M. Emmanuel Macron, ministre. Monsieur le président, conformément à l’article 44, alinéa 6, du règlement du Sénat, le Gouvernement demande que l’amendement n° 1796 soit mis aux voix par priorité. (M. Roger Karoutchi rit.)

Sur les amendements nos 411 rectifié et 412 rectifié, je comprends votre préoccupation, monsieur Dominati : il ne faut pas qu’un commerce soit défavorisé de manière injustifiable par la définition d’une ZTI. Néanmoins, la rédaction que vous proposez me semble insuffisamment sécurisée sur le plan juridique.

Ces amendements visent à éviter toute concurrence déloyale entre les commerces situés dans une ZTI et les commerces avoisinants. Les critères de définition des ZTI devraient permettre d’éviter une telle situation. Les zones seront définies au coin de rue près, de manière chirurgicale, en fonction de caractéristiques objectives. On ne définira pas de grandes zones dont certains commerces pourraient être exclus.

Le Gouvernement considère que l’ensemble des dispositifs ouvrant des dérogations, qu’elles soient géographiques ou sectorielles, ne doivent pas aboutir à des situations de concurrence déloyale. C’est d'ailleurs l’objectif des mécanismes de régulation que nous avons évoqués ce matin.

Par ailleurs, l’amendement n° 411 rectifié vise à permettre à tout établissement situé à proximité d’une ZTI de bénéficier de la dérogation. Pour des raisons juridiques, il est préférable que les zones soient définies en prenant en compte ces réalités. Le cas de la Samaritaine a été évoqué à plusieurs reprises. Le magasin étant actuellement fermé, on ne peut pas prendre en compte le commerce international qui pourrait potentiellement se développer après sa réouverture. La zone pourra cependant être étendue à ce moment, en fonction des critères objectifs définis par la loi et déclinés par le décret. Il faut avancer étape par étape.

Rien n’empêche les élus locaux – nous clarifierons ce point lors de l’examen des articles suivants – d’autoriser de leur propre initiative de nouvelles ouvertures dominicales, en plus des « dimanches du maire », au titre des dispositions relatives aux zones touristiques ou commerciales. En revanche, ils ne peuvent pas autoriser les ouvertures en soirée, car cette possibilité ne concerne que les ZTI.

Même si les enjeux que vous soulevez sont réels, nous ne souhaitons pas étendre le dispositif prévu à l’article 72. Les limitations propres à la définition des zones touristiques internationales et, donc, les critères que j’ai évoqués ce matin nous semblent satisfaisants.

À Paris, les zones touristiques internationales incluront certains secteurs qui réalisent 40 % à 60 % de leur chiffre d'affaires grâce au tourisme. La carte est connue ; je pourrais d'ailleurs vous la présenter à nouveau. Cette carte a été réalisée au commerce près, en fonction de critères objectifs. On ne peut pas l’étendre a priori à des magasins qui ne sont pas encore ouverts. Le droit relatif aux zones touristiques et commerciales permettra de répondre aux problèmes.

Je demande donc le retrait des amendements nos 411 rectifié et 412 rectifié ; à défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

J’en viens à l’amendement n° 1206. Je suis sensible à votre volonté que des évaluations soient réalisées ; je me suis toujours prononcé en faveur de ce principe. Vous souhaitez que le Gouvernement remette un rapport au Parlement deux ans après la délimitation d’une zone touristique internationale. J’ai une réserve sur ce délai.

Le Gouvernement avait proposé un délai de trois ans pour la mise en œuvre de la réforme. Les ZTI se conformeront à la règle « pas d’accord, pas d’ouverture ». Or il faut parfois du temps pour qu’un accord soit conclu. Il n’est donc absolument pas certain que les ouvertures dominicales seront massives dès la promulgation de la loi.

Cette responsabilité totalement assumée par le Gouvernement fait que ce dispositif est beaucoup plus restrictif que ce que nombre de défenseurs de l’ouverture des commerces le dimanche proposaient.

En effet, certains de ces commerces ne seront peut-être pas en mesure de définir immédiatement des accords avec les compensations obligatoirement prévues par la loi. Pendant six mois ou un an, il pourra donc y avoir un temps de négociation sociale imposé.

À mon sens, il faut accepter de prendre ce temps, car toute l’architecture de ce texte, qui est, je crois, un texte d’équilibre et de progrès social assumé, en dépend.

Nous avons eu un long débat ce matin, qui avait parfois un caractère théorique, mais, pour ma part, je considère que, quand on se préoccupe du progrès social, il faut le faire en se confrontant au réel. Or quelle est la situation actuelle ? Il y a 640 zones touristiques qui ne sont pas couvertes par des accords. Je ne veux pas que ces ZTI soient dans ce cas. Elles seront donc couvertes par des accords.

Vous le voyez, il y aura un temps de latence, et le délai de deux ans me semble un peu court. C’est pourquoi je vous invite à retirer l’amendement n° 1206 au profit de l’amendement n° 1796, qui a pour objet de rétablir le rapport d’évaluation au bout de trois ans. Cette solution me semble plus réaliste pour être éclairé sur la réforme, qui aura alors pu porter ses fruits.

M. Didier Guillaume. Très bien !

M. Emmanuel Macron, ministre. Ce faisant, j’ai présenté l’amendement du Gouvernement.

M. le président. J’ai été saisi par le Gouvernement d’une demande de priorité de mise aux voix de l’amendement n° 1796.

Quel est l’avis de la commission sur cette demande de priorité ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Favorable.

M. le président. Il n’y a pas d’opposition ?...

La priorité est ordonnée.

Quel est l’avis de la commission sur les amendements nos 411 rectifié, 412 rectifié, 1206 et 1796 ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. M. le ministre s’est déjà expliqué sur les amendements nos 411 rectifié et 412 rectifié, sur lesquels la commission avait sollicité l’avis du Gouvernement. Les problèmes soulevés par notre collègue Dominati sont très clairs, notamment s’agissant de la concurrence déloyale qui pourrait toucher la Samaritaine, pour parler clairement, au moment de sa réouverture, par rapport à d’autres grands magasins qui se trouveront dans une ZTI.

Monsieur le ministre, vous dites que, pour l’instant, l’emplacement de la Samaritaine ne peut pas bénéficier d’un classement en ZTI au regard des critères définis par le texte. Vous ajoutez qu’il y a la possibilité de bénéficier du statut de zone touristique. Or, pour l’instant, les critères de définition du périmètre de la zone touristique ne le permettent pas.

Il faut donc avoir l’assurance que, lorsque de telles situations vont se présenter dans certaines zones de Paris, le classement en ZTI pourra être assez rapidement effectif. Or votre réponse me laisse un peu sur ma faim à cet égard.

En revanche, il est vrai que la seconde partie de l’amendement n° 411 rectifié pose des problèmes juridiques en ce qu’elle tend à prévoir que l’ouverture ou la réouverture d’un magasin entraînerait automatiquement la définition d’une zone touristique internationale. On ne peut pas inverser le processus : une ZTI se définit par des critères bien précis et ce n’est pas le commerce qui fait la délimitation.

La commission a donc émis un avis de sagesse sur ces deux amendements, mais je souhaiterais que M. le ministre reprécise comment les choses se passeront concrètement lorsque le cas se présentera.

J’en viens aux amendements suivants, notamment l’amendement n° 1796. Il est vrai que la commission a systématiquement décidé de refuser les demandes de rapport. Néanmoins, en l’occurrence, nous sommes sur un sujet un peu particulier et, au vu des explications données lors du débat que nous venons d’avoir sur la difficulté de délimiter les périmètres de zones touristiques internationales, notamment à Paris, même si d’autres villes comme Nice ou Deauville peuvent être concernées, il me semble qu’une évaluation au bout de trois ans de ces périmètres, éventuellement en vue d’un élargissement, car il ne s’agit pas de les fermer, est intéressante. Aussi, même si la commission n’a pas eu l’occasion de se prononcer, j’émettrai en son nom un avis de sagesse sur cette demande de rapport ; à titre personnel, j’y suis favorable.

M. le président. La parole est à M. le ministre.

M. Emmanuel Macron, ministre. Permettez-moi de repréciser les choses, pour être très concret, sur le cas de la Samaritaine, à la suite de la préoccupation exprimée par M. Dominati et qui a été réitérée.

Les ZTI sont définies par trois critères qui sont inscrits dans la loi : le rayonnement international, en se plaçant d’un point de vue commercial sur la base de plusieurs éléments ; l’affluence exceptionnelle de touristes étrangers ; l’importance des achats.

À partir de ces critères, nous avons pu cibler, à ce stade, un certain nombre de zones, qui devront faire l’objet d’une déclinaison par décret. Quelles sont ces zones éligibles d’un point de vue objectif ? Il y a les zones touristiques actuelles des Champs-Élysées et d’une partie de l’avenue Montaigne. Ces zones, qui concentrent 21 magasins de luxe, sont indiscutables. De plus, une majorité des achats qui y sont réalisés sont le fait de touristes étrangers.

Seraient aussi concernées la rue du Faubourg-Saint-Honoré, la rue de la Paix, la place Vendôme, la rue Saint-Honoré jusqu’à la rue Royale : 10 magasins dans la zone Madeleine, 22 dans la rue Saint-Honoré, 32 d’Opéra au sud de la rue Royale.

Par ailleurs, il y a la zone qui va du Bon Marché au marché Saint-Germain, avec, au nord, le boulevard Saint-Germain et, au sud, la rue de Sèvres, la rue de Grenelle jusqu’au boulevard Raspail et les parties incluses de la rue des Saints-Pères et de la rue du Vieux-Colombier, ainsi que la place Saint-Sulpice, ce qui correspond à une quarantaine de magasins.

Enfin, il y a aussi le boulevard Haussmann et l’arrière de l’Opéra, avec la rue de Caumartin et le passage du Havre.

En revanche, à Paris, il y a d’autres zones touristiques et commerciales qui ne sont pas couvertes par ce zonage.

Par définition, compte tenu du caractère objectif des trois critères définis par le texte, on ne peut pas couvrir une zone qui n’est pas ouverte aujourd’hui et qui, par définition, ne peut donc pas se voir appliquer ces critères.

Si elle ouvre et qu’elle correspond aux critères, elle sera évidemment éligible au dispositif. C’est d’ailleurs l’engagement que je prends devant vous : toutes les zones éligibles de manière objective pourront bénéficier de ces règles.

Après, si le souhait des collectivités est de les traiter en zone touristique ou en zone commerciale, rien ne les en empêche. Toutefois, aujourd’hui, je ne peux pas étendre les engagements pris par le Gouvernement de manière objective sur la base du texte de loi avant l’ouverture réelle de ces commerces.

Je m’engage à ce que le Gouvernement, bien sûr quand elles seront effectivement ouvertes et si elles correspondent aux critères, prenne ces zones en considération et qu’elles puissent être incluses dans le dispositif. Néanmoins, à ce stade, compte tenu de la situation, je vous invite à retirer vos amendements, à la lumière de ces explications.

M. le président. La parole est à Mme Nicole Bricq, pour explication de vote.

Mme Nicole Bricq. Mon explication de vote porte sur l’amendement n° 411 rectifié. J’ai parlé de ce sujet ce matin à l’occasion de la discussion d’un autre amendement, mais vous n’étiez pas là, monsieur Dominati…

M. Philippe Dominati. Si, j’étais là !

M. Pierre Charon. Nous étions tous là !

Mme Nicole Bricq. Monsieur le ministre, nous avons bien entendu votre engagement, et je souhaite que vous soyez là pour longtemps… (Exclamations amusées.) Eh oui, nous le savons, les ministres passent et trépassent !

Il ne s’agit pas de focaliser le débat sur la Samaritaine, car il concerne la rue de Rivoli, qui comprend beaucoup d’enseignes dans cette partie, pour ceux qui connaissent bien le quartier.

J’admets votre argument juridique qui consiste à dire que vous ne pouvez pas engager le législateur s’agissant d’un établissement, qui, pour l’instant, n’est pas ouvert.

Après dix années d’attente, la Samaritaine devrait être ouverte, je crois, au mois de juin, à moins qu’il n’y ait encore des manœuvres dilatoires. La réouverture est donc proche et, à l’évidence, les trois critères contenus dans le texte s’appliqueront, puisque cet établissement va donner une impulsion positive à l’ensemble de la zone, qui connaît déjà une grande affluence. Par ailleurs, il y a des enseignes « bon marché » qui profitent aussi de cette affluence de visiteurs étrangers. Il suffit de se promener pour le constater.

Monsieur le ministre, je prends acte de votre engagement. J’ai bien compris, à l’instar de Mme la rapporteur, qu’il y avait un problème juridique, mais, sur le fond, il est évident que la Samaritaine doit entrer dans une zone touristique internationale.

Toutefois, comme vous allez discuter du sujet avec Mme la maire de Paris – c’était l’objet du débat précédent –, je suppose qu’elle fera tout pour que, le moment venu, il y ait une zone touristique internationale (M. Roger Karoutchi rit.) pour encadrer la montée en puissance de la rue de Rivoli, qui en a bien besoin.

M. le président. Je rappelle que nous sommes sur l’amendement n° 1796, puisqu’il sera mis aux voix par priorité.

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty, pour explication de vote.

M. Jean-Marc Gabouty. Comme Mme la rapporteur, nous sommes favorables à l’amendement n° 1796, parce qu’on ne peut pas reprocher à un gouvernement de s’engager effectivement à remettre une évaluation d’une politique mise en place. C’est plutôt l’attitude inverse qui prévaut dans notre pays habituellement, c’est-à-dire qu’on a tendance à élaborer des politiques publiques que l’on n’évalue pas, tout en continuant à dire qu’elles sont bonnes, même si ce n’est pas tout à fait exact et que l’on n’a pas pris toute la mesure d’un problème. Je ne peux donc qu’aller dans le sens de cet amendement.

J’en profite pour donner ma position sur les amendements présentés par M. Dominati, ce qui m’évitera de reprendre la parole.

Son analyse est parfaitement exacte et met en lumière les problèmes tenant au zonage. En deçà ou au-delà de la frontière, on n’est pas au même régime, donc où faut-il placer la limite ? À mon sens, la seule solution est d’instituer une certaine souplesse et une certaine réactivité dans les passerelles entre les différentes zones commerciales, les zones touristiques internationales et le non-zonage, afin de modifier la carte. En effet, les situations ne restent pas stables ; elles évoluent. Il serait sage d’adopter une telle attitude, car, a priori, il est difficile de trancher dans un milieu urbain continu.

La question posée est bonne, la proposition également, mais la solution n’existe pas, si ce n’est dans la souplesse, notamment dans le temps, afin de pouvoir rectifier les choses en fonction des réalités.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Il s’agit d’un débat très ciblé, sur un cas très précis soulevé par M. Dominati. D’ailleurs, mon cher collègue, si vous aviez soulevé le problème de manière plus générale, la situation aurait été inextricable. En effet, à partir du moment où l’on se place dans une logique de zonage territorial, la question devient plus complexe. Concrètement, vous abordez donc le cas de la Samaritaine.

Nous avons eu précédemment un échange sur la nécessité d’arriver à un accord sur la définition des zones touristiques avec les élus locaux, en l’occurrence Mme la maire de Paris, s’agissant d’un problème qui se pose depuis dix ans. De surcroît, un décret devra être pris, donc vous pensez bien que ce n’est pas uniquement par la loi que nous allons régler le cas que vous soulevez. En tout cas, le texte, tel qu’il est conçu, n’a pas forcément pour vocation à le faire, puisque la logique de zonage territorial n’est pas remise en cause.

Vous soulevez, certes, un vrai problème avec la Samaritaine. Il doit être traité en tant que tel, mais j’ai tendance à préconiser, comme je le fais depuis le début du débat, que la collectivité territoriale en question soit un partenaire indispensable pour prendre des décisions.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Deroche, corapporteur.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Pour compléter la réflexion, je précise que, si la Samaritaine n’a pas cette possibilité ouverte aux autres magasins au moment de la définition des ZTI selon la méthode évoquée par M. le ministre, il est évident qu’elle devra l’exiger au regard des distorsions de concurrence qu’une telle situation entraînerait.

Elle pourrait ainsi exiger une dérogation exceptionnelle. Nous n’en arriverons pas là, je pense, mais il faudra une vraie concurrence loyale entre l’ensemble des magasins du même type sur Paris, d’autant que la Samaritaine est située non pas dans un quartier « paumé », mais dans une rue plutôt touristique et fréquentée de la ville.

M. le président. La parole est à Mme Catherine Procaccia, pour explication de vote.

Mme Catherine Procaccia. Monsieur le ministre, je voudrais une précision. Vous avez parlé du marché Saint-Germain, qui, si j’ai bien lu, doit devenir un Apple store. Ce dernier sera-t-il ouvert ou non le dimanche ? Bénéficiera-t-il d’une dérogation comme la Samaritaine ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Oui, je confirme !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n° 1796.

(L'amendement est adopté.)

M. le président. En conséquence, les amendements nos 411 rectifié, 412 rectifié et 1206 n’ont plus d’objet.

Je mets aux voix l'article 72, modifié.

Mme Annie David. Le groupe CRC vote contre !

(L'article 72 est adopté.)

Article 72 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 73 (priorité) (Texte non modifié par la commission)

Article additionnel après l’article 72 (priorité)

M. le président. L’amendement n° 705, présenté par MM. Karoutchi, Calvet et Magras, Mme Deromedi, MM. Cambon, Sido, Doligé et Mayet, Mmes Deseyne et Mélot, M. Lefèvre et Mme Primas, est ainsi libellé :

Après l’article 72

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 3132-24 du code du travail, dans sa rédaction résultant de l’article 72 de la présente loi, il est inséré un article L. 3132-24-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-24-1. –I. – Les établissements de vente au détail situés dans la commune de Paris peuvent donner le repos hebdomadaire par roulement pour tout ou partie du personnel dans les conditions prévues aux articles L. 3132-25-3 et L. 3132-25-4.

« II. – Un décret en Conseil d’État détermine les modalités d’application du présent article. »

La parole est à M. Roger Karoutchi.

M. Roger Karoutchi. Ce matin, l’excellent Pierre-Yves Collombat confiait ne pas comprendre comment se ferait la délimitation des zones dans Paris. Plusieurs orateurs, à droite comme à gauche, ont d’ailleurs fait remarquer que le commerce évolue et que les secteurs où il se fait aussi. Or on ne fait pas la loi pour un an ou deux seulement !

Personnellement, vous le savez, je souhaite aider la maire de Paris (Sourires sur les travées de l’UMP.) ; je souhaite également, tout comme Philippe Dominati, que la capitale retrouve tout son lustre. C’est pourquoi je fais une proposition simple.

Paris est candidat à l’organisation des jeux Olympiques et de l’Exposition universelle. Qu’on ne vienne pas me dire que les touristes qui se rendront à Paris à l’occasion de ces événements ou lors de leur préparation vont rester cantonnés dans certains quartiers et n’iront pas dans d’autres comme s’il y avait une espèce de ségrégation, de discrimination absolument insupportable !

Monsieur le ministre, puisque vous reprenez l’expression de « ville-monde », puisque la maire de Paris n’arrête pas de déclarer vouloir restaurer l’attractivité de la capitale,…

M. David Assouline. C’est déjà le cas !

M. Roger Karoutchi. … ne faisons pas de discrimination ou de ségrégation à l’intérieur des quartiers de la capitale et autorisons l’ouverture le dimanche pour l’ensemble des commerces dans la ville de Paris. (Protestations sur les travées du groupe CRC.)

Mme Laurence Cohen. Il n’y en a jamais assez !

M. Roger Karoutchi. Ce serait plus simple que de découper les quartiers ou de couper en deux la rue de Rivoli !

Mme Catherine Procaccia. Ce serait plus simple, en effet !

M. Roger Karoutchi. Quand on habite à Paris, on voit bien que certains quartiers ont complètement changé en deux ou trois ans.

M. David Assouline. Pas le XVIe arrondissement, en tout cas !

M. Roger Karoutchi. Certains quartiers populaires sont devenus « bobos » et très commerciaux, et ce à un rythme faramineux. Or, je le répète, on ne fait pas la loi pour un an ou deux. Dès lors, ayons le courage de faire de Paris un seul bloc, une seule ville, un seul ensemble, dans le cadre très strict, bien sûr, des dispositions du présent projet de loi.

Mme Catherine Procaccia. Ce serait plus clair !

M. le président. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Notre collègue Karoutchi l’a bien dit, les habitudes de consommation à Paris ne sont pas les mêmes qu’en province. Le dispositif de cet amendement ne s’applique d’ailleurs qu’à la capitale. Je rappelle cependant que nous venons d’instituer les ZTI, qui pourront être créées à Paris.

Lorsque j’ai reçu l’auteur du rapport sur le travail dominical et nocturne à Paris, j’ai pu constater que les maires de certains arrondissements étaient favorables à l’ouverture de leurs commerces sur leur territoire. Malheureusement, le système de gouvernance de la capitale ne leur permet pas d’en décider. J’ai également pu constater que les blocages étaient très forts et que des incohérences existaient.

Je le répète, les ZTI ont été créées. Tout le reste – zones touristiques et zones commerciales – relève du pouvoir local du maire. Désireuse de rester dans cette logique, la commission a émis un avis défavorable.

M. le président. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Je perçois bien votre volonté de tout ouvrir, monsieur le sénateur,…

Mme Catherine Procaccia. De simplifier !

M. Emmanuel Macron, ministre. … et de tout simplifier à l’extrême.

M. Roger Karoutchi. Oh, moi, je veux seulement aider !

M. Emmanuel Macron, ministre. Le problème que pose le dispositif de cet amendement est qu’il tend à établir un traitement spécifique pour la ville de Paris, qui exclurait les autres métropoles d’une façon tout à fait injustifiée.

Il est possible de définir les ZTI par la loi, à l’aide de règles claires. De même, les zones touristiques et les zones commerciales peuvent être délimitées sur l’initiative des élus locaux et sur la base d’éléments objectifs. Il y a également toute une partie de Paris qui ne relève pas de ces critères et qui ne justifie pas plus que certains quartiers de Lyon, Marseille ou Lille, pour ne prendre pour exemple que des métropoles, d’obéir à un tel régime d’ouverture. C’est le premier biais que je vois dans votre approche.

Votre volonté de simplifier par l’abandon de tout critère pourrait tendre à créer une distorsion entre métropoles. Or il me semble que la spécificité de Paris est prise en compte par les zones autorisées par le projet de loi : les ZTI, les zones touristiques et les zones commerciales. Exclure de votre schéma les autres métropoles me semble donc lui faire courir un risque d’inconstitutionnalité.

Pour les ZTI, nous venons d’en débattre, il convient d’établir des règles objectives, qui permettent de distinguer ces zones des autres. Quel élément justifierait, dans votre proposition, que Paris soit traité différemment des autres métropoles ? J’ajoute qu’un tel système ne protégerait pas le petit commerce de proximité. De nombreux petits commerces n’auraient pas la possibilité, en effet, d’assumer la charge et les contraintes d’une ouverture dominicale durant des plages horaires larges.

Pour ces deux raisons – la distorsion juridique qu’entraînerait, au contraire des dispositions que nous défendons, l’adoption de ce dispositif et le risque de déséquilibre qu’elle ferait peser entre les petits commerces et les autres –, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement. Il semble en effet que les clarifications qui viennent d’être apportées en matière de ZTI, et qui le seront dans un instant pour les zones touristiques et les zones commerciales, sont la réponse adaptée aux défis auxquels est confronté Paris.

M. le président. La parole est à M. David Assouline, pour explication de vote.

M. David Assouline. Je remercie M. Karoutchi, car son amendement a au moins le mérite de rappeler à ceux qui le contestent que deux visions, l’une de gauche, l’autre de droite, s’affrontent bien dans cet hémicycle.

Vous voulez, mon cher collègue, que l’exception s’applique à tout Paris. Or le cœur du projet de loi, c’est de défendre, d’un point de vue politique comme social, un projet de vie, un projet de société : le dimanche doit être un jour de repos compensateur pour ceux qui travaillent, un jour où de nombreuses activités – citoyennes, sportives, familiales – peuvent se tenir, nécessaires à la vie en société.

Ne pas travailler le dimanche, c’est la règle ! Pour vous, Paris doit faire exception. Comme si n’y habitaient que des zombies, des citoyens différents des autres ! Je suis élu du XXe arrondissement, un arrondissement de 200 000 habitants, qui compte des quartiers populaires. Je sais très bien qui y vit. Nous, nous sommes attachés à ce que le dimanche reste un jour de repos, à ce que les citoyens ne soient pas que des consommateurs.

C’est vrai que Paris est une ville attractive et touristique. On vient par exemple dans le XXe arrondissement pour visiter le cimetière du Père-Lachaise, qui figure parmi les endroits les plus touristiques de Paris, même si on n’y vient pas pour acheter… Mais, en quelques stations de métro, en cinq minutes de transport, on se retrouve dans des quartiers où il est possible de consommer.

Dès lors, outre les arguments mobilisés par M. le ministre et relatifs à l’impossibilité de faire de Paris une exception, ce qui conduirait en réalité à appliquer cette dernière plus largement, je tiens à rappeler que nous discutons de dérogations et de leur encadrement, et non pas de la libéralisation absolue du système, ce que vous souhaitez, mon cher collègue. C’est d’ailleurs une conception sociale et politique que la droite assume parfaitement. Je vous remercie donc d’avoir rappelé qu’un débat gauche-droite a bien lieu dans cet hémicycle.

Mme Catherine Deroche, corapporteur. C’est plutôt gauche-gauche depuis ce matin !

M. le président. La parole est à Mme Laurence Cohen, pour explication de vote.

Mme Laurence Cohen. Le dispositif de cet amendement répond à une logique politique assumée, ce qui est bien normal. Dès lors qu’on multiplie les dérogations, qu’on promeut la philosophie de la consommation, notamment le dimanche, pour les villes attractives comme Paris ou d’autres, pourquoi s’arrêter en si bon chemin ? Ne soyons donc pas étonnés que certains veuillent aller encore plus loin en offrant la possibilité d’ouvrir le dimanche à tous les commerces de Paris, voire de toutes les métropoles. C’est une conception que le groupe communiste républicain et citoyen rejette.

Depuis ce matin, nous vous alertons sur les dangers que de telles dispositions entraîneront pour les salariés, qui n’auront pas vraiment leur mot à dire. Attention, mes chers collègues, nous sommes en train de décréter que le loisir se résume à la consommation !

Un des arguments avancés par M. le ministre m’a particulièrement choquée : le problème posé par le dispositif de cet amendement est qu’il tend à exclure de son champ les autres métropoles.

M. David Assouline. Ce n’est pas du tout ce qu’il dit !

Mme Laurence Cohen. Ce n’est donc pas d’élargir cette dérogation à tout Paris qui pose problème ; c’est de ne pas l’élargir à toutes les métropoles !

M. David Assouline. Ce que vous dites est malhonnête !

Mme Laurence Cohen. Vous l’aurez compris, mes chers collègues, nous sommes complètement en désaccord avec cet argument.

Pour terminer sur une note plus légère, je vous encourage tous à lire le livre de Paul Lafargue Le Droit à la paresse, qui nous rappelle que la liberté d’employer son temps est une liberté fondamentale. (Mme Nicole Bricq proteste.) Je constate que, dans cet hémicycle, tout le monde n’a pas d’humour…

Mme Nicole Bricq. Non, je n’en ai pas ! (M. Roger Karoutchi s’esclaffe et applaudit.)

M. le président. La parole est à M. Philippe Dominati, pour explication de vote.

M. Philippe Dominati. S’il fallait démontrer la rigidité du système proposé par le Gouvernement, s’il fallait prouver que l’évolution est marginale, pour ne pas dire minime, qu’elle joue sur l’épaisseur du trait, vous venez de le faire à l’article 72, monsieur le ministre.

Mme Nicole Bricq. Il ne faut pas pousser !

M. Philippe Dominati. Vous avez dû reprendre la parole à deux reprises pour répondre à une question concrète, pragmatique, que je vous avais posée. Vous l’avez fait en nous présentant un catalogue de rues, et cela afin de tenter de délimiter le périmètre des ZTI sur le territoire parisien. En réalité, ces zones ne correspondent absolument en rien à la réalité quotidienne des Parisiens. M. Assouline a raison, les positions doivent être assumées : la mairie de Paris veut-elle créer des emplois, de la croissance, du dynamisme ou rester figée dans le passé ?

Je regrette votre solitude sur ce sujet. Le ministre du tourisme, M. Fabius, qui s’est exprimé à plusieurs reprises sur cette question, n’a pas eu l’occasion, depuis que nous avons entamé les débats, de venir nous en dire quelques mots. Le ministre du travail, M. Rebsamen, n’a pas eu non plus l’occasion d’exprimer sa sensibilité. On vous laisse seul !

Nous le voyons bien, les avancées obtenues sont comprises dans l’épaisseur du trait. La rigidité des textes demeure. Vous êtes engoncé dans un glacis. Vous ne pouvez pas convaincre votre majorité. Surtout, vous ne pouvez pas convaincre le pouvoir économique, les chefs d’entreprise, les consommateurs, les Parisiens ! Ils réclament plus de « liberté » : cette notion, qui était quasiment absente des débats de la matinée, fait cruellement défaut dans votre texte ! C'est la raison pour laquelle le projet de loi ne peut pas me convenir.

C’est parce qu’il me paraît nécessaire de faire sauter un certain nombre de carcans que je voterai avec plaisir l’amendement de mon collègue Karoutchi. (Applaudissements sur quelques travées de l'UMP.)

M. le président. La parole est à M. Alain Fouché, pour explication de vote.

M. Alain Fouché. Les propos de notre collègue Karoutchi sont souvent pleins de bon sens, mais, pour une fois, je ne souscris pas à son analyse.

Certes, je le rejoins quand il déplore le manque de clarté des zones de délimitation à Paris. Venant de province, mais vivant également à Paris, je vois bien les évolutions : des quartiers qui tournaient hier au ralenti revivent.

M. David Assouline. Grâce à la gauche !

M. Alain Fouché. La délimitation des zones n’est donc pas chose aisée. Cependant, l’ouverture dominicale de tous les magasins parisiens aurait pour conséquence d’attirer toute la province, immédiate ou plus lointaine, sur Paris. Or il n’y a pas que Paris ; il y a un certain nombre de villes autour !

Voyez les magasins d’usine. D’ailleurs, vous savez comme moi que ce sont de faux magasins d’usine. Les produits que l’on y vend sont souvent fabriqués au Maroc ou ailleurs. Là aussi, il faudrait légiférer.

Vous l’aurez compris, je crains que la capitale n’attire toute la province dans ses boutiques, au détriment des commerces des autres villes.

M. le président. La parole est à M. Roger Karoutchi, pour explication de vote.

M. Roger Karoutchi. Je n’ai rien inventé. Ce que je propose, c’est simplement un alignement sur le régime en vigueur à Londres.

M. Roger Karoutchi. Restez calme, monsieur Assouline !

Le régime londonien a été conçu par l’ancien maire de la ville, celui que l’on surnomme « Ken le rouge ». À ma connaissance, il n’est pas spécialement de droite ! Plus généralement, l’ouverture commerciale de Londres est le fait d’élus qui n’étaient pas particulièrement de droite ou de gauche.

D’après M. Assouline, l’enjeu principal serait de récréer un clivage entre la gauche et la droite. Honnêtement, pour défendre l’attractivité de Paris et en faire une ville-monde, je ne vois bien pas quelle est l’utilité de savoir si l’on est de gauche ou de droite.