ferroviaires régionaux à partir du 1er janvier 2019.

Cette ouverture à la concurrence présente en effet de nombreux avantages : amélioration du service rendu, meilleure maîtrise des coûts de production du service ferroviaire et meilleure information des autorités organisatrices de transport.

Il faut désormais anticiper une échéance qui s’imposera à nous à compter du 1er décembre 2019, afin, justement, de ne pas connaître de nouveau les difficultés rencontrées lors de la libéralisation du fret ferroviaire, qui avait été réalisée sans anticipation.

Nous préférons nous donner le temps nécessaire pour anticiper et mettre en place cette ouverture à la concurrence à partir du 1er janvier 2019.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le débat a été pleinement éclairé par nombre d’arguments.

Si l’anticipation est une qualité – il ne s’agit pas de ne pas anticiper des changements à venir –, anticiper ce qui n’est pas encore certain peut entraîner une forme de déséquilibre.

En l’espèce, le quatrième paquet ferroviaire est encore en discussion. Le vote du Parlement européen intervenu en 2014 a reporté à 2022 l’ouverture à la concurrence dans ce secteur. Les accords politiques ne sont pas finalisés, et l’échéance de 2019 n’est pas encore stabilisée. Certains, à Bruxelles, lui préfèrent celle de 2022. Dans l’attente de la finalisation de ces accords, il me semble préférable de ne pas se précipiter et de ne pas trop anticiper.

C'est pourquoi le Gouvernement émet un avis favorable sur ces amendements identiques de suppression.

M. le président. La parole est à M. le président de la commission.

M. Vincent Capo-Canellas, président de la commission spéciale. Il s’agit d’un point important parmi les ajouts introduits dans ce texte par la commission spéciale.

L’été dernier, j’ai voté, avec les membres de mon groupe, la loi portant réforme ferroviaire. Or nous avons eu à l’époque une impression d’inachevé. Nous avons eu le sentiment que l’on faisait le pari d’un groupe quasi intégré, qui respectait les contraintes européennes, mais gérait le réseau et le transport, tout en se modernisant dans l’intérêt des cheminots, pour permettre la continuité d’un outil de travail au service de nos concitoyens, à un coût assurant sa pérennité : tel est, selon moi, le véritable enjeu.

Nous avons voté cette réforme en pensant qu’elle était une chance pour le ferroviaire, malgré les difficiles, voire colossaux, efforts d’adaptation qu’elle nécessitait en interne, aux yeux de l’ensemble des organisations syndicales. Il s’agit d’un défi à relever, nous en avons conscience.

Si, à l’époque, cette réforme nous a laissé un goût d’inachevé, c’est parce que nous avions conscience d’avoir encore une fois repoussé la principale échéance, pas si lointaine, monsieur le ministre, de l’ouverture à la concurrence.

Si nous continuons à nier sa réalité, nous ne rendrons service ni aux cheminots ni à la SNCF, qui a besoin de se préparer à ce qui interviendra un jour.

Monsieur le ministre, notre désaccord est simple. D’un côté, vous avez raison, nous sommes encore dans l’attente du quatrième paquet ferroviaire. De l’autre, un règlement du Parlement européen et du Conseil du 23 octobre 2007 relatif aux services publics de transports de voyageurs prévoit que, à compter du 3 décembre 2019 – j’y insiste –, « toute autorité compétente qui recourt à un tiers autre qu’un opérateur interne attribue les contrats de service public ferroviaire par voie de mise en concurrence ». C’est déjà un élément du droit européen !

Ainsi la commission spéciale propose-t-elle un léger changement, à savoir le remplacement de la date du 3 décembre 2019 par celle du 1er janvier 2019, onze mois plus tôt. Une telle modification n’est donc pas d’une portée considérable ! Elle revient simplement à dire à tous les acteurs du monde ferroviaire, qui est très apprécié sur ces travées, quelles que soient les régions d’origine de nos collègues – le débat de tout à l'heure l’a montré – qu’il faut se préparer.

En la matière, deux attitudes sont possibles. Soit on attend la décision européenne, qui tombera un jour, soit les régions et la SNCF commencent à préparer une telle évolution.

Nous privilégions cette seconde démarche, qui est également, d’une certaine manière, protectrice pour le monde ferroviaire, même si elle peut apparaître comme un élément de perturbation. Plutôt que de voir arriver la déferlante, un jour, des « trains de l’étranger », il s’agit de réfléchir à l’adaptation de la SNCF, à la manière dont l’entreprise peut relever le défi. En avançant de onze mois l’échéance, on signifie à la SNCF et à tous les acteurs ferroviaires qu’il faut se préparer.

Très franchement, nous le constatons lors de nos discussions, les régions ont d’ores et déjà à l’esprit que la SNCF, pour bâtir son avenir, doit se confronter aux autres plutôt que de subir. Nous nous contentons de dire : ne faisons pas l’autruche, ouvrons doucement les yeux. C’est un changement, certes, mais nous pensons qu’il est utile, car il rendra service au monde ferroviaire, en montrant que cette évolution est une réalité qu’il faut préparer tout doucement.

M. le président. La parole est à M. Michel Raison, pour explication de vote.

M. Michel Raison. J’encourage mes collègues à ne surtout pas voter ces amendements identiques, car cet article est fondamental.

Je voudrais tout d’abord tordre le cou à cette vieille comparaison entre le fret ferroviaire et le transport de voyageurs. Si le fret est un échec, notamment en France, c’est pour plusieurs raisons, qui ne se limitent pas à l’ouverture à la concurrence.

La première raison, c’est que 70 % à 80 % du fret se pratiquent sur de courtes distances. Bien évidemment, la concurrence avec les poids lourds se fait donc en faveur de ces derniers.

La seconde raison, c’est que la SNCF a toujours privilégié – c’est son problème – les sillons voyageurs par rapport aux sillons frets, ce qui crée une incertitude permanente concernant la façon dont le fret sera réalisé par voie de chemin de fer. C’est la raison pour laquelle les clients délaissent la SNCF et ses mauvaises habitudes.

Pour ce qui concerne le transport de voyageurs, la SNCF est l’une des meilleures entreprises ferroviaires d’Europe, et nous en sommes fiers. Pour autant, introduire un peu de concurrence dans les transports régionaux ne pourrait être que profitable à nos finances publiques. Lorsque les régions négocient avec la SNCF pour transporter leurs voyageurs, elles sont confrontées à une attitude en quelque sorte dictatoriale, l’entreprise exigeant des prix parfois considérables, difficiles à discuter.

L’idée selon laquelle cette ouverture à la concurrence présenterait un danger en matière de sécurité est une hérésie. Les régions maîtrisent les cahiers des charges et le suivi du transport ferroviaire. Il n’existe donc absolument aucun risque.

Par conséquent, l’article 1er quinquies, sur lequel la commission spéciale a très bien travaillé, est particulièrement important. J’encourage donc tous mes collègues à rejeter ces amendements de suppression.

M. le président. La parole est à M. Marc Laménie, pour explication de vote.

M. Marc Laménie. Malgré toute l’amitié que je porte à mon collègue Michel Raison, je ne le suivrai pas sur ce sujet. Au contraire, j’irai dans le sens de mes collègues ayant déposé les amendements de suppression de cet article.

M. le président de la commission spéciale a évoqué le projet de loi que nous avions examiné dans le cadre de la réforme ferroviaire. Nous n’étions alors pas très nombreux dans l’hémicycle, il est également bon de s’en souvenir.

Après les échecs rencontrés en matière de fret ferroviaire, et parce que j’ai beaucoup de respect et de reconnaissance envers l’ensemble des hommes et des femmes cheminots, qui sont attachés à l’histoire du rail, à la « bataille du rail », si j’ose dire, je voterai pour les amendements identiques de suppression de l’article 1er quinquies.

M. le président. La parole est à Mme Estrosi Sassone, corapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Je souhaite simplement apporter une précision, dans la mesure où nous avons évoqué de nombreuses dates.

Une échéance est d’ores et déjà fixée, celle du 3 décembre 2019, pour les services conventionnés, à savoir les TER, les trains express régionaux, et les TET, les trains d’équilibre du territoire. Il est bon, aujourd'hui, par cet article, d’anticiper l’ouverture à la concurrence, sachant que, pour les services commerciaux, aucune date n’est encore fixée.

M. le président. La parole est à M. Marc Daunis, pour explication de vote.

M. Marc Daunis. Le principe de l’ouverture à la concurrence est acquis, puisqu’il va s’imposer. Quant au quatrième paquet ferroviaire, cela a été rappelé par M. le ministre, il doit encore être déterminé.

Chers collègues de la majorité sénatoriale, je ne comprends donc pas votre acharnement à vouloir « gagner » onze mois, dans un secteur aussi complexe et mouvant. Il s’agit non pas de faire l’autruche, mais, au contraire, d’essayer de se préparer dans les meilleures conditions. Je ne vois donc pas là un article favorisant l’anticipation, mais bien plutôt une précipitation et une improvisation de mauvais aloi, qui semblent plus idéologiques que pragmatiques.

Je souhaite donc que nous adoptions ces amendements de suppression.

M. le président. Je mets aux voix les amendements identiques nos 3, 391 et 423.

J'ai été saisi d'une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Je rappelle que l'avis de la commission est défavorable et que celui du Gouvernement est favorable.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l'article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J'invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 122 :

Nombre de votants 338
Nombre de suffrages exprimés 338
Pour l’adoption 140
Contre 198

Le Sénat n'a pas adopté.

Je suis saisi de huit amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1013, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rédiger ainsi cet article :

La France, par l’intermédiaire du secrétaire d’État chargé des transports, demande aux instances européennes la réalisation d’un bilan contradictoire sur l’impact en termes d’emplois, d’aménagement du territoire et de la qualité du service rendu de la libéralisation du transport ferroviaire.

Le secrétaire d’État demande également la réalisation d’un bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire.

Dans l’attente, le Gouvernement s’engage par un moratoire, à ne pas transposer de nouvelles directives.

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Depuis 2003, le fret international du réseau transeuropéen a été ouvert à la concurrence. Cette dynamique européenne s’est poursuivie en 2006, avec une mesure identique pour le transport ferroviaire de marchandises. Enfin, depuis 2009, le transport international de voyageurs, avec possibilité de cabotage, a également été ouvert à la concurrence.

Certains ont en ligne de mire une libéralisation totale du transport des voyageurs dès 2019, voire 2017. Nous y sommes fortement opposés.

Au-delà de notre refus de privatiser des lignes de service public, comment se fait-il que, dix ans après l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire, aucune évaluation sérieuse n’ait été réalisée pour mesurer ses effets sur les tarifs des billets, la qualité du service, les conditions de travail des agents et la maintenance des lignes ?

Pourtant, les exemples qu’offrent les pays européens les plus avancés dans le processus de libéralisation du domaine ferroviaire témoignent des conséquences néfastes de l’ouverture à la concurrence pour le développement social des pays de l’Union européenne.

Nous avons en mémoire l’exemple britannique, que vient d’évoquer notre collègue Jean-Pierre Bosino, ainsi que l’exemple espagnol, lesquels ont conduit à de nombreux accidents dramatiques, à la suite de la réduction continue des moyens affectés à la maintenance et à la sécurité.

On nous rétorquera que l’ouverture à la concurrence du fret et du transport de voyageurs a été une réussite en Allemagne et en Suède.

Alors, plutôt que de choisir les exemples qui, selon nos positions respectives, nous conviennent le mieux, demandons à l’Union européenne de réaliser un bilan contradictoire de l’ouverture à la concurrence dans l’ensemble des pays européens. Ce bilan permettrait de vérifier si la libéralisation des transports n’a pas conduit à la suppression d’emplois dans ces pays. Il permettrait aussi de nous assurer que les territoires sont mieux desservis et que la qualité du service rendu s’est améliorée depuis l’ouverture à la concurrence. Il autoriserait enfin l’évaluation du bilan carbone des politiques de libéralisation du transport ferroviaire en Europe.

Nous ne pouvons continuer à transposer à l’aveugle de telles mesures dans notre droit interne. Nous devons être capables d’évaluer les directives pour, ensuite, renégocier celles qui ont pour effet de dégrader la qualité de nos services publics.

Tel est le sens de cet amendement, que je vous propose, mes chers collègues, d’adopter.

M. le président. L’amendement n° 1679, présenté par Mme Estrosi Sassone, au nom de la commission, est ainsi libellé :

I. – Alinéa 3

Remplacer les mots :

peut passer

par le mot :

passe

et le mot :

attribuer

par le mot :

attribue

II. – Après l’alinéa 5

Insérer trois alinéas ainsi rédigés :

...° L’article L. 2121–7 est ainsi modifié :

a) À la dernière phrase du premier alinéa, les mots : « SNCF Mobilités » sont remplacés par les mots : « l’entreprise ferroviaire avec qui elle a passé une convention de délégation en application de l’article L. 2121-4 » ;

b) Au dernier alinéa, les mots : « SNCF Mobilités » sont remplacés par les mots : « une entreprise ferroviaire » ;

III. – Alinéa 6

Remplacer la référence :

et de l’article L. 2121–4

par les références :

, de l’article L. 2121–4 et de l’article L. 2121–7

La parole est à Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur.

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Il s’agit d’un amendement rédactionnel et de cohérence.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 582 rectifié est présenté par M. Nègre.

L’amendement n° 928 est présenté par M. Joyandet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Après l’alinéa 3

Insérer un alinéa ainsi rédigé :

« La région, pour l’organisation des services routiers effectués en substitution des services ferroviaires mentionnés à l’article L. 2121–3, attribue des conventions de délégation de service public, ouvertes à l’ensemble des entreprises de transport public routier de personnes établies sur le territoire national, par voie de mise en concurrence.

L’amendement n° 582 rectifié n’est pas soutenu.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 928.

M. Alain Joyandet. Cet amendement est défendu, monsieur le président.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 389 est présenté par M. Nègre.

L’amendement n° 944 est présenté par M. Joyandet.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Remplacer l’année :

2019

par l’année :

2017

L’amendement n° 389 n’est pas soutenu.

La parole est à M. Alain Joyandet, pour présenter l’amendement n° 944.

M. Alain Joyandet. Cet amendement est défendu.

M. le président. Les deux amendements suivants sont identiques.

L’amendement n° 570 rectifié est présenté par M. Maurey, Mmes Morin-Desailly et Férat, MM. Guerriau, Pozzo di Borgo, Revet, D. Dubois, Chaize, Mayet et Luche, Mme Gatel, M. Roche, Mme Billon et M. Kern.

L’amendement n° 1432 rectifié est présenté par M. Zocchetto et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC.

Ces deux amendements sont ainsi libellés :

Alinéa 7

Remplacer l’année :

2019

par l’année :

2018

La parole est à M. Hervé Maurey, pour présenter l’amendement n° 570 rectifié.

M. Hervé Maurey. Vous le savez, l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire est prévue au 3 décembre 2019. La commission spéciale a décidé d’avancer cette échéance au 1er janvier de la même année, ce qui me paraît une très bonne chose.

Pour ma part, je suggère, avec les cosignataires de cet amendement, que l’échéance soit avancée au 1er janvier 2018, non pas par faire une course au plus rapide, mais simplement parce que je crois que nous avons tout intérêt à anticiper l’ouverture à la concurrence et à la préparer.

L’ouverture à la concurrence, dans les pays où elle a déjà été mise en œuvre, a produit des effets tout à fait positifs en termes d’augmentation du trafic. Je rappelle que le trafic s’est accru de 27 % en Allemagne à la suite de l’ouverture à la concurrence. Je rappelle également que l’ouverture à la concurrence a permis de développer la compétitivité…

Mme Annie David. Et au Royaume-Uni ?

M. Hervé Maurey. … et, par là même, de réduire de manière sensible les subventions publiques attribuées au secteur ferroviaire.

Plutôt que de faire preuve d’attentisme, voire d’adopter une posture négative, il me semble que nous avons tout intérêt à nous engager sur la voie de l’ouverture avec détermination, en en anticipant l’échéance.

M. le président. La parole est à M. Michel Canevet, pour présenter l’amendement n° 1432 rectifié.

M. Michel Canevet. Il est défendu, monsieur le président.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. Le dispositif de l’amendement n° 1013 est une injonction faite au Gouvernement. Donc, cet amendement, madame David, n’est pas constitutionnel et il reçoit un avis défavorable.

Concernant l’amendement n° 928, je suis réservée sur la nécessité d’une telle mesure puisqu’il n’existe aujourd’hui pas de monopole sur les services routiers, comme le reconnaît d’ailleurs l’auteur de l’amendement dans l’objet. L’avis est défavorable.

L’amendement n° 944 tend à avancer au 1er janvier 2017 l’entrée en vigueur de l’ouverture à la concurrence, partielle ou totale. Pour les raisons que nous venons d’évoquer longuement, vous comprendrez, monsieur Joyandet, que nous nous en tenions volontairement au 1er janvier 2019 et que nous considérions qu’en retenant la date du 1er janvier 2017 le délai soit un peu court. Nous ne tenons pas du tout à reproduire les erreurs que nous avons faites lorsque nous avons libéralisé, dans la précipitation, le fret ferroviaire. La commission est défavorable à cet amendement.

Elle est également défavorable, pour les mêmes raisons, aux amendements nos 570 rectifié et 1432 rectifié, qui tendent à fixer la date d’ouverture à la concurrence au 1er janvier 2018.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Pour les raisons juridiques évoquées par la commission, le Gouvernement demande aux auteurs de l’amendement n° 1013 de bien vouloir le retirer. À défaut, il émettra un avis défavorable.

Par esprit de cohérence, et sans revenir sur les arguments de fond déjà avancés, le Gouvernement est défavorable à l’amendement n° 1679.

J’en viens à l’amendement n° 928. Il ne semble pas utile, compte tenu de la réalité des choses, de préciser qu’il faille une « mise en concurrence ». Si la concurrence n’existait pas, l’autorité compétente en la matière pourrait dénoncer cette situation. J’ajoute que l’objet de cet amendement souligne qu’il y a bien une mise en concurrence de fait dans ce type de situation. Le Gouvernement demande donc à l’auteur de cet amendement de bien vouloir le retirer. À défaut, il y sera défavorable.

Pour les amendements tendant à avancer la date de mise en concurrence – les amendements nos 944, 570 rectifié et 1432 rectifié –, le Gouvernement, par esprit de cohérence avec sa position exprimée précédemment, émet un avis défavorable.

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1013.

(L’amendement n’est pas adopté.)

M. le président. Je mets aux voix l’amendement n° 1679.

(L’amendement est adopté.)

M. le président. Je vais mettre aux voix l’amendement n928.

M. Alain Joyandet. Je le retire, monsieur le président, et je retire également l’amendement n° 944 !

M. le président. Les amendements nos 928 et 944 sont retirés.

La parole est à M. Hervé Maurey.

M. Hervé Maurey. L’échéance du 1er janvier 2018 prévue par l’amendement n° 570 rectifié me paraissait un bon compromis entre la date du 1er janvier 2019, adoptée par la commission spéciale, et celle du 1er janvier 2017, proposée par Alain Joyandet. C’était une position de centriste, bien mesurée, bien équilibrée.

Néanmoins, je me rallie à la position exprimée par la commission spéciale et, notamment, son excellent président. Fixer l’échéance au 1er janvier 2019 est déjà un premier pas, significatif et appréciable. Je retire donc l’amendement n° 570 rectifié, ainsi que l’amendement n° 1432 rectifié.

M. le président. Les amendements nos 570 rectifié et 1432 rectifié sont retirés.

Je mets aux voix l’article 1er quinquies, modifié.

J’ai été saisi d’une demande de scrutin public émanant du groupe CRC.

Il va être procédé au scrutin dans les conditions fixées par l’article 56 du règlement.

Le scrutin est ouvert.

(Le scrutin a lieu.)

M. le président. Personne ne demande plus à voter ?…

Le scrutin est clos.

J’invite Mmes et MM. les secrétaires à procéder au dépouillement du scrutin.

(Il est procédé au dépouillement du scrutin.)

M. le président. Voici, compte tenu de l’ensemble des délégations de vote accordées par les sénateurs aux groupes politiques et notifiées à la présidence, le résultat du scrutin n° 123 :

Nombre de votants 335
Nombre de suffrages exprimés 335
Pour l’adoption 197
Contre 138

Le Sénat a adopté.

Article 1er quinquies (nouveau)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 2 (début)

Article additionnel après l'article 1er quinquies

M. le président. L'amendement n° 1015, présenté par Mmes Assassi, Didier et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 1er quinquies

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après le deuxième alinéa de l’article L. 3221-1 du code des transports, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :

« – les charges d’entretien des infrastructures et des coûts externes ; ».

La parole est à M. Michel Billout.

M. Michel Billout. Afin de contribuer à améliorer le droit à la mobilité, nous proposons, à travers cet amendement, de modifier le code des transports, en ajoutant un aspect qui nous semble important et qui, pour l’heure, fait cruellement défaut.

En effet, il est précisé à l’article L. 3221–1 du code des transports que tout prestataire de transport public routier de marchandises, et notamment les transporteurs routiers de marchandises, commissionnaires de transport ou loueurs de véhicules industriels avec conducteur, est tenu d’offrir ou de pratiquer un prix qui permette de couvrir à la fois : les charges entraînées par les obligations légales et réglementaires, notamment en matière sociale et de sécurité ; les charges de carburant et d’entretien ; les amortissements ou les loyers des véhicules ; les frais de route des conducteurs de véhicules ; les frais de péage ; les frais de documents de transport et les timbres fiscaux ; et, pour les entreprises unipersonnelles, la rémunération du chef d’entreprise. Nous proposons d’ajouter « les charges d’entretien des infrastructures et des coûts externes ».

En effet, au moment où vous entendez développer massivement le secteur des transports routiers, la question des coûts d’infrastructures ne peut être éludée.

Il serait totalement aberrant que les nouveaux « services » que vous promettez ne s’acquittent pas d’une participation à ces coûts. À défaut, les prix affichés risqueraient de participer à un dumping économique. Ces nouveaux services se grefferaient de façon presque clandestine sur des services existants pour se développer, mais sans en subir le coût réel.

Au regard des modifications importantes que vous envisagez d’introduire par votre projet de loi dans le paysage national des transports, il nous paraît primordial de faire évoluer le code des transports pour s’adapter à ces changements.

Sans cet amendement, le modèle économique ne serait pas juste et risquerait de favoriser un mode de transport au détriment d’autres.

Il s’agit donc de mettre l’ensemble des acteurs du transport sur un pied d’égalité afin de ne pas favoriser une certaine distorsion. C’est un sujet que nous avons déjà abordé dans cet hémicycle sous d’autres formes et que nous réintroduisons via cette modification du code des transports.

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Dominique Estrosi Sassone, corapporteur. La commission a émis un avis défavorable. Les charges d’entretien des infrastructures et des coûts externes ne sont aujourd'hui pas directement assumées par les prestataires de transports publics routiers de marchandises. Il n’est donc pas logique qu’ils répercutent ces charges sur le prix de leurs prestations.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis.

M. le président. La parole est à Mme Christine Prunaud, pour explication de vote.

Mme Christine Prunaud. Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, chacun l’aura bien compris, cet amendement permet de préparer l’avenir.

En effet, lorsque l’on parle de compétitivité entre les différents modes de transports des marchandises et des personnes, on ne prend pas en compte les mêmes coûts. Que ce soit par le train et même par l’avion, le coût des infrastructures utilisées par le transporteur est inscrit dans le coût global de la prestation.

Ainsi, le coût des voies ferrées, les pistes d’aviation, les gares et les aéroports, notamment, sont pris en compte et incorporés dans les éléments associés pour définir la tarification du transport. Or, lorsqu’il s’agit du transport routier, ce coût des infrastructures et des services d’entretien et de gestion n’est jamais inclus dans le prix, comme s’il était gratuit, alors qu’en fait il est laissé à la charge des autres utilisateurs du réseau routier.

Il est d’ailleurs symptomatique que dans la liste des charges devant être prises en compte pour couvrir les frais d’un transporteur routier, tels que définis à l’article L. 3221–1 du code des transports, le coût des infrastructures routières n’existe pas. C’est gratuit, semble-t-il. Or, chacun sait que lorsque c’est gratuit, c’est qu’en fait quelqu’un d’autre paie ! (M. Robert del Picchia s’exclame.)

Dans ces conditions, comment voulez-vous développer des modes de transports alternatifs au tout–routier si les autres transporteurs sont, eux, plombés par des coûts que les routiers ne supportent pas ?

Cette question des modes de transport est d’autant plus importante que derrière elle il n’y a pas seulement un problème de compétitivité, il y a aussi des enjeux écologiques, de santé publique et de sécurité routière qui ne sont pas pris en compte. Il faut donc donner aux transports alternatifs une chance de trouver leur place, à égalité avec le transport routier en termes de compétitivité économique.

Cette question est particulièrement d’actualité avec le présent projet de loi, qui se fixe comme objectif de développer dans notre pays une nouvelle offre de transports voyageurs par la route, offre qui viendra notamment concurrencer le train.

Certes, pour le moment, nous le savons tous, nous n’avons pas trouvé l’outil législatif qui permettrait la prise en compte du coût des infrastructures routières, mais il nous semble que l’objectif doit être tenu et réaffirmé.

Aussi, à travers cet amendement qui vise à inscrire dans le code des transports que le prix d’un transport routier devra prendre en compte les charges d’entretien des infrastructures et des coûts externes, nous créons les conditions afin que, dès que nous l’aurons trouvé, nous puissions mettre en œuvre rapidement l’outil de calcul de ces charges et des redevances permettant de les couvrir.

C’est le sens de cet amendement. Voilà pourquoi nous voterons en sa faveur.