Mme la présidente. En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 80.

Je suis saisie de deux amendements faisant l’objet d’une discussion commune.

L’amendement n° 815 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, Mmes Morin-Desailly, Gatel et Loisier, MM. Pozzo di Borgo, Cigolotti, Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 80

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l'article L. 3132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-3-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3-… – L'exploitation d'un commerce par des cogérants le dimanche implique le dépôt chaque année d'un formulaire attestant du niveau d'indépendance et de responsabilité de chaque gérant dans l'exploitation du commerce à l'autorité administrative compétente du chef-lieu du département où le cogérant exerce son activité. »

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Il ne s’agit pas ici de faire de la théorie, mais de fixer un cadre et des limites. Sur l’intérêt d’ouvrir les commerces le dimanche, nos visions de la société s’affrontent. Mais, concrètement, ce sont des centaines, voire des milliers de magasins qui contournent la loi. Il est bien de fixer des règles, mais encore faut-il que celles-ci soient respectées ! Lorsque tel n’est pas le cas, règne alors la plus grande injustice : ceux qui ne respectent pas les règles ne réalisent pas un chiffre d’affaires supplémentaire, ils le prennent à ceux qui les respectent. En effet, sur un certain nombre de produits, la demande n’est pas extensible et le marché est contraint. Pour ce qui concerne la literie, par exemple, ce n’est pas en ouvrant davantage les magasins que l’on élargira le marché.

Le commerçant qui ouvre les portes de son magasin illégalement « prend » du chiffre d’affaires à son concurrent qui, lui, respecte la loi. Cette violation des règles est répréhensible au regard de la loi, mais également au titre de la concurrence déloyale. Si nous ne prenons pas des mesures pour mieux faire respecter la loi, cette situation perdurera.

Parmi les commerces qui ouvrent le dimanche, en dehors des secteurs bénéficiant de dérogations, une part significative est exploitée par des gérants ou cogérants réellement statutaires. L’exploitation du magasin est confiée à une personne morale et, si seuls les gérants de cette personne morale travaillent le dimanche, il est possible d’ouvrir ce jour-là.

Or, compte tenu du nombre significatif de contournements de la réglementation du travail dominical par ce biais et des pouvoirs territoriaux limités des inspecteurs du travail – les sièges sociaux de ces commerces, qui appartiennent souvent à des chaînes de magasins, sont en effet rarement situés sur le territoire relevant de la compétence de l’inspecteur amené à effectuer des contrôles –, il est souhaitable de demander à chaque gérant de déposer une fois par an auprès de l’autorité administrative compétente du chef-lieu du département où il exerce son activité un document, purement déclaratif, attestant son niveau d’indépendance et de responsabilité dans l’exploitation de son commerce.

Il faut savoir que ces commerçants qui ne respectent pas la loi « tournent » sur le territoire. On peut ainsi les trouver un jour dans un département, et deux mois plus tard dans un autre situé à 300 kilomètres. L’inspection du travail rencontre donc de grandes difficultés pour sanctionner ces contournements de la loi. Il s’agit en effet de véritables organisations. Je ne citerai pas de marques, mais je peux dire que les magasins en question, qui sont en général d’entrée de gamme, réalisent un très bon chiffre d’affaires tous les dimanches !

Mme la présidente. L’amendement n° 1239 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 80

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Après l’article L. 3132-3-1 du code du travail, il est inséré un article L. 3132-3-… ainsi rédigé :

« Art. L. 3132-3-... – L’exploitation d’un commerce par des cogérants le dimanche implique le dépôt chaque année d’un formulaire attestant du niveau d’indépendance et de responsabilité de chaque gérant dans l’exploitation du commerce à l’autorité administrative compétente. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Cet amendement va dans le même sens que celui de M. Gabouty, dont je fais miens les arguments. Comme quoi, tout peut arriver ! (Sourires.)

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Les auteurs de ces amendements souhaitent que les cogérants qui tiennent un commerce le dimanche remettent chaque année à l’administration un formulaire attestant leur indépendance et leur niveau de responsabilité.

Outre la complexité de cette procédure, qui constituerait un obstacle à l’ouverture dominicale des commerces, les cogérants ou « gérants mandataires », comme les qualifie le code de commerce, sont déjà immatriculés au registre du commerce et des sociétés. Leur contrat fait l’objet d’une publication dans un journal habilité à recevoir des annonces légales. Une information transparente à leur sujet est déjà disponible.

Qui plus est, lorsqu’il est saisi d’un contentieux à leur sujet, le juge peut requalifier en contrat de travail cette relation de cogérance s’il identifie les signes d’un lien de subordination avec l’entreprise.

La commission a émis un avis défavorable sur ces amendements, mais peut-être M. le ministre pourra-t-il, en l’absence du ministre du travail, nous apporter des précisions sur les actions menées par l’inspection du travail contre la cogérance fictive.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Le sujet est ici celui de la fausse cogérance ou du salariat déguisé, sur lequel nous aurons l’occasion de revenir ultérieurement. Cette pratique vise à contourner en particulier la réglementation relative au repos dominical.

La solution proposée par les auteurs des amendements consiste à imposer des règles additionnelles de dépôt, en particulier l’obligation de déposer une attestation en préfecture. Cette solution me paraît disproportionnée et contrevient à un objectif plusieurs fois souligné du présent texte, qui est plutôt de simplification.

Le véritable problème est bien davantage le contrôle effectif, surtout le jour dit, des sociétés qui se livrent à cette pratique.

Par ailleurs, l’obligation prévue s’appliquerait à tous les commerçants indépendants, à leurs conjoints et à leurs cogérants, alors même que ce phénomène ne peut être qualifié de « généralisé ».

Mieux vaudrait renforcer le contrôle plutôt que de créer une obligation de déclaration ab initio qui vaudrait pour tous et pèserait sur des professionnels absolument pas concernés par ladite mesure.

Il n’est donc pas souhaitable de créer une nouvelle démarche obligatoire pour ces entreprises. L’inspection du travail, lors de ses contrôles, veille au respect de cet aspect de la réglementation et obtient des condamnations lorsque les faits sont avérés. François Rebsamen a eu l’occasion de le dire à plusieurs reprises. Il a également décidé de mettre en place un plan de mobilisation de l’inspection du travail, afin que celle-ci puisse orienter ses missions en ce sens.

Ce problème est réel et important, et nous en reparlerons à propos du recours illégal aux travailleurs détachés. Sa résolution passe, je le répète, par un plan de mobilisation de l’inspection du travail et par l’accroissement des sanctions en cas de non-respect de la loi plutôt que par une obligation déclarative ab initio, laquelle pèsera principalement sur celles et ceux qui, aujourd’hui, se conforment à la loi. En outre, une telle mesure ne permettrait que marginalement de mieux couvrir les situations décrites par les auteurs des amendements.

Je demande donc le retrait de ces amendements. À défaut, l’avis du Gouvernement sera défavorable.

Mme la présidente. Monsieur Gabouty, l'amendement n° 815 rectifié ter est-il maintenu ?

M. Jean-Marc Gabouty. Monsieur le ministre, cette situation dure depuis des années, voire des décennies. C’est un problème de territorialité : si un inspecteur du travail qui se présente dans un magasin demande un extrait du Kbis pour vérifier, carte d’identité à l’appui, que celui qui se prévaut de la qualité de gérant est bien celui dont le nom figure sur ce document, il n’a guère le pouvoir de faire plus, sauf à se lancer dans une procédure assez lourde. Il faut donc trouver les moyens de faciliter les contrôles.

Certes, votre objectif, comme le nôtre, est de ne pas ajouter de la complexité ; c’est la raison pour laquelle la forme déclarative a été retenue. De ce point de vue, ma démarche ne va pas, il est vrai, dans le sens de la simplification administrative, mais il me semble nécessaire de trouver des solutions.

Je suis plutôt favorable aux mesures relatives au travail dominical qui ont été décidées. Cependant, ceux qui contournent la législation en vigueur, au risque de susciter une concurrence déloyale, grave et dissuasive, doivent être sanctionnés. Il faut savoir qu’ils agissent de façon délibérée et organisée, et qu’il n’est pas ici question d’une simple inadvertance.

J’accepte de retirer cet amendement, puisque le dispositif qu’il vise à mettre en place ne sera pas opérationnel. J’évoquerai un autre cas de figure similaire lorsque nous examinerons l'amendement n° 814 rectifié ter.

Mme la présidente. L'amendement n° 815 rectifié ter est retiré.

Madame David, l'amendement n° 1239 rectifié est-il maintenu ?

Mme Annie David. Oui, je le maintiens, madame la présidente !

Mme la présidente. Je mets donc aux voix l'amendement n° 1239 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. L'amendement n° 816 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty et Vanlerenberghe, Mmes Morin-Desailly, Gatel et Loisier, MM. Cigolotti, Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 80

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Le premier alinéa de l'article L. 3132-31 du code du travail est complété par une phrase ainsi rédigée :

« Pour les commerces exploités en cogérance, le juge judiciaire s'appuie sur les preuves produites par l’inspecteur du travail en cas de cogérance fictive. »

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Il s’agit d’un amendement de conséquence, qui n’a désormais plus d’objet. C’est pourquoi je le retire, madame la présidente.

Mme la présidente. L'amendement n° 816 rectifié ter est retiré.

Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1238 rectifié, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Après l’article 80

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au chapitre V du titre III du livre Ier de la troisième partie du code du travail, il est inséré un article L. 3135-1 ainsi rédigé :

« Art. L. 3135-1. – Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, la même contravention, le maximum de la peine d’amende encourue est porté à 20 000 euros.

« Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu’une personne morale, déjà condamnée définitivement pour une amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai d’un an à compter de l’expiration ou de la prescription de la précédente peine, par la même contravention, le taux maximum de l’amende applicable est égal à dix fois celui qui est prévu par le règlement qui réprime cette contravention en ce qui concerne les personnes physiques. »

La parole est à Mme Annie David.

Mme Annie David. Si tant est que cette partie du texte ait pour objectif de sécuriser et de normaliser les dérogations possibles au principe du repos dominical, il importe de déterminer, autant que faire se peut, les sanctions éventuellement prises à l’encontre de ceux qui ne respecteraient pas les règles fixées.

Tenons-nous-en à l’épreuve des faits : sauf pour ceux qui ne vivent pas tout à fait dans le monde réel, il suffit de regarder les motifs qui conduisent un certain nombre d’employeurs devant les tribunaux des prud’hommes pour constater que les litiges viennent assez souvent de ces « accommodements » avec la loi.

Que l’on en juge : le tribunal des prud’hommes d’Aix-en-Provence enregistre, en affaires nouvelles, 45 % de dossiers venus du secteur du commerce. Dans celui d’Arles, le commerce apporte, si l’on peut dire, 46 % des nouvelles affaires. Le même taux est atteint à Bobigny, où l’on enregistre pratiquement dix affaires nouvelles par jour ouvré !

Le tribunal des prud’hommes de Paris n’est pas en reste, avec plus de 37 % de nouvelles affaires issues des activités commerciales, alors même que l’emploi parisien est assez nettement dominé par les postes d’encadrement et la grande diversité des activités de services.

Horaires de travail à rallonge, tenue à disposition des salariés à n’importe quelle heure ou presque de la journée ou n’importe quel jour de la semaine, absence de prise en compte des heures supplémentaires ou des heures complémentaires, forte rotation des effectifs : le secteur du commerce est, dans bien des cas, celui de tous les abus. Dans les petites structures, c’est la loi de l’arbitraire patronal, qui oscille entre paternalisme et autoritarisme.

Dans les plus grandes enseignes prévaut la loi de la productivité à tout crin, des horaires de travail imposés à flux tendu, des contrats à temps partiel subi avec toutes leurs conséquences sur la vie quotidienne des salariés et de leurs familles.

Pénaliser fortement ces pratiques de management d’un autre âge est donc une nécessité.

Nous sommes d’accord avec Jean-Marc Gabouty : il faut faire respecter la loi. Aujourd’hui, les abus sont trop nombreux. En revanche, nous n’y voyons pas les mêmes causes.

Mme la présidente. L'amendement n° 814 rectifié ter, présenté par MM. Gabouty, Vanlerenberghe et Cigolotti, Mmes Gatel et Loisier, MM. Guerriau, Kern et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :

Après l’article 80

Insérer un article additionnel ainsi rédigé :

Au début du chapitre V du titre III du livre II de la troisième partie du code du travail, il est inséré un article L. 3134-16 ainsi rédigé :

« Art. L. 3134–16. – Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu'une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet, dans le délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, la même contravention, le maximum de la peine d'amende encourue est porté à 7 500 euros.

« Dans les cas où le règlement le prévoit, lorsqu'une personne morale, déjà condamnée définitivement pour une amende, engage sa responsabilité pénale, dans le délai d'un an à compter de l'expiration ou de la prescription de la précédente peine, par la même contravention, le taux maximum de l'amende applicable est porté à 37 500 euros. »

La parole est à M. Jean-Marc Gabouty.

M. Jean-Marc Gabouty. Il s’agit là d’un cas de figure différent de celui que j’ai évoqué précédemment et pour lequel on pourrait prévoir une autre solution.

Dans la mesure où certains gérants de magasin, par ailleurs parfaitement en règle, préfèrent ouvrir le dimanche et payer une amende plutôt que de respecter les textes en vigueur, il convient d’augmenter le montant de l'amende pour ceux qui ne respectent pas la loi.

Et, s’il faut faire preuve de compréhension à l’égard de ceux qui commettent cette infraction par inadvertance – c’est rare, mais cela peut toujours arriver–, en revanche, lorsqu’une personne physique, déjà condamnée définitivement, commet dans le délai d’un an, à compter de l’expiration de la prescription de la précédente peine, la même infraction à la législation sur le repos dominical, le maximum de la peine d’amende encourue est porté à 7 500 euros. Pour une personne morale, le taux maximum de l’amende applicable en cas de récidive est porté à 37 500 euros.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. Ces deux amendements tendent à augmenter, en cas de récidive, l’amende sanctionnant les infractions à la réglementation relative au repos dominical.

En l’état actuel du droit, toute infraction aux règles relatives au repos dominical est punie d’une contravention de la cinquième classe, soit 1 500 euros maximum par salarié illégalement employé ou 7 500 euros pour une personne morale. En cas de récidive, ce montant est porté à 3 000 euros pour une personne physique et à 15 000 euros pour une personne morale.

Aujourd’hui, les montants de ces sanctions sont fixés au niveau réglementaire. Faut-il les inscrire dans la loi, alors qu’il ne s’agit que de plafonds théoriques ? Je précise que les amendes prononcées à Paris par le tribunal sur la base des procès-verbaux dressés par l’inspection du travail en 2012 et 2013 ont atteint un montant maximal de 4 500 euros par salarié illégalement employé le dimanche pour une personne morale et de 1 500 euros pour une personne physique.

C’est surtout la question des moyens de l’inspection du travail pour mener des contrôles qui se pose. M. le ministre pourrait y apporter réponse. La commission spéciale a souhaité se pencher sur les moyens à octroyer à l’inspection du travail plutôt que sur le montant des amendes.

En outre, l’amendement n° 1238 rectifié soulève des difficultés en matière de droit pénal. Fixer une amende à 20 000 euros fait sortir l’infraction du champ contraventionnel pour la faire entrer dans le champ délictuel, avec des règles de procédure et de preuve plus lourdes.

Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur l’amendement n1238 rectifié et souhaite le retrait de l’amendement n° 814 rectifié ter.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. Même avis !

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 1238 rectifié.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Mme la présidente. Je mets aux voix l'amendement n° 814 rectifié ter.

(L'amendement n'est pas adopté.)

Articles additionnels après l'article 80 (priorité)
Dossier législatif : projet de loi pour la croissance, l'activité et l'égalité des chances économiques
Article 80 bis B (priorité)

Article 80 bis A (priorité)

(Supprimé)

Mme la présidente. Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.

L'amendement n° 1237, présenté par Mmes Assassi et David, M. Watrin, Mme Cohen et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 3132-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 50 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »

La parole est à Mme Cécile Cukierman.

Mme Cécile Cukierman. L’Assemblée nationale est à l’origine de cet article qui impose aux grandes surfaces alimentaires de majorer de 30 % la rémunération des salariés privés du repos dominical, dans le but de protéger le petit commerce alimentaire face à la concurrence des grandes surfaces, perçue comme déloyale.

Arguant du fait que cela ne lui semblait pas constituer une mesure de protection efficace des petits commerçants, la commission spéciale a supprimé l’article.

La réalité est pourtant bien là. D’après les chiffres de l’INSEE, les grandes surfaces se sont développées à un rythme accru durant ces dernières années, au détriment des petits commerces d’alimentation générale, des supérettes et des commerces de l’alimentation spécialisée et de l’artisanat.

Nous connaissons tous dans nos territoires des boulangeries, boucheries, primeurs qui ont vu leur chiffre d’affaires baisser considérablement depuis l’ouverture d’un supermarché en centre-ville ou à proximité, que celui-ci soit ouvert ou non le dimanche.

L’extension des zones commerciales prévues dans ce projet de loi ne va certes pas dans le sens de l’égalité des chances, en particulier dans les territoires ruraux.

Il y a là un enjeu territorial que l’on ne peut ignorer : il y va de la préservation du petit commerce local, qui nous intéresse toutes et tous dans cet hémicycle.

Nous avons souhaité rétablir le texte de l’Assemblée nationale en y apportant toutefois une modification. Ainsi, nous proposons une majoration de 50 % de la rémunération des salariés.

Cette position répond à un double objectif. En premier lieu, il s’agit de maintenir un tissu commercial de proximité dans nos villes et dans nos territoires en réduisant l’effet de la concurrence. En second lieu, il convient d’apporter les garanties sociales et salariales aux salariés privés du repos dominical des supermarchés et des hypermarchés qui ouvrent actuellement cinquante-deux dimanches par an jusqu’à 13 heures, comme le leur permet la loi Mallié. Ces établissements n’en ont pas l’obligation, mais ils agissent généralement sans grande considération pour les personnels, majoritairement des femmes, qui se voient confrontés à la difficulté de faire coïncider leur vie professionnelle et leur vie familiale.

Les salariées du DIA de Chambéry en ont fait la douloureuse expérience, mais elles ne sont pas les seules. Nous connaissons tous des cas similaires.

Nous considérons que les salariés qui ne bénéficient que d’un repos compensateur doivent pouvoir bénéficier d’une compensation salariale, en juste contrepartie de l’obligation qui leur est faite.

Mme la présidente. L'amendement n° 619, présenté par Mme Bricq, M. Guillaume, Mmes Emery-Dumas et Génisson, MM. Bigot, Cabanel, Filleul, Marie, Masseret, Raynal, Richard, Sueur, Vaugrenard et les membres du groupe socialiste et apparentés, est ainsi libellé :

Rétablir cet article dans la rédaction suivante :

L’article L. 3132-13 du code du travail est complété par un alinéa ainsi rédigé :

« Dans les commerces de détail alimentaire dont la surface de vente est supérieure au seuil mentionné au premier alinéa de l’article 3 de la loi n° 72-657 du 13 juillet 1972 instituant des mesures en faveur de certaines catégories de commerçants et artisans âgés, les salariés privés du repos dominical bénéficient d’une rémunération majorée d’au moins 30 % par rapport à la rémunération normalement due pour une durée équivalente. »

La parole est à Mme Nicole Bricq.

Mme Nicole Bricq. C’est le même esprit qui préside et nous avons le même objectif. Cet amendement a un caractère social, puisqu’il vise à prévoir une compensation salariale d’au moins 30 % pour les salariés des grandes surfaces alimentaires ouvertes tous les dimanches jusqu’à 13 heures. Il est vrai que les salariés de ces établissements sont, pour l’essentiel, des femmes. C’est aussi cet élément qui nous a conduits à rétablir le texte de l’Assemblée nationale.

Mme la présidente. Quel est l’avis de la commission ?

Mme Catherine Deroche, corapporteur. La commission spéciale a supprimé l’article 80 bis A introduit par l’Assemblée nationale. Même si nous comprenons la volonté de protéger les commerces alimentaires de petite taille souvent présents en centre-ville de la concurrence des grandes surfaces, il nous a semblé opportun de conserver le régime des commerces alimentaires en vigueur. Pourquoi d’ailleurs ne protéger que le petit commerce alimentaire ?

Qui plus est, il ne s’agit que d’une mesure d’affichage. En effet, la convention collective nationale du commerce de détail et de gros à prédominance alimentaire du 12 juillet 2001 prévoit que les salariés travaillant habituellement le dimanche et ne bénéficiant pas d’un jour et demi de repos consécutif dans la semaine voient leur salaire horaire de base majoré de 20 % pour les heures travaillées ce jour-là.

Ce secteur crée des emplois et il n’y a pas forcément de distorsions de concurrence avec d’autres commerces. On le constate dans les zones touristiques : des surfaces alimentaires de grande taille ouvrent le dimanche et répondent aux besoins locaux, à l’instar des commerces de centre-ville. Et les deux trouvent leur place, notamment dans certaines zones touristiques.

Par conséquent, il a paru convenable de s’en tenir à la convention nationale collective. Par ailleurs, la commission spéciale a pris le parti de ne pas fixer de contreparties dans la loi. Adopter ces amendements reviendrait à déroger à ce principe.

Par conséquent, la commission spéciale émet un avis défavorable sur ces deux amendements.

Mme la présidente. Quel est l’avis du Gouvernement ?

M. Emmanuel Macron, ministre. L’article 80 bis A introduit par l’Assemblée nationale ne vise que le cas spécifique des commerces alimentaires, dont il ne s’agit pas de modifier les règles d’ouverture, puisqu’ils sont actuellement ouverts tous les dimanches jusqu’à 13 heures, sans aucune compensation.

Il apparaît légitime d’imposer une forme de compensation pour les salariés travaillant le dimanche dans les plus grands magasins d’alimentation, c’est-à-dire ceux dont la surface de vente est supérieure à 400 mètres carrés. En effet, limiter l’obligation de compensation aux commerces alimentaires d’une surface de plus de 400 mètres carrés permet d’éviter tout nouveau débat sur la nature de la compensation, puisque ces grandes surfaces sont en mesure d’offrir ces compensations. Nous sommes donc dans une situation différente de celle dont il était question auparavant, dans la mesure où les acteurs sélectionnés sont à même de financer des contreparties.

Par conséquent, tous les débats sur le point de savoir si la loi peut fixer le niveau de la compensation ou non, si un tel niveau de compensation est soutenable selon les différents secteurs et selon les différentes tailles d’entreprise, n’ont pas lieu d’être ici.

Le Gouvernement vous avait alors proposé, et cela a été validé par vos votes successifs, de renvoyer à des accords collectifs.

Cependant, la situation est différente en ce qui concerne les commerces alimentaires, dans la mesure où il est question uniquement de l’ouverture cinquante-deux dimanches jusqu’à 13 heures, et que l’on se situe dans un secteur économique homogène avec des acteurs ayant une surface économique supérieure à 400 mètres carrés. Dans ce cas spécifique, il apparaît, en effet, souhaitable de fixer dans la loi un seuil de compensation.

Les deux amendements proposés vont tous les deux dans ce sens. Néanmoins, pour les raisons qui ont été évoquées dans son exposé des motifs par Mme Nicole Bricq, le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 1237 au profit de l’amendement n° 619.

M. le président. Madame David, l'amendement n° 1237 est-il maintenu ?

Mme Annie David. Une fois n’est pas coutume, nous allons retirer notre amendement au profit de celui qu’ont présenté nos collègues du groupe socialiste.

Néanmoins, l’amendement n° 619 est moins ambitieux que le nôtre, dans la mesure où il propose une majoration d’au moins 30 %, alors que nous souhaitions une majoration d’au moins 50 %.

Il nous avait semblé plus simple, et surtout plus juste, puisqu’il est question depuis le début des débats, en tout cas de votre part, monsieur le ministre, d’introduire de la justice et de la simplification à travers ce projet de loi, de prévoir pour les salariés des commerces de détail dans l’alimentaire une majoration d’au moins 50 % identique à celle des autres salariés qui travaillent le dimanche.

Mais, soit, je retire l’amendement, madame la présidente.